Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT UNE  OPPOSITION de Glaskoch B. Koch Jr. GmbH & Co. KG à la demande no 1032695 déposée par Anglo Canadian Mercantile Co. Ltd. en vue de l’enregistrement de la marque en cause de commerce LEONARDO DA VINCI ________________________________________

 

 

I Les actes de procédure

 

Le 18 octobre 1999, Anglo Canadian Mercantile Co. Ltd. a déposé, sur le fondement d’un emploi projeté, une demande d’enregistrement de la marque en cause de commerce LEONARDO DA VINCI (la « marque en cause »). Les droits à l’égard de la demande susmentionnée ont été subséquemment cédés, le 1er janvier 2002, à la société en commandite Anglo-Canadian Housewares (les sociétés en commandite Anglo Canadian Housewares et Anglo-Canadian Housewares sont appelées collectivement ci‑après la « requérante »).

 

La demande initiale a été annoncée dans le Journal des marques de commerce du 12 février 2003 aux fins d’opposition.

 

À l’audience, la requérante a demandé la permission de modifier sa demande initiale en vue d’en supprimer certaines marchandises. Elle a obtenu cette permission, de sorte que la demande vise aujourd’hui les marchandises suivantes :

Verrerie, nommément saladiers, vaisselle pour trempette à croustilles, coupes à dessert, cruches à eau, services de verres à vin, services de verres à martini, services de verres à champagne, gobelets, beurriers, ensembles de pots à crème et sucriers, saucières, chopes à bière, vases, fûtes à bière, assiettes, verres, verres à boire, canettes, bocaux, bocaux hermétiques, carafes, gobelets à vin et à eau (les « marchandises »).

 

Le 14 avril 2003, Glaskoch B. Koch Jr. GmbH & Co. KG (l’« opposante ») a déposé une déclaration d’opposition, que le registraire a transmise à la requérante le 8 juillet 2003. Les motifs d’opposition sont les suivants :

 

(1)   La demande n’est pas conforme aux dispositions de l’article 30 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T‑13 (la « Loi »), au motif que la requérante n’a pas l’intention d’employer la marque en cause en cause en liaison avec les marchandises.

(2)   La demande n’est pas conforme aux dispositions de l’article 30 de la Loi, au motif que les marchandises ne sont pas décrites dans les termes ordinaires du commerce.

(3)   La requérante n’est pas la personne qui a droit d’obtenir l’enregistrement de la marque en cause en cause, conformément aux dispositions de l’alinéa 16(3)a) de la Loi, car à la date de dépôt de la demande, cette marque créait de la confusion avec les marques de commerce de l’opposante LEONARDO et LEONARDO & Dessin, antérieurement employées au Canada depuis au moins 1995 en liaison avec :

[traduction] des produits de parfumerie, huiles essentielles, produits d’hygiène personnelle et produits de beauté, lotions capillaires, plus particulièrement dans des emballages de verre, c.‑à‑d. des flacons et des contenants métalliques; des articles de table, notamment couteaux, cuillers et fourchettes; des appareils et matériels techniques avec boîtier fait de verre, notamment brûleurs à l’huile, lanterne de table, chandeliers de fer et de verre clair structuré, lampes, fontaines d’intérieur; accessoires d’éclairage,  notamment lampes, lampes de chevet, plafonniers; montres et garde‑temps; des pièces d’équipement et contenants pour la maison et la cuisine (faits à partir de matériaux autres que du métal précieux ou vanisé), notamment contenants, verre brut ou partiellement ouvré et verre uni (sauf le verre de construction); des produits ménagers, articles‑cadeaux et objets d’art industriel faits de verre; porcelaine, céramique, notamment services à thé, à café et à table; verres à boire, grosses tasses, carafes, plateaux, soucoupes, chandeliers avec protection contre le vent, seaux à champagne, seaux à glace, récipients pour vin épicé; décorations d’arbre de Noël; jeux, jouets; articles de gymnastique et de sport; café, thé, cacao, chocolat, produits de chocolat, sucreries, pain spécial, gâteaux et pâtisseries; cendriers de verre, porcelaine, grès ou céramique (les « marchandises de l’opposante »);

Et en liaison avec les services d’un franchiseur qui transmet un savoir‑faire économique et technique; planification de la décoration intérieure; (planification d’accessoires d’intérieur et architecturaux); conseils sur l’organisation d’un assortiment et consignes concernant l’étalage et la décoration de points de vente et lieux d’affaires, formation du directeur et du personnel du franchisé, conception de mesures aux fins de la vente, promotion et publicité (les « services de l’opposante »).

