Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT L’OPPOSITION

de l’Association canadienne des Croix Bleue

à la demande n° 813,934 visant la marque de commerce

WE CARE SOINS ET SERVICES À DOMICILE et dessin y afférent

produite par We Care Health Services Inc.

                                                        

 

Le 31 mai 1996, la requérante, We Care Health Services Inc., a produit une demande d’enregistrement de la marque de commerce WE CARE SOINS ET SERVICES À DOMICILE et dessin y afférent sur le fondement de l’emploi projeté de la marque de commerce au Canada en liaison avec les marchandises et services suivants :

[traduction] Marchandises : (1) Oursons et autres animaux en peluche; cathéters; serviettes d’incontinence; pansements; uniformes; chandails; blouses et chemisiers de soins infirmiers et de soins à domicile; tubulures d’intraveineuse et solutés intraveineux; articles pour les pieds, nommément, produits de traitement et d’entretien des pieds.


Services : (1) Services de soins personnels, nommément soins infirmiers, services paramédicaux, préposés aux soins, soins ambulatoires post-chirurgicaux, dames et hommes de compagnie, soins d’hygiène personnelle et services de transport des personnes infirmes, services de ménage à domicile, équipes de soins pour le SIDA, nommément équipes composées de personnel infirmier, médecins, conseillers en santé sexuelle, diététistes, ludothérapeutes, travailleurs sociaux, psychologues, ergothérapeutes, physiothérapeutes et orthophonistes; équipes de soins des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, nommément équipes composées de personnel infirmier, médecins, conseillers en santé sexuelle, diététistes, ludothérapeutes, travailleurs sociaux, psychologues, ergothérapeutes, physiothérapeutes et orthophonistes; bilans et évaluations des pathologies et des besoins de clients ou de patients; services cliniques de dépistage de l’hypertension; services de menuiserie; services de dames et d’hommes de compagnie et de gardiennes et gardiens; test de diabète; placement en familles d’accueil (urgence); soins des pieds; préparation de vente de garage; jardinage; ménages à domicile; entretien ménager; recherche de logement; entretien domestique; surveillance d’habitation; défense des intérêts du personnel infirmier d’hôpital; services de coiffure à domicile; thérapie intraveineuse; soins aux nourrissons et aux enfants; personnel infirmier logé dans les régions éloignées; massothérapie; aide au déménagement; aides-infirmières; entretien de bureaux; services d’équipes de soins palliatifs; aide parentale; suivis téléphoniques; physiothérapie; personnel paramédical; soins et surveillance d’animaux domestiques; soins infirmiers psychiatriques; praticien en rééducation; réflexologie; infirmières et infirmiers/infirmières et infirmiers auxiliaires; soins de relève; relève de personnel; travail social; service d’emplettes; intervention en cas de suicide; enlèvement de la neige; vérifications de sécurité (personnelle et au domicile); services de relève, nommément services d’urgence en matière médicale, de relève, en personnel de compagnie et en services ménagers; transport; aide au transport, nommément la fourniture de transport aux personnes incapables ou refusant de se déplacer sans aide; formation de personnel de soutien à domicile; entretien de cours; services de clinique de bien-être; rééducation professionnelle; sorties de Noël en groupe; counseling; services de jour à domicile; références en dentisterie prothétique; formation en hôpital, dans les locaux et auprès de groupes; préparation des repas; médicaments, nommément prise en charge de médicaments et de prescriptions, consultations auprès de médecins et services de liaison entre les médecins et les patients au sujet des médicaments; ergothérapie; dialyse rénale; ludothérapie; initiation aux programmes de soutien au revenu et service d’hébergement de longue durée.

La marque est reproduite ci-dessous :

                                   

 

La requérante s’est désistée du droit à l’usage exclusif des mots CARE, SOINS et SERVICES À DOMICILE en dehors de la marque de commerce. En outre, la requérante a déclaré dans sa demande qu’elle s’engage à cesser d’employer ou de reproduire, au Canada, sous une forme quelconque, la représentation de la croix en rouge.

 

La demande a été annoncée en vue de la procédure d’opposition au Journal des marques de commerce du 22 avril 1998. L’opposante, l’Association canadienne des Croix Bleue, a produit une déclaration d’opposition le 22 septembre 1998. 

