Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2014 COMC 109

Date de la décision : 2014-05-29

TRADUCTION

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION produite par Johnson & Johnson à l'encontre de la demande d'enregistrement no 1,386,160 pour la marque de commerce LUMINADERM au nom de NovaBiotics Limited

 

[1]               NovaBiotics Limited (la Requérante) est une société de biotechnologie de stade clinique établie à Aberdeen en Écosse. La Requérante a produit une demande d'enregistrement de la marque de commerce LUMINADERM (la Marque). Sa demande d'enregistrement est fondée sur un emploi projeté de la Marque au Canada en liaison avec des marchandises qui peuvent dans l'ensemble être décrites comme des préparations et des substances antiinfectieuses, antiseptiques, antimicrobiennes, antivirales, antifongiques et antibactériennes. L'état déclaratif des marchandises de la demande est reproduit intégralement à l'annexe A de la présente décision.

[2]               Johnson & Johnson (l'Opposante) s'est opposée à la demande d'enregistrement principalement au motif qu'il existe une probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et plusieurs de ses propres marques de commerce qui ont été préalablement déposées et/ou employées en liaison avec différentes lotions et crèmes pour la peau, et qui sont composées du ou comprennent le terme LUBRIDERM. Les marques de commerce de l'Opposante sont présentées à l'annexe B de la présente décision.

[3]               Pour les motifs qui suivent, l'opposition est accueillie.

L'historique du dossier

[4]               La demande d'enregistrement de la Marque a été produite le 5 mars 2008 et revendique une date de dépôt prioritaire fondée sur la demande correspondante de la Requérante auprès de l'OHIM (EU) qui porte le no 006260418.

[5]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 4 novembre 2009.

[6]               Le 26 mars 2010, l'Opposante a contesté la demande d'enregistrement en vertu de l'article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) par voie d'une déclaration d'opposition. Les motifs d’opposition sont fondés sur les articles 30a), 30i), 12(1)d), 16(3)a), 16(3)b), 16(3)c) et 2 de la Loi.

[7]               À l'appui de son opposition, l'Opposante a produit l'affidavit de Cory Price, souscrit le 7 octobre 2010 (l'affidavit de Mme Price), de même que des copies certifiées des enregistrements des marques de commerce sur lesquelles elle appuie ses motifs d'opposition.

[8]               À l'appui de sa demande d'enregistrement, la Requérante a produit l'affidavit de John Kingston Pool, souscrit le 2 février 2011 (l'affidavit de M. Pool) et l'affidavit de Tamsin Thomas, souscrit le 8 février 2011 (l'affidavit de Mme Thomas). M. Pool et Mme Thomas ont tous les deux été contre-interrogés sur leurs affidavits et les transcriptions des contre-interrogatoires ont été versées au dossier.

[9]               Les deux parties ont produit un plaidoyer écrit et ont assisté à une audience.

Le fardeau de preuve

[10]           La Requérante a le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Toutefois, il revient a priori à l'Opposante de présenter une preuve admissible suffisante de laquelle on peut raisonnablement conclure que les faits allégués à l'appui de chaque motif d'opposition existent [voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst.) page 298].

L'examen des motifs d’opposition

Non-conformité – article 30a)

[11]           L'Opposante a fait valoir que contrairement à l'article 30a) de la Loi, la demande d'enregistrement ne comprend pas de déclaration dans les termes ordinaires du commerce concernant les marchandises spécifiques en liaison avec lesquelles l'emploi est projeté.

[12]           Le motif d'opposition de l'Opposante fondé sur l'article 30a) n'a pas, selon moi, été convenablement plaidé. L'état déclaratif des marchandises de la demande d'enregistrement est relativement long, et il n'y aucune indication dans les déclarations, à savoir quelles marchandises contreviendraient à l'article 30a) de la Loi. Par conséquent, j'estime que la déclaration est vague et ambiguë, et je suis d'avis qu'elle n'est pas présentée avec suffisamment de détails pour permettre à la Requérante d'y répondre.