 

(4)    La marque en cause en cause n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi, car elle ne distingue ni ne peut distinguer les marchandises en liaison avec lesquelles on projette de l’employer des marchandises et services de l’opposante, ni n’est adaptée de manière à les distinguer.

 

Le 8 août 2003, la requérante a déposé une contre‑déclaration, dans laquelle elle a nié tous les motifs d’opposition.

 

L’opposante a déposé l’affidavit de M. Oliver Kleine, tandis que la requérante a déposé les affidavits de Mme Caroline Charette et de M. Albert Mann. Enfin, l’opposante a déposé en réplique l’affidavit de Mme Carole Delisle. Seule l’opposante a déposé des arguments écrits. Les deux parties étaient représentées à l’audience.

 

 

II Analyse des divers motifs d’opposition

 

Si la requérante a la charge ultime d’établir que la demande est conforme aux dispositions de la Loi, l’opposante a quant à elle celle de présenter les faits qu’elle invoque à l’appui de chaque motif d’opposition. Si l’opposante s’acquitte de cette charge de présentation, la requérante doit alors établir, selon la prépondérance de la preuve, que les motifs d’opposition en question ne devraient pas faire obstacle à l’enregistrement de la marque en cause en cause [voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd. et al c. Seagram Real Estate Ltd., 3 C.P.R. (3d) 325, aux pp. 329-330; John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd., 30 C.P.R. (3d) 293, et Wrangler Apparel Corp. c. The Timberland Company, [2005] C.F. 722].

 

L’opposante m’a informé à l’audience qu’elle retirait ses deux premiers motifs d’opposition compte tenu de la demande modifiée dont il a été fait mention précédemment. Par conséquent, seule la question du droit à l’enregistrement de la marque en cause en cause et du caractère distinctif de celle-ci sont en cause dans la présente instance en opposition. Pour cette raison, le contenu des affidavits de Mmes Charette et Delisle n’est plus pertinent relativement aux motifs d’opposition qui subsistent.

 

i)                    Droit à l’enregistrement

 

La date pertinente pour ce qui est de déterminer si la requérante a droit d’obtenir l’enregistrement de la marque en cause en cause est la date de dépôt de la demande [par. 16(3) de la Loi].

 

L’opposante doit établir l’emploi antérieur de ses marques de commerce LEONARDO et LEONARDO & dessin, reproduites ci‑après :

LEONARDO & design

 

Elle doit établir en outre qu’elle n’avait pas abandonné cet emploi à la date de l’annonce de la demande (12 février 2003). Dès lors qu’elle s’est acquittée de cette charge, c’est au tour de la requérante de convaincre le registraire, selon la prépondérance de la preuve, qu’il n’existe aucune probabilité de confusion entre la marque en cause et les marques de l’opposante, susmentionnées. À mon sens, la comparaison entre la marque en cause et la marque LEONARDO de l’opposante représente l’hypothèse la plus avantageuse pour cette dernière, car les caractéristiques nominales de la marque de commerce reproduite ci‑dessus pourraient permettre de la distinguer de la marque en cause.

 

La requérante fait valoir que la preuve de l’opposante ne permet pas d’établir un emploi continu de la marque en cause au Canada depuis la date déclarée de premier emploi, et que l’opposante n’a pas établi qu’elle n’avait pas abandonné l’emploi de cette marque au Canada à la date de l’annonce de la demande (par. 16(5) de la Loi). Pour étayer cette thèse, la requérante soutient ce qui suit :

  Seulement deux factures remontant à 1995, adressées au même client, ont été déposées, de sorte qu’il n’y a aucune preuve d’un emploi continu de la marque en cause au Canada jusqu’à la date de dépôt de la demande.

