Contenu de la décision
LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE
THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS
Référence: 2010 COMC 60
Date de la décision: 2010-04-21
DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION par Trans Canaderm Inc. à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1,252,520 pour la marque de commerce PRÉFIX au nom de Bio Actif Inc.
[1] Le 31 mars 2005, Bio Actif Inc. (la Requérante) a produit une demande d'enregistrement concernant la marque de commerce PRÉFIX (la Marque) pour emploi projeté au Canada en liaison avec les marchandises suivantes : « Crème cosmétique pour la peau à base de squalane marin, à partir de l’huile de foie de requin » (les Marchandises).
[2] La demande a été annoncée le 2 novembre 2005 dans le Journal des marques de commerce.
[3] Trans Canaderm Inc. (l'Opposante) a produit une déclaration d'opposition à l’encontre de cette demande en date du 21 décembre 2005. Les motifs d’opposition peuvent se résumer ainsi :
- La demande ne satisfait pas aux exigences de l’article 30(i) de la Loi sur les marques de commerce (L.R.C. 1985, ch. T-13) (la Loi) en ce que la Requérante ne peut être convaincue qu’elle a le droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Marchandises puisque la Marque n’est ni enregistrable, ni distinctive et que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque;
- Eu égard aux dispositions de l’article 12(1)(d) de la Loi, la Marque n’est pas enregistrable en ce qu’elle crée de la confusion avec la marque PREVEX de l’Opposante enregistrée sous le no TMA323,081 en liaison avec les marchandises suivantes : « Pharmaceutical preparation, namely, a protectant cream for hands, for protection against diaper rash and geriatric incontinence » (la marque de l’Opposante). La traduction française de l’énoncé des marchandises tel qu’annoncé dans le Journal des marques de commerce se lit comme suit : « Préparations pharmaceutiques, nommément crèmes protectrices pour protéger les mains contre l’érythème fessier et l’incontinence gériatrique »;
- La Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque eu égard aux dispositions de l’article 16(3)(a) de la Loi en ce que la Marque crée de la confusion avec la marque de l’Opposante ayant été employée antérieurement à la date de production de la demande; et
- La Marque n’est pas distinctive des Marchandises de la Requérante au sens de l’article 2 de la Loi en ce que la Marque n’est pas adaptée à distinguer et ne distingue véritablement pas les Marchandises de la Requérante des marchandises de l’Opposante en liaison avec lesquelles la marque de l’Opposante est employée.
[4] La Requérante a produit le 26 janvier 2006 une contre-déclaration déniant tous les motifs d’opposition.
[5] Au soutien de son opposition, l’Opposante a produit à titre de preuve en chef, les déclarations solennelles de Dominique Jeandupeux (« Director Scientific Affairs » au sein de Stiefel Canada Inc., société mère de l’Opposante) et Janet Dell’Orto (agent de marques de commerce et traductrice à l’emploi de la firme d’avocats et d’agents de marques de commerce représentant l’Opposante). Au soutien de sa demande, la Requérante a produit à titre de preuve en chef la déclaration solennelle de Jacques Duceppe (président de la Requérante). L’Opposante a également produit à titre de preuve en réplique, une deuxième déclaration solennelle de Mme Dell’Orto. Aucun de ces déposants ne fut contre-interrogé.
[6] Les deux parties ont produit des plaidoyers écrits et participé à une audience.
Analyse
Principes généraux et dates pertinentes
[7] Il incombe à la Requérante de démontrer que la demande est conforme aux exigences de la Loi. Il incombe toutefois à l’Opposante de faire en sorte que chacun de ses motifs d’opposition soit dûment plaidé et de s’acquitter du fardeau de preuve initial en établissant les faits sur lesquels elle appuie ses motifs d’opposition, sans quoi il est possible qu’un motif d’opposition ne soit pas pris en considération. Une fois ce fardeau de preuve initial rencontré, il incombe à la Requérante d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’aucun de ces motifs d’opposition ne fait obstacle à l’enregistrement de la Marque [voir à cet effet Massimo De Berardinis c. Decaria Hair Studio (1984), 2 C.P.R. (3d) 319 (C.O.M.C.); John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F.); Joseph E. Seagram & Sons Ltd. et al c. Seagram Real Estate Ltd., (1984) 3 C.P.R. (3d) 325 (C.O.M.C.); Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior, S.A. et al, (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.F.A.); et Wrangler Apparel Corp. c. The Timberland Company, [2005] C.F. 722].
