Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2011 COMC 221

Date de la décision : 2011-11-14

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par CEG License Inc. à l’encontre de la demande nº 1,411,592 pour la marque de commerce LOCAL PUBLIC EATERY au nom de Joey Tomato’s (Canada) Inc.   

 

[1]               Le 22 septembre 2008, Joey Tomato’s (Canada) Inc. (la Requérante) a produit une demande visant à enregistrer la marque de commerce LOCAL PUBLIC EATERY (la Marque). La demande est fondée sur l’emploi projeté de la Marque au Canada en liaison avec les marchandises et services suivants :

marchandises
(1) Articles pour boissons y compris verres à vin et autres verres, tasses et grandes tasses; sous-verres; porte-bouteilles de vin.
(2) Articles promotionnels, nommément chaînes porte-clés, drapeaux, macarons de fantaisie, cartes de souhaits, cartes de correspondance, crayons, stylos, grandes tasses à café et aimants, nommément aimants pour réfrigérateur.
(collectivement les Marchandises)


services
(1) Services de restaurant, de bar et de bar-salon; services de comptoir de mets à emporter, y compris services de commande en ligne de mets à emporter; services de traiteur.

(collectivement les Services)

[2]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 12 août 2009.   

[3]               Le 20 janvier 2010, CEG License Inc. (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition que le registraire a transmise à la Requérante le 2 février 2010. La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle nie les allégations de l’Opposante.

[4]               Un affidavit de Victor Choy, président de l’Opposante, a été produit à l’appui de l’opposition. Un affidavit de Britt Innes, directeur du marketing de la Requérante, a été produit à l’appui de la demande. Aucun des déposants n’a été contre-interrogé.

[5]               Les deux parties ont déposé un plaidoyer écrit. Aucune audience n’a été tenue.

Les motifs d’opposition

[6]               Quatre motifs d’opposition sont invoqués dans la déclaration d’opposition conformément à la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi). Cependant, dans son plaidoyer écrit, l’Opposante « se désiste » des trois premiers motifs d’opposition et, par conséquent, j’estime qu’ils ont été retirés. Je conviens également avec la Requérante que l’Opposante ne s’était pas acquittée de son fardeau initial à l’égard des trois premiers motifs d’opposition.

[7]               Le motif d’opposition qui a été maintenu se lit comme suit :  

[traduction] La marque de commerce visée par la demande n’est pas distinctive, eu égard aux dispositions de l’alinéa 38(2)d) et de l’article 2 de la Loi sur les marques de commerce, parce qu’elle n’est pas apte à distinguer les services de la Requérante des services d’autres propriétaires, particulièrement les services offerts par l’Opposante  sous les noms commerciaux LOCAL 510 PUBLIC TAVERN & KITCHEN et LOCAL 522 PUBLIC TAVERN & KITCHEN, ni n’est adaptée à distinguer les noms commerciaux de l’Opposante.

 

[8]               La dernière phrase du paragraphe ci-dessus n’a aucun sens et sera écartée. Pour ce qui est du reste du paragraphe, je souligne que l’Opposante n’a pas mentionné les Marchandises de la Requérante, de sorte que ce motif d’opposition peut, au mieux, être accueilli à l’égard des Services de la Requérante.

Date pertinente en ce qui concerne le motif fondé sur le caractère distinctif

[9]               La date pertinente pour apprécier la question du caractère distinctif est la date de production de l’opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F.)].

Fardeau initial en ce qui concerne le motif fondé sur le caractère distinctif

[10]           C’est à l’Opposante qu’incombe le fardeau initial d’établir que le 20 janvier 2010, l’un ou l’autre des noms commerciaux allégués était devenu suffisamment connu pour annuler le caractère distinctif de la Marque; la réputation du nom commercial devrait être importante, significative ou suffisante [voir Bojangles’ International LLC c. Bojangles Café Ltd. (2006), 48 C.P.R. (4th) 427 (C.F.)].

[11]           J’examinerai maintenant la preuve de l’Opposante pour voir si elle s’est acquittée de son fardeau initial. La preuve de l’usage ou de la réputation des noms commerciaux allégués en date du 20 janvier 2010 se résume ainsi.

