Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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DANS L’AFFAIRE DES OPPOSITIONS PAR Rona Inc aux demandes d’enregistrement No. 884106 et 885948 pour les marques de commerce LACOMPÉTITION RIT JAUNE et WOW! C’EST JAUNE ET C’EST BEAUCOUP MOINS CHER! produites par  Matériaux à bas prix Ltée .

 

 

I Les Procédures

 

Matériaux à bas prix Ltée (la « Requérante ») a déposé le 10 juillet 1998 une demande pour l’enregistrement de la marque de commerce LA COMPÉTITION RIT JAUNE (la «Marque1»), fondée sur un emploi depuis le 6 juin 1998, en liaison avec les services d’exploitation d’une entreprise de distribution en gros et de vente au détail de matériaux de construction (les « Services »). La demande d’enregistrement fut publiée le 17 mars 1999 dans le journal des marques de commerce.

 

La Requérante a également produit le 29 juillet 1998 une demande pour l’enregistrement de la marque de commerce WOW! C’EST JAUNE ET C’EST BEAUCOUP MOINS CHER! (la «Marque2», les Marque1 et Marque2 seront collectivement désignées les « Marques » ), fondée sur un emploi depuis le 19 juillet 1998, en liaison avec les Services. La demande d’enregistrement fut également publiée le 17 mars 1999 dans le journal des marques de commerce.

 

Rona Inc. (« l’Opposante ») a produit, le 3 mai 1999 dans le dossier de la Marque1, et le 8 mai 1999 dans le dossier de la Marque2, des déclarations d’opposition soulevant les mêmes motifs d’opposition qui peuvent se résumer comme suit :

 

1)      La demande d’enregistrement ne satisfait pas aux exigences de l’article 30 de la loi sur les marques de commerce (« Loi ») en ce que :

 

a)      la Requérante n’a pas employé comme il est dit ses Services en association avec les Marques;

b)      alternativement ou cumulativement, la Requérante a abandonné en tout ou en partie  les Marques;

c)      c’est faussement que la Requérante s’est dite convaincue d’avoir le droit à l’emploi au Canada des Marques et ce eu égard à ce qu’aux présentes mentionné;

 

2)      Eu égard aux dispositions de l’article 16 de la Loi, la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement des Marques car :

 

a)      Les Marques portaient à confusion avec la marque de commerce SI CE N’EST PAS JAUNE, CE N’EST PAS RONA L’ENTREPÔT de l’Opposante antérieurement employée ou révélée au Canada en liaison avec ses produits et ses services reliés à l’opération et gestion d'établissements commerciaux traitant de la vente d'articles et d'accessoires de jardinage, d'articles et d'accessoires de jardin, de produits horticoles, d'articles et d'accessoires de plomberie, d'articles et d'accessoires d'électricité et d'éclairage, d'articles de quincaillerie, d'articles et d'accessoires de ferronnerie, de meubles, de peinture, vernis et solvants et d'accessoires de peinture, d'articles et d'accessoires de décoration, de matériaux et d'accessoires de construction, de rénovation, d'appareils et d'articles domestiques et ménagers, de petits et gros outils manuels et électriques, de systèmes de sécurité, d'articles et d'accessoires de piscine, d'articles et d'accessoires de ferblanterie, d'articles et d'accessoires de chauffage, de climatisation et de ventilation, d'articles et d'accessoires de serrurerie, d'articles et d'accessoires électriques et électroniques, d'articles et d'accessoires de décoration de Noël, d'articles de sport, de loisir, de pêche et chasse, de jouets, d'articles et d'accessoires pour bébés, de documentation et de vidéos sur la construction et la rénovation, d'articles et d'accessoires pour l'aménagement paysager, d'articles et d'accessoires pour animaux, d'articles et d'accessoires pour automobiles et camions, vente et installation d'articles et d'accessoires de jardinage, d'articles et accessoires de jardin, de produits horticoles, d'articles et accessoires de plomberie, d'articles et d'accessoires d'électricité et d'éclairage, articles de quincaillerie, d'articles et d'accessoires de ferronnerie, de meubles, de peinture, vernis et d'accessoires de peinture, d'articles et d'accessoires de décoration, de matériaux et d'accessoires de construction, de rénovation, d'appareils et d'articles domestiques et ménagers, de petits et gros outils manuels et électriques, de systèmes de sécurité, d'articles et d'accessoires de piscine, d'articles et d'accessoires de ferblanterie, d'articles et d'accessoires de chauffage, de climatisation et de ventilation, d'articles et d'accessoires de serrurerie, d'articles et accessoires électriques et électroniques, d'articles et d'accessoires de décoration de Noël, d'articles de sport, de loisir, de pêche et chasse, d'articles et d'accessoires pour l'aménagement paysager, d'articles et d'accessoires pour animaux, d'articles et d'accessoires pour automobiles et camions; service conseil et de conseillers dans le domaine de la quincaillerie, de la construction, de la rénovation, de la décoration et de l'aménagement paysager; service de location d'outils. (« Services de l’Opposante »)

