Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

Référence : 2010 COMC 39

 

 

PROCÉDURE PRÉVUE À L’ARTICLE 45

MARQUE DE COMMERCE : VIRTUAL REALITY & DESSIN

NO D’ENREGISTREMENT : LMC495,058

 

 

 

[1]   Le 10 juillet 2007, à la demande d’Eva Gabor International, Ltd. (la Requérante), le registraire a envoyé l’avis prescrit par l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi), à 1459243 Ontario Inc., propriétaire inscrite de la marque de commerce susmentionnée (l’Inscrivante).

 

VIRTUAL REALITY & DESIGN

 

[2]   La marque de commerce VIRTUAL REALITY & DESSIN (illustrée ci‑dessus) est enregistrée pour emploi en liaison avec les marchandises et services suivants :

 

marchandises :

(1) postiches et perruques pour hommes et femmes,

services :

(1) greffe de cheveux et transplantation de cheveux.

 

[3]   L’article 45 exige que le propriétaire inscrit indique si la marque de commerce a été employée au Canada en liaison avec chacune des marchandises ou chacun des services que spécifie l’enregistrement, à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l’avis et, si elle ne l’a pas été, la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. En l’espèce, la période pertinente pour la preuve d’emploi va du 10 juillet 2004 au 10 juillet 2007.

 

[4]    L’emploi d’une marque de commerce est défini à l’article 4 de la Loi, qui énonce ce qui suit :

4. (1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

(3) Une marque de commerce mise au Canada sur des marchandises ou sur les colis qui les contiennent est réputée, quand ces marchandises sont exportées du Canada, être employée dans ce pays en liaison avec ces marchandises.

 

En l’espèce, ce sont les paragraphes 4(1) et (2) qui s’appliquent.

 

[5]   En réponse à l’avis du registraire, l’Inscrivante a fourni l’affidavit de Leslie Martin, souscrit le 7 avril 2008, auquel étaient jointes les pièces A à D. M. Martin déclare qu’il est le président de l’Inscrivante, poste qu’il occupe depuis la constitution de celle‑ci en société en 2001. Chaque partie a produit des observations écrites, et elles étaient toutes deux représentées à l’audience.

 

[6]   Il est bien établi que de simples assertions d’emploi ne suffisent pas à démontrer l’emploi dans le cadre de la procédure prévue à l’article 45 [Plough (Canada) Ltd c. Aerosol Fillers Inc. (1980), 53 C.P.R. (2d) 62 (C.A.F.)]. Bien que les exigences en matière de preuve d’emploi sous le régime de l’article 45 ne soient pas très élevées [Woods Canada Ltd. c. Lang Michener (1996), 71 C.P.R. (3d) 477 (C.F. 1re inst.), à la page 480], et même s’il n’est pas nécessaire de produire une surabondance de preuve, il faut néanmoins présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée au cours de la période pertinente en liaison avec les marchandises ou les services spécifiés dans l’enregistrement. En outre, le fardeau de preuve repose entièrement sur l’inscrivant [88766 Inc. c. George Weston Ltd. (1987), 15 C.P.R. (3d) 260 (C.F. 1re inst.)] et toute ambiguïté dans la preuve s’interprète contre lui [Plough (Canada) Ltd. c. Aerosol Fillers Inc., précité].

 

[7]   Je signalerai dès le départ qu’aucun élément de preuve ne se rapporte aux services « greffe de cheveux et transplantation de cheveux » décrits dans l’enregistrement. Puisque la preuve fait entièrement défaut à l’égard de ce service et qu’aucune circonstance spéciale n’a été invoquée pour justifier le non‑emploi, il y lieu de radier les services de l’enregistrement.

 

Vente dans la pratique normale du commerce

 

[8]   Pour ce qui est de la pratique normale du commerce, M. Martin explique que l’Inscrivante distribue des postiches pour hommes à des cliniques de greffe de cheveux et des salons de coiffure pour hommes (collectivement appelés les clients) dans tout le Canada, par l’intermédiaire de sa division First Lady Coiffures. À l’aide des renseignements fournis dans les circulaires promotionnelles, les clients placent leur commande auprès de l’Inscrivante, qui leur expédie les produits.

