Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2013 COMC 88

Date de la décision : 2013-05-10 TRADUCTION

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par River Island Clothing Co. Limited à l’encontre de la demande d’enregistrement nº 1,351,950 pour la marque de commerce RIVER ISLAND au nom de International Clothiers Inc.

[1]               Le 15 juin 2007, International Clothiers Inc. (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement pour la marque RIVER ISLAND (la Marque) fondée sur l’emploi projeté au Canada en liaison avec des « services de magasin de vente de vêtements au détail » (les Services).

[2]               La demande a été annoncée aux fins d'opposition dans l'édition du Journal des marques de commerce du 1er octobre 2008.

[3]               Le 7 novembre 2008, River Island Clothing Co Limited (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition à l’encontre de la demande d’enregistrement relative à la Marque. Les motifs d’opposition soulevés peuvent être résumés comme suit :

  • conformément aux dispositions des alinéas 38(2)(a) et 30(i) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, c T-13 (la Loi), la Requérante n’a pu se déclarer convaincue de son droit d’employer la Marque en liaison avec les Services puisqu’elle a déposé la demande [TRADUCTION] « de mauvaise foi, en pleine conscience et en connaissant l’existence de la notoriété de l'Opposante au Canada se rapportant à son nom commercial River Island Clothing Co. Limited et sa marque de commerce RIVER ISLAND, dans le domaine de l’habillement, des accessoires de mode et des services de magasin de vente au détail de vêtements et d’accessoires de mode et plus particulièrement de vêtements pour hommes, femmes, garçons et filles et de vêtements de sport, nommément des costumes, manteaux, vestes, capes, robes, jupes, pantalons, pantalons décontractés, jeans, combinaisons, shorts, pulls, cardigans, jerseys, chandails, sweat-shirts, blouses, gilets sans manches [sic], chemises, t-shirts, imperméables, parkas, maillots de bain, ceintures, chapeaux, écharpes, foulards, cravates, gants, sous-vêtements, lingerie, soutien-gorge, sous-vêtements, bas, chaussettes, collants, mi-bas, robes d’intérieur, chemises de nuit, vêtements de nuit, bottes, chaussures, pantoufles, sandales; bandeaux [sic], parures de cheveux et pour les services suivants : services de magasin de détail et services de magasin de détail d’accessoires de mode (les Marchandises et Services de l’Opposante) » ;

 

  • conformément aux dispositions des alinéas 38(2)(a), 30(i) et 7(b) de la Loi, la Requérante n’a pu se déclarer convaincue de son droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Services puisque l’adoption et l’emploi de la Marque en liaison avec lesdits services « appelleraient l’attention du public sur ses services de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada » entre les Services et les marchandises, les services et l’entreprise de l’Opposante, à l’encontre des dispositions des alinéas 30(i) et 7(b) de la Loi à la lumière de la notoriété de l’Opposante au Canada se rapportant à son nom commercial et à sa marque de commerce dans le domaine de l’habillement et des services de magasin de détail de vêtements et d’accessoires de mode;

 

  • en vertu de l'alinéa 38(2)d) et de l'article 2 de la Loi, la Marque n'a pas de caractère distinctif. La Marque ne distingue pas et ne peut pas distinguer les Services des marchandises, des services et de l’entreprise de l’Opposante, et elle n’est pas adaptée de façon à les distinguer compte tenu de la notoriété du nom commercial et de la marque de commerce au Canada acquise par l’Opposante dans le domaine de l’habillement, des accessoires de mode et des services de magasin de détail de vêtements et d’accessoires de mode.

[4]               La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration niant les allégations de l'Opposante et en exigeant la preuve.

[5]               À l’appui de son opposition, l’Opposante a produit deux affidavits de Zeina Waked, parajuriste employée par l’agent de l’Opposante (souscrits respectivement le 14 août 2009 et le 3 septembre 2009), ainsi qu’un affidavit de John Moore, secrétaire de la société de l’Opposante. Mme Waked et M. Moore ont été contre-interrogés relativement à leurs affidavits et les transcriptions et réponses aux engagements font partie du dossier.

