Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2010 COMC 163

Date de la décision : 2010-09-30

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Anheuser‑Busch à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1064884 pour la marque de commerce BC‑BUD au nom de Jeffrey N. Daum

[1]               Le 27 juin 2000, Jeffrey N. Daum [le Requérant] a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce BC-BUD [la Marque]. La demande se fonde sur l’emploi projeté au Canada en liaison avec les marchandises et les services suivants, tels que révisés :

Marchandises :

(1) Vêtements, nommément manteaux, chemises, pantalons, robes, chandails, salopettes, shorts, chaussettes et foulards; publications imprimées ayant trait à des produits photographiques, nommément magazines, journaux, livres, bulletins et pages Web; autocollants; drapeaux; nouveautés et bibelots, nommément cendriers, verres, grosses tasses, assiettes, stylos, crayons, cartes d’affaires, cartes, portecure-dents, ciseaux, trophées, sacs de plastique, boîtes, sacs en papier, contenants de plastique, boîtes-repas, bouteilles et flacons, soucoupes volantes, parapluies, balles, drapeaux, autocollants, affiches, produits nutritifs pour plantes et revitalisants, cadres, serviettes, débarbouillettes, couvertures, enseignes au néon, lunettes de soleil, bagues, colliers, pendentifs, briquets, papier à cigarettes, paquets de cigarettes, allumettes, boules d’antennes, horloges, murales, peintures, cafés, thés, jus et boissons gazéifiées, excluant les bières non alcoolisées.

Services :
(1) Exploitation d’un magasin de détail, nommément dans le domaine des vêtements, publications imprimées de produits photographiques, nouveautés et bibelots et boissons non alcoolisées; services de vente par Internet et au détail de vêtements, services de photographie, livres; exploitation de bavardoirs en ligne, de sources de nouvelles en ligne, de questionnaires sportifs en ligne et de concours de photographie en ligne; fourniture d’accès en ligne aux fins d’obtention de contrats d’organismes gouvernementaux.

[2]               Je remarque que la demande initiale incluait également les marchandises suivantes : chanvre et toile de chanvre.

[3]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 10 décembre 2003. Le 10 mai 2004, Anheuser-Busch Incorporated [l’Opposante] a produit une déclaration d’opposition. Les motifs d’opposition reposent sur les alinéas 38(2)a), 38(2)b), 38(2)c) et 38(2)d) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 [la Loi].

[4]               Le 10 novembre 2004, le Requérant a produit et signifié une contre-déclaration. 

[5]               À l’appui de son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit de John Hanichak. L’Opposante a demandé par la suite l’autorisation de remplacer l’affidavit de M. Hanichak par l’affidavit de Nick Gatehouse et cette autorisation a été accordée. Le Requérant a obtenu une ordonnance l’autorisant à contre-interroger M. Gatehouse sur son affidavit et la transcription de son contre-interrogatoire ainsi que ses réponses à certaines questions ont été versées au dossier.

[6]               À l’appui de sa demande, le Requérant a produit l’affidavit de Dawn Brennan. Mme Brennan n’a pas été contre-interrogée.

[7]               Chacune des parties a produit des observations écrites et a participé à l’audience.

Fardeau de preuve

[8]               C’est au Requérant qu’incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Toutefois, l’Opposante doit s’acquitter du fardeau initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués au soutien de chaque motif d’opposition [voir John Labatt Limitée c. Les Compagnies Molson Limitée (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), à la page 298].

 

Dates pertinentes

[9]               Les dates pertinentes pour l’examen des motifs d’opposition sont les suivantes :

         alinéas 38(2)a) et 30i) – la date de production de la demande [voir Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd., (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C.), à la page 475];

         alinéas 38(2)b) et 12(1)d) – la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et Registraire des marques de commerce, (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)];

         alinéa 38(2)c) et paragraphe 16(3) – la date de production de la demande [voir le paragraphe 16(3)];

         alinéa 38(2)d) et absence de caractère distinctif – la date de production de l’opposition [voir Metro‑Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc., (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F. 1re inst.)].

Question préliminaire

[10]           L’Opposante prétend que la majeure partie sinon l’ensemble du témoignage de Mme Brennan constitue une preuve par ouï-dire inadmissible. Étant donné que le représentant du Requérant a consacré à l’audience un temps considérable aux observations traitant de cette question, je juge nécessaire d’examiner à fond cette question de la façon suivante.