[8] Les dates pertinentes pour l’appréciation des circonstances relatives à chacun des motifs d’opposition en l’espèce sont les suivantes :
1. Motif fondé sur l’article 30 de la Loi : la date de production de la demande [voir à cet effet Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C.)];
2. Motif fondé sur l’article 12(1)(d) de la Loi : la date de ma décision [voir à cet effet Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.F.A.)];
3. Motif fondé sur l’article 16(3)(a) de la Loi : la date de production de la demande; et
4. Motif fondé sur l’absence de caractère distinctif de la Marque : généralement acceptée comme étant la date de production de la déclaration d’opposition [voir à cet effet Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F.)].
[9] J’analyserai maintenant les motifs d’opposition en regard de la preuve versée dans le présent dossier. Comme l’ensemble de ces motifs repose sur la probabilité de confusion entre les marques de commerce sous étude, et comme le motif fondé sur l’article 12(1)(d) de la Loi m’apparaît à cet égard le plus solide du point de vue de l’Opposante, j’analyserai celui-ci en premier.
Motif fondé sur l’article 12(1)(d) de la Loi
[10] Bien que l’Opposante n’ait pas comme tel produit de certificat d’authenticité attestant de l’existence de l’enregistrement no TMA323,081 pour la marque de commerce PREVEX, j’ai exercé ma discrétion et vérifié que cet enregistrement est toujours en vigueur sur le registre des marques de commerce. Puisque cela est le cas, l’Opposante a satisfait le fardeau de preuve initial lui incombant. La Requérante doit dès lors démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de risque de confusion entre la Marque et cette marque de l’Opposante.
[11] Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Selon l’article 6(2) de la Loi, l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou que les services liés à ces marques de commerce sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.
[12] En décidant si des marques de commerce créent de la confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, notamment de celles énumérées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive et un poids différent sera accordé à différents facteurs selon le contexte [voir à cet effet la décision Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.); et Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée et al (2006), 49 C.P.R. (4th) 401, [2006] 1 R.C.S. 824].
a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues
[13] La Marque correspond à l’adjectif « préfix » défini comme suit dans Le Petit Larousse 2010 : « DR. Délai préfix, déterminé d’avance ». La Marque s’apparente également beaucoup au nom masculin « préfixe » (et son pendant anglais « prefix ») défini comme suit dans ce même dictionnaire : « Élément qui se place à l’initiale d’un mot et qui en modifie le sens (ex. re- dans refaire) ». Dans le contexte des Marchandises, la Marque revêt un caractère fantaisiste quoique pouvant suggérer qu’il s’agit d’une crème conçue afin de préparer la peau à recevoir d’autres soins. En cela, je suis d’avis que la Marque possède un certain caractère distinctif inhérent.
[14] La marque PREVEX de l’Opposante consiste en un mot inventé ne possédant aucune signification particulière. En cela, je suis d’avis que cette marque possède un caractère distinctif inhérent relativement plus élevé.
[15] Considérant la mesure dans laquelle les marques sous étude sont devenues connues, la preuve au dossier révèle que chacune des marques a été employée au Canada, bien que dans une moindre mesure en ce qui a trait à la Marque.