[12]           Monsieur Choy affirme que l’Opposante [traduction] « exploite des restaurants, bars-salons et boîtes de nuit à Calgary (Alberta) connus comme étant Local 510 Public Tavern & Kitchen et Local 522 Public Tavern & Kitchen sous les noms commerciaux LOCAL 510 et LOCAL 522 » et que l’Opposante « a employé les noms commerciaux LOCAL 510 et LOCAL 522 en liaison avec des services de boîte de nuit, bar, taverne, restaurant et bar-salon depuis au moins le 31 mai 2009 ». Nulle part dans son affidavit a-t-il renvoyé aux noms commerciaux dont il est fait mention dans l’acte de procédure, nommément LOCAL 510 PUBLIC TAVERN & KITCHEN ou LOCAL 520 PUBLIC TAVERN & KITCHEN. Cependant, les diverses pièces produites par M. Choy montrent les logos suivants :

1.        


LOCAL 510 PUBLIC TAVERN & KITCHEN & DESIGN

2.
LOCAL 522 PUBLIC TAVERN & KITCHEN & DESIGN

[13]            Plus particulièrement, les logos figurent dans les pièces suivantes :

   Logo nº 1 :

         pièce G – copie d’un menu non daté

         pièce H – [traduction] « échantillons d’affiches annonçant les offres du jour » (ils portent des dates, nommément des journées en août et en octobre – bien que l’année ne soit pas indiquée, j’accepte le fait que ces affiches sont antérieures au 20 janvier 2010 parce que l’affidavit de M. Choy a souscrit son affidavit le 29 juillet 2010)

         pièces K à Q – copies d’affiches publiées dans le magazine Beatroute du Calgary Herald en juin, juillet, août, septembre, octobre, novembre et décembre 2009;

   Logo nº 2 :

         pièce D – reçu daté du 4 juin 2010 (postérieur à la date pertinente) et des copies non datées de cartes professionnelles

         pièce E – copie d’un menu non daté

         pièce F – copie d’un menu corporatif non daté

         pièce H – [traduction] « échantillons d’affiches annonçant les offres du jour » (ils portent des dates, nommément des journées en novembre – bien que l’année ne soit pas indiquée, j’accepte le fait que ces affiches sont antérieures au 20 janvier 2010 parce que M. Choy a souscrit son affidavit le 29 juillet 2010)

         pièce I – échantillons d’affiches/publicités non datées

         pièces N, O, P, Q  – copies d’affiches publiées dans le magazine Beatroute magazine du Calgary Herald en septembre, octobre, novembre et décembre 2009.

[14]           La Requérante a souligné que même si M. Choy affirme que les noms commerciaux LOCAL 510 et LOCAL 522 sont employés au Canada, il n’a jamais dit que les noms LOCAL 510 PUBLIC TAVERN & KITCHEN et LOCAL 522 PUBLIC TAVERN & KITCHEN l’étaient. De plus, même si M. Choy affirme que les logos reproduits ci-dessus démontrent l’emploi du [traduction] « nom commercial et du logo connexe », j’interprète sa déclaration comme si les logos montrent l’emploi du nom commercial LOCAL 510 ou LOCAL 522 et du logo connexe parce que ce sont les seuls noms commerciaux dont il a fait mention dans son affidavit.

[15]           L’article 2 de la Loi définit « nom commercial » comme étant le « nom sous lequel une entreprise est exercée, qu’il s’agisse ou non d’une personne morale, d’une société de personnes ou d’un particulier ». De toute évidence, les logos 1 et 2 reproduits ci-dessus sont utilisés comme marques de commerce. La question est de savoir si les mots qui composent les marques peuvent aussi être des noms commerciaux. Je ne connais aucune décision portant que cela est impossible.  Dans les circonstances de l’espèce, incluant le fait qu’aucun autre nom commercial ne figure sur les documents, je vais considérer l’emploi des logos comme un emploi des deux noms commerciaux allégués, même si M. Choy ne les a pas désignés ainsi.