[11]           Mme Brennan atteste qu’elle est adjointe juridique employée par les agents du Requérant. Elle explique qu’à ce titre, elle connaît personnellement les questions soulevées dans son affidavit.

[12]           Dans chaque paragraphe de son affidavit, elle déclare [traduction] « M’est présentée » et joint comme pièces un éventail de documents, dont certains incluent ce qui suit :

         des imprimés des sites Web d’entreprises au Canada qui vendraient des vêtements et utiliseraient les noms LIL’ BUD CLOTHING COMPANY, BUDDS, BUD GOWAN FORMAL WEAR, et BUD THE SPUD;

         des copies de définitions (en anglais) des mots « bud » et « BC Bud » tirées d’un dictionnaire en ligne;

         des copies de différents articles Internet canadiens et américains et d’extraits de sites Web présentées en vue de démontrer notamment a) que BC Bud est un type de marijuana cultivé en Colombie‑Britannique; et b) que la BC Bud est connue auprès d’un nombre important de Canadiens comme étant un type de marijuana cultivé en C.‑B.

[13]           Le Requérant fait valoir que les pages de sites Web décrites dans l’affidavit de Mme Brennan sont essentielles à la position du Requérant car elles sont nécessaires pour prouver les faits en litige (le caractère distinct et l’absence de probabilité de confusion). Il prétend que la preuve est fiable compte tenu des divers renseignements recueillis auprès de sources indépendantes et qu’il n’y a aucune raison de douter de leur véracité. S’appuyant sur la décision Rc. Khelawon (2006), 2 R.C.S. 787 (C.S.C.) [R. c. Khelawon], le Requérant soutient de plus qu’il appartenait à l’Opposante de faire valoir ses préoccupations quant aux raisons pour lesquelles un document devrait être considéré non fiable.

[14]           D’autre part, l’Opposante prétend qu’il n’y a pas de renversement du fardeau de la preuve imposé sur la partie qui s’oppose à la preuve par ouï‑dire pour établir que les documents ne sont pas fiables. L’Opposante a de plus fait remarquer que la décision R. c. Khelawon se fondait sur le droit pénal et n’a pas modifié les critères sous‑jacents de nécessité et de fiabilité requis pour rendre la preuve par ouï‑dire admissible. À cet égard, l’Opposante soutient qu’il incombe au témoin d’expliquer pourquoi la preuve est nécessaire (c.‑à‑d., pourquoi une preuve ne constituant pas du ouï‑dire n’est pas disponible) et fiable (c.‑à‑d., dans quelle mesure la source d’où proviennent les renseignements est fiable). 

[15]           Je suis d’accord avec l’Opposante que la décision R. c. Khelawon n’a pas modifié le droit en ce qui a trait au ouï‑dire. Les exceptions reconnues à l’inadmissibilité de la preuve par ouï‑dire demeurent la fiabilité et la nécessité. Je suis d’avis que les commentaires suivants du juge Martineau dans la décision Express File Incc. HRB Royalty Inc. (2003), 27 C.P.R. (4th) 251 (C.F.) sont utiles :

Je ne peux davantage inférer que le protonotaire a préféré ignorer les principes juridiques élaborés par la jurisprudence en ce qui a trait au ouï-dire et à ses exceptions reconnues. Il est vrai que, hormis la citation de la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt P.S. Partsource Inc. c. Canadian Tire Corp. (2001), 267 N.R. 135, à la p. 138, 11 C.P.R. (4th) 386 (C.A.F.) (Partsource), il n'est fait aucun renvoi jurisprudentiel. Toutefois, une lecture attentive des motifs du protonotaire montre que, en se fondant sur les principes applicables, celui-ci s'est adéquatement demandé si la demanderesse a démontré que le ouï-dire contenu dans les paragraphes contestés et dans les pièces jointes est fiable et raisonnablement nécessaire (par. 10 à 13 des motifs).