[6]               La Requérante a produit l’affidavit de Keith Chung, avocat et procureur employé par l’agent de la Requérante, et l’affidavit de Paul Brener, comptable agréé et vice-président Finances et Administration de la Requérante. M. Chung et M. Brener ont été contre-interrogés au sujet de leurs affidavits et les transcriptions font partie du dossier.

[7]               Je remarque qu’en ce qui concerne le contre-interrogatoire de M. Brener, l’Opposante a soulevé une objection préliminaire concernant le fait que les réponses aux engagements n’ont pas été consignées officiellement. En particulier, l’Opposante demande que je tire une conclusion défavorable du fait que la Requérante a omis de produire les réponses aux engagements. Je note que l’omission n’était pas substantielle, mais qu’elle résultait plutôt d’un défaut de supervision technique et administrative. Plus précisément, je note que la Requérante a produit les réponses aux engagements, directement au registraire, un jour après la date limite de l’Opposante pour ce faire. Étant donné que les réponses ont été produites par la mauvaise partie, et après la date limite, les parties ont été informées que ces réponses ne seraient pas consignées et l’Opposante a eu la possibilité de déposer une requête de prolongation de délai pour enregistrer officiellement les réponses [voir le paragraphe 44(4) des Règlements]. L’Opposante a choisi de ne pas le faire. Je n’estime pas qu’il convient, dans les circonstances, de tirer une conclusion défavorable du fait que les réponses aux engagements n’ont pas été consignées dans la présente procédure. J’estime plutôt que, d’un point de vue essentiellement juridique, l’auteur d’affidavit a répondu aux engagements pris en contre-interrogatoire et que la question est de nature purement technique. Enfin, tout en ne souhaitant pas tirer une conclusion défavorable, je n’accorderai aucune importance aux réponses qui n’ont pas été consignées.

[8]               Les deux parties ont produit des plaidoyers écrits et étaient représentées à l’audience. Les deux parties ont présenté des observations sérieuses, dans leurs plaidoyers écrits et à l’audience, fondées sur la preuve et la jurisprudence pertinente. J’ai examiné l’ensemble des observations et de la preuve au dossier. Ma décision fera seulement référence aux parties des observations et de la preuve que j’estime être directement pertinentes par rapport à mes conclusions.

Fardeau de preuve et dates pertinentes

[9]               C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Il incombe toutefois à l'Opposante de faire en sorte que chacun de ses motifs d’opposition soit dûment plaidé et de s’acquitter du fardeau de preuve initial en établissant les faits sur lesquels elle appuie ses motifs d’opposition [voir John Labatt Limitée c. Les Compagnies Molson Limitée (1990), 30 CPR (3d) 293 (CFPI), à la page 298].

[10]           Les dates pertinentes qui s'appliquent aux motifs d'opposition soulevés sont les suivantes :

         alinéas 38(2)(a)/30 – la date de dépôt de la demande [voir Georgia-Pacific Corp c. Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 à 475 (COMC) et Tower Conference Management Co c. Canadian Exhibition Management Inc (1990), 28 CPR (3d) 428 à 432 (COMC)].

         alinéas 38(2)(d)/2 – la date de production de la demande d’opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc c. Stargate Connections Inc (2004), 34 CPR (4th) 317 (CF)].

Motifs d’opposition fondés sur l’alinéa 30(i)

Allégation de commercialisation trompeuse (paragraphe 7(b) de la Loi)

[11]           J’examinerai d’abord le second motif d’opposition fondé sur la non-conformité à l’alinéa 30(i). Dans ce motif d’opposition, l’Opposante allègue que la Requérante n’a pu se déclarer convaincue de son droit à employer la Marque au Canada en liaison avec les Services parce que l’adoption et l’emploi de la Marque « appelleraient l’attention du public sur ses services de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada » ce qui va à l’encontre du paragraphe 7(b) de la Loi. Le paragraphe 7(b) de la Loi est une codification solennelle de l’action en common law pour le délit de commercialisation trompeuse.