b)      Les demandes d’enregistrement sous opposition ne sont pas conformes aux dispositions de l’article 30 de la Loi et les Marques n’en sont pas des employées mais en sont des projetées ou abandonnées, le tout contrairement aux dispositions de l’article 16(1) introductif de la Loi;

 

3)      Eu égard aux dispositions des articles 2 et 38(2)(d) de la Loi, les Marques ne sont pas distinctives des Services, ni ne peuvent l’être ainsi que ne sont-elles pas aptes à les distinguer :

 

a)      eu égard principalement à ce qu’aux présentes mentionné quant aux adoption, emploi et révélation de la marque de l’Opposante;

b)   par suite de leur transfert, il subsistait des droits chez deux ou plusieurs personnes à l’emploi des Marques et ces droits ont été exercés par lesdites personnes concurremment et ce, contrairement aux dispositions du paragraphe 48 de la Loi;

c)   la Requérante a permis à des tiers d’employer au Canada les Marques- et de fait, ces tiers les ont employées- hors les cadres des dispositions législatives régissant l’emploi sous licence d’une marque et ce, contrairement aux dispositions de l’article 50 de la Loi.

 

La Requérante a produit le 23 juin 1999 une contre-déclaration d’opposition, dans chacun des dossiers, dans laquelle elle niait essentiellement les motifs d’opposition ci-haut décrits et ajoutait que, pour ce qui est du motif d’opposition invoqué sous l’article 16(1) de la Loi, l’Opposante avait omis de spécifier une date de premier emploi qui serait antérieure à la date de premier emploi alléguée dans la demande d’enregistrement sous opposition. Cette date d’emploi antérieure sera par ailleurs dévoilée dans la preuve de l’Opposante ci-après décrite, pour ainsi remédier à ce défaut.

 

Les parties ont produit un plaidoyer écrit et étaient représentées lors de l’audience.

 

II La preuve de l’Opposante

 

L’Opposante a produit dans chacun des dossiers un affidavit de M. Claude Bernier. Il était le vice-président marketing et développement de l’Opposante. Elle opère et dirige un groupement d’achats et de distribution de produits et services pour le bénéfice de marchands indépendants dont l’Opposante est l’actionnaire principal. La bannière RONA L’ENTREPÔT est employée pour désigner les magasins à grande surface où l’on y retrouve des matériaux et accessoires de construction et rénovation.

 

L’affiant allègue que l’Opposante a toujours mis l’emphase, depuis l’ouverture de son premier magasin sous la bannière RONA L’ENTREPÔT en juin 1994, sur la couleur jaune dans sa décoration intérieure et extérieure afin d’en faire un élément distinctif. Un débat à l’intérieur de ce litige porte sur cette affirmation. La Requérante prétend que c’est la couleur orange que l’Opposante utilise. Or cette discussion est inutile puisque ce sont des slogans et non une couleur qui font l’objet des présentes demandes d’enregistrement sous opposition. De plus l’Opposante n’a pas fondé son opposition sur des droits quelconques sur la couleur jaune. Je ne tiendrai donc pas compte de ces allégations, les jugeant non pertinentes à la présente instance.