[16]           Toutefois, je conviens également avec le Requérant cependant, qu’un tribunal administratif, même s’il doit tenir une audience de type décisionnel, n’est pas lié par l’ensemble du droit de la preuve appliqué par la Cour fédérale. Par conséquent, au lieu de conclure que la preuve par ouï‑dire dans l’affidavit de Mme Brennan est inadmissible, je suis disposée à lui accorder un poids restreint. Par ailleurs, je note que les parties les plus pertinentes de cette preuve seraient admissibles en tout état de cause pour les motifs suivants.

[17]           Le Requérant soutient que, même si je ne puis accorder beaucoup d’importance à certains des résultats découlant des recherches Internet de Mme Brennan, je pourrais encore admettre d'office la définition tirée du Canadian Oxford Dictionary en ligne et de Wikipedia du terme BC Bud. Le Requérant soutient également que je devrais admettre d’office la diffusion des journaux Vancouver Sun et Washington Times et du magazine Time Canada au Canada.  

[18]           Voici la définition que Sopinka et Lederman donnent de la « connaissance d'office » dans leur ouvrage The Law of Evidence in Canada, 2e éd., à la page 1055 : [traduction] « Acceptation par le tribunal, tant en matière civile qu'en matière pénale, de la véracité d'un fait ou d'une situation sans avoir besoin d'une preuve formelle ». Considérant en premier lieu la définition du dictionnaire, je juge approprié d’admettre d’office que le terme BC Bud a été défini dans le Canadian Oxford Dictionary en ligne comme étant [traduction] : « de la marijuana informelle à forte dose cultivée en C.‑B. » [Envirodrive Incc. 836442 Canada Inc. (2005), [2005] A.J. n° 747, 2005 ABQB 446 (Envirodrive)]. Je suis également disposée à accorder un certain poids à une définition similaire du terme, telle qu’elle figure dans la référence de Wikipedia [Canadian Council of Professional Engineers c. Alberta Institute of Power Engineers (2008), 71 C.P.R. (4th) 37 (C.O.M.C.)]. Je ferai cependant remarquer que je ne suis pas disposée à admettre d’office l’allégation du Requérant que cette signification de BC Bud est connue auprès d’un nombre important de Canadiens.  

[19]           En ce qui a trait aux articles Internet du Vancouver Sun, du Washington Times et du Time Canada, étant donné que la Commission peut admettre d’office la diffusion générale des principaux journaux canadiens et américains [voir Carling O'Keefe Breweries of Canada Ltd.-Les Brasseries Carling O'Keefe du Canada trading as Carling O'Keefe Breweries c. Anheuser-Busch, Inc. (1985), 4 C.P.R. (3d) 216, et Ports Int'l Ltdc. Amcan Charter Imports Ltd. (1984), 4 C.P.R. (3d) 390], je suis également disposée à admettre d’office qu’un certain nombre de Canadiens auraient lu les articles émanant de ces sources sur Internet. À mon avis, cependant, l’existence d’un seul article faisant référence à la BC Bud sur ces sites Web ne serait pas suffisante pour me permettre de conclure que la signification de BC Bud est connue auprès d’un nombre important de Canadiens à l’échelle canadienne, et non seulement auprès des habitants de la Colombie‑Britannique. 

[20]           Mme Brennan a également fourni des articles de nombreux autres sites Web. Les commentaires suivants du juge Slatter dans la décision Envirodrive, précitée, sont révélateurs :

[Traduction] […] Le simple fait que quelque chose est accessible au public et facilement exploitable à partir d'Internet ne le rend pas admissible. Ces éléments de preuve doivent encore subir les tests normaux liés à la preuve, y compris la règle du ouï‑dire et le témoignage d'opinion. Bien sûr, si l'information est simplement présentée pour établir que certains renseignements étaient connus du public, ou à des fins autres que pour établir la preuve de son contenu, l'information serait admissible : ITV Technologies Incc. WIC Television Ltd. (2003), 29 C.P.R. (4th) 182, à la page 194 (C.F. 1re inst.).

[21]           En l’espèce, considérant que certaines des preuves issues d’Internet ont été présentées pour établir que certains renseignements étaient connus du public [c.‑à‑d., que le terme BC Bud est utilisé au sens commun pour renvoyer à la marijuana de la C.‑B.], et non pour établir la preuve de son contenu, je les juge admissibles. En l’absence de renseignements sur le nombre de Canadiens qui peuvent avoir accès à ces sites Web, cependant, il n’y a aucune preuve que les renseignements obtenus auprès de ces sites Web ont été portés à l’attention des consommateurs sur le marché canadien [Candrug Health Solutions Inc. c. Thorkelson (2007), 60 C.P.R. (4th) 35 (C.F.), infirmée par (2008), 64 C.P.R. (4th) 431 (C.A.F.)].