 

[9]   Dans la pièce C, M. Martin fournit des copies de factures ayant accompagné l’envoi de postiches pour hommes pendant la période pertinente et après. Je relève que les factures établies pendant la période pertinente ne font pas mention de la marque de commerce; elles portent cependant l’en-tête First Lady Coiffures – A Division of 1459243 Ontario Inc. ainsi qu’une adresse de facturation et d’expédition au Canada. En outre, des photocopies de rapports de vente indiquant des ventes de postiches VIRTUAL REALITY pour hommes pendant la période pertinente sont produites dans la pièce D. Les numéros de modèle, commençant par les lettres MSXTS, employés pour désigner les postiches dans les rapports de ventes sont également mentionnés dans les factures, à côté d’articles décrits comme [traduction] « postiches pour homme ». Cette preuve me convainc qu’au cours de la période pertinente, l’Inscrivante a vendu des postiches pour hommes dans la pratique normale de son commerce au Canada.

 

[10]           Je ferais remarquer que, bien que M. Martin affirme que [traduction] « toutes les factures de postiches pour hommes indiquent maintenant le numéro de modèle et la marque de commerce VIRTUAL REALITY » (non en italique dans l’original), aucune des factures établies pendant la période pertinente ne portait la marque de commerce. En ce qui concerne les rapports de vente, s’ils corroborent effectivement la déclaration de M. Martin voulant que des postiches pour hommes ont été vendues au Canada pendant la période pertinente, ils ne peuvent être considérés comme une preuve de la façon dont la marque de commerce était associée aux marchandises, puisqu’ils n’accompagnaient pas les marchandises au moment de leur transfert.

 

Emploi de la marque de commerce pendant la période pertinente

 

[11]           Relativement à l’emploi de la marque de commerce en liaison avec les marchandises, le déposant déclare, au paragraphe 4, que [traduction] « par l’intermédiaire de sa division First Lady Coiffures, [l’Inscrivante] a employé la marque de commerce VIRTUAL REALITY & DESSIN au Canada en liaison avec des postiches pour hommes pendant [la période pertinente] ». Aux paragraphes 5 et 6, il décrit trois façons dont la marque de commerce est associée aux postiches :

[traduction] 5. Bien qu’en raison de la nature spécialisée des produits, la marque de commerce VIRTUAL REALITY & DESSIN de 1459423 Ontario Inc. ne figure pas directement sur les postiches pour hommes, elle figure sur les circulaires promotionnelles distribuées aux clients par la division First Lady Coiffures de 1459423 Ontario Inc. Ces circulaires sont remises en personne par un directeur des ventes au cours de visites aux clients ou transmises par la poste. Elles sont souvent jointes aux commandes des clients au moment de l’expédition. Les clients de 1459423 Ontario Inc. s’en servent ensuite pour commander les produits de 1459423 Ontario Inc. commercialisés sous la marque VIRTUAL REALITY & DESSIN. [Je souligne.]

6. J’ai devant moi des photocopies d’exemples du type de circulaires promotionnelles que 1459423 Ontario Inc. a, dans la pratique normale de son commerce, distribué pendant la période pertinente aux cliniques de greffes de cheveux et salons de coiffure formant sa clientèle, par l’intermédiaire de sa division First Lady Coiffures.

 

[12]           Il est bien établi que du matériel publicitaire ne constitue généralement pas une preuve suffisante d’emploi de marchandises. Dans BMW Canada Inc. c. Nissan Canada Inc. (2007), 60 C.P.R. (4th) 181 (C.A.F.), la Cour d’appel fédérale a statué ainsi :

Il faut, pour que l’emploi d’une marque dans des annonces publicitaires et dans des documents de promotion soit suffisamment lié à une marchandise pour constituer un emploi, que les annonces publicitaires et les documents de promotion aient été donnés lors du transfert de la propriété ou de la possession des marchandises : voir Clairol International Corp. et al. c. Thomas Supply & Equipment Co. Ltd. et al. (1968), 55 C.P.R. 176, à la page 190 (Cour de l’Échiquier du Canada), et General Mills Canada Ltd. c. Procter & Gamble Inc. (1985), 6 C.P.R. (3d) 551 (C.O.M.C.).

 

[13]           Je me reporte également à la décision Timothy’s Coffee of the World Inc. c. Starbucks Corp. (1997), 79 C.P.R. (3d) 147 (C.O.M.C.), dans laquelle le commissaire Cooke a fait le raisonnement suivant :

[traduction] À mon avis, les catalogues et autres formulaires semblables servant à la vente par correspondance montrant une marque de commerce peuvent être considérés comme un emploi de cette marque lorsque combinés à d'autres matériels exhibant la marque de commerce au consommateur au moment du transfert des marchandises, comme des factures. Ainsi, la marque est portée à l'attention de l'acheteur au moment où il passe sa commande, ainsi qu'au moment où il reçoit les marchandises, ce qui satisfait au critère énoncé au paragraphe 4(1).