 

M. Bernier allègue que l’Opposante a entrepris une vaste campagne publicitaire le 23 mars 1998 pour promouvoir ses services de vente et d’installation de matériaux et d’accessoires de construction et de rénovation. Il a fourni les montants dépensés en frais de publicité pour la promotion de la marque SI CE N’EST PAS JAUNE, CE N’EST PAS RONA L’ENTREPÔT, variant entre sept et neuf millions de dollars pour la période de 1998 à 2000. Des exemplaires de publicités publiées dans les journaux tels que La Presse, le Journal de Montréal, Le Soleil et le Droit  ont également été produits, ainsi que des copies de circulaires. Des audiocassettes et des vidéocassettes sur lesquelles sont enregistrés des commerciaux diffusés sur différentes chaînes de télévision et radiophoniques telles que TVA, Radio-Canada, TQS, CKMF, CITÉ et CKOI ont également été versées au dossier où on peut voir ou entendre la marque SI CE N’EST PAS JAUNE, CE N’EST PAS RONA L’ENTREPÔT. En raison de cette preuve, l’Opposante allègue que sa marque de commerce a acquis une notoriété instantanée au Québec de telle sorte que ladite marque et le mot « jaune » sont associés de façon systématique, dans l’esprit des consommateurs, aux produits et services offerts par l’Opposante.

 

M. Bernier allègue que les parties sont des concurrents et a produit un exemplaire d’une circulaire de la Requérante pour démontrer qu’elle met l’emphase sur la couleur jaune.

 

M.Bernier fut contre-interrogé. Il a confirmé qu’au printemps 1998 l’Opposante a refait toute l’identification de ses différentes bannières. Il a admis que certaines publicités ne contiennent pas le slogan « SI CE N’EST PAS JAUNE, CE N’EST PAS RONA L’ENTREPÔT », telles que les publicités dans la langue anglaise et certaines publicités concernant l’ouverture de nouveaux magasins. Cette admission contredirait en quelque sorte, selon la Requérante, le contenu du paragraphe 21 de son affidavit où il allègue que toutes les publicités de RONA L’ENTRPÔT contiennent ce slogan. Cette admission vient atténuer quelque peu l’ampleur des sommes dépensées en publicité pour la promotion des Services de l’Opposante en liaison avec cette marque de commerce.

 

Il a identifié certains manufacturiers d’outils qui emploient la couleur jaune dans leur publicité ou sur l’emballage de leurs produits. Il a également mentionné ne pas avoir eu connaissance de cas de confusion. Finalement, il a affirmé avoir connaissance de l’emploi des Marques par la Requérante, ce qui a pour effet, selon la Requérante, de contredire le motif d’opposition 1a) décrit ci-haut.

 

III La preuve de la Requérante

 

La Requérante a produit l’affidavit de M. Christian Richer.

 

M. Richer était le président de la Requérante et explique qu’elle œuvre, au Québec depuis 1985 et en Ontario depuis 1997, dans le domaine de la vente de matériaux de construction et de rénovation. Après avoir consulté une firme de publicité en février 1998, la Requérante adopta un logo dans lequel nous retrouvons la couleur jaune.

 

M. Richer a produit au soutien de son affidavit plusieurs échantillons de circulaires, distribuées entre juin 1998 et novembre 2000, où apparaissent les Marques, des exemplaires d’affiches sur lesquelles on retrouve les Marques, une photographie d’une enseigne extérieure sur laquelle apparaît la marque WOW! C’EST JAUNE ET C’EST BEAUCOUP MOINS CHER!, des copies de diverses annonces publiées dans le Journal de Montréal entre juillet 1998 et août 2000, et d’autres quotidiens tels que La Presse, la Tribune et le Droit comportant la marque WOW! C’EST JAUNE ET C’EST BEAUCOUP MOINS CHER! Les sommes dépensées en publicité pour la promotion des Services en liaison avec les Marques, pour la période de juin 1998 à novembre 2000 totalisent près de $935,000.