[16] La déclaration solennelle de Dominique Jeandupeux révèle en effet que les produits de marque PREVEX de l’Opposante sont vendus dans l’ensemble du Canada depuis 1987. Plus particulièrement, les produits PREVEX sont vendus depuis 1996 dans plusieurs chaines de pharmacies, telles Shoppers Drug Mart/Pharmaprix, London Drugs, Pharma Save, Jean-Coutu, etc., de même que dans les pharmacies retrouvées au sein de larges détaillants et supermarchés, tels Safeway, Zellers, Wal-Mart, Sobeys, A & P, Loblaws, etc. M. Jeandupeux précise que les produits de marque PREVEX sont vendus dans 95% des 7 000 pharmacies répertoriées au Canada.
[17] Les ventes de produits PREVEX réalisées au cours des années 1999 à 2006 représentent quelque 300 000 unités par année, totalisant quelque deux millions de dollars par année. M. Jeandupeux fournit également les montants alloués à la publicité des produits PREVEX au Canada au cours des années 2000 à 2006, lesquels varient entre quelque 200 000 $ et 400 000 $ par année.
[18] En comparaison, la déclaration solennelle de Jacques Duceppe révèle que les Marchandises de la Requérante sont vendues au Canada depuis le 4 octobre 2005 seulement. M. Duceppe explique que ces produits sont notamment vendus au Québec dans diverses boutiques, telles Groupe Johanne Verdon inc., Espace Santé Beauté, Vitavie, Panier Santé, Boutiques Luc Mathieu, de même qu’à la pharmacie Jean Coutu Châteauguay.
[19] Afin de préserver la confidentialité du chiffre d’affaires total des Marchandises PRÉFIX commercialisées par la Requérante, M. Duceppe fournit les chiffres d’affaires minimums réalisés par la Requérante pour les années 2005 et 2006 soit 350 000 $ et 260 000 $ respectivement. M. Duceppe fournit également le chiffre d’affaires « anticipé » pour l’année 2007, bien que cela s’avère peu utile dans les circonstances, étant donné qu’il s’agit-là de prédictions. Les Marchandises PRÉFIX sont distribuées aux premiers clients revendeurs à un prix de 31,36 $ l’unité alors que le prix de vente au détail suggéré par la Requérante pour revente au consommateur est de 49,00 $ l’unité de 60 ml.
[20] M. Duceppe indique par ailleurs que la Requérante a dépensé depuis le mois d’octobre 2005 des sommes importantes en publicité et marketing de toutes sortes pour faire connaître sa marque PRÉFIX auprès de ses acheteurs et du public québécois en général. Il fournit à cet égard les budgets de publicité et promotion dépensés dans le Journal de Montréal (40 400,00 $) et le journal La Presse (12 000,00 $), de même qu’en publicité radio (50 000,00 $) et télévisée (105 000,00 $). Les chiffres de publicité radio et télévisée ne sont accompagnés d’aucun spécimen ni ne sont corroborés de quelconque manière. Par contre, des spécimens de publicité annonçant les Marchandises PRÉFIX faite dans le Journal de Montréal et La Presse en date du 1er décembre 2006 notamment sont joints à titre de pièce JD-3.
[21] L’Opposante fait valoir que sa marque de commerce PREVEX est devenue très connue et extrêmement réputée (has become very well known and extremely reputable) au Canada par opposition à la marque de la Requérante, pour laquelle les spécimens d’étiquettes et de publicité fournis au soutien de la déclaration solennelle de Jacques Duceppe ne démontreraient aucun emploi de la Marque par la Requérante elle-même mais plutôt par des tierces parties, à savoir Groupe Johanne Verdon inc. et Distribution et Service Ferti 2000 inc. L’Opposante s’appuie également sur ce dernier point sur la deuxième déclaration solennelle de Janet Dell’Orto fournie à titre de preuve en réplique.