[13]           Cela dit, je remarque que la Cour d’appel fédérale a statué que le caractère suffisant des déclarations devrait être évalué en tenant compte de tous les éléments de preuve versés au dossier [Novopharm Ltd c. Astra AB (2002), 21 CPR (4th) 289 (CAF)]. L'Opposante n'a présenté aucune preuve à l'appui de ce motif d'opposition. Toutefois, une preuve n'est pas toujours nécessaire pour appuyer un motif d'opposition fondé sur l'article 30a). Il est parfois possible pour un opposant de s'acquitter de son fardeau initial relativement à un motif d'opposition fondé sur l'article 30a) uniquement par des déclarations [McDonald's Corp c. MA Comacho-Saldana International Trading Ltd (1984), 1 CPR (3d) 101 à 104 (COMC)].

[14]           Bien que l'Opposante n'ait produit aucune observation écrite pour étayer son motif d'opposition fondé sur l'article 30a), elle a fait quelques observations verbales relativement à ce motif lors de l'audience. D'après ce que je comprends, l'Opposante conteste le fait que la preuve suggère que la Marque est destinée à être employée pour désigner une partie intégrale d'un autre produit plutôt que de désigner le véritable produit lui-même, et l'Opposante est, par conséquent, d'avis qu'une restriction aurait dû être incluse dans l'état déclaratif des marchandises.

[15]           À mon avis, les observations verbales de l'Opposante ne sont pas suffisantes pour combler les lacunes de ses déclarations. De nouveau, l'Opposante n'a pas précisé les marchandises en particulier qui contreviendraient à l'article 30a). De plus, je suis d'avis que le problème de l'Opposante avec l'état déclaratif des marchandises va au-delà de la portée de l'article 30a).

[16]           Compte tenu de ce qui précède, le motif d’opposition fondé sur l'article 30a) est rejeté.

Non-conformité – article 30i)

[17]           L'Opposante a allégué que la Requérante ne pouvait pas être convaincue d'avoir le droit d'employer la Marque au Canada à la date de production de la demande, car la Requérante connaissait ou aurait dû connaître l'existence des marques de commerce LUBRIDERM de l'Opposante.

[18]           L'article 30i) de la Loi exige simplement qu'un requérant déclare dans sa demande être convaincu d'avoir le droit d’enregistrer sa marque de commerce. Lorsqu’un requérant a fourni la déclaration exigée, un motif d’opposition fondé sur l'article 30i) ne devrait être accueilli que dans des cas exceptionnels, comme lorsqu’il existe une preuve que le requérant est de mauvaise foi [voir Sapodilla Co Ltd c. Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC), p. 155]. La simple connaissance de l'existence des marques de commerce de l'Opposante n'appuie pas en soi une allégation que la Requérante n'aurait pas pu être convaincue de son droit à l'emploi de la Marque [voir Woot, Inc c. WootRestaruants Inc Les Restaurants Woot Inc 2012 COMC 197 (CanLII)].

[19]           La Requérante a produit la déclaration nécessaire, et l'Opposante n'a pas démontré qu'il s'agissait d'un cas exceptionnel.

[20]           Compte tenu de ce qui précède, le motif d'opposition fondé sur l'article 30i) est rejeté.

Non-enregistrabilité – article 12(1)d)

[21]           L'Opposante a fait valoir que la Marque n'est pas enregistrable en vertu de l'article 12(1)d) de la Loi, compte tenu des marques de commerce déposées de l'Opposante comme elles sont présentées à l'annexe B jointe aux présentes.

[22]           La date pertinente aux fins d'examen de ce motif est la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd et Registraire des marques de commerce (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)].

[23]           J'ai exercé le pouvoir discrétionnaire du registraire, et je confirme que les enregistrements allégués ne sont pas tous toujours existants. En particulier, les enregistrements nos LMC479,295, LMC479,296, LMC446,010 et LMC469,661 ont tous été radiés. Ainsi, l'Opposante ne s'est acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait que pour les enregistrements nos LMC111,493, LMC423,802, LMC511,038, LMC519,211 et LMC423,800. La question, par conséquent, est de savoir si la Requérante s'est acquittée du fardeau de démontrer que la Marque ne risque pas raisonnablement de créer de la confusion avec l'une ou l'autre de ces marques de commerce déposées restantes.