 

M. Richer affirme que les services offerts par les parties diffèrent en ce que :

- la Requérante n’œuvre que dans le domaine de la construction et de la rénovation, alors que l’Opposante offre des produits de quincaillerie, d’horticulture, appareils ménagers et des outils;

- la majorité des matériaux offerts par la Requérante sont des matériaux imparfaits alors que l’Opposante offre très peu de matériaux imparfaits;

- la Requérante a une politique de prix uniformes pour toutes ses succursales alors que les prix varient d’une succursale de l’Opposante à l’autre;

- la Requérante, contrairement à l’Opposante, n’offre aucun service de coupe de bois ou de céramique, ni de livraison;

- la surface des lieux opérés par la Requérante est de l’ordre de 5,000 à 10,000 pi.ca. alors que ceux de l’Opposante est supérieur à 100,000 pi.ca.

 

M. Richer fut également contre-interrogé. Puisqu’il existait un litige devant les tribunaux entre les parties, plusieurs questions se rapportaient à ce litige et n’avaient donc aucune pertinence aux présentes procédures d’opposition. Je maintiens donc pour ce motif toutes les objections formulées par la Requérante.

 

Il a admis faire référence à l’Opposante lorsqu’il est mention de « la compétition » dans les circulaires de la Requérante. De plus elle vend maintenant plus de matériaux de première qualité que des matériaux imparfaits.

 

 

IV Le droit applicable

 

La date pertinente pour analyser les différents motifs d’opposition varie selon le motif d’opposition soulevé. Ainsi, pour les motifs d’opposition fondés sur l’article 30 de la Loi, la date pertinente est celle du dépôt de la demande d’enregistrement (10 juillet 1998 pour le dossier 884106 et le 29 juillet 1998 pour le dossier 885948) [voir Dic Dac Holdings (Canada) Ltd v.Yao Tsai Co. (1999), 1 C.P.R. (4th) 263]. Lorsque le motif d’opposition est fondé sur l’alinéa 16(1) de la Loi, la date de premier emploi alléguée dans la demande d’enregistrement (6 juin 1998 pour le dossier 884106 et le 19 juillet 1998 pour le dossier 885948) est la date pertinente tel que stipulé audit article. Finalement, il est généralement reconnu que la date de dépôt de la déclaration d’opposition (le 3 mai 1999 pour le dossier 884106 et le 8 mai 1999 pour le dossier 885948) représente la date pertinente pour analyser le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif des Marques. [Voir Andres Wines Ltd. and E&J Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126 (F.C.A.) à la page 130 , Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 à la page 424 (F.C.A), et Metro-Goldwyn-Meyer Inc v. Stargate Connections Inc. [2004] F.C. 118]

 

Dans le cadre de procédures en matière d’opposition à l’enregistrement d’une marque de commerce, l’Opposante doit présenter suffisamment d’éléments de preuve, concernant les motifs d’opposition qu’elle soulève, afin qu’il soit apparent qu’il existe des faits qui peuvent supporter ces motifs d’opposition. La présence de ces faits obligera la Requérante de convaincre le registraire, selon la balance des probabilités, que les motifs d’opposition ne créent pas d’obstacles à l’enregistrement des Marques. [Voir Sunshine Biscuits Inc. c. Corporate Foods Ltd. (1982), 61 C.P.R. (2d) 53, Joseph Seagram & Sons Ltd. v. Seagram Real Estate Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 325 et John Labatt Ltd. c Molson Companies Limited, (1990), 30 C.P.R. (3d) 293]

 

V Analyse des motifs d’opposition

 

L’Opposante ne s’est pas déchargée de son fardeau initial de preuve concernant les motifs d’opposition 1b) et c), 3b) et c) décrits ci-haut et ce dans les deux dossiers d’opposition. Ils sont donc rejetés. Quant au second volet du deuxième motif d’opposition ci-haut décrit, le paragraphe introductif de l’article 16 de la Loi ne constitue pas en soi le fondement juridique du motif d’opposition basé sur le non-respect des formalités prévues à l’article 30 de la Loi. Je rejette donc, dans les deux dossiers d’opposition, le motif d’opposition 2b) décrit ci-haut.