[12]           Je fais remarquer que le registraire a considéré précédemment l’article 7(b) comme motif d’opposition valide selon le principe général que le registraire ne peut admettre l’enregistrement d’une marque si l’emploi que le requérant fait de la marque enfreint la législation fédérale [voir Institut National des Appellations d’Origine c. Pepperidge Farm (1997), 84 CPR (3d) aux pages 540 à 556-557 (COMC)].

[13]           Les trois critères d’une action pour commercialisation trompeuse (selon le paragraphe 7(b) de la Loi) sont : (a) l’existence de l’achalandage; (b) décevoir le public par fausse représentation, et (c) des dommages véritables ou potentiels causés au demandeur [voir Ciba-Geigy Canada Ltd c. Apotex Inc [1992] 3 SCR 120 au paragraphe 33]. 

[14]           Ainsi, pour satisfaire à son fardeau ultime, l’Opposante doit présenter une preuve suffisante attestant des faits allégués, y compris et surtout de l’allégation voulant que l’Opposante ait acquis une notoriété sous la marque de commerce RIVER ISLAND au Canada à la date du dépôt de la demande d’enregistrement de la Marque. L’Opposante soutient qu’elle y est parvenue; cependant, pour les raisons exposées dans les paragraphes suivants, je ne suis pas d’accord.

[15]           M. Moore fournit des statistiques sur le nombre de visites du site Web de l’Opposante effectuées par des Canadiens (paragraphe 15 et pièce E). En particulier, M. Moore affirme que, de 2007 à 2009, entre 5 000 et 40 000 Canadiens ont visité le site Web de l’Opposante. Les statistiques sont tirées d’un rapport d’analyse généré par Google Analytics (pièce E). Je remarque que les premiers chiffres datent de la fin 2007, de sorte que cette preuve est postérieure à la date pertinente pour ce motif d’opposition. De plus, le rapport a été préparé par une tierce partie et il constitue donc une preuve par ouï-dire. Indépendamment de la question du ouï-dire, même si je pouvais prendre en considération les données de Google Analytics à l’appui de ce motif d’opposition, je remarque que dans le contre-interrogatoire, M. Moore a reconnu que l’on ne pouvait savoir si ces Canadiens avaient eu l’intention de visiter le site Web de l’Opposante ou s’ils y étaient arrivés par hasard, ou si ces particuliers étaient effectivement des clients des magasins de l’Opposante (Q119-130). Je suis d’accord avec la Requérante lorsqu’elle soutient que la preuve montrant seulement les visites canadiennes sur un site Web, en l’absence de toute autre preuve relative à la notoriété au Canada (par ex. ventes ou publicités directement reliées au marché canadien), serait probablement insuffisante pour en conclure que la marque était devenue connue au Canada dans une grande mesure.

[16]           Mme Waked joint à son affidavit du 3 septembre 2009 des imprimés tirés du site Web de Vaughan Mills annonçant l’ouverture du premier magasin de la Requérante, mais fait référence à l’Opposante et au site Web de l’Opposante (pièces ZW-1, ZW-2, ZW-3 et ZW-4). Comme l’a souligné la Requérante à l’audience, les imprimés sont datés du 31 août 2009 et en conséquence, cette preuve est postérieure à la date pertinente pour ce motif d’opposition et elle ne peut donc être invoquée pour soutenir ce motif d’opposition.

[17]           M. Moore joint à son affidavit des imprimés du site Web ebay.ca montrant une jupe à vendre (pièce J). Il y est indiqué que la jupe provient du magasin de l’Opposante. Premièrement, je remarque que les imprimés sont postérieurs à la date pertinente; par conséquent, ils ne peuvent être invoqués pour soutenir ce motif d’opposition. Même si je pouvais prendre en considération les imprimés, je remarque que M. Moore a reconnu dans le contre-interrogatoire que l’on ne sait pas d’où provient la jupe, qui l’a achetée ni même si elle avait été achetée sur le site Web ebay.ca, de sorte que l’on ne peut établir clairement qu’il s’agit là d’une preuve de la vente de produits de l’Opposante au Canada (Q262-285).