[16]           Cependant, la preuve relative à l’emploi des noms commerciaux allégués antérieure au 20 janvier 2010 comprend seulement un ou deux menus du jour et tout au plus sept publicités qui ont été publiées dans un magazine associé au Calgary Herald. Comme il y a plus d’éléments de preuve se rapportant au nom commercial LOCAL 510 PUBLIC TAVERN & KITCHEN, je vais me concentrer sur la question de savoir si l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial à l’égard de ce nom commercial. Si elle ne s’en est pas acquittée, elle ne s’est pas non plus acquittée du fardeau à l’égard de l’autre nom commercial.

[17]           Monsieur Choy a fourni les chiffres de ventes de 2009 [traduction] « pour LOCAL 510 et LOCAL 520 »; lesquels ont excédé un million de dollars et deux millions de dollars respectivement. Toutefois, on ne sait pas exactement dans quelle mesure ces chiffres se rapportent aux noms commerciaux allégués, le cas échéant.

[18]           Monsieur Choy a fourni les chiffres moyens relatifs au tirage quotidien du journal Calgary Herald en 2009, à savoir 124 607 copies (pièce R). Une telle preuve constitue du ouï-dire qui n’est pas admissible en preuve, mais je peux admettre d’office la diffusion générale du Calgary Herald à titre de journal canadien important [voir Northern Telecom Ltd. c. Nortel Communications Inc. (1987), 15 C.P.R. (3d) 540 (C.O.M.C.)]. Toutefois, comme l’a fait remarquer la Requérante, il n’y a [traduction] « aucune information quant au lien entre les chiffres relatifs au tirage quotidien du Calgary Herald et la diffusion du magazine Beatroute »  (paragraphe 17, plaidoyer écrit de la Requérante).

[19]           En résumé, certains éléments de preuve indiquent qu’on a fait la promotion du nom commercial LOCAL 510 PUBLIC TAVERN & KITCHEN avant le 20 janvier 2010; la question consiste donc à savoir si la réputation suffit à annuler le caractère distinctif de la Marque.

[20]           Nous ne savons pas combien de personnes ont vu les menus du jour produits par M. Choy comme pièce H. Il reste donc les sept publicités publiées dans un magazine du Calgary Herald. Sont-elles suffisantes pour affaiblir le caractère distinctif de la Marque de la Requérante? À cet égard, je renvoie à la première partie du paragraphe 33 de Bojangles’ International LLC, reproduite ci-dessous :

[33] Les propositions qui suivent résument la jurisprudence pertinente portant sur le caractère distinctif lorsqu’il est allégué que la réputation d’une marque annule le caractère distinctif d’une autre marque, selon l’article 2 et l’alinéa 38(2)d) de la Loi :

-     La charge de la preuve incombe à la partie qui allègue que la réputation de sa marque empêche la marque de l’autre partie d’être distinctive;

-     Toutefois, il incombe encore à l’auteur de la demande d’enregistrement de prouver que sa marque est distinctive;

-     Une marque devrait être connue au Canada au moins jusqu’à un certain point pour annuler le caractère distinctif d’une autre marque;

-     Subsidiairement, une marque pourrait annuler le caractère distinctif d’une autre marque si elle est bien connue dans une région précise du Canada;

-     Le propriétaire d’une marque de commerce étrangère ne peut pas simplement affirmer que sa marque de commerce est connue au Canada; il doit plutôt présenter une preuve claire à ce sujet;

-     La réputation de la marque peut être prouvée par n’importe quel moyen; elle n’est pas limitée aux moyens précis mentionnés à l’article 5 de la Loi; il appartient au décideur de soupeser la preuve sur une base individuelle.

 

[…]

[21]           Tel qu’il est indiqué à la quatrième puce ci-dessus, lorsque la réputation d’une opposante se limite à une région précise du Canada, l’opposante s’acquitte de son fardeau initial si sa marque de commerce (ou nom commercial) est bien connue dans cette région. Cependant, la preuve dont je dispose ne me permet pas de conclure que le nom commercial de l’Opposante était bien connu à Calgary. Comme je ne suis pas convaincue que la réputation du nom commercial allégué était importante, significative ou suffisante à la date pertinente, j’estime que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau initial, de sorte que le motif fondé sur le caractère distinctif est rejeté.