 

Dans la déclaration d’opposition, l’opposante allègue que la requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la marque de commerce, que la marque de commerce n’est pas enregistrable et que la marque de commerce n’est pas distinctive, dans chaque cas parce qu’il y a un risque de confusion entre la marque WE CARE SOINS ET SERVICES À DOMICILE et dessin y afférent et les marques de commerce suivantes de l’opposante :

Marque de commerce

Numéro d’enregistrement

Date d’enregistrement

BLUE CROSS

100,000

5 novembre 1954

DESSIN DE CROIX (bleu)

100,001

5 novembre 1954

CROIX BLEUE

106,687

17 mai 1957

LA CROIX BLEUE
et dessin y afférent

204,211

27 décembre 1974

BLUE CROSS
et dessin y afférent

204,272

3 janvier 1975

CROIX BLEUE/BLUE CROSS

et dessin de croix

354,206

31 mars 1989

CROIX BLEUE
et dessin y afférent

354,207

31 mars 1989

BLUE CROSS/CROIX BLEUE
et dessin y afférent

354,208

31 mars 1989

 

L’opposante allègue avoir employé les marques de commerce indiquées ci-dessus au Canada avant la production de la demande de la requérante. L’opposante plaide également que la demande ne respecte pas l’alinéa 30i) de la Loi sur les marques de commerce parce que la requérante était au courant de l’emploi par l’opposante de marques similaires au point de prêter à confusion.

 

La requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle dénie les allégations de l’opposante.

 

L’opposante a produit en preuve l’affidavit de Gerald M. Devlin, directeur général de l’opposante. Il atteste que l’opposante est un organisme sans but lucratif comprenant sept membres exerçant leur activité dans les diverses régions du Canada. Les membres ont une licence d’emploi des marques de commerce de l’opposante et l’opposante contrôle les caractéristiques et la qualité des services fournis par ceux-ci. Les marques de l’opposante sont employées en liaison avec une gamme de prestations de maladie et les marques figurent sur les documents de promotion, le papier à en-tête, les contrats d’assurance-maladie, les polices d’assurance, etc.

 

Monsieur Devlin fournit des copies certifiées conformes des enregistrements de marques de commerce invoqués par l’opposante dans la déclaration d’opposition, ainsi que d’autres demandes d’enregistrement ou enregistrements de marques de l’opposante. M. Devlin désigne l’ensemble de ces marques de commerce comme les [traduction] « marques de commerce Croix Bleue ». Il atteste que ces marques ont été en usage au Canada depuis 1938 au moins. M. Devlin fournit les chiffres des ventes et des frais de publicité pour les années 1989 à 1998. Ces chiffres ne sont pas ventilés par marque. Il donne plutôt un chiffre global; par exemple, en 1998, les ventes en liaison avec les marques de commerce Croix Bleue dans l’ensemble du Canada ont excédé 1 829 millions de dollars, tandis que les frais de publicité afférents ont excédé 5,2 millions de dollars.

 

La preuve de la requérante consiste dans l’affidavit de Beverley A. McMaster, actionnaire fondatrice, directrice et dirigeante de la requérante. Elle dit que la requérante a été constituée en 1984 pour fournir des services infirmiers, des infirmiers et infirmières auxiliaires, des aides-infirmiers et infirmières, des gardiens et gardiennes, des aides familiales, des aides ménagères et des services paramédicaux. Les services énumérés dans la présente demande sont actuellement fournis par les franchisés de la requérante, laquelle contrôle l’emploi de ses marques par les franchisés. Selon Mme McMaster, à la date de son affidavit (le 5 avril 2000), la requérante dépensait au moins un million de dollars par année sur les publicités nationales, tandis que les franchisés avait l’obligation de dépenser une somme globale de 750 000 $ sur les publicités locales. Des exemples de publicités (datées de 1997 et des années postérieures) ont été fournis.

 

En 1984, la requérante a adopté un logo, formé d’une croix et de la lettre W, qu’elle a enregistré comme marque de commerce en 1989. Ce logo fait partie de la marque en cause. Mme McMaster dit : [traduction] « La société a adopté le bleu comme couleur distinctive, mais le logo en forme de croix employé en liaison avec le W est presque toujours blanc et, tout ou plus, son contour est en bleu. »

 

Mme McMaster conclut son affidavit en indiquant que la requérante ne fournit pas de services d’assurances ou de prestations-maladie et que, pendant les 15 années précédant le commencement de la présente procédure d’opposition, la requérante a facturé aux fournisseurs d’assurance, comme les membres de l’opposante, les services qu’elle fournit, sans la moindre confusion ou sans la moindre inquiétude exprimée par l’opposante. Je note qu’il n’y a pas de preuve établissant laquelle des marques de la requérante, le cas échéant, apparaît sur ses factures.