[18]           Pendant son contre-interrogatoire, on a montré à M. Brener un imprimé du site Web www.dealcetera.ca qui semble présenter un coupon pour le magasin de la Requérante dans le centre commercial Vaughan Mills, mais fait référence l’Opposante (pièce PB7 au contre-interrogatoire de M. Brener). Premièrement, je remarque que cet imprimé est postérieur à la date pertinente; par conséquent, il ne peut être invoqué pour soutenir ce motif d’opposition. Deuxièmement, je remarque qu’en supposant que je puisse examiner cet élément de preuve, il constitue une preuve par ouï-dire inadmissible.

[19]           Dans son plaidoyer écrit, la Requérante soutient que M. Moore, tout en alléguant que RIVER ISLAND est [TRADUCTION] « l’une des marques grand public les plus connues de la Grande-Bretagne » et que les ventes de ses produits et services RIVER ISLAND sont substantielles, a reconnu dans son contre-interrogatoire que l’Opposante n’a pas de magasin au Canada et n’a pas réalisé de ventes au Canada (voir l’affidavit de M. Moore, paragraphes 8-12 et Q44-48 et 68 en contre-interrogatoire). La Requérante soutient qu’il n’a pas été démontré qu’un Canadien a déjà acheté de marchandises dans un des magasins de l’Opposante ou qu’un Canadien connaît les magasins de l’Opposante. Je suis d'accord avec les observations de la Requérante.

[20]           La Requérante justifie son observation selon laquelle l’Opposante n’a pas acquis de notoriété au Canada en liaison avec sa marque RIVER ISLAND par la preuve suivante :

a.       les pièces A et B de l’affidavit de M. Chung montrent que l’Opposante avait déposé deux demandes au Canada qui ont toutes deux été abandonnées faute d’avoir produit des déclarations d’emploi, et un enregistrement qui a été radié en vertu de l’article 45 de la Loi (voir l’affidavit de M. Chung, paragraphes 5-8, pièces C-F);

b.      la pièce C de l’affidavit de M. Moore est une copie d’un catalogue de commande par correspondance pour le magasin de l’Opposante au Royaume-Uni. La Requérante soutient que rien ne prouve que le catalogue a été expédié au Canada, et de plus, la devise indiquée dans le catalogue étant la livre sterling, cela établit le fait que le catalogue est un document du Royaume-Uni;

c.       la pièce D de l’affidavit de M. Moore est constituée de copies d’imprimés du site Web de l’Opposante, les prix y sont indiqués en livres sterling et rien n’indique que l’Opposante a des magasins au Canada (Q62, 108, 110 du contre-interrogatoire de M. Moore);

d.      la pièce F de l’affidavit de M. Moore est constituée de copies de brochure d’entreprise de l’Opposante. En contre-interrogatoire, M. Moore a reconnu qu’aucun des magasins décrits dans la brochure n’est situé au Canada et que rien ne prouve qu'un Canadien a déjà vu les magasins de l'Opposante ou cette brochure (Q169-Q170);

e.       la pièce I de l’affidavit de M. Moore contient des imprimés de pages de site Web dans une langue dont l’Opposante affirme être du coréen. Cela n’a rien à voir avec l’argument que l’Opposante possède une prétendue notoriété au Canada (Q247-248; 258-259 du contre-interrogatoire de M. Moore).

[21]           Ayant examiné la preuve au dossier et les observations des parties, je conclus que l’Opposante n’a pas démontré l’emploi ou la notoriété de la marque de commerce RIVER ISLAND au Canada. Bien que je reconnaisse que l’Opposante est largement présente dans le marché européen, cette preuve est insuffisante pour conclure à sa notoriété au Canada.

[22]           Compte tenu de ce qui précède, le motif d’opposition fondé sur les alinéas 30(i) et 7(b) ne peut être retenu étant donné que l’Opposante n’a pas établi la preuve de la notoriété de sa marque RIVER ISLAND au Canada.