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i)

[22]           En ce qui a trait au motif de l’alinéa 30i), je remarque que le Requérant a fourni la déclaration exigée et il n’existe aucune preuve qu’il a agi de mauvaise foi [voir Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol-Myers Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.), à la page 155]. Je rejette par conséquent ce motif d’opposition.

Autres motifs d’opposition

[23]           Chacun des autres motifs d’opposition porte sur la question de la probabilité de confusion entre la Marque et les marques de commerce enregistrées de l’Opposante :

Marque de commerce

Statut

Marchandises/Services

BUD

LMC157723

Bière.

BUD et dessin

LMC494209

Vêtements, nommément chapeaux.

THIS BUD’S FOR YOU

LMC435446

(1) Bière, vêtements pour hommes et femmes, nommément shorts, gilets, vestes, manteaux, chandails, chemises, pulls d’entraînement, pantalons; coiffures, nommément chapeaux, casquettes, visières; sacs, nommément sacs sport, sacs refroidisseurs, sacs à bandoulière, fourre‑tout; vaisseaux à boire, nommément verres et tasses en plastique; décapsuleurs, affiches, serviettes, épinglettes décoratives, miroirs, parapluies, chaînes à clé, sièges pliants.

BUD

LMC429251

(1) Casquettes, chapeaux, pulls d’entraînement, pantalons d’entraînement, chemises et shorts;
(2) Vêtements, nommément chaussettes;
(3) Vêtements pour hommes et femmes, nommément shorts, vestes, manteaux, chandails, chemises, pulls d’entraînement, pantalons, coiffures, nommément chapeaux, casquettes, visières, sacs, nommément sacs à main, sacs sport, sacs refroidisseurs, sacs à bandoulière, fourre‑tout, housses de bâtons de golf, vaisseaux à boire, nommément verres en plastique, parapluies, chaises et sièges pliants.

THIS BUD’S FOR YOU

LMC261007

Bière.

MAKE IT A BUD LIGHT

LMC523120

Bière; Vêtements, nommément chemises et couvre-chefs, nommément casquettes.

BUD LIGHT et dessin

LMC435223

(1) Vêtements, nommément tabliers, chapeaux, vestes, shorts, chemises, chaussettes, pulls d’entraînement et visières.
(2) Vêtements pour hommes et femmes, nommément shorts, gilets, vestes, manteaux, chandails, chemises, pulls d’entraînement, pantalons; coiffures, nommément chapeaux, casquettes, visières; sacs, nommément sacs sport, sacs refroidisseurs, sacs à bandoulière, fourre‑tout; cadeaux et nouveautés, nommément vaisseaux à boire, nommément verres et papier, tasses en plastique et en céramique, steins en céramique, glacières, décapsuleurs, épingles décoratives, miroirs, parapluies, chaînes à clé.

BUD LIGHT

LMC434860

(1) Vêtements, nommément casquettes, chapeaux, visières, tee-shirts, shorts, vestes, gilets, ceintures, chaussettes, pulls d’entraînement, bretelles, foulards, vestes coupe‑vent, chandails, tabliers et tenues d’échauffement;
(2) Vêtements pour hommes et femmes, nommément vestes, mitaines ; sacs, nommément sacs à main, sacs sport, sacs refroidisseurs, sacs à bandoulière, fourre‑tout; cadeaux et nouveautés, nommément vaisseaux à boire, nommément tasses en plastique, décapsuleurs, épingles décoratives, parapluies, chaînes à clés.

BUD LIGHT et dessin

LMC434585

(1) Vêtements, nommément tabliers, chapeaux, vestes, foulards, shorts, chemises, chaussettes, pulls d’entraînement. chandails, tenues d’échauffement, visières et gilets.
(2) Vêtements pour hommes et femmes, nommément shorts, gilets, vestes, chemises, pulls d’entraînement, pantalons; coiffures, nommément chapeaux, casquettes, visières; sacs, nommément sacs de sport, sacs refroidisseurs; vaisseaux à boire nommément papier, tasses en plastique et en céramique, steins en céramique; décapsuleurs; serviettes; miroirs; parapluies et chaînes à clés.