  Le gros des documents déposés par l’opposante sont rédigés en allemand ou sont des photographies de magasins qui se trouvent en Allemagne, de sorte qu’ils ne sont d’aucune aide pour ce qui est d’établir que la requérante a employé la marque de l’opposante au Canada.

  Le manque de clarté de certaines des allégations formulées dans l’affidavit de M. Kleine et en particulier l’emploi de l’expression [traduction] « ….depuis les dernières années » au paragraphe 17, où l’auteur de l’affidavit donne les détails de l’apparence des marques LEONARDO et LEONARDO & dessin de l’opposante dans des annonces, sur des étiquettes et sur du matériel promotionnel.

 

M. Kleine est le directeur général de l’opposante depuis le 27 décembre 2000. Il déclare être bien informé des activités quotidiennes de l’opposante partout au Canada en liaison avec les marques LEONARDO et LEONARDO & dessin de l’opposante. Les passages pertinents de son affidavit peuvent être résumés comme ceci :

 

  Il allègue que les marques LEONARDO et LEONARDO & dessin ont été beaucoup employées au Canada, sans interruption depuis au moins 1995, en liaison avec les marchandises de l’opposante (paragraphe 8 de l’affidavit).

  Il allègue que les marques de l’opposante figurent par divers moyens sur les marchandises de l’opposante au Canada, et a déposé des exemples d’étiquettes (pièce N) et d’affiches de points de vente (pièce G).

  Il a produit deux factures (pièce O) remontant au mois de novembre 1995 pour établir la vente au Canada, au cours de l’année en question, des marchandises de l’opposante portant les marques de l’opposante.

  Il a fourni les chiffres de vente des marchandises de l’opposante au Canada en liaison avec les marques de l’opposante entre 1995 et 2003 inclusivement (l’affidavit ayant été signé en juin 2004).

  Il a déposé également des reproductions de certains articles de verrerie vendus au Canada en liaison avec les marques de l’opposante.

 

En dépit des lacunes relevées par la requérante, j’en arrive à la conclusion que l’opposante s’est acquittée de la charge initiale qui lui incombait, car il y a preuve d’un emploi antérieur continu au Canada des marques LEONARDO et LEONARDO & dessin. Pour en arriver à cette conclusion, j’ai pris en considération l’affidavit de M. Kleine dans son ensemble et, plus particulièrement, les faits mis en évidence précédemment. J’aimerais souligner que je considère l’emploi de la marque LEONARDO & dessin telle qu’elle est reproduite précédemment comme un emploi de la marque LEONARDO et, à cet égard, je me reporte aux directives formulées dans les affaires Nightingale Interloc Ltd. c. Prodesign Ltd. (1984), 2 C.P.R. (3d) 535, et Registraire des marques de commerce c. Compagnie L’informatique CII Honeywell Bull, Société Anonyme et al. (1985), 4 C.P.R. (3d) 523.

 

Pour déterminer si la marque en cause crée de la confusion avec la marque déposée de l’opposante, il faut se reporter au critère de confusion entre deux marques de commerce énoncé au paragraphe 6(2) de la Loi, lequel dispose qu’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale. Aux termes du paragraphe 6(5) de la Loi, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce pour déterminer si des marques de commerce sont susceptibles de créer de la confusion, notamment le caractère distinctif inhérent des marques ou noms commerciaux et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; la période pendant les marques ou nom commerciaux ont été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; et le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent.

 

Dans l’arrêt Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc., (2006) 49 C.P.R. (4th) 321, M. le juge Binnie, de la Cour suprême du Canada, s’est exprimé dans les termes suivants sur l’appréciation des critères énoncés au paragraphe 6(5) de la Loi aux fins de déterminer la probabilité de confusion entre deux marques de commerce :

 

Pour l’application du critère de « toutes les circonstances de l’espèce », le par. 6(5) de la Loi énumère cinq facteurs à prendre en compte pour décider si une marque de commerce crée ou non de la confusion.  Ce sont : « a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent ».  Cette liste n’est pas exhaustive et un poids différent sera accordé à différents facteurs selon le contexte.  Voir Gainers Inc. c. Marchildon,[1996] A.C.F. no 297 (QL) (1re inst.).  Comme je l’ai déjà dit, dans le cadre d’une procédure d’opposition, c’est au requérant (en l’occurrence l’intimée) qu’incombe le fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’aucune confusion n’est susceptible de survenir.