Allégation de mauvaise foi

[23]           Lorsqu’un requérant fournit la déclaration exigée par l’alinéa 30(i), le motif fondé sur cet alinéa ne devrait être retenu que dans des cas exceptionnels, comme lorsque la preuve permet d’établir la mauvaise foi du requérant [voir Sapodilla Co Ltd c. Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC) à la page 155]. La Requérante a fourni la déclaration nécessaire. L’Opposante allègue que la Requérante a déposé la demande d’enregistrement de la Marque [TRADUCTION] « de mauvaise foi, en pleine conscience et en connaissant l’existence de la notoriété de l’Opposante au Canada se rapportant à son nom commercial River Island Clothing Co. Limited et sa marque de commerce RIVER ISLAND » dans le domaine de l’habillement, des accessoires de mode et de la vente au détail de ces articles.

[24]           L’Opposante fonde son allégation de mauvaise foi sur : la conduite de M. Brener en contre-interrogatoire; la preuve pour laquelle l’Opposante allègue qu’elle permet de conclure que la Requérante avait à son actif plusieurs demandes d’enregistrement de marques de commerce similaires à des marques établies, et le fait que la Requérante, ou une entité reliée à la Requérante, a déjà été engagée dans d’autres litiges de marques de commerce (c.-à-d. Tommy Hilfiger, French Connection, Target Apparel).

[25]           J’examinerai successivement les trois observations présentées à l’appui de ce motif d’opposition.

[26]           L’Opposante soutient d’abord que la conduite de M. Brener en contre-interrogatoire, et plus généralement le choix de M. Brener en tant que déposant d’affidavit de la Requérante, permet de conclure que la Requérante est de mauvaise foi. L’agent de la Requérante a contesté plusieurs questions posées en contre-interrogatoire sur la base de la pertinence, incluant celles qui sont détaillées ci-après. Afin de déterminer si ces refus étaient appropriés dans les circonstances, je note que bien que le cadre des questions posées dans un contre-interrogatoire puisse aller au-delà de l’affidavit proprement dit, les questions doivent porter sur les points pertinents à la procédure d’opposition [voir Joseph E Seagram & Sons Ltd c. Seagram Real Estate Ltd (1984), 3 CPR (3d) 325 (COMC) à la page 332; Coca-Cola Ltd c. Cie Française de Commerce International Cofci SA (1991), 35 CPR (3d) 406 (COMC) à la page 412; Distrimedic Inc c. Richards Packaging Inc (2012), 108 C.P.R. (4th) 33 (COMC) aux paragraphes 19-20].

a.       L’agent de la Requérante s’est opposé aux questions posées portant sur les étiquettes de la Requérante et sur une photographie de vitrine de magasin de la Requérante (Q109-125 et pièces PB2 et PB4; Q221-224 et PB8). M. Brener n’a pas semblé non plus reconnaître les étiquettes de la Requérante qui lui ont été montrées pendant le contre-interrogatoire.

                                                              i.      À l’audience, la Requérante a fait valoir que ces questions n’étaient pas pertinentes puisqu’elles concernaient d’abord des faits postérieurs aux dates pertinentes pour les motifs d’opposition, et qu’ensuite elles portaient sur des documents qui n’avaient pas été reconnus par M. Brener et qui ne pouvaient donc dûment constituer des pièces de son contre-interrogatoire. Je suis d’accord avec les observations de la Requérante et je conclus que ces refus étaient appropriés dans les circonstances.

b.      M. Brener ne connaissait pas très bien les types de produits vendus dans le magasin RIVER ISLAND de la Requérante du centre commercial Vaughan Mills (Q170-176).

                                                              i.      La Requérante a fait valoir que ces questions n’étaient pas pertinentes, car elles portaient sur des circonstances postérieures aux dates pertinentes puisque le magasin de la Requérante n’a ouvert qu’en août 2009. Je suis d’accord avec les observations de la Requérante et je conclus donc que ces refus étaient appropriés dans les circonstances.

c.       L’agent de la Requérante s’est opposé aux questions portant sur l’incident du site Web de Vaughan Mills (Q181-195).