[22] Plus particulièrement, Mme Dell’Orto affirme dans sa deuxième déclaration avoir effectué des recherches sur Internet afin de vérifier certaines des affirmations de M. Duceppe. Selon ces recherches, le site Web de la Requérante (www.bio-actif.com) ne contient aucune référence aux Marchandises PRÉFIX. Ce site réfère par contre à plusieurs produits « Johanne Verdon » en plus d’offrir un lien vers le site Web du Groupe Johanne Verdon inc. (www.johanneverdon.com). Mme Dell’Orto affirme avoir également effectué des recherches sur ce dernier site Web et été à même de constater l’annonce des Marchandises PRÉFIX sur ce site. Par contre, selon ces recherches, aucune référence n’est faite à la Requérante tant dans cette annonce qu’ailleurs sur le site Web de Groupe Johanne Verdon inc.
[23] La Requérante s’est objectée à cette preuve en réplique de l’Opposante au motif que Mme Dell’Orto est une employée de la firme d’avocats et d’agents de marques de commerce représentant l’Opposante, ce qui la disqualifie pour témoigner dans le présent dossier, et que cette prétendue preuve en réplique ne contient aucune information ou fait qui n’aurait pas été disponible au moment de la production de la preuve en chef de l’Opposante et ne peut donc pas être reçue en preuve par le Registraire conformément à la règle 43 du Règlement sur les marques de commerce. Je ne suis pas d’accord.
[24] Tel qu’expliqué plus haut, cette preuve en réplique fut introduite afin de vérifier la justesse de certaines des affirmations contenues dans la déclaration solennelle de M. Duceppe versée à titre de preuve en chef de la Requérante. Pour cette raison, je suis d’avis que pareille preuve peut être qualifiée de preuve en réplique recevable même si ces informations étaient disponibles au moment de la preuve en chef de l’Opposante. J’estime également le témoignage de Mme Dell’Orto recevable en ce que celle-ci s’est limitée à effectuer des recherches sur Internet selon les paramètres expliqués dans sa recherche. Ces recherches ne sauraient cependant être qualifiées d’exhaustives et de suffisantes en soi pour discréditer le témoignage de M. Duceppe.
[25] Les factures mises en preuve à titre de pièce JD-1 au soutien de la déclaration solennelle de M. Duceppe attestent en effet expressément de la vente de « crème Préfix 60 ml » par la Requérante à Groupe Johanne Verdon inc., laquelle entité agit à titre de revendeur des Marchandises PRÉFIX de la Requérante. Les spécimens d’étiquettes fournis à titre de pièce JD-2 portent à cet égard la mention « UN PRODUIT BIO-ACTIF » en plus du nom « JOHANNE VERDON ». En cela, j’estime que la preuve de la Requérante ne peut être qualifiée d’incompatible avec la preuve en réplique de l’Opposante, d’autant plus que la présente demande d’enregistrement est basée sur un emploi projeté de la Marque.
[26] Quoiqu’il en soit, la mesure dans laquelle la Marque de la Requérante est devenue connue au Canada demeure inférieure à celle de l’Opposante. Les chiffres de vente et de publicité fournis par l’Opposante de même que l’étendue des points de vente des produits PREVEX dans l’ensemble du Canada surpassent ceux de la Requérante et m’amènent à conclure que la marque de l’Opposante jouit d’une certaine reconnaissance dans l’ensemble du Canada. L’appréciation de ce premier facteur favorise donc l’Opposante.
b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage
[27] Ce facteur favorise l’Opposante tel qu’il ressort de mon analyse plus haut.
c) le genre de marchandises, services ou entreprises et d) la nature du commerce
[28] Tel qu’indiqué plus haut, les marchandises de l’Opposante consistent en des « préparations pharmaceutiques, nommément crèmes protectrices pour protéger les mains contre l’érythème fessier et l’incontinence gériatrique » vendues en pharmacie.
[29] M. Jeandupeux explique dans sa déclaration solennelle que la crème protectrice de marque PREVEX est généralement offerte en vente dans les rayons des pharmacies au côté de produits émollients incluant des crèmes cosmétiques telles celles associées à la Marque de la Requérante. M. Jeandupeux joint à sa déclaration solennelle à titre de pièce « A », des spécimens de planogrammes (« planograms ») des pharmacies Shoppers Drug Mart et Pharmasave faisant voir le positionnement des produits de marque PREVEX au côté de crèmes pour la peau de marques diverses telles Aveeno, Jergens, Keri, Vaseline, Dove, Cetaphil, etc.