[24]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. L'article 6(2) de la Loi indique que l'emploi d'une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l'emploi des deux marques dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[25]           Dans l'application du test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris celles expressément énoncées à l'article 6(5) de la Loi, à savoir a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Le poids qu'il convient d'accorder à chacun de ces facteurs n'est pas nécessairement le même. [Voir Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc., (2006), 49 CPR (4th) 321 (CSC); Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée et al, (2006), 49 CPR (4th) 401 (CSC); Masterpiece Inc. c. Alavida Lifestyles Inc. (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC)].

[26]           Dans ses observations verbales, l'Opposante a mis l'accent sur la probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce LUBRIDERM de l'Opposante, qui fait l'objet de l'enregistrement no LMC423,802 pour [traduction] « écran solaire et lotion pour la peau » et de l'enregistrement no LMC111,493 pour [traduction] « lotion médicinale pour la peau ». Lors de l'audience, La Requérante a indiqué que l'Opposante n'avait produit aucune preuve pour suggérer qu'elle a vendu une lotion pour la peau qui soit autre chose qu'une simple lotion hydratante pour la peau. Autrement dit, il n'existe aucune preuve que l'une ou l'autre des lotions pour la peau vendues par l'Opposante est de nature « médicinale ». Je suis d’accord. Compte tenu de cela, je suis d'avis que la comparaison entre la Marque avec la marque de commerce LUBRIDERM de l'Opposante, qui fait l'objet de l'enregistrement no LMC423,802, représente les meilleures chances pour l'Opposante d'obtenir gain de cause. Je dois donc axer mon examen sur cet enregistrement en particulier, puisqu'il permettra de réellement trancher la question de ce motif d'opposition.

Article 6(5)a) – le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[27]           Les parties sont d'avis que l'élément DERM, qui est présent dans les marques de commerce des deux parties, est évocateur dans le contexte des produits de soin de la peau [voir page 9, para 34 des observations écrites de l'Opposante et page 12, para 41 des observations écrites de la Requérante, et voir également l'affidavit de Mme Thomas, pièce D]. Je suis d’accord.

[28]           L'Opposante fait valoir que la Marque possède un caractère distinctif inhérent moins fort que ses propres marques de commerce, parce qu'elle comprend l'élément LUMINA, qui suggère que les produits de la Requérante engendrent une peau [traduction] « lumineuse », « claire », « radieuse » ou « brillante » [voir la transcription du contre-interrogatoire de M. Pool page 15, question 43; l'affidavit de M. Pool, page 2, para 4 et la transcription du contre-interrogatoire de Mme Thomas, pages 8 et 9, questions 37 à 42]. Par contre, la Requérante fait valoir que la marque de commerce de l'Opposante ne possède pas de caractère distinctif inhérent, puisqu'elle est principalement composée de mots qui décrivent les produits de l'Opposante, c'est-à-dire qu'ils lubrifient (LUBR) la peau (DERM) [voir l'affidavit de Mme Thomas, pièce D].

[29]           Malgré leur nature évocatrice, lorsque prises dans leur ensemble, je suis d'avis que les marques de commerce des deux parties possèdent un certain caractère distinctif inhérent. Après tout, il s'agit de mots inventés. Toutefois, je suis également d'avis qu'aucune des marques de commerce des parties ne possède plus de caractère distinctif inhérent que l'autre, puisque les mots LUBRI et LUMINA, en combinaison avec DERM, me semblent tout aussi évocateurs des marchandises respectives des parties.

[30]           J'examinerai maintenant la preuve pour déterminer la mesure selon laquelle les marques de commerce des parties peuvent avoir acquis un certain caractère distinctif.

[31]           L'affidavit de Mme Price fournit les renseignements suivants quant à l'Opposante et à son emploi de la marque de commerce LUBRIDERM au Canada :

         Mme Price est une employée de Johnson & Johnson Inc. (JJI), qui est une entreprise affiliée de l'Opposante. Mme Price est la directrice des marques pour la ligne de produits LUBRIDERM de l'Opposante [voir para 1]. L'Opposante a acquis la marque LUBRIDERM d'un prédécesseur en 2006 [voir para 2].

         JJI vend des produits au Canada en liaison avec des marques de commerce composées de la marque de commerce LUBRIDERM ou qui la comprennent, en liaison avec une gamme de lotions et de crèmes pour la peau et pour les mains et d'écrans solaires [voir para 4].

