Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT L’OPPOSITION de Procter & Gamble Inc. à la demande d’enregistrement n° 760,655 de la marque de commerce Dessin d’un dentifrice à rayures vertes, blanches et bleues produite par

Colgate-Palmolive Canada Inc.__________

 

 

Le 2 août 1994, Colgate-Palmolive Canada Inc. (la requérante) a produit une demande d’enregistrement  de la marque de commerce Dessin d’un dentifrice à rayures vertes, blanches et bleues (le dessin) fondée sur l’emploi projeté de la marque au Canada en liaison avec du dentifrice. La demande a reçu le numéro d’enregistrement 760,655.

 

Le dessin de la marque de commerce et la revendication de couleur sont reproduits ci-dessous :

                                                STRIPED TOOTHPASTE DESIGN - GREEN/WHITE/BLUE STRIPES

 

La marque de commerce se compose de rayures de couleur qui sont appliquées à du dentifrice. La représentation d’une dose de dentifrice circonscrite par un contour hachuré ne fait pas partie de la marque de commerce. La rayure supérieure est verte, la rayure inférieure est bleue et le reste est blanc. Les couleurs sont revendiquées comme une caractéristique de la marque.

 

La demande a été annoncée en vue de la procédure d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 8 novembre 1995.

 

Le 3 avril 1996, Procter & Gamble Inc. (l’opposante) a produit une déclaration d’opposition à la demande. La requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle nie les allégations de l’opposante.

 

À titre de preuve selon l’article 41 du Règlement sur les marques de commerce (1996), l’opposante a produit les affidavits de Douglas J. MacLean, Colleen Jay, Cedric G. Lam et John C. Robertson.

 

La requérante a obtenu des ordonnances l’autorisant à contre-interroger les auteurs d’affidavit de l’opposante. Ont été versées au dossier les transcriptions des contre-interrogatoires de M. Robertson, de M. MacLean et de Mme Jay ainsi que les réponses aux engagements données au cours du contre-interrogatoire de M. Robertson. M. Lam n’a pas été contre-interrogé.

 

À titre de preuve selon l’article 42, la requérante a produit les affidavits de Peter Ren et de Heather Tonner.

 

L’opposante a obtenu une ordonnance l’autorisant à contre-interroger M. Ren, mais elle ne l’a pas fait.

 

En 2004, l’opposante a obtenu l’autorisation de modifier sa déclaration d’opposition, ce qui a fait passer les motifs d’opposition de cinq à six. En réponse, la requérante a obtenu l’autorisation de modifier sa contre-déclaration pour nier les allégations soulevées dans le motif d’opposition supplémentaire.

 

Chaque partie a produit un plaidoyer écrit et participé à l’audience.

 

Le fardeau de la preuve

La requérante doit s’acquitter du fardeau de persuasion en établissant, par prépondérance de la preuve, que sa demande satisfait aux prescriptions de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi). Il incombe toutefois à l’opposante de produire des éléments suffisants de preuve admissible dont on puisse raisonnablement conclure que les faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition existent. [Voir la décision John Labatt Limitée c. Les Compagnies Molson Limitée, 30 C.P.R. (3d) 293, à la page 298, et l’arrêt Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior, S.A. et al. (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.).]

 

Résumé de la preuve

La preuve de l’opposante

Douglas J. MacLean est un recherchiste en propriété intellectuelle. Il fournit des copies de brevets concernant des dentifrices à rayures. En contre-interrogatoire, il a été établi qu’il ne sait pas si l’un ou l’autre des dentifrices visés par les brevets sont commercialisés.