 

[14]           Par conséquent, l’envoi de circulaires promotionnelles portant la marque de commerce par la poste ou leur remise aux clients lors de visites de directeurs de ventes ne peut constituer une preuve d’emploi en liaison avec les marchandises. Autrement dit, pour qu’il y ait emploi au sens du paragraphe 4(1) de la Loi, il doit être démontré que les circulaires accompagnaient effectivement les postiches pour hommes au moment du transfert des marchandises dans le cours normal du commerce. Des trois méthodes de distribution des circulaires décrites par M. Martin, la seule qui permette de considérer la distribution de circulaires comme un emploi de la marque de commerce en liaison avec les postiches est lorsqu’elles [traduction] « sont souvent jointes aux commandes des clients au moment de l’expédition ».

 

[15]           À cet égard, la Requérante a fait valoir que le paragraphe 5 (précité) de l’affidavit de M. Martin étant rédigé au présent, il ne peut avoir pour effet d’indiquer comment la marque de commerce était employée pendant la période pertinente. L’Inscrivante lui a opposé que le paragraphe précédent de l’affidavit affirme clairement que la marque de commerce a été employée en liaison avec des postiches pour hommes pendant la période pertinente et que les déclarations du paragraphe 5 [traduction] « bien qu’elles soient au présent, décrivent [...] simplement de quelle façon la marque est utilisée ». L’Inscrivante soutient donc qu’il n’y a aucune ambiguïté relativement à la question de l’emploi de la marque en liaison avec les marchandises pendant la période pertinente.

 

[16]           C’est au registraire qu’il appartient de déterminer, en se fondant sur les déclarations de fait et la preuve à l’appui, si une marque de commerce a été employée au sens des articles 4 et 45 de la Loi pendant la période pertinente. En l’espèce, j’estime que la preuve soumise par l’Inscrivante sur ce point est ambiguë. Même si le déposant atteste que des circulaires promotionnelles ont été données aux clients pendant la période pertinente, aucun élément de preuve n’établit que l’usage particulier consistant à joindre ces circulaires aux commandes des clients était suivi pendant cette période. En fait, la preuve, prise dans son ensemble, n’indique pas que cet usage ait même débuté avant la signification de l’avis prévue par l’article 45. Elle suggère, au mieux, qu’il était en place au moment de l’affidavit.

 

[17]           Il aurait été simple pour le déposant d’indiquer clairement s’il entrait dans la pratique normale du commerce, pendant la période pertinente, d’adjoindre des circulaires aux commandes des clients. La seule conclusion que je puis tirer des déclarations de M. Martin est que cet usage était observé au moment de la rédaction de l’affidavit. Sans élément de preuve complémentaire, il m’est impossible de considérer que ces déclarations rendent compte d’un usage de l’Inscrivante suivi dans la pratique normale du commerce pendant la période pertinente, et je ne puis non plus inférer que cet usage a eu cours pendant cette période. Par conséquent, la preuve ne me convainc pas que les circulaires promotionnelles ont accompagné les marchandises vendues dans la pratique normale du commerce pendant la période pertinente.

 

[18]           En conséquence, je conclus que l’Inscrivante n’a pas fait la preuve de l’emploi de la marque de commerce en liaison avec des postiches pour hommes pendant la période pertinente.

 

[19]           Pour ce qui est des marchandises restantes les « perruques pour hommes » et les postiches et perruques pour femmes », l’Inscrivante a soutenu, dans son plaidoyer écrit, que les marchandises visées par l’enregistrement ayant été correctement et logiquement classées, il n’était pas obligatoire de fournir des éléments de preuve directe ou documentaire à l’égard de « chaque article de chaque catégorie », citant Saks & Co. c. Registraire des marques de commerce (1989), 24 C.P.R. (3d) 49 (C.F. 1re inst.), à l’appui de cet argument. Vu ma conclusion que l’Inscrivante n’a pas fait la preuve de la façon dont la marque de commerce était associée aux postiches pour hommes pendant la période pertinente, il n’est pas nécessaire d’examiner la pertinence de ces principes pour la présente espèce.

 

[20]           Pour les motifs exposés ci‑dessus, je conclus que l’Inscrivante n’a pas démontré que, pendant la période pertinente, elle a employé la marque de commerce au sens des articles 4 et 45 de la Loi en liaison avec les marchandises et services. Par conséquent, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je conclus qu’il y a lieu de radier l’enregistrement LMC495,058 visant la marque de commerce VIRTUAL REALITY & DESSIN en application de l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13.

 

FAIT À MONTRÉAL (QUÉBEC), LE 26 MARS 2010.

 

 

P. Fung

Agent d’audience

Commission des oppositions des marques de commerce

 

Traduction certifiée conforme

Ghislaine Poitras, LL.L., Trad. a.

 

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