[30] La Requérante s’est objectée à la production de ces planogrammes au motif que M. Jeandupeux n’explique aucunement en quoi ceux-ci consistent. La Requérante soutient également que cette preuve de M. Jeandupeux consiste en du ouï-dire, ce dernier n’ayant au surplus pas indiqué pourquoi les pharmacies Shoppers Drug Mart et Pharmasave n’ont pu fournir de déclaration solennelle afin d’introduire ces planogrammes en preuve ni même si celles-ci ont été approchées pour fournir de telles déclarations.
[31] Bien qu’il soit exact de dire que ces planogrammes émanent de tierces parties et puissent de ce fait être qualifiés de ouï-dire, j’estime raisonnable dans les circonstances d’accepter ceux-ci en preuve étant donné qu’ils ne servent qu’à illustrer, de manière générale, les explications de M. Jeandupeux et qu’ils favorisent la Requérante plutôt que l’Opposante. L’édition en ligne du Grand Dictionnaire Terminologique définit le terme « planogramme » comme suit : « Représentation graphique de rangées de produits pour favoriser leur vente et donc optimiser la rentabilité par unité de surface. » Les spécimens de planogrammes fournis jouent en faveur de la Requérante en ce qu’ils font voir que la crème protectrice de marque PREVEX de l’Opposante est généralement vendue dans les rayons « soins de la peau » (« skin care ») des pharmacies au côté de crèmes pour les mains ou le corps, plutôt que dans les départements ou comptoirs « cosmétiques » des pharmacies, soit le type de départements ou comptoirs susceptibles d’offrir en vente les Marchandises de la Requérante. Il convient de rappeler à cet égard que bien que les Marchandises de la Requérante soient principalement vendues dans des boutiques spécialisées, elles sont également vendues à la pharmacie Jean Coutu Chateauguay.
[32] Revenant sur la nature des marchandises associées aux marques sous étude, la Requérante fait valoir à juste titre que tant ses produits que ceux de l’Opposante sont de nature spécialisée, tel qu’il ressort de chacun des énoncés de marchandises. La Requérante fait à cet égard valoir que ses produits consistent en des crèmes cosmétiques pour le visage et le corps par opposition à des crèmes pharmaceutiques pour protéger les mains contre l’érythème fessier et l’incontinence gériatrique pour ce qui est des produits de l’Opposante. Je note à cet égard que les spécimens d’emballages et de dépliants publicitaires joints à titre de pièces « B » et « C » à la déclaration solennelle de M. Jeandupeux décrivent la crème PREVEX comme une crème protectrice « Mains sèches et gercées; irritants de la peau; eczéma professionnel » offrant une « protection efficace et durable contre les irritants externes tels que l’eau, les détergents, les plantes, la nourriture, les agents chimiques, les cosmétiques et les produits de polissage ».
[33] La Requérante fait de plus valoir que la différence de prix entre ses produits (se détaillant à quelque 49 $ par unité de 60 ml) et ceux de l’Opposante (se détaillant à quelque 7,60 $ par unité) est un argument de plus en sa faveur dans l’appréciation des différences existant entre les produits sous étude et la nature de leur commerce.
[34] Bien que les produits sous étude consistent tous deux en des crèmes pour la peau pouvant être offertes en vente dans les mêmes pharmacies, je suis d’avis que les différences existant dans la nature intrinsèque de ces produits et, conséquemment, leur positionnement au sein de ces pharmacies tel que discuté plus haut favorisent la Requérante dans l’appréciation de ces troisième et quatrième facteurs.
e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent
[35] « À toutes fins pratiques, le facteur le plus important dans la plupart des cas, et celui qui est décisif, est le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent, les autres facteurs jouant un rôle secondaire. » [Beverley Bedding & Upholstery Co. c. Regal Bedding & Upholstering Ltd. (1980), 47 C.P.R. (2d) 145 (C.F. 1reinst.), à la page 149, confirmé par (1982), 60 C.P.R. (2d) 70 (C.A.F.)].