 

Lors de l’audition l’Opposante a fait valoir un argument en droit non formulé dans son plaidoyer écrit, pour supporter les motifs d’opposition 2a) et 3a). L’Opposante allègue que la Requérante a fait une admission contre son intérêt dans le cadre de l’opposition qu’elle a produite dans le dossier de la demande d’enregistrement numéro 1005984 pour la marque SI CE N’EST PAS JAUNE, CE N’EST PAS RONA L’ENTREPÔT de l’Opposante, dans laquelle elle aurait allégué que ladite marque portait à confusion avec les Marques. Donc si j’arrivais à la conclusion qu’il y a preuve d’usage antérieur de cette marque de commerce, il y aurait admission de la part de la Requérante que ses Marques portent à confusion avec la marque SI CE N’EST PAS JAUNE, CE N’EST PAS RONA L’ENTREPÔT de l’Opposante. Pour ce seul motif, l’Opposante plaide que les demandes d’enregistrement pour les Marques doivent être rejetées.

 

L’Opposante a cité au soutien de ses prétentions, entre autres, trois décisions du registraire où un tel argument a été retenu pour faire rejeter une demande d’enregistrement ( General Foods c. Sunny Crunch Foods Ltd. (1987), 15 C.P.R. (3d) 380, Daniadown Quilts Ltd. c. Scandia Down Corp. (1990), 28 C.P.R. (3d) 179 et Lancôme Parfums et Beauté & Cie et al c. House of Devonshire Ltd (1991), 38 C.P.R. (3d) 432). Or dans chacune de ces décisions, la preuve de l’admission contre intérêt avait été produite en bonne et due forme au dossier. Dans notre cas, seule la demande d’enregistrement pour la marque de commerce SI CE N’EST PAS JAUNE, CE N’EST PAS RONA L’ENTREPÔT a été produite aux dossiers. Il est vrai que l’audition des présents dossiers a été réunie avec celle du dossier 1005984 mais cela n’a pas comme conséquence que la preuve ou les procédures versées dans ledit dossier font automatiquement partie de la preuve aux dossiers 884106 et 885948. Le contenu de chacun de ces trois dossiers diffère. Je suis conscient que l’agent de l’Opposante m’a remis, lors de l’audition des présents dossiers, une photocopie de la déclaration d’opposition produite par la Requérante dans le dossier 1005984 pour établir ses prétentions. Or les règles de preuve régissant les dossiers d’opposition sont claires : les règles 41 et 43 du règlement sur les marques de commerce (1996) et l’article 54 de la Loi prévoient que la preuve se fait par affidavit ou par la production d’une copie certifiée conforme par le registraire. Donc je ne peux admettre en preuve dans les présents dossiers la photocopie de la déclaration d’opposition produite par la Requérante dans le dossier1005984. En l’absence de cette preuve, je me dois de rejeter cet argument aussi attrayant soit-il.

 

L’Opposante se réfère au circulaire du mois de juin 1998, pièce CR-2, pour démontrer que la Requérante n’aurait pas employé la Marque1 à la date de premier emploi mentionnée dans sa demande d’enregistrement, soit le 6 juin 1998, mais plutôt le slogan LA COMPÉTITON RIT JAUNE COMPAREZ NOS PRIX! tel qu’illustré ci-après :

 

 

 

 

 

 

 