         JJI distribue les produits LUBRIDERM de l'Opposante au Canada dans des pharmacies, des grandes surfaces, des épiceries, des magasins d'alimentation et des clubs-entrepôts, de même qu'à des grossistes et des distributeurs. Les produits LUBRIDERM de l'Opposante sont vendus chez Shoppers Drug Mart, Wal-Mart, Pharmaplus, Zellers, Loblaws et Costco [voir para 5].

         La plupart des produits LUBRIDERM de l'Opposante sont destinés à la vente au détail et sont vendus au Canada entre 4 $ et 11 $ [voir para 6].

         Les ventes annuelles des produits LUBRIDERM de l'Opposante au Canada pour les années 2005 à 2010 variaient entre 5 M$ et 9 M$ par année (approximativement).

         Jointes en pièce A de l'affidavit de Mme Price se trouvent des photographies numériques qui montrent différents contenants de produits LUBRIDERM de l'Opposante tels qu'ils sont et ont été vendus au Canada. La marque de commerce LUBRIDERM figure bien en vue sur les contenants.

         Les dépenses annuelles en publicité pour la promotion des produits LUBRIDERM de l'Opposante au Canada pour les années 2005 à 2009 variaient entre 800 000 $ et 2 M$ par année.

         Joints en pièce B de l'affidavit de Mme Price se trouvent des échantillons de factures de publicité pour la promotion de la marque LUBRIDERM de l'Opposante au Canada. La pièce C montre deux publicités télédiffusées pour les produits de marque LUBRIDERM de l'Opposante qui ont été diffusées sur plusieurs réseaux de télévision partout au Canada en 2008 et 2009.

         Les produits LUBRIDERM de l'Opposante sont également annoncés au Canada dans les circulaires des détaillants canadiens, tels que Shoppers Drug Mart, IDA, Guardian, Pharmaplus, Zellers, London Drugs, Loblaws, Metro et Safeway. Les détaillants couvrent de la Colombie-Britannique aux Maritimes. La pièce D est composée d'une copie papier qui établit la mesure dans laquelle les produits LUBRIDERM de l'Opposante ont été annoncés par des détaillants au Canada entre 2001 et 2010. La copie papier suggère que les produits LUBRIDERM de l'Opposante ont été beaucoup annoncés sur le marché canadien pendant de nombreuses années.

         Également joints en pièces à l'affidavit de Mme Price se trouvent un échantillon de quelques publicités imprimées de 2008 [voir pièce E] et des copies de plusieurs articles parus dans différentes publications au Canada et qui font référence à la marque de commerce LUBRIDERM de l'Opposante [voir pièce F]. Mme Price fournit également quelques renseignements relatifs au nombre d'appels normalement faits chaque année par des clients pour transmettre des félicitations, des plaintes ou des demandes. Pour les années 2007 à 2009, environ 600 appels de ce genre ont été faits par des Canadiens relativement aux produits LUBRIDERM de l'Opposante [voir page 5, para 17].

[32]           La Requérante conteste le fait que Mme Price n'a pas fait de distinction entre les différentes marques qui étaient invoquées dans la déclaration d'opposition quand elle a fait des assertions d'emploi dans son affidavit. La Requérante fait également valoir que l'affidavit de Mme Price ne démontre pas l'emploi de toutes les marques de commerce de l'Opposante. Je suis d’accord. Cela étant dit, je suis d'avis que Mme Price a clairement démontré l'emploi du la marque nominale LUBRIDERM [voir para 4, pièce A]. De plus, je suis également d'avis que l'emploi d'au moins quelques-unes des autres marques de commerce LUBRIDERM qui ont été invoquées constituerait un emploi de la marque nominale LUBRIDERM, compte tenu du fait que LUBRIDERM est l'élément dominant des marques. Après interprétation raisonnable de l’affidavit de Mme Price dans son ensemble ainsi que des ventes et de la publicité importantes qui ont été faites, j'estime qu'il est raisonnable de conclure qu'une bonne partie des chiffres de ventes et de publicité serait en lien avec l'emploi de la marque de commerce LUBRIDERM de l'Opposante.