 

Chaque partie a produit un plaidoyer écrit et chacune était représentée à l’audience.

 

Les dates pertinentes à l’égard des motifs d’opposition fondés sur le risque de confusion sont les suivantes : s’agissant de l’enregistrabilité selon l’alinéa 12(1)d), la date de ma décision [voir l’arrêt Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et Le registraire des marques  de commerce, 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)]; s’agissant du droit à l’enregistrement en vertu du paragraphe 16(3), la date de production de la demande de la requérante; s’agissant de l’absence de caractère distinctif, la date de la production de l’opposition [voir les arrêts Re Andres Wines Ltd. and E. & J. Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126 à la page 130 (C.A. F.) et Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 412 à la page 424 (C.A. F.)].

 

Le critère de la confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. En appliquant le critère de la confusion défini au paragraphe 6(2) de la Loi sur les marques de commerce, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, notamment de celles qui sont expressément énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi. Les facteurs expressément énumérés au paragraphe 6(5) sont les suivants : le caractère distinctif inhérent des marques et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle chacune a été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprise; la nature du commerce; et le degré de ressemblance entre les marques dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Le poids à attribuer à chacun peut varier selon les circonstances [voir les décisions Clorox Co. c. Sears Canada Inc. 41 C.P.R. (3d) 483 (C.F. 1re inst.); Gainers Inc. c. Tammy L. Marchildon et Le registraire des marques de commerce (1996), 66 C.P.R. (3d) 308 (C.F. 1re inst.)].

 

À mon avis, les marques les plus pertinentes de l’opposante sont celles qui sont enregistrées sous les nos 204,272 et 100,001, reproduites ci-dessous :

                                 

 

L’enregistrement 100,001 portant sur la marque de droite comprend la revendication de couleur suivante : [traduction] : La croix est de couleur bleue. Les services visés par chacun de ces enregistrements sont les mêmes, à savoir :

(1) Hospitalisation.
(2) Contrats de soins hospitaliers prépayés.
(3) Contrats de médicaments d’ordonnance prépayés.
(4) Contrats de soins infirmiers prépayés.
(5) Contrats d’achat ou de location d’orthèses ou de prothèses spéciales prescrites par un médecin.
(6) Contrats de services prépayés de psychologues cliniciens, d’orthothérapeutes, d’audiologistes et d’orthoptistes.
(7) Contrats prévoyant le paiement de lunettes et d’aides auditives.
(8) Contrats de soins dentaires prépayés.
(9) Contrats de soins de physiothérapie prépayés.
(10) Contrats de services ambulanciers prépayés.
(11) Contrats de soins prépayés de chiropraticiens, d’ostéopathes et de podiatres.
(12) Contrats des soins prépayés de psychiatrie.
(13) Contrats de services de laboratoire nécessaires aux soins médicaux prépayés.
(14) Contrats d’assurance-vie; contrats d’assurance-accidents; contrats d’assurance‑invalidité; contrats d’assurance-maladie et contrats d’assurance-salaire.

 

Les marques des deux parties possèdent un certain caractère distinctif inhérent.

 

Seules les marques de l’opposante ont acquis un caractère distinctif.

 

La période pendant laquelle les marques ont été en usage favorise l’opposante.

 

Les services des parties, bien qu’ils soient différents, sont reliés. L’opposante fournit des assurances pour couvrir le coût de services médicaux, tandis que la requérante fournit des services médicaux. Aussi y a-t-il un chevauchement des clientèles des parties. Toutefois, le genre des services est tel qu’il paraît vraisemblable que les acheteurs de ces services prendraient un plus grand soin.