 

C’est en gardant à l’esprit ces principes généraux que j’entreprends l’examen de la preuve pertinente et l’appréciation de chacun des facteurs pertinents énoncés ci‑dessus.

La marque en cause reprend le nom d’un peintre et sculpteur célèbre. Dans l’affaire Becker Milk Co. Ltd. c. Interstate Brands Co. (1996), 67 C.P.R. (3d) 76, le registraire a formulé les remarques suivantes sur le caractère distinctif inhérent du nom d’un personnage historique :

 La marque de commerce DOLLY MADISON [de la Becker] possède un caractère distinctif inhérent relativement faible, étant donné que le nom et le prénom qui la composent ont un caractère distinctif faible. Les caractéristiques du dessin de la marque en cause de commerce DOLLY MADISON BAKERY améliorent le caractère distinctif de la marque en cause [d'Interstate], mais, dans l'ensemble, la marque en cause demeure relativement faible. Le mot BAKERY, auquel la requérante a renoncé dans la demande à l'examen, n'ajoute rien au caractère distinctif de la marque en cause visée par la demande d'enregistrement. Qui plus est, le caractère distinctif inhérent des marques des parties est diminué en raison du fait que les Canadiens reconnaîtraient le nom de Dolly Madison comme un personnage historique américain.

 

Pour cette raison, j’arrive à la conclusion que la marque en cause possède un caractère distinctif inhérent faible. La marque LEONARDO est un prénom dont le caractère distinctif inhérent est lui aussi faible. Je ne peux conclure qu’une marque de commerce possède un caractère distinctif inhérent plus fort que l’autre. Toutefois, la mesure du caractère distinctif d’une marque peut être rehaussée par l’emploi de celle‑ci.

 

L’affidavit de M. Kleine doit être considéré dans son ensemble. M. Kleine a déposé des exemples de factures pour établir la date déclarée de premier emploi de la marque en cause au Canada. Il a déclaré que les marques de l’opposante ont été continuellement employées au Canada depuis lors en liaison avec les marchandises de l’opposante, et il a fourni les chiffres de ventes pour chacune des années 1995 à 1999 (la date pertinente étant le 18 octobre 1999), lesquelles s’élèvent au total à 200 000 $ approximativement au cours de cette période. Il a déposé des exemples d’étiquettes utilisées au cours des dernières années.

 

En ce qui concerne les annonces produites, certaines sont rédigées en anglais, mais elles ont été publiées après la date pertinente. Des exemples d’annonces dans d’autres pays ne sont d’aucune utilité pour la thèse de l’opposante, à moins qu’il n’y ait preuve d’un débordement au Canada, ce qui n’est pas le cas. Enfin, l’auteur de l’affidavit a fourni le détail des sommes d’argent consacrées au cours des « dernières années » dans le monde entier à l’annonce et à la promotion de ses marques de commerce LEONARDO et LEONARDO & dessin, mais il n’a pas précisé les chiffres qui s’appliquent au Canada seulement.

 

M. Mann est le président de la société en commandite Anglo-Canadian Housewares, qui est le successeur en titre d’Anglo Canadian Mercantile Co. Limited. Il occupe ce poste au sein de cette entité et son successeur en titre depuis 1974. En fait, c’est le 1er janvier 2002 que la société en commandite Anglo-Canadian Housewares a acquis les droits à l’égard de la marque en cause auprès d’Anglo Canadian Mercantile Co. Limited.

 

L’auteur de l’affidavit allègue que la requérante vend certaines des marchandises depuis au moins 2000, et a produit un catalogue (pièce B) illustrant ces produits. J’ai remarqué, dans le catalogue, une marque LEONARDO DA VINCI & dessin distinctive ainsi que la version signature de la marque en cause LEONARDO DA VINCI. Je crois que, dans ce dernier cas, il s’agit d’un emploi de la marque LEONARDO DA VINCI compte tenu des critères énoncés dans les affaires susmentionnées de Nightingale and Compagnie L’informatique CII Honeywell. La pièce C renferme des photographies de boîtes sur lesquelles figurent une illustration du produit et la version signature de la marque en cause. Les ventes de la requérante ont dépassé les 4,8 millions de dollars depuis 2000. Cependant, c’est la date pertinente qui doit être prise en compte aux fins d’appréciation de ce facteur pertinent. En conséquence, à la date du dépôt, la marque LEONARDO de l’opposante était davantage connue que la marque en cause. Ce facteur joue en faveur de l’opposante.