[33]           Dans l'ensemble, je suis convaincue que la marque de commerce LUBRIDERM de l'Opposante est devenue assez connue au Canada.

[34]           Par comparaison, la demande d’enregistrement de la Marque s'appuie sur un emploi projeté au Canada, et la Requérante n'a produit aucune preuve qui me permettrait de conclure que la Marque est devenue connue dans une certaine mesure au Canada.

[35]           Compte tenu de ce qui précède, j'estime que le facteur énoncé à l'article 6(5)a), qui est une évaluation du caractère distinctif inhérent et du caractère distinctif acquis des marques de commerce, favorise l'Opposante parce que la marque de commerce de l'Opposante a acquis un caractère distinctif qui va bien au-delà du caractère distinctif inhérent de la Marque.

Article 6(5)b) – la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[36]           La Requérante n'a produit aucune preuve d'emploi de la Marque au sens de l’article 4(1) de la Loi. L'Opposante a démontré un emploi de sa marque de commerce sur une période de plusieurs années. Ce facteur favorise donc également l'Opposante.

Articles 6(5)c) et d) – le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce

[37]           Un examen des facteurs énoncés aux articles 6(5)c) et d) exige une comparaison entre les marchandises décrites dans la demande d’enregistrement de la Marque et les marchandises couvertes par l'enregistrement de l'Opposante [Mr. Submarine Ltd c. Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 à 10-11 (CAF); Henkel Kommadnitgellschaft c. Super Dragon (1986), 12 CPR (3d) 110 à 112 (CAF); Miss Universe Inc c. Dale Bohna (1994), 58 CPR (3d) 381 à 390-392 CAF)]. L’examen de ces états déclaratifs doit, toutefois, être effectué dans l'optique de déterminer le genre probable d’entreprise ou de commerce envisagés par les parties, et non l’ensemble des commerces que le libellé est susceptible d’englober. À cet égard, une preuve de la nature véritable des commerces exercés par les parties est utile [voir McDonald's Corp c. Coffee Hut Stores Ltd (1996), 68 CPR (3d) 168 (CAF); Procter & Gamble Inc c. Hunter Packaging Ltd (1999), 2 CPR (4th) 266 (COMC); etAmerican Optical Corp c. Alcon Pharmaceuticals Ltd (2000), 5 CPR (4th) 110 (COMC)].

[38]           L'état déclaratif des marchandises qui figure dans l'enregistrement de l'Opposante couvre des [traduction] « écran solaire et lotion pour la peau ».

[39]           L'état déclaratif des marchandises de la demande d’enregistrement de la Marque couvre des marchandises qui peuvent dans l'ensemble être décrites comme des préparations et substances antiinfectieuses, antiseptiques, antimicrobiennes, antivirales, antifongiques et antibactériennes [voir l'annexe A jointe aux présentes pour une reproduction intégrale de l'état déclaratif des marchandises].

[40]           Certaines des marchandises de la demande sont décrites de manière très large; par exemple [traduction] « préparations et substances pharmaceutiques et vétérinaires, nommément préparations et substances antiinfectieuses » et « préparations et substances antiseptiques ». D'autres sont décrites de manière plus spécifique; par exemple [traduction] « préparations et substances antimicrobiennes pour un emploi dans le traitement des affections dermatologiques, nommément la teigne et autres infections fongiques de la peau (y compris du cuir chevelu) et des ongles, infections bactériennes gram-positives et gram-négatives de la peau et des ongles, pellicules, acné, rosacée, ulcères, plaies » et « préparations et substances médicamentées antifongiques et antibactériennes, nommément hydratants, crèmes, lotions, gels, toniques, nettoyants, et cosmétiques, tous pour un emploi dans le traitement des affections dermatologiques, nommément pour le traitement de la teigne et d’autres infections fongiques de la peau (y compris du cuir chevelu) et des ongles... ».

[41]           L'affidavit de M. Pool donne un aperçu de la nature des marchandises de la Requérante. M. Pool déclare que la Requérante a mis au point une technologie peptidique antiinfectieuse unique et brevetée. Il indique que sa première application était au moyen d'un traitement, topique ou à appliquer avec un pinceau, pour les infections fongiques des ongles [affidavit de M. Pool, para 2]. M. Pool indique de plus que les produits LUMINADERM de la Requérante sont composés de molécules actives qui offrent le premier mécanisme de protection antimicrobienne contre les bactéries, la levure et les champignons [voir page 2, para 3].