[22]           Même si j’étais arrivée à la conclusion que l’Opposante avait présenté une preuve suffisante pour s’acquitter de son fardeau initial, cela ne signifie pas que le motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif aurait été accueilli. Je le précise pour deux raisons. Premièrement, la Requérante a démontré qu’elle a commencé à employer sa Marque avant le 20 janvier 2010 et sa réputation, combinée aux différences entre la Marque et les noms, était suffisante pour empêcher la confusion. Deuxièmement, comme l’a fait valoir la Requérante, il y a une ambiguïté relativement à la question de savoir si les noms commerciaux allégués avaient été utilisés par plus d’une personne morale. La preuve relative à ce second point est la suivante.

[23]           Monsieur Choy a attesté ce qui suit : [traduction] « Le nom commercial LOCAL 510 a été enregistré pour emploi en Alberta en liaison avec des services de restaurant et de bar-salon offerts par 1454402 Alberta Inc. le 27 mars 2009 ». Il explique que 1454402 Alberta Inc. est un prédécesseur de Local 510 Public Tavern & Kitchen Ltd. et qu’il est le seul propriétaire et directeur de Local 510 Public Tavern & Kitchen Ltd. et de l’Opposante. Il affirme que Local 510 Public Tavern & Kitchen Ltd. et l’Opposante sont des entités apparentées, mais il n’explique pas ce que fait Local 510 Public Tavern & Kitchen Ltd. Il a toutefois produit comme pièce A la copie d’un document intitulé « Alberta Trade Name/Partnership Search » datée du 27 juillet 2010 qui montre le prédécesseur de Local 510 Public Tavern & Kitchen Ltd. comme étant le propriétaire du nom commercial LOCAL 510. Selon un document intitulé « Alberta  Corporation/Non-Profit Search » fourni à titre de pièce B, avant le 4 octobre 2009, la personne morale connue sous le nom de Local 510 Public Tavern & Kitchen Ltd. était connue sous le nom de Local 522 Public Tavern & Kitchen Inc., laquelle était connue comme étant 1454402 Alberta Inc. avant le 8 septembre 2009.

[24]           Comme je l’ai déjà mentionné, M. Choy ne dit pas que l’Opposante utilise le nom  commercial LOCAL 510 PUBLIC TAVERN & KITCHEN. Il fournit plutôt la preuve qu’une autre entreprise (Local 510 Public Tavern & Kitchen Ltd.) est la propriétaire inscrite du nom Local 510; une telle preuve signifie que Local 510 Public Tavern & Kitchen Ltd., et non l’Opposante, est propriétaire du nom commercial allégué LOCAL 510 PUBLIC TAVERN & KITCHEN. Monsieur Choy affirme que l’Opposante utilise le nom commercial LOCAL 510 alors peut-être qu’elle l’utilise dans le cadre d’une licence accordée par la propriétaire du nom commercial enregistré. Cependant, il n’y a aucune disposition de la Loi selon laquelle l’emploi d’un nom commercial par une compagnie liée, que ce soit dans le cadre d’une licence ou autrement, serait favorable au propriétaire du nom commercial [voir Gould Inc. c. Gould Fasteners Ltd. (1998), 85 C.P.R. (3d) 549 (C.O.M.C.), p. 556]. Dans l’ensemble, il n’est pas certain que les noms commerciaux allégués sont distinctifs de l’Opposante.

[25]           Les diverses parties en liaison avec les noms commerciaux allégués, la réputation associée à la Marque de la Requérante à la date pertinente et les différences entre la Marque et les noms sont tous des facteurs qui auraient pu nuire au succès du motif fondé sur le caractère distinctif si j’avais conclu que l’Opposante s’était acquittée de son fardeau initial.

Décision

[26]            Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en application du par. 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition conformément au par. 38(8) de la Loi.

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Jill W. Bradbury

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Mylène Borduas

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