Selon l’Opposante, la preuve révélerait plutôt que la Requérante a débuté l’emploi de la Marque1 à compter de juillet 1998. Bien que le fardeau initial de preuve repose sur l’Opposante lorsque le motif d’opposition est fondé sur le non-emploi de la marque à la date de premier emploi alléguée dans la demande d’enregistrement, l’Opposante peut se référer à la preuve versée au dossier par la Requérante pour satisfaire ce léger fardeau. [Voir Tune Masters c. Mr. P’s Mastertune Ignition Services Ltd. (1986) 10 C.P.R. (3d) 84 (T.M.O.B.), Hearst Communications Inc. c. Nesbitt Burns Corp.,(2000) 7 C.P.R. (4th) 161 (T.M.O.B). Labatt Brewing Co. c. Molson Breweries, a Partnership (1996), 68 C.P.R. (3d) 216 (F.C.T.D.) et Williams Telecommunications Corp. c. William Tell Ltd., (1999) 4 C.P.R. (4th) 107 (T.M.O.B)] Dans le présent cas, je dois déterminer si l’emploi de la marque ci-haut illustrée constitue un emploi de la Marque1. L’honorable juge Pratte dans l’arrêt Registrar of Trade Marks v. CII Honeywell Bull, [1985] 1 F.C. 406, à la page 408 a défini, en ces termes, le test applicable pour déterminer si l’emploi d’une marque comportant certaines modifications pouvait constituer l’emploi de la marque déposée:

The problem to be resolved is not whether CII deceived the public as to the origin of its goods. It clearly did not. The real and only question is whether, by identifying its goods as it did, CII made use of its trade mark BULL. That question must be answered in the negative unless the mark was used in such a way that the mark did not lose its identity and remained recognizable in spite of the differences between the form in which it was registered and the form in which it was used. The practical test to be applied in order to resolve a case of this nature is to compare the trade mark as it is registered with the trade mark as it is used and determine whether the differences between these two marks are so unimportant that an unaware purchaser would be likely to infer that both, in spite of their differences, identify goods having the same origin.”

 

Je ne considère pas que l’emploi de LA COMPÉTITION RIT JAUNE COMPAREZ NOS PRIX constitue un usage de la Marque1. En effet, le slogan entier est écrit en noir à l’intérieur de la même figure géométrique sur fond jaune. Il n’y a rien pour séparer les deux composantes de ce slogan. De plus le symbole « MD » est situé à la fin du slogan et non après « LA COMPÉTITION RIT JAUNE ». Finalement, il n’y a qu’un symbole de ponctuation, situé à la fin du slogan pour confirmer qu’il s’agit d’un seul élément.

 

Ainsi la preuve au dossier soulève de sérieux doutes quant à l’emploi de la Marque1 en liaison avec les Services à compter du 6 juin 1998. La Requérante se devait donc de prouver l’emploi de la Marque 1 en liaison avec les Services à compter de ladite date, fardeau qu’elle n’a pas été en mesure de se décharger. Dans les circonstances, j’accueille le motif d’opposition 1a) ci-haut décrit, en ce qui concerne la Marque1 uniquement car l’Opposante ne s’est pas déchargée de son fardeau initial pour ce qui est de la Marque2.

 

Pour trancher le sort des motifs d’opposition 2a) et 3a) je dois déterminer, sur la base de la balance des probabilités, s’il y a risque de confusion entre la Marque2 et la marque de commerce SI CE N’EST PAS JAUNE, CE N’EST PAS RONA L’ENTREPÔT. [Voir Telus Corporation c. Orange Communications Services Limited, 2005 F.C. 590, le 29 avril 2005 et Christian Dior, S.A. et Dion Neckwear Ltd [2002] 3 C.F.405(CAF)]

 

Pour procéder à cette analyse je dois tenir compte de toutes circonstances jugées pertinentes dont celles énumérées à l’article 6(5) de la Loi à savoir a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'ils suggèrent.

 

Il est clairement établi que la liste des circonstances énumérées à l’article 6(5) de la loi n’est pas exhaustive et qu’il n’est pas nécessaire d’accorder une même importance à chacun de ces critères. [Voir à titre d’exemple Clorox Co. c. Sears Canada Inc. (1992), 41 C.P.R.(3d) 483 (F.C.T.D.) et Gainers Inc. c. Marchildon (1996), 66 C.P.R. (3d) 308 (F.C.T.D.)] L’honorable juge Cattanach dans Canadian Schenley Distilleries Ltd. c Canada’s Manitoba Distillery Ltd. (1975), 25 C.P.R. (2d) 1 a décrit le test de la confusion de la façon suivante:

«To determine whether two trade marks are confusing one with the other it is the persons who are likely to buy the wares who are to be considered, that is those persons who normally comprise the market, the ultimate consumer. That does not mean a rash, careless or unobservant purchaser on the one hand, nor on the other does it mean a person of higher education, one possessed of expert qualifications. It is the probability of the average person endowed with average intelligence acting with ordinary caution being deceived that is the criterion and to measure that probability of confusion the Registrar of Trade Marks or the Judge must assess the normal attitudes and reactions of such persons.