 

Colleen Jay était la directrice générale par intérim du Centre de profit Santé et Soins de beauté de l’opposante. Elle donne les renseignements suivants :

         les circuits commerciaux qu’emprunte le dentifrice;

         au 20 juin 1997, le dentifrice était vendu au Canada sous deux formats : en tubes autonomes et en tubes sous emballage cartonné rectangulaire, aucun des deux formats ne permettant de voir le dentifrice avant l’ouverture du tube;

         au 20 juin 1997, le dentifrice CREST de l’opposante était vendu avec un sceau de sécurité; soit sur l’emballage, soit directement sur le tube (mais elle n’atteste pas que la pratique soit courante dans la profession);

         elle pense que la requérante a lancé le dentifrice à rayures au Canada au cours de 1995;

         elle a produit des échantillons de dentifrice commercialisés par la requérante sous la désignation COLGATE TOTAL « Rayures Fraîches », qu’elle a achetés le 19 juin 1997, portant des sceaux de sécurité (au cours du contre-interrogatoire, il a été établi que ce dentifrice, une fois ouvert, était vert et blanc);

         elle a produit des publicités télévisées recueillies par l’opposante au sujet de dentifrices à rayures provenant d’un concurrent sous la marque AQUAFRESH entre 1980 et 1996; elle a attesté que les registres historiques de l’opposante indiquent que SmithKline Beecham a vendu du dentifrice à rayures AQUAFRESH au Canada par depuis au moins 1979, au début à rayures doubles (« blanches et turquoise » ou « blanches et bleues ») et à partir du milieu des années 1980 à rayures triples (« blanches, bleues et rouges » ou « blanches, turquoise et rouges »);

         elle a fourni des échantillons de dentifrice AQUAFRESH achetés le 19 juin 1997 (je note que l’emballage du dentifrice AQUAFRESH fourni par Mme Jay ne permet pas de voir le dentifrice à rayures à l’intérieur).

 

Cedric G. Lam, stagiaire chez les agents de l’opposante, présente six dentifrices qu’il a achetés au Canada en juin 1997.

 

John C. Robertson est l’ancien président de Market Facts of Canada Ltd., maintenant retraité. À la demande de l’opposante, sa société a réalisé un sondage en février 1997 en vue d’établir si les personnes qui achètent du dentifrice ouvrent les emballages ou les tubes de dentifrice au moment de l’achat. Quatre-vingt-neuf pour cent ont dit ne pas ouvrir l’emballage et 98 % ont affirmé n’avoir jamais vérifié le dentifrice en pressant le tube pour faire sortir le dentifrice. Contre-interrogé, M. Robertson a été questionné en partie sur le caractère approprié des questions du sondage et sur la tendance des personnes interrogées à éliminer les réponses socialement inacceptables.

 

La preuve de la requérante

Peter Ren était le directeur adjoint de la Technologie de la société-mère de la requérante à la date de son affidavit, le 26 juillet 2004. Il a témoigné que les rayures de couleur du dessin-marque sont arbitraires et ne sont pas fonctionnelles. Il a également déclaré que le dessin-marque n’était pas encore employé au Canada, mais l’était ailleurs.

 

Heather Tonner, stagiaire chez les agents de la requérante, fournit divers dentifrices qu’elle a achetés de mai à juillet 2004 au Canada et qui étaient vendus dans des emballages partiellement transparents, qui laissaient voir le dentifrice au moment de l’achat.

 

Les motifs d’opposition fondés sur l’alinéa 38(2)a) (article 30)

La date à considérer sous le régime de l’article 30 est la date de production de la demande. [Voir la décision Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C.), à la page 475.]

 

Le premier motif d’opposition

Le premier motif d’opposition est ainsi formulé :

La demande de la requérante ne satisfait pas aux exigences de l’article 30 de la Loi sur les marques de commerce parce qu’au moment de la production de la demande, la requérante ne pouvait avoir été convaincue qu’elle avait droit d’enregistrer le dessin. La requérante savait ou aurait dû savoir que du dentifrice à rayures avait été offert à la vente et vendu au Canada par d’autres personnes depuis au moins 1984. La requérante ne pouvait donc pas être convaincue qu’elle avait droit à l’enregistrement du dessin.

 

Le motif fondé sur l’alinéa 30i) est rejeté pour diverses raisons. L’opposante ne s’est pas acquittée du fardeau de présentation initial, soit de savoir si la requérante était au courant que du dentifrice à rayures avait été offert à la vente et vendu au Canada par d’autres personnes depuis au moins 1984. Quoi qu’il en soit, même si la requérante le savait, cela ne signifie pas qu’elle ne pouvait pas avoir été convaincue qu’elle avait droit à l’enregistrement du dessin, du fait que son dessin était différent des dessins à rayures utilisés par d’autres personnes. En outre, dans le cas où un requérant a fourni la déclaration prescrite à l’alinéa 30i), le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i) ne peut être accueilli que dans des cas exceptionnels, par exemple en cas de mauvaise foi établie de la part du requérant. [Voir la décision Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol-Myers Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.), à la page 155.]