 

« À toutes fins pratiques, le facteur le plus important dans la plupart des cas, et celui qui est décisif, est le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent, les autres facteurs jouant un rôle secondaire. » [Beverley Bedding & Upholstery Co. c. Regal Bedding & Upholstery Ltd. (1980), 47 C.P.R. (2d) 145 à la page 149 (C.F. 1re inst.), confirmée par 60 C.P.R. (2d) 70]. En l’espèce, le seul élément commun entre les marques est l’utilisation d’une croix. On peut discuter du point de savoir si la croix dans la marque de la requérante constitue une caractéristique dominante, mais elle apparaît en premier, ce qui est traditionnellement considéré comme la position la plus importante [voir la décision Conde Nast Publications Inc. c. Union des Editions Modernes (1979), 46 C.P.R. (2d) 183 (C.F. 1re inst.)].

 

La requérante a déjà obtenu le droit exclusif d’utiliser le logo formé d’une croix et d’un W dans tout le Canada comme marque de commerce indépendante et cet enregistrement revendique le bleu comme couleur de certaines parties de ce logo. Bien que l’article 19 de la Loi ne donne pas au titulaire de l’enregistrement le droit automatique d’obtenir d’autres enregistrements sans égard au degré de ressemblance avec l’enregistrement original [voir les décisions Groupe Lavo Inc. c. Proctor & Gamble Inc. (1990), 32 C.P.R. (3d) 533 à la page 538 (C.O.M.C.), Coronet-Werke Heinrich Schlerf GmbH c. Produits Menagers Coronet Inc., 4 C.P.R. (3d) 108 à la page 115 (C.O.M.C)], la coexistence sans conflit pendant une longue période pourrait me permettre de tirer une inférence défavorable au sujet de la position de l’opposante [voir les décisions Monsport Inc. c. Vêtements de Sport Bonnie (1978) Ltée (1988), 22 C.P.R. (3d) 356 (C.F. 1re inst.), Mercedes-Benz A.G. c. Autostock Inc. (formerly Groupe T.C.G. (Québec) Inc.), 69 C.P.R. (3d) 518 (C. O.M.C.)].

 

Le 2 mars 2004, M. Herzig, membre de la Commission, a rendu une décision à l’égard de l’opposition formée par l’opposante dans la présente affaire à la demande n° 858,328 produite par la requérante dans la présente affaire et visant la marque de commerce WE CARE HOME HEALTH SERVICES et dessin y afférent, reproduite ci-dessous :

                                                     

Cette marque de commerce est très similaire à la marque en cause, mais la demande vise seulement des services. En outre, les dates de production et les dates pertinentes à l’égard des deux demandes ne sont pas les mêmes, et la demande n° 858,328 a été produite sur le fondement de l’emploi au Canada. Toutefois, ces différences n’ont pas d’incidence importante sur le risque de confusion. Les questions en litige dans les deux oppositions sont essentiellement les mêmes et les parties ont produit une preuve similaire dans les deux procédures.

 

Le fardeau de persuasion incombe à la requérante, qui doit établir, suivant la prépondérance de la preuve, qu’il n’y aurait pas de risque raisonnable de confusion entre la marque faisant l’objet de la demande et une ou plusieurs des marques de l’opposante. M. Herzig a repoussé la demande n° 858,328, en disant : [traduction] « … j’estime que les éléments de preuve en faveur d’une conclusion de confusion entre les marques en cause et en faveur d’une conclusion de non‑confusion sont de poids équivalent. Comme il incombe à la requérante d’établir, suivant la prépondérance de la preuve, que la marque visée par la demande ne crée pas de confusion avec les marques CROIX BLEUE de l’opposante, je dois me prononcer à l’encontre de la demande. Si la requérante avait pu démontrer un emploi de longue date et très large de sa marque de commerce déposée, dessin formé d’un W et d’une croix, la preuve de l’absence de cas de confusion effective avec les marques CROIX BLEUE de l’opposante aurait pu faire pencher la balance en faveur de la requérante ». Je souscris à la conclusion de M. Herzig et tire la même conclusion à l’égard de la présente demande, pour des motifs similaires. En fait, une bonne partie du raisonnement de M. Herzig s’applique à la présente procédure, mutatis mutandi.

 

Comme ma conclusion est la même à l’égard de chacune des dates importantes, les motifs d’opposition fondés sur l’enregistrabilité, le droit à l’enregistrement et le caractère distinctif sont tous accueillis.

 

En vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués par le registraire des marques de commerce en application du paragraphe 63(3) de la Loi sur les marques de commerce, je repousse la demande selon le paragraphe 38(8) de la Loi.

 

 

FAIT À TORONTO (ONTARIO), LE 29 MARS 2004.

 

 

 

Jill W. Bradbury

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

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