In considering the similarity of trade marks it has been held repeatedly that it is not the proper approach to set the marks side by side and to critically analyze them for points of similarities and differences, but rather to determine the matter in a general way as a question of first impression. I therefore propose to examine the two marks here in dispute not for the purpose of determining similarities and differences but rather to assess the attitude of the average reasonable purchaser of the wares as a matter of first impression.»

 

Puisque j’ai déjà accueilli le premier motif d’opposition en rapport avec la Marque1 je procéderai à l’analyse des circonstances pertinentes uniquement en rapport avec la Marque2.

 

 

 

a)      le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;

 

La Marque2 possède un certain degré de caractère distinctif inhérent lorsqu’elle est employée en liaison avec les Services. Il en est de même pour la marque de commerce de l’Opposante. La présence du mot « RONA » a par ailleurs l’effet de rehausser le caractère distinctif de  la marque de l’Opposante. La différence de quelques jours entre les dates de premier emploi des marques en cause ne peut justifier en soi qu’une marque de commerce soit plus connue que l’autre. Toutefois, même s’il a été mis en preuve que les sommes dépensées en publicité par l’Opposante ne se limitaient pas uniquement à la marque SI CE N’EST PAS JAUNE, CE N’EST PAS RONA L’ENTREPÔT, nous pouvons présumer qu’une bonne proportion de ces sommes ont été dépensées pour la promotion des Services de l’Opposante en liaison avec, entre autres, la marque SI CE N’EST PAS JAUNE, CE N’EST PAS RONA L’ENTREPÔT. En effet la Requérante n’a été en mesure de démontrer que seules les publicités dans la langue anglaise et que quelques autres circulaires signalant l’ouverture de nouveaux magasins opérés par l’Opposante sous la marque RONA L’ENTREPÔT ne comportaient pas de référence à ladite marque de commerce. L’ampleur des sommes dépensées en publicité par l’Opposante dépasse largement celles dépensées par la Requérante en liaison avec la Marque2. Je peux donc conclure que la marque de l’Opposante était plus connue, au Québec à tout le moins, que la Marque2. [Voir Molson Breweries, a Partnership c. Moosehead Breweries Ltd. (1995) 64 C.P.R. (3d) 560]

b)      la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage

Bien que la marque de l’Opposante ait été employée antérieurement à la date de premier emploi de la Marque2, la différence se mesure en terme de jours et donc ce facteur ne peut avoir une incidence déterminante dans ce dossier.

c)      le genre de marchandises, services ou entreprises; et

d)      la nature du commerce

Il y a chevauchement entre les Services de la Requérante en liaison avec la Marque2 et les services de vente de matériaux de construction et rénovation de l’Opposante en liaison avec la marque SI CE N’EST PAS JAUNE, CE N’EST PAS RONA L’ENTREPÔT. Malgré les différences identifiées par la Requérante concernant la nature des entreprises des parties, elles ne sont pas d’une telle envergure qu’elles pourraient être un facteur déterminant en faveur de la Requérante.

e)      le degré de ressemblance entre les marques

Monsieur le juge Cattanach dans Beverly Bedding & Upholstery Co. v. Regal Bedding & Upholstery Ltd. (1980), 47 C.P.R. (2d) 145, conf. 60 C.P.R. (2d) 70 tenait les propos suivants:

Realistically appraised it is the degree of resemblance between the trade-marks in appearance, sound or in ideas suggested by them that is the most crucial factor, in most instances, and is the dominant factor and other factors play a subservient role in the over-all surrounding circumstances.