 

À l’audience, l’opposante a souligné que ses éléments de preuve incluaient des annonces de dentifrice, antérieures à la date de production de la demande de la requérante, qui établissaient l’existence de dentifrice à rayures doubles (blanches et une couleur qui pourrait être désignée bleu-vert ou turquoise, selon l’opposante) ou à rayures triples (vertes, blanches et rouges). L’opposante s’est appuyée sur cet élément pour s’acquitter de son fardeau de présentation. Toutefois, rien n’établit que la requérante était au courant de ces annonces antérieures. L’eût-elle été, le fait que l’emploi antérieur visait des rayures comportant des agencements de couleurs différents de ceux qui sont revendiqués dans la demande serait suffisant, peut-on soutenir, pour établir que la requérante était convaincue qu’elle avait droit d’utiliser son dessin.

 

Le deuxième motif d’opposition

Le deuxième motif d’opposition est libellé comme suit :

Conformément à l’alinéa 38(2)a) et compte tenu de l’alinéa 30e) de la Loi sur les marques de commerce, la requérante n’avait pas l’intention de faire usage de son dessin-marque au Canada en liaison avec les marchandises désignées dans la demande n° 760,655.

 

Ce motif d’opposition est rejeté lui aussi. L’argumentation de l’opposante, si je la comprends bien, consiste à dire que du fait que la requérante n’a pas encore employé son dessin, elle n’a jamais eu l’intention d’en faire l’emploi. L’argumentation de la requérante m’apparaît toutefois plus convaincante. Celle-ci fait valoir que l’opposante n’a produit aucun élément de preuve pour s’acquitter de son fardeau initial de présentation, établissant qu’à la date pertinente, c’est-à-dire au moment où la requérante a produit sa demande, celle-ci n’avait pas l’intention de faire usage du dessin visé. La requérante soutient aussi qu’on peut comprendre qu’elle n’ait pas encore commencé à employer son dessin étant donné que la procédure d’opposition n’est pas encore terminée. Elle fait également valoir que comme M. Ren n’a pas été soumis à un contre-interrogatoire de la part de l’opposante, il n’y a aucune raison qui justifie de ne pas interpréter son affidavit portant que le dessin [traduction] « n’est pas encore été employé au Canada » [non souligné dans l’original] comme indiquant que la requérante a toujours l’intention d’employer le dessin au Canada. Je note que le propriétaire d’une demande fondée sur l’emploi projeté n’est pas tenu de commencer à utiliser sa marque à un moment donné précis, encore qu’il doive le faire pour obtenir l’enregistrement.

 

Je conviens avec la requérante que le motif d’opposition échoue parce que l’opposante ne s’est pas acquittée du fardeau de présentation qui lui incombait.

 

Les motifs d’opposition fondés sur l’alinéa 38(2)b)

Le troisième motif d’opposition

Le troisième motif d’opposition est ainsi formulé :

Le dessin n’est pas enregistrable, et ne l’était pas à la date de la production de la demande, parce qu’il est appliqué aux marchandises de la requérante dans un seul but d’ornementation ou de décoration. Le dessin n’est pas appliqué aux marchandises en vue de distinguer le dentifrice de la requérante de celui d’autres personnes. Le dentifrice à rayures tel que celui faisant l’objet du dessin n’est donc pas une « marque de commerce » au sens de la Loi sur les marques de commerce et, par conséquent, n’est pas enregistrable.

 

Comme je l’expose dans ma décision SmithKline Beecham Inc. c. Procter & Gamble Inc. (2002), 28 C.P.R. (4th) 230, au paragraphe 12, [traduction] « … l’article 12, qui porte sur l’enregistrabilité, ne vise pas une argumentation selon laquelle une marque n’est pas une marque de commerce. Une opposition fondée sur l’allégation voulant qu’une marque ne soit pas une marque de commerce est recevable sous le régime de l’article 30 de la Loi. » De plus, un motif d’opposition qui n’est pas plaidé ne peut être pris en considération [Imperial Developments Ltd. c. Imperial Oil Ltd. (1984), 79 C.P.R. (2d) 12, à la page 21 (C.F.1re inst.)].