BUD LIGHT

LMC377887

Bière.

BUD MAN

LMC433303

Bière.

 

[24]           J’estime que les arguments les plus solides de l’Opposante visent le motif selon lequel la Marque n’est pas enregistrable en vertu de l’alinéa 12(1)d) de la Loi en raison de la probabilité de confusion avec les marques BUD de l’Opposante, soit les enregistrements nos LMC157723 et LMC429251, et les marques BUD LIGHT, soit les enregistrements nos LMC377887 et LMC434860.

Le test en matière de confusion

[25]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du vague souvenir. Le paragraphe 6(2) de la Loi prévoit que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce si l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de mener à la conclusion que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale. Lorsqu’il applique le test, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, dont celles qui sont expressément mentionnées au paragraphe 6(5) de la Loi : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou des noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent. Le même poids ne sera pas nécessairement attribué à tous ces critères.

[26]           La Cour suprême du Canada a examiné la méthode qui devrait être employée pour apprécier toutes les circonstances de l’espèce dont il faut tenir compte pour décider si deux marques de commerce créent de la confusion dans Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321, et dans Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée et al. (2006), 49 C.P.R. (4th) 401 (Veuve Clicquot). C’est en ayant ces principes généraux à l’esprit que je vais maintenant apprécier les circonstances de l’espèce.

Alinéa 6(5)a) – le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle chaque marque est devenue connue

[27]           Les marques de commerce BUD et BUD LIGHT de l’Opposante ont un caractère distinctif inhérent à l’égard des marchandises de chacune des parties. Compte tenu de l’importance primordiale de l’abréviation B.C. sur le plan géographique, je suis d’accord avec l’Opposante que cet élément n’augmente pas le caractère distinct de la Marque. 

[28]            En ce qui a trait à la mesure dans laquelle les marques de l’Opposante sont devenues connues, M. Gatehouse, directeur d’Anheuser-Busch International pour le Canada, indique que la bière BUDWEISER, qui est aussi communément désignée et mise en marché sous la marque de commerce BUD, est vendue au Canada de façon continue depuis au moins 1903.  Il explique que les marques BUDWEISER et BUD sont utilisées de façon interchangeable pour faire référence à la bière de l’Opposante. Je remarque que, sur l’emballage et sur les bouteilles de bière de l’Opposante, la marque BUD n’est pas utilisée seule mais y figure toujours en liaison avec la marque de commerce BUDWEISER.

[29]           M. Gatehouse explique en outre que l’Opposante a conclu des contrats de licence avec de nombreuses entités qui sont autorisées à utiliser les différentes marques BUD sur une grande variété de produits dérivés, y compris des vêtements, des vaisseaux à boire, des articles de sport et des nouveautés. Il fait remarquer que l’Opposante contrôle directement ou indirectement les caractéristiques ou la qualité des produits qui portent la marque BUD. M. Gatehouse a également démontré comment la marque BUD et BUD LIGHT figure sur ces marchandises en fournissant des exemples d’utilisation de ces articles. Par exemple, jointes en tant que pièce Q de l’affidavit de M. Gatehouse se trouvent des copies des catalogues du groupe de produits promotionnels d’Anheuser-Busch pour les années 1996, 2000, 2001 et 2003, montrant une grande variété de produits dérivés sur lesquels les marques de commerce BUD, y compris BUD et BUD LIGHT, figurent. 

[30]           M. Gatehouse fournit la preuve d’importants volumes publicitaires et de ventes des produits qui portent les marques de commerce de l’Opposante au Canada depuis de nombreuses années. Certains éléments de preuve peuvent être résumés ainsi :

         les ventes de bière BUDWEISER entre 1996 et 2004 ont totalisé 3 430 millions de dollars;

         les ventes de bière BUD LIGHT entre 1995 et 2004 ont dépassé 257 millions de dollars;

         les ventes canadiennes de produits dérivés sur lesquels figurent les marques de commerce BUD ont dépassé 5,2 millions de dollars U.S. entre 1997 et 2004 [voir l’affidavit de M. Gatehouse, aux par. 36-38];

         entre 1996 et 2004, plus de 250 millions de dollars ont été consacrés à la publicité de la bière BUDWEISER et BUD LIGHT;

         l’Opposante a également pris part à des activités et des événements de commandite sportifs et musicaux dans le cadre desquels les marques de commerce de l’Opposante figurent bien en vue;

         les formes de publicité au Canada entre 2002 et 2004 comprenaient :

(a)     publicité au point de vente;

(b)     publicité à la télévision;

(c)     commandite d’événements sportifs et de ligues professionnelles;

(d)    commandite d’événements musicaux;

(e)     publicité sur Internet.