 

La période pendant laquelle la marque LEONARDO a été employée, à la date pertinente, joue elle aussi en faveur de l’opposante, car la requérante n’utilisait pas la marque en cause à la date pertinente.

 

Il y a eu un certain chevauchement entre les marchandises et certaines des marchandises qui ont été vendues par l’opposante. La requérante a fait valoir, au cours de l’audience, qu’il existe une similarité au niveau des voies commerciales que les parties ont empruntées pour vendre leurs marchandises respectives. En conséquence, ces facteurs jouent eux aussi en faveur de l’opposante.

 

Le degré de ressemblance a été jugé le facteur le plus important, surtout lorsque les marchandises des parties respectives sont identiques. M. le juge Cattanach, dans Beverley Bedding & Upholstery Co. c. Regal Bedding & Upholstering Ltd. (1980), 47 C.P.R. (2d) 145, a déclaré ceci :

À toutes fins pratiques, le facteur le plus important dans la plupart des cas, et celui qui est décisif, est le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent, les autres facteurs jouant un rôle secondaire.

 

Dans la décision Jean-Claude International Corp. c. Poitras Design Inc. (1991), 41 C.P.R. (3d) 115, le registraire s’est exprimé dans les termes suivants :

Quant au degré de ressemblance entre les marques de commerce en cause, la marque en cause JEAN-CLAUDE POITRAS dessin de la requérante comporte une certaine similitude dans le son et la présentation avec la marque déposée JEAN-CLAUDE. En outre, bien que les marques en cause suggèrent le nom ou le prénom d'une personne, aucune des parties n'aurait droit à un monopole sur cette idée.

 

Bien que je réalise que les marques de commerce en litige sont des marques faibles qui, par conséquent, ne sont pas aptes à une vaste protection, je ne dois pas perdre de vue qu'il faut étudier la question de la confusion du point de vue de la première impression du consommateur moyen ayant un souvenir imparfait de la marque de commerce de l'opposante qui ferait face à la marque en cause de la requérante sur le marché. En outre, l'élément initial de la marque en cause de la requérante comprend la marque déposée JEAN-CLAUDE de l'opposante et il n'y a aucune preuve que les mots Jean-Claude ont été adoptés ou employés par d'autres comme élément d'une marque de commerce en liaison avec des marchandises.

 

Le registraire a déterminé également qu’il existait un degré assez élevé de ressemblance entre la marque JONATHAN et la marque en cause projetée JONATHAN STONE dans l’affaire Jonathan, Boutique Pour Hommes Inc. c. Jonathan Stone, Ltd. (1993), 48 C.P.R. (3d) 276. Pour les motifs qui ont été énoncés dans l’affaire Jean-Claude International Corp., précitée, j’arrive à la conclusion que ce facteur favorise l’opposante.

 

La requérante a soulevé le fait qu’elle est la titulaire d’un certificat d’enregistrement TMA597124 pour la marque LEONARDO DA VINCI & dessin relativement à des marchandises semblables. Cela n’a aucune incidence sur la présente demande, ainsi que l’a souligné l’opposante [voir Beverley Bedding & Upholstery Co. c. Regal Bedding & Upholstering Ltd. (1980), 47 C.P.R. (2d) 145 (C.F. 1re inst.)].