Les marques doivent être analysées dans leur ensemble et non pas les décortiquer pour trouver des similitudes ou des différences. Le test demeure celui de la mémoire imparfaite du consommateur moyen.[Canadian Schenley Distilleries Ltd. c. Canada’s Manitoba Distillery Ltd. (1975), 25 C.P.R. (2d) 1].

C’est en appliquant ces principes que j’en viens à la conclusion, que les marques des parties, lorsque prises dans leur ensemble, n’ont aucune ressemblance, tant phonétiquement, si ce n’est de la seule présence du mot « jaune », que visuellement et dans les idées qu’elles suggèrent.

f)       autres circonstances

L’Opposante, tel que mentionné précédemment, a fait grand état de l’emploi de la couleur jaune dans l’habillage de son commerce et de la publicité visant la promotion de ses services. Elle prétend que la Marque2 n’aurait aucun sens en l’absence de l’emploi de la couleur jaune par l’Opposante. Ce que l’Opposante recherche est l’équivalent d’un monopole de la couleur « jaune » en liaison avec ses services. Il s’agit à mon avis d’une façon détournée de plaider un moyen d’opposition non soulevé dans la déclaration d’opposition. Si l’Opposante désirait faire valoir des droits sur la couleur jaune en liaison avec les Services, elle n’avait qu’à inclure ce motif dans sa déclaration d’opposition. Je ne peux considérer cet argument, car cela aurait pour effet de permettre à l’Opposante de faire indirectement ce qu’elle ne peut faire directement, soit plaider un motif d’opposition qui ne fait pas partie de sa déclaration d’opposition. À tout événement, en présumant que le consommateur associe la couleur « jaune » à l’Opposante lorsqu’elle est employée en liaison avec des services de vente de matériaux de construction et de rénovation, je ne peux voir comment un consommateur moyen, avec une mémoire imparfaite, pourrait croire que les Services offerts en liaison avec la Marque2 proviennent de l’Opposante. La Marque2 doit être lue dans son ensemble et non se concentrer sur le mot « jaune ».

 

Je rejette donc le motif d’opposition 2a) ci-haut décrit car la Requérante s’est déchargée de son fardeau de démontrer, selon la balance des probabilités, que la Marque2 ne risque pas de causer de la confusion avec la marque de commerce de l’Opposante antérieurement employée en liaison avec des services de vente de matériaux de construction et de rénovation. Je fonde cette conclusion principalement sur l’absence de degré de ressemblance entre la marque WOW! C’EST JAUNE ET C’EST BEAUCOUP MOINS CHER!, et la marque SI CE N’EST PAS JAUNE, CE N’EST PAS RONA L’ENTREPÔT.

Je rejette également le motif 3a) ci-haut décrit en raison de l’absence de risque de confusion et ainsi la Requérante a démontré, selon la balance des probabilités, que la Marque2 était apte à distinguer ses Services des services des tiers, incluant ceux de l’Opposante.

Je tiens à souligner que les motifs d’opposition 2a) et 3a) ci-haut décrits auraient également été rejetés, en ce qui concerne la Marque1 et ce pour les mêmes raisons que celles formulées en rapport avec la Marque2.

 

VI Conclusion

 

En raison des pouvoirs qui m’ont été délégués par le registraire des marques de commerce en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la loi, et à la lumière de ce qui précède, je repousse la demande d’enregistrement numéro 884106 pour la marque de commerce LA COMPÉTITION RIT JAUNE ayant maintenu le motif d’opposition 1a).

 

Quant à la demande d’enregistrement numéro 885948 pour la marque de commerce WOW! C’EST JAUNE ET C’EST BEAUCOUP MOINS CHER!, je rejette l’opposition. Le tout selon les dispositions de l’article 38(8) de la Loi.

 

DATÉ À BOUCHERVILLE, QUÉBEC, CE 25 mai 2005.

 

 

 

Jean Carrière

Membre de la commission des oppositions des marques de commerce

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