[36] Par ailleurs, et tel que mentionné plus haut, il est bien établi en jurisprudence que la probabilité de confusion est une question de première impression et de souvenir imparfait. À cet égard, « [m]ême s'il faut examiner la marque comme un tout (et non la disséquer pour en faire un examen détaillé), il est tout de même possible d'en faire ressortir des caractéristiques particulières susceptibles de jouer un rôle déterminant dans la perception du public. » [Pink Panther Beauty Corp .c. United Artists Corp. (1998), 80 C.P.R. (3d) 247 (C.A.F.), 1998 CarswellNat 2060, au paragraphe 34].
[37] L’Opposante fait valoir que les marques sous étude sont hautement similaires en ce que toutes deux commencent par le préfixe « PRE » et se terminent par la lettre « X ». L’Opposante, s’appuyant notamment sur la déclaration solennelle de Janet Dell’Orto, fait à cet égard valoir que la marque PREVEX est susceptible d’être prononcée « PRÉVEX » en français et « PREEVIX » comme « FREE MIX » en anglais.
[38] La Requérante s’est objectée, à juste titre, à l’opinion émise par Mme Dell’Orto dans sa première déclaration solennelle concernant la ressemblance au niveau phonétique entre les marques sous étude. Mme Dell’Orto, en sa qualité d’employée de la firme d’avocats et d’agents de marque de commerce représentant l’Opposante, ne saurait jouir de l’indépendance nécessaire pour agir à titre d’expert linguistique dans le présent dossier [voir à cet effet Cross Canada Auto Body Supply Windsor Limited v. Hyundai Auto Canada (2006), 53 C.P.R. (4th) 286 (F.C.A.)].
[39] Quoiqu’il en soit, même si les marques de commerce sous étude possèdent certaines similitudes au niveau phonétique, celles-ci m’apparaissent somme toute fort relatives en comparaison des différences que présentent les marques de commerce entre elles tant au niveau phonétique qu’au niveau des idées qu’elles suggèrent.
[40] Plus particulièrement, la deuxième syllabe des marques de commerce sous étude est celle en l’occurrence qui leur confère un caractère distinctif qui leur est propre; la première syllabe constituée du préfixe « PRÉ/PRE » possédant en soi un caractère distinctif inhérent limité. La syllabe « VEX » diffère de la syllabe « FIX » au niveau phonétique. Également, les marques considérées dans leur ensemble diffèrent totalement au niveau des idées qu’elles suggèrent. Tel que discuté plus haut, la marque « PREVEX » consiste en un mot inventé ne possédant aucune signification particulière alors que la Marque « PRÉFIX » suggère, de par les définitions du dictionnaire, qu’il s’agit d’une crème conçue afin de préparer la peau à recevoir d’autres soins. En cela, je suis d’avis que l’appréciation de ce cinquième facteur favorise la Requérante.
[41] L’Opposante a fait valoir à titre de circonstance additionnelle, l’état du registre des marques de commerce en ce qui a trait à des marques de commerce constituées des préfixes « PREF » ou « PREV » en combinaison avec la terminaison « X ».
[42] Plus particulièrement, l’Opposante fait valoir que les recherches effectuées par Mme Dell’Orto sur le registre des marques de commerce mises en preuve dans la première déclaration solennelle de Mme Dell’Orto démontrent qu’il n’existe sur le registre que deux marques de commerce seulement constituées du préfixe « PREF » ou « PREV » combiné à la terminaison « X », soit précisément les marques de commerce sous étude.