[42]           Lors du contre-interrogatoire, M. Pool a expliqué que le produit LUMINADERM n'est pas destiné à être appliqué sur la peau en soi, mais qu'il doit plutôt être intégré dans un autre produit qui fera l'objet d'une marque à part entière [transcription de M. Pool, pages 3 et 4, question 5]. À titre d'exemple, M. Pool suggère qu'un shampoing qui se vend au détail sous une marque nominale, telle que « Head & Shoulders », pourrait contenir le produit que la Requérante a l'intention de mettre en marché sous la Marque, de sorte que la bouteille de shampoing pourrait indiquer [traduction] « Head & Shoulders, contient maintenant du LUMINADERM » [transcription de M. Pool, pages 4 et 5, questions 6 à 9].

[43]           Lors du contre-interrogatoire, M. Pool a également admis qu'un consommateur qui, par exemple, souffrirait de dermatite pourrait essayer les produits LUBRIDERM de l'Opposante, qui sont disponibles en vente libre, et ensuite essayer les produits LUMINADERM de la Requérante, lesquels contiennent des ingrédients cliniquement actifs. Autrement dit, les deux produits pourraient potentiellement être employés à différents moments dans un cycle de traitement pour le même trouble et par le même consommateur [transcription de M. Pool, pages 12 à 14, questions 32 à 41].

[44]           Compte tenu de ce qui précède, j'estime qu'il peut exister un lien entre les marchandises des parties.

[45]           À l'égard des voies de commercialisation, les produits LUBRIDERM de l'Opposante sont vendus au Canada dans des pharmacies, des grandes surfaces, des épiceries, des magasins d'alimentation et des clubs-entrepôts, de même qu'à des grossistes et des distributeurs. Par exemple, Shoppers Drug Mart, Wal-Mart, Pharmaplus, Zellers, Loblaws et Costco [voir affidavit de Mme Price, para 5].

[46]           Selon M. Pool, les produits LUMINADERM ne constitueraient qu'une partie de composés sur ordonnance seulement. C'est-à-dire qu'ils ne seraient disponibles que dans les pharmacies, sur ordonnance [transcription de M. Pool, pages 5 et 6, questions 10 à 12]. Cependant, la description des marchandises dans la demande d'enregistrement de la Marque n'est pas restreinte aux produits vendus seulement sur ordonnance et M. Pool l'a confirmé lors son contre-interrogatoire [transcription de M. Pool, page 7, question 15]. De plus, même si les produits n'étaient disponibles que sur ordonnance, le fait demeure que les produits des deux parties sont vendus ou destinés à être vendus dans des pharmacies.

[47]           Compte tenu de ce qui précède, j'estime qu'il existe un certain chevauchement des voies de commercialisation liées aux marques de commerce des parties.

[48]           M. Pool tente de faire la distinction entre les produits des parties en indiquant que les produits LUMINADERM devraient avoir un prix de vente au détail plus élevé que les produits LUBRIDERM de l'Opposante [affidavit de M. Pool, para 4]. Cependant, lors de son contre-interrogatoire, M. Pool a admis qu'il n'était pas familier avec les produits LUBRIDERM de l'Opposante et qu'il a acquis sa connaissance des prix des produits de l'Opposante grâce à une recherche sur Internet [transcription de M. Pool, pages 7 et 8, question 17 à 21]. M. Pool a également confirmé que les produits liés à la Marque ne sont pas encore vendus au Canada et qu'il n'y a aucune restriction dans l'état déclaratif des marchandises de la demande d'enregistrement de la Marque à l'égard du prix de vente des produits associés [transcription de M. Pool, pages 8 et 9, question 22 à 25]. Par conséquent, je ne suis pas disposée à accorder du poids à la preuve de M. Pool à cet égard.

Article 6(5)e) – le degré de ressemblance entre les marques dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent

[49]           Au moment de déterminer le degré de ressemblance entre deux marques de commerce, la loi établit clairement que les marques doivent être considérées dans leur ensemble. Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. En l'espèce, j'estime qu'il existe une ressemblance considérable entre