[31]           La preuve soumise m’a convaincue que les marques BUD et BUD LIGHT de l’Opposante sont devenues connues au Canada en liaison avec la bière.

[32]           En ce qui concerne les autres marchandises de l’Opposante, le Requérant prétend que l’Opposante n’a pas établi l’emploi de ses marques en soi en liaison avec un produit dérivé en particulier. À cet égard, le Requérant souligne que l’Opposante n’a pas fourni de factures pour corroborer ses supposées ventes de produits dérivés BUD et BUD LIGHT. De plus, l’Opposante n’a pas fourni de ventilation des types de marchandise qui ont été vendus en liaison avec l’une ou l’autre marque.

[33]           Bien qu’une ventilation des chiffres de ventes pour chaque produit dérivé vendu en liaison avec la marque BUD ait été utile, l’Opposante explique qu’il n’est pas possible de séparer ces marchandises vendues précisément en liaison avec la marque BUD des marchandises vendues en liaison avec la marque BUDWEISER. Bien que je comprenne pourquoi ce serait le cas avec la bière de marque BUDWEISER sur laquelle figurent les marques BUDWEISER et BUD, je ne suis pas sûre de comprendre pourquoi tel est le cas avec les autres marchandises de l’Opposante puisque le catalogue ne désigne pas certains articles comme étant des articles BUD contrairement aux articles BUDWEISER. Quoi qu’il en soit, compte tenu de la preuve qui montre différents produits dérivés arborant la marque BUD, et des chiffres de ventes fournis pour les produits dérivés vendus au Canada, j’estime que les marques BUD et BUD LIGHT de l’Opposante sont devenues connues dans une certaine mesure en liaison avec différentes marchandises autres que de la bière.

[34]           En ce qui a trait à l’étendue de la notoriété de la marque du Requérant, la plupart des éléments de preuve du Requérant visaient à établir, entre autres, que l’expression BC Bud est connue au Canada comme faisant allusion à un type de marijuana cultivé en C.‑B. Comme il a déjà été souligné, le Requérant n’a pas établi que le sens de ce terme a été porté à l’attention d’un nombre important de Canadiens. Même si je convenais qu’un certain nombre de Canadiens savent que l’expression BC Bud est parfois employée au sens commun pour faire référence à la marijuana de la C.‑B., je ne considère pas cette preuve comme étant pertinente pour savoir si le Requérant a acquis une notoriété dans la marque en liaison avec les marchandises et services visés par la demande. Par conséquent, ce facteur favorise l’Opposante.

Alinéa 6(5)b) – la période pendant laquelle chaque marque de commerce a été employée

[35]           L’Opposante a démontré l’emploi de chacune de ses marques pendant de nombreuses années. D’autre part, la marque se fonde sur l’emploi projeté au Canada et le Requérant n’a pas fourni de preuve d’emploi de la marque depuis la date de production. Par conséquent, ce facteur favorise l’Opposante.

 

Alinéas 6(5)c) et d) – le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce

[36]           Dans l’examen des marchandises, services ou entreprises et de la nature du commerce des parties pour apprécier la question de la confusion au sens de l’alinéa 12(1)d), c’est l’état déclaratif des marchandises ou des services figurant dans la demande d’enregistrement de la marque de commerce du Requérant, en sa version modifiée, ou dans l’enregistrement de l’Opposante qui est déterminant [Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c. Super Dragon Import Export Inc., (1986), 12 C.P.R. (3d) 110 (C.A.F.); Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd., (1987), 19 C.P.R. (3d) 3 (C.A.F.); Miss Universe Inc. c. Bohna, (1994), 58 C.P.R. (3d) 381 (C.A.F.)].