[43] La Requérante fait valoir que les résultats de recherches présentés par Mme Dell’Orto ne sont ni objectifs ni utiles aux fins de la présente analyse. Je conviens avec la Requérante que cette recherche s’avère peu utile dans les circonstances. Il est difficile en effet de tirer quelque inférence que ce soit en faveur de l’une ou l’autre des parties à partir des résultats de recherches présentés. D’autres marques auraient pu s’avérer pertinentes bien que non dévoilées en raison des paramètres de recherche précis employés par Mme Dell’Orto. Je suis d’avis que la preuve de l’état du registre n’assiste de façon significative, aucune des parties.
Conclusion – probabilité de confusion
[44] Considérant les différences existant d’une part entre les marques de commerce entre elles aux niveaux phonétique et des idées qu’elles suggèrent et, d’autre part, entre les marchandises entre elles, je suis d’avis que la Requérante a établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’un consommateur ayant un souvenir imparfait de la marque PREVEX de l’Opposante ne serait pas susceptible de conclure que les Marchandises PRÉFIX proviennent de la même source ou sont autrement reliées ou associées aux produits de l’Opposante. Je suis d’avis que ces différences font plus que contrepoids aux arguments mis de l’avant par l’Opposante dans l’appréciation de l’ensemble de toutes les circonstances de l’espèce. Conséquemment, je rejette le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)(d) de la Loi.
Motif fondé sur l’article 16(3)(a) de la Loi
[45] L’Opposante peut s’acquitter de son fardeau de preuve initial en ce qui a trait à l’article 16(3)(a) en démontrant que sa marque de commerce a été employée ou révélée au Canada antérieurement à la date de production de la demande et qu’elle n’en avait pas abandonné l’emploi à la date de publication de la demande [article 16(5)].
[46] Pour les raisons expliquées plus haut, je suis d’avis que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial.
[47] La différence entre les dates pertinentes pour les motifs d’opposition fondés sur les articles 12(1)(d) et 16(3)(a) n’a pas vraiment d’incidence sur mes conclusions précédentes, lesquelles s’appliquent également au présent motif. Conséquemment, je suis d’avis de rejeter également le motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)(a) de la Loi.
Motif fondé sur l’absence de caractère distinctif
[48] L’Opposante peut s’acquitter de son fardeau de preuve initial en ce qui a trait à l’absence de caractère distinctif de la Marque en démontrant que sa marque de commerce était devenue suffisamment connue au Canada à la date de la déclaration d’opposition de manière à nier le caractère distinctif de la Marque [voir à cet effet Motel 6, Inc. c. No.6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 44 (C.F.)].
[49] Pour les raisons expliquées plus haut, je suis d’avis que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial.
[50] La différence entre les dates pertinentes pour ce motif d’opposition et celui fondé sur l’article 12(1)(d) de la Loi n’a pas vraiment d’incidence sur mes conclusions précédentes, lesquelles s’appliquent également au présent motif. Conséquemment, je suis d’avis de rejeter également le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif.
Motif fondé sur l’article 30(i) de la Loi
[51] Tel que plaidé, le motif d’opposition fondé sur l’article 30(i) est invalide en ce qu’il allègue seulement que la Requérante ne peut être convaincue qu’elle a le droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Marchandises puisque la Marque n’est ni enregistrable, ni distinctive et que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque. Les motifs fondés sur l’enregistrabilité de la Marque, le caractère distinctif de celle-ci et la personne ayant droit à l’enregistrement constituent des motifs d’opposition distincts (ayant par ailleurs été tous rejetés) et ne peuvent servir de fondement à un motif d’opposition en vertu de l’article 30(i) de la Loi. J’ajouterai au surplus qu’il n’y a aucune preuve au dossier pour conclure que la Requérante ne peut être convaincue qu’elle a le droit d’employer la Marque [voir à cet effet Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol-Myers Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.)].
[52] Conséquemment, je suis d’avis que le motif d’opposition fondé sur l’article 30(i) doit également être rejeté.
Décision
[53] Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition selon les dispositions de l’article 38(8) de la Loi.
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Annie Robitaille
Membre
Commission des oppositions des marques de commerce
Office de la propriété intellectuelle du Canada