                                                              i.      À l’audience, la Requérante a fait valoir que ces questions n’étaient pas pertinentes, car elles portaient sur des circonstances postérieures aux dates pertinentes. Je suis d’accord et conclus donc que ces refus étaient appropriés dans les circonstances.

d.      L’Opposante a fait valoir que M. Brener n’a pas semblé bien renseigné au sujet des activités de la Requérante; il n’était pas certain de la nature des produits vendus dans le magasin de la Requérante et ne connaissait pas bien les étiquettes ou la vitrine, etc.

                                                              i.      La Requérante a fait valoir que M. Brener est comptable et qu’il n’est pas responsable d’opérations pour la Requérante. De plus, la Requérante a fait valoir que c’est une grande société comptant de nombreuses marques de sorte qu’on ne s’attendrait pas à ce que quelqu’un occupant le poste de M. Brener connaisse parfaitement les détails des opérations effectuées sous la Marque. Je suis convaincue, après avoir examiné l’ensemble de la preuve de M. Brener, qu’il avait qualité pour produire la preuve par affidavit à l’appui de la demande concernant la Marque.

[27]           J’aimerais ajouter que même si M. Brener avait répondu aux questions portant sur l’incident du site Web de Vaughn Mills et sur la vitrine et les étiquettes de la Requérante, cette preuve aurait été postérieure aux dates pertinentes et elle n’aurait donc pas été pertinente quant aux objections dans la présente opposition, de toute façon.

[28]           La deuxième observation faite par l’Opposante à l’appui de son allégation de mauvaise foi est que les actions de la Requérante étaient similaires à celles de M. Marcon dans Cerverceria Modelo, SA de CV c. Marcon (2008), 70 CPR (4th) 355 (COMC). En particulier, l’Opposante a souligné le fait que des imprimés provenant de la base de données des marques de commerce de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC) démontrent que la Requérante, ou l’une de ses sociétés liées, a déposé une série de demandes d’enregistrement de marques de commerce similaires à des marques sans doute établies qui ont été finalement abandonnées (pièce PB9 au contre-interrogatoire de M. Brener). L’Opposante soutient que cela permet de conclure que la Requérante avait à son actif plusieurs demandes d’enregistrement de marques de commerce déjà enregistrées par d’autres entités.

[29]           Les résultats présentés à M. Brener en contre-interrogatoire émanaient d’une recherche, dans la base de données des marques de commerce de l’OPIC, des demandes de marque de commerce avec le statut « inactive » détenu par International Clothiers Inc. Le document, daté du 5 octobre 2010, comprend seulement une liste de marques de commerce et le statut qui leur est rattaché (abandonnée/radiée).

[30]           La Requérante s’est opposée aux résultats de la recherche en tant que pièce, étant donné que M. Brener n’a pas été en mesure d’identifier le document. La Requérante a également contesté la pertinence des questions relatives aux résultats de la recherche (Q225-229).

[31]           Je suis d’accord avec les observations de la Requérante et je refuse d’accorder du poids aux résultats de la recherche. En conséquence, je ne suis pas convaincue que l’Opposante a fourni une preuve suffisante à l’appui de la deuxième observation pour défendre l’allégation de mauvaise foi, et je la repousse.

[32]           La troisième observation de l’Opposante, à l’appui de son allégation de mauvaise foi, est que la Requérante connaît bien le droit relatif à la propriété intellectuelle, ayant été partie prenante dans divers litiges de propriété intellectuelle au fil des années, ce qui lui a permis d’être assez subtile pour adopter intentionnellement une marque identique à la marque de l’Opposante en liaison avec des services identiques en tentant d’usurper l’achalandage de l’Opposante. L’Opposante justifie cette observation par les décisions dans trois litiges de marques de commerce auxquels la Requérante ou l’une de ses sociétés liées était partie.

[33]           Premièrement, l’Opposante signale le cas Tommy Hilfiger Licensing Inc c. International Clothiers Inc [2004] Carswell Nat 2103 (CAF) dans lequel la Requérante était en litige avec Tommy Hilfiger pour contrefaçon et violation du droit d’auteur. L’Opposante fait valoir que le fait que la Requérante était partie à ce litige justifie de conclure que la Requérante a connaissance du droit des marques de commerce et qu’elle a décidé sciemment d’adopter la marque de l’Opposante. Je n’accepte pas les observations de l’Opposante sur ce point. Le conclus que la participation de la Requérante dans ce litige indépendant n’a aucune conséquence sur la présente procédure d’opposition.