 

Pour les motifs qui précèdent, je rejette le troisième motif d’opposition. Néanmoins, dans l’hypothèse où j’aurais tort de rejeter ce motif pour insuffisance de l’acte de procédure, j’examinerai les questions qu’il soulève.

 

L’opposante a raison de dire qu’une marque appliquée à des marchandises dans un but d’ornementation ou de décoration seulement n’est pas enregistrable comme marque de commerce [W.J. Hughes & Sons « Corn Flowers » Ltd. c. Morawiec (1970), 62 C.P.R. 21 (C. de l’É.)]. Toutefois, le mot « seulement » est crucial. Comme l’exposent l’arrêt Samann c. Canada’s Royal Gold Pinetree Mfg. Co. (1986), 9 C.P.R. (3d) 223 (C.A.F.), à la page  231, ainsi que la décision Santana Jeans Ltd. c. Manager Clothing Inc. (1993), 52 C.P.R. (3d) 472 (C.F.1re inst.), à la page 478, tout dessin-marque possède à un certain degré un caractère ornemental.

 

Il n’y a pas de preuve en l’espèce que la requérante utilisera le dessin pour l’ornementation ou la décoration, et encore moins pour ces fins seulement. L’espèce diffère significativement de l’affaire W.J. Hughes où il avait été établi que le dessin visé était simplement une caractéristique décorative, employée pour renforcer l’attrait des marchandises auprès des acheteurs. Je note également que dans cette affaire des éléments de preuve établissaient que le dessin avait été utilise par au moins neuf concurrents pour décorer leurs marchandises.

 

L’espèce se distingue également de la décision Adidas (Canada) Ltd. c. Colins Inc. (1978), 28 C.P.R. (2d) 145 (C.F.1re inst.), qui visait une marque à rayures sans couleur particulière apposée sur des vêtements. Dans cette affaire, un témoignage d’expert avait établi que les rayures rendent un vêtement plus attrayant.

 

Je considère que la décision en matière d’opposition Dot Plastics Ltd. c. Gravenhurst Plastic Ltd. (1988), 22 C.P.R. (3d) 228 (C.O.M.C.), est la plus pertinente pour l’espèce. Dans cette décision, à la page 231, l’ancien président Partington déclarait :

 

[traduction] [E]n déterminant si une marque peut servir de « marque de commerce », il faut se demander si la marque est de nature ornementale ou fonctionnelle à un certain degré. Si une marque est strictement fonctionnelle ou a un aspect caractéristique découlant du processus de sa fabrication, il ne s’agit pas d’une marque de commerce. De même, les ornements dont on garnit les marchandises aux fins de rehausser leur présentation ne peuvent nullement faire l’objet d’une marque de commerce. En l’espèce, rien n’établit que la marque de la requérante est de nature fonctionnelle. En outre, l’opposante n’a produit aucun élément de preuve à l’appui des allégations de sa déclaration d’opposition portant que la marque de la requérante est de nature ornementale. Par conséquent, j’ai conclu que la marque de la requérante en l’espèce constitue une marque de commerce et j’ai donc rejeté le premier motif d’opposition invoqué par l’opposante. [Non souligné dans l’original.]

 

Par conséquent, si l’acte de procédure avait été correct, ce motif d’opposition aurait été rejeté pour défaut de l’opposante de s’acquitter de son fardeau initial de présentation. En l’absence d’éléments de preuve corroboratifs, il est prématuré de considérer qu’une marque dont l’emploi est projeté pourrait éventuellement être employée seulement à une autre fin que l’indication de source.

 

Le quatrième motif d’opposition

Le quatrième motif d’opposition est libellé comme suit :

À titre subsidiaire, le dessin n’est pas enregistrable, et ne l’était pas à la date de production de la demande visée, parce qu’il est essentiellement fonctionnel. Les rayures du dessin ont un caractère fonctionnel et l’enregistrement du dessin conférerait à la requérante un monopole sur des éléments fonctionnels ou des caractéristiques du dentifrice.

 

Je rejette également le quatrième motif d’opposition en raison des lacunes de l’acte de procédure. Néanmoins, encore une fois, dans l’hypothèse où je commettrais une erreur, j’examinerai les questions soulevées.

 

Je conclus que le dessin de la requérante n’est pas fonctionnel. Sans doute, des éléments de preuve établissent qu’une autre partie a utilisé des rayures pour du dentifrice en vue d’en indiquer la fonction (par exemple, voir le paragraphe 10 de l’affidavit Jay sur le dentifrice AQUAFRESH, qui identifie des rayures dont chacune a une fonction différente, comme le blanc pour le fluorure et le bleu pour l’haleine fraîche), mais le témoignage non contesté de M. Ren établit que les rayures du dessin [traduction] « ne remplissent pas des fonctions individuelles ni ne visent à remplir des fonctions différentes ». Le fait qu’une autre partie ait employé des rayures en liaison avec du dentifrice pour indiquer une fonction ne prévaut pas sur l’affidavit de M. Ren selon lequel les rayures de couleur du dessin [traduction] « ne remplissent pas des fonctions individuelles ni ne visent à remplir des fonctions différentes ». Je comprends la déclaration de M. Ren, [traduction] « les rayures sont simplement arbitraires », comme indiquant que les rayures n’ont pas été dictées par la fonction.

 

Les déclarations de M. Ren au sujet de la fonctionnalité ne sont pas ambiguës et l’opposante a décidé de ne pas procéder à un contre-interrogatoire. Ses assertions n’ont pas été affaiblies et l’opposante est donc tenue de s’en accommoder.

 

Je note également qu’une auteure d’affidavit de l’opposante elle-même, Mme Jay, aux pages 21 et 22 de son contre-interrogatoire, semblait d’accord pour laisser entendre que les rayures ne paraissent pas nécessaires aux diverses fonctions du dentifrice, d’après son examen de certains dentifrices qu’elle avait achetés.

 

À l’audience, l’opposante s’est appuyée en partie sur les brevets produits par M. MacLean pour appuyer ce motif d’opposition. Elle a fait valoir que certains de ces brevets révèlent le dentifrice à triples rayures et soutenu qu’ils établissent l’existence du dentifrice à rayures. À mon avis, les brevets produits en preuve semblent avoir largement pour objet de communiquer une façon efficace d’introduire et de maintenir des rayures au sein du dentifrice et non pas la fonctionnalité des rayures dans le dentifrice. Toutefois, je ne crois pas indiqué de me livrer à une interprétation de l’objet de ces brevets. Si l’opposante souhaitait que j’évalue la signification de ces brevets, elle devait dans ce cas présenter un témoignage d’expert à ce sujet. (Je note que l’opposante n’avait pas besoin de ces brevets pour établir l’existence du dentifrice à rayures avant la date de production de la présente demande, car d’autres éléments de sa preuve l’établissent.)

 

Le cinquième motif d’opposition

Le cinquième motif d’opposition est ainsi formulé :

Le dessin n’est pas enregistrable [et] ne l’était pas à la date de production de la demande visée, parce que le dessin n’est pas une « marque de commerce » au sens de la Loi sur les marques de commerce. Le dessin est appliqué sur le dentifrice lui-même et le dentifrice est dans un tube opaque. Ce tube est, dans un format optionnel, placé dans un emballage cartonné. Par conséquent, le dessin n’est pas une marque « employée » pour distinguer le dentifrice de la requérante de celui d’autres personnes parce qu’au moment du transfert du dentifrice aux clients, le dessin n’est pas lié au dentifrice de manière à donner avis de livraison du transfert aux clients.

 

Le cinquième motif d’opposition est également rejeté en raison des failles de l’acte de procédure, mais de nouveau, dans l’hypothèse où je commettrais une erreur à cet égard, j’examinerai les questions soulevées.