[37]           Les enregistrements nos LMC429251 et LMC434860 de l’Opposante couvrent une variété de marchandises qui sont liées à celles du Requérant ou chevauchent celles‑ci, y compris les vêtements, les vaisseaux à boire, les articles de sport et les nouveautés. 

[38]           En ce qui concerne les services du Requérant, il y a un chevauchement entre l’exploitation d’un magasin de détail et en ligne et la vente au détail de services vestimentaires par ce dernier et les marchandises de l’Opposante. On ne peut pas dire la même chose cependant de la plupart des autres services du Requérant visés par la demande (par exemple, l’exploitation de bavardoirs en ligne).

[39]           Quant aux voies de commercialisation des parties, M. Gatehouse déclare que la bière BUDWEISER/BUD et BUD LIGHT est distribuée aux clients canadiens dans les restaurants et autres débits de boissons et magasins qui vendent de la bière à l’échelle canadienne. Il explique dans ses réponses aux engagements que toute personne au Canada peut avoir accès au site Web budshop.com (y compris par l’entremise du site Web Budweiser.ca) et acheter en ligne des vêtements arborant les marques de commerce BUDWEISER/ BUD de l’Opposante. Il a également fourni une liste de 50 détaillants au Canada qui vendent les produits dérivés de l’Opposante, dont notamment Mark’s Work Warehouse, Giant Tiger, PEI Liquor Board, Work ‘n Play, et Budweiser Motor Sports [contre-interrogatoire de M. Gatehouse, réponse à la question 11]. Les vêtements sous licence qui portent les marques de commerce BUDWEISER/BUD peuvent être achetés au Canada chez Sears et chez Wal-Mart, ainsi qu’auprès d’autres magasins de détail [contre-interrogatoire de M. Gatehouse, réponse aux questions 12 et 13]. Compte tenu de la nature de la plupart des marchandises et services du Requérant, il pourrait y avoir chevauchement entre les voies de commercialisation de ce dernier et celles de l’Opposante.

[40]           J’aimerais ajouter que, en ce qui a trait en particulier aux boissons non alcoolisées du Requérant, les éléments de preuve indiquent qu’il y aurait chevauchement entre les voies de commercialisation pour ces marchandises et la bière de l’Opposante dans la province de Québec.

Alinéa 6(5)e) – le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[41]           L’Opposante souligne que le Requérant a pris la totalité de ses marques de commerce BUD et a ajouté des initiales non distinctives devant ce mot. Je partage cet avis. Il n’y a pas, par conséquent, un degré élevé de ressemblance entre la Marque et les marques BUD de l’Opposante dans la présentation ou le son. Le degré de ressemblance dans la présentation ou le son entre la Marque et les marques BUD LIGHT de l’Opposante est légèrement moindre.

[42]            En ce qui concerne les idées que les marques suggèrent, l’Opposante fait valoir que sa marque BUD est très connue au Canada en tant qu’abréviation de la bière BUDWEISER, qui découle de sa renommée et de sa mise en marché. Je suis de cet avis.

[43]           En ce qui a trait à la marque du Requérant, ce dernier prétend que l’idée suggérée par sa marque est un type de marijuana cultivé en C.‑B. Cependant, comme nous l’avons souligné ci‑dessus, le Requérant n’a pas démontré que le Canadien moyen serait au fait de cette signification. L’idée suggérée par la marque du Requérant, à mon avis, consiste tout simplement en un bourgeon cultivé en C.‑B. 

[44]           Les idées suggérées par les marques des parties sont par conséquent différentes. De plus, j’aimerais souligner qu’étant donné la renommée de l’Opposante à l’égard de ses marques BUD en liaison avec la bière, il est concevable que l’idée suggérée par la Marque serait, pour un Canadien moyen, une bière brassée par l’Opposante en C.‑B.

 

Circonstances de l’espèce

[45]           J’ai examiné comme autre circonstance de l’espèce la preuve de l’état du marché du Requérant. Les éléments de preuve les plus pertinents fournis par le Requérant pour établir l’emploi du terme « bud » par d’autres au Canada en liaison avec des vêtements comprend ce qui suit :

         des pages imprimées du site Web de Lil’ Bud Clothing Company qui décrivent un magasin de vêtements pour enfants à Toronto;

         des pages imprimées du site Web www.buddsonline.com, qui décrit une entreprise de vêtements pour toute la famille à Kitchener, à Guelph et à Simcoe, en Ontario;

         des pages imprimées du site Web www.budgowan.com, qui décrit une entreprise de tenues de soirée à London, en Ontario.