[34]           Deuxièmement, l’Opposante signale la décision d’opposition dans l’affaire French Connection Ltd c. International Clothiers Inc [2007] CarswellNat 2281 (COMC) où la demande de la Requérante pour la marque FHUK a été repoussée en raison de la confusion avec la marque de commerce FCUK appartenant à French Connection Ltd. L’Opposante fait valoir que la Requérante a déposé auparavant au moins une demande d’enregistrement d’une marque de commerce similaire à une marque de commerce enregistrée, qu’elle a perdu dans une procédure d’opposition et que ces faits permettent de conclure que la Requérante a adopté intentionnellement la marque de l’Opposante de mauvaise foi. Encore une fois, je n’accepte pas les observations de l’Opposante sur ce point. Le fait que la Requérante était partie à une procédure d’opposition se rapportant à une marque de commerce sans rapport avec la présente affaire n’est pas pertinent pour apprécier les intentions de la Requérante à la date de dépôt de la demande d’enregistrement de la Marque.

[35]           Enfin, l’Opposante signale le cas Bereskin & Parr c. Fairweather Ltd (2005), 40 CPR (4th) 92 (COMC); rév. 58 CPR (4th) 50 (CF). Il s’agissait d’une décision en vertu de l’article 45 concernant la marque de commerce TARGET APPAREL qui appartenait à une société liée à la Requérante. La Requérante soutient, et je suis d’accord, que les faits de ce cas sont complètement hors de propos et non applicables en l’espèce.

[36]           Ayant examiné la preuve et les observations des parties, je ne suis pas convaincue que l’Opposante a présenté une preuve suffisante pour s’acquitter de son fardeau ultime conformément à l’alinéa 30(i) de la Loi, et le premier motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30(i) est donc rejeté.

 

Motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif – Alinéa 38(2)(d) de la Loi

[37]           Bien que la Requérante ait le fardeau ultime de démontrer que la Marque distingue véritablement ses Services des services d’autres propriétaires au Canada, ou qu’elle est adaptée à les distinguer ainsi [voir Muffin Houses Incorporated c. The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 CPR (3d) 272 (COMC)], il incombe à l’Opposante de faire en sorte de s’acquitter du fardeau de preuve initial en établissant les faits sur lesquels elle appuie son motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif.

[38]           Selon le fardeau qui lui incombe, l’Opposante a l’obligation de démontrer, qu’à la date de dépôt de la déclaration d’opposition, l’une au moins des marques RIVER ISLAND et le nom commercial River Island Clothing Co. Limited de l’Opposante étaient devenus suffisamment connus pour faire perdre à la Marque son caractère distinctif [voir Bojangles’ International, LLC c. Bojangles Café Ltd (2004), 40 CPR (4th) 553, confirmé (2006), 48 CPR (4th) 427 (CF)].

[39]           J’adopte les conclusions ci-dessus dans le motif d’opposition fondé sur les alinéas 30(i) et 7(b) sur la question du défaut de l’Opposante d’établir la preuve d’une notoriété de sa marque RIVER ISLAND au Canada, avec la modification suivante. Je note que le rapport de Google Analytics est antérieur à la date pertinente pour le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif et il pourrait donc être pertinent pour montrer que des Canadiens ont visité le site Web de l’Opposante (affidavit de M. Moore, pièce E). Indépendamment de la question du ouï-dire, je remarque que même si le rapport de Google montre quelques visites du site Web de l’Opposante effectuées par des Canadiens, je ne suis pas convaincue que cette preuve suffit à démontrer que la marque RIVER ISLAND de l’Opposante était devenue suffisamment connue au Canada pour faire perdre à la Marque son caractère distinctif. En conséquence, l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve et le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif est donc rejeté.


 

Décision

[40]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m'ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette l'opposition en vertu de l’article 38(8) de la Loi.

______________________________

Andrea Flewelling

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Geneviève Dard, trad. a.

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