 

Dans l’arrêt Mattel, Inc., précité, le juge Binnie a décrit le critère de confusion dans les termes suivants :

Quel point de vue faut‑il alors adopter pour apprécier la probabilité d’une « conclusion erronée »?  Ce n’est pas celui de l’acheteur prudent et diligent.  Ni, par ailleurs, celui du « crétin pressé », si cher à certains avocats qui plaident en matière de commercialisation trompeuse : Morning Star Co‑Operative Society Ltd. c. Express Newspapers Ltd., [1979] F.S.R. 113 (Ch. D.), p. 117.  C’est plutôt celui du consommateur mythique se situant quelque part entre ces deux extrêmes, surnommé [traduction] « l’acheteur ordinaire pressé » par le juge en chef Meredith dans une décision ontarienne de 1927 : Klotz c. Corson (1927), 33 O.W.N. 12 (C.S.), p. 13.  Voir aussi Barsalou c. Darling (1882), 9 R.C.S. 677, p. 693.  Dans Aliments Delisle Ltée c. Anna Beth Holdings Ltd., [1992] C.O.M.C. no 466 (QL), le registraire a dit :

Pour évaluer la question de la confusion, il faut examiner les marques de commerce du point de vue du consommateur moyen pressé, ayant une réminiscence imparfaite de la marque en cause de l’opposante, qui pourrait tomber sur la marque en cause de commerce de la requérante utilisée sur le marché en liaison avec ses marchandises.

 

Mon analyse des facteurs pertinents m’amène à conclure que la requérante ne s’est pas acquittée de la charge qu’elle avait d’établir, selon la prépondérance de la preuve, qu’il n’y aurait aucune probabilité de confusion entre la marque en cause et la marque LEONARDO de l’opposante. En conséquence, j’accueille le troisième motif d’opposition.

 

 

 

 

ii)                  Caractère distinctif

 

La date pertinente pour l’application de ce motif d’opposition est généralement considérée comme étant la date de dépôt de la déclaration d’opposition [voir Andres Wines Ltd. and E&J Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126 (C.A.F.), page 130, et Metro-Goldwyn-Meyer Inc c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317].

 

Dans la décision Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R (2d) 44 (C.F. 1re inst.), le juge Addy a dit ceci :

 

Quant à la question de l'absence de caractère distinctif d'une marque, bien qu'il doive être établi que la marque rivale ou adverse est connue au moins jusqu'à un certain point, il n'est pas nécessaire de prouver qu'elle est bien connue ou qu'elle a été révélée uniquement par les moyens limités prévus à l'article 5 cité plus haut. Il suffit d'établir que l'autre marque est devenue suffisamment connue pour annuler le caractère distinctif de la marque attaquée.

 

Il n’est guère surprenant de voir que, dans de nombreux cas, le sort du motif d’opposition fondé sur l’absence d’un caractère distinctif de la marque faisant l’objet d’une demande est lié à la décision relative à la probabilité de confusion avec les marques de la partie opposante. La présente situation ne fait pas exception à la règle. Mon analyse des facteurs pertinents serait presque identique, si ce n’est que je dois prendre en considération la preuve de l’emploi de la marque en cause entre la date de dépôt et la date pertinente (14 avril 2003). Même en concluant que l’échantillon représentant l’emballage des marchandises constitue un emploi approprié de la marque en cause et en inférant que toutes les ventes de la requérante ont été conclues au Canada, ce qui n’est pas mentionné dans l’affidavit de M. Mann, la période pendant laquelle les marques respectives des parties ont été employées jouerait en faveur de l’opposante, car la date du premier emploi par cette dernière remonte à 1995. Les chiffres de ventes se rapportant à la période pertinente favoriseraient légèrement la requérante, mais une telle conclusion ne permettrait pas de l’emporter sur les conclusions tirées en faveur de l’opposante relativement à tous les autres facteurs pertinents.

 

Pour ces motifs, j’accueille également le quatrième motif d’opposition.

 

 

 

 

 

Conclusion

 

Je conclus que, selon la prépondérance de la preuve, la marque en cause créerait, chez le consommateur moyen dont le souvenir est imparfait, une confusion avec la marque LEONARDO de l’opposante. J’accueille donc les troisième et quatrième motifs d’opposition énoncés précédemment.

 

En conséquence, en vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués par le registraire des marques de commerce en application du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette la demande d’enregistrement de la marque en cause de la requérante conformément au paragraphe 38(8) de la Loi.

 

 

FAIT À MONTRÉAL (QUÉBEC), CE 19e JOUR DE DÉCEMBRE 2006.

 

 

 

 

Jean Carrière,

Membre, Commission de l’opposition des marques de commerce

 

 

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