 

La position de l’opposante s’appuie sur la prémisse selon laquelle le dessin ne sera pas visible aux clients au moment du transfert du dentifrice aux clients, du fait que le dentifrice est vendu dans des contenants opaques et scellés. Cependant, les pièces jointes à l’affidavit Tonner indiquent que le dentifrice est vendu de manière à ce qu’il soit visible à travers son contenant. En outre, je note que l’opposante n’a pas contre-interrogé M. Ren pour vérifier comment la requérante emploie son dessin dans d’autres pays. Par conséquent, je ne serais pas disposée à accepter qu’il n’est pas faisable d’utiliser le dessin conformément aux dispositions de l’article 4. De plus, dans la mesure où l’opposante aurait pu s’acquitter de son fardeau de preuve en établissant deux manières de vendre le dentifrice sans qu’il soit visible, je conclus que la requérante a répondu de manière suffisante à cette preuve par le témoignage de Mme Tonner. Il est sans importance que le témoignage de Mme Tonner soit postérieur à la date pertinente, car il a simplement pour but d’établir que le dentifrice peut être commercialisé d’une manière qui le rend effectivement visible à l’acheteur.

 

S’agissant de la preuve relative au sondage de M. Robertson, même si le sondage peut présenter des lacunes, je suis disposée à admettre que lorsque le dentifrice est vendu dans des contenants opaques scellés, le consommateur ordinaire ne le voit pas directement au moment de l’achat ou du transfert des marchandises. Toutefois, cet élément ne m’apparaît pas important au regard du témoignage de Mme Tonner.

 

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 38(2)d) (le caractère distinctif)

La date pertinente pour l’appréciation de ce motif est la date de production de la déclaration d’opposition, soit le 3 avril 1996 [voir la décision Metro-Goldwyn-Meyer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F. 1re inst.), à la page 324].

 

Le fardeau de persuasion incombe à la requérante qui doit établir que sa marque est susceptible de distinguer ou distingue effectivement ses marchandises de celles d’autres personnes au Canada [voir la décision Muffin Houses Incorporated c. The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 C.P.R. (3d) 272 (C.O.M.C.)]. Cependant, l’opposante doit s’acquitter du fardeau de présentation en établissant les allégations de fait qui appuient son motif d’opposition fondé sur le caractère non distinctif.

 

Le sixième motif d’opposition

Le sixième motif d’opposition est libellé comme suit :

Au moment de la production de la demande visée et actuellement, le dessin n’est pas distinctif au sens de l’article 2 de la Loi sur les marques de commerce en ce qu’il n’est pas adapté ou apte à distinguer les marchandises en liaison avec lesquelles il sera utilisé par la requérante des marchandises identiques fournies par d’autres personnes. Du dentifrice à rayures a été offert à la vente et vendu au Canada par d’autres personnes depuis au moins 1984.

 

L’opposante a soutenu que le dessin de la requérante n’est pas distinctif du fait que d’autres personnes ont offert à la vente du dentifrice à rayures. Toutefois, comme la requérante ne cherche pas à obtenir l’enregistrement d’un dentifrice à rayures simpliciter, mais vise plutôt un motif particulier à rayures de couleurs, je ne puis voir comment l’opposante aurait gain de cause sur ce motif d’opposition. Rien n’établit que d’autres personnes ont utilisé une configuration de rayures identique à celle qui fait l’objet de la demande de la requérante et je conclus, par conséquent, que rien ne justifie de conclure que le dessin n’est pas apte à distinguer le dentifrice de la requérante du dentifrice à rayures d’autres personnes.

 

Je note également que l’opposante a seulement établi qu’une société faisait la promotion d’un dentifrice à rayures au Canada avant la date pertinente. Aucun élément de preuve n’établit que le public des consommateurs associerait tout dentifrice à rayures à cette seule société. De plus, il n’y a aucun élément de preuve de ventes du dentifrice à rayures AQUAFRESH antérieurement au 3 avril 1996, de l’ampleur de ses publicités et, selon la preuve, cette société faisait la publicité de ses rayures comme des éléments fonctionnels, non comme une marque de commerce, et son dentifrice à rayures n’était pas visible à travers l’emballage.

 

Par conséquent, le sixième motif d’opposition est rejeté.

 

Dispositif

Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués par le registraire des marques de commerce conformément au paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition en vertu du paragraphe 38(8).

 

 

FAIT À TORONTO (ONTARIO), LE 3 JANVIER 2007.

 

 

Jill W. Bradbury

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

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