[46]           Cette preuve issue d’Internet est de peu d’utilité au Requérant car il n’existe aucune preuve que des Canadiens ont vu ces sites Web et parce que le contenu de ces sites constitue une preuve par ouï‑dire. En outre, l’existence des sites Web susmentionnés en soi ne me permet pas de conclure que ces désignations d’entreprise ont été utilisées d’une façon plus que minimale au Canada, s’il en est. Dans l'hypothèse la plus optimiste, il semblerait qu’à la date de l’affidavit de Mme Brennan, trois sociétés avaient intégré le mot BUD dans la dénomination commerciale de leur entreprise de vêtements. À mon avis, il n’est pas possible de conclure à partir de ces éléments de preuve qu’il y a eu adoption commune des marques BUD dans le commerce de vêtements de façon à atténuer la probabilité de confusion entre les marques en litige.

[47]           Comme autre circonstance de l’espèce, j’ai tenté de déterminer si la notoriété de l’Opposante dans le domaine de la bière s’étendait à ses vêtements et à ses autres marchandises. Le Requérant soutient que ce n’est pas le cas. 

[48]           Cette question particulière a été examinée dans la décision Anheuser Busch c. Air Bud Productions, 2009 CanLII 82178 [C.O.M.C.], où M. Carrière, membre de la Commission, a déclaré ce qui suit : « Même si je conclus que les marques de commerce BUD et BUD LIGHT sont célèbres au Canada, ce ne serait qu’en liaison avec la bière et non avec tous les produits dérivés énumérés dans les enregistrements LMC429251 et LMC434860 ». J’en viens à la même conclusion en l’espèce. À cet égard, la plupart des éléments de preuve fournis par l’Opposante quant à l’emploi de ses marques BUDWEISER, BUD LIGHT et BUD étaient en liaison avec la bière. Par conséquent, je ne crois pas que la notoriété de l’Opposante dans le domaine de la bière s’étend à ses produits dérivés.

La conclusion concernant la probabilité de confusion

[49]           Le critère applicable est celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue du nom BC‑BUD notamment sur les vêtements, les nouveautés, les bibelots ou les activités commerciales d’un magasin de vente au détail, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir des marques de commerce de l’Opposante, et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur [voir Veuve Clicquot].

[50]           Compte tenu de mes conclusions exposées ci‑dessus, et en particulier de la renommée des marques BUD et BUD LIGHT de l’Opposante en liaison avec la bière, le fait qu’il y ait similarité entre les marques dans la présentation et le son, et le fait que les marchandises et les services du Requérant soient liés et qu’il y ait un certain chevauchement entre ceux‑ci et les marchandises de l’Opposante, il me semble que ce consommateur serait, en ce qui a trait à sa première impression, susceptible de croire que les marchandises et les services en liaison avec les marques de commerce BUD et BC BUD ont été fabriqués, vendus ou exécutés par la même personne. 

[51]           Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) est donc retenu pour les enregistrements nos LMC157723, LMC429251, LMC377887 et LMC434860.

Autres motifs d’opposition

[52]           Les autres motifs d’opposition reposent également sur l’examen de la question de la probabilité de confusion entre la Marque et les marques de l’Opposante. Les dates pertinentes pour évaluer la probabilité de confusion en ce qui concerne les motifs fondés sur l'absence de droit à l'enregistrement et l'absence de caractère distinctif sont, respectivement, la date de production de la demande de la Requérante et la date de l’opposition. À mon avis, les différences entre les dates pertinentes n’ont pas une incidence importante sur la conclusion quant à la confusion entre les marques de commerce des parties. Par conséquent, ma conclusion formulée précédemment, selon laquelle les marques de commerce sont susceptibles d’être confondues, s’applique à ces motifs d’opposition, lesquels sont également accueillis.

 

 

Décision

[53]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande conformément aux dispositions du paragraphe 38(8) de la Loi.

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Cindy R. Folz

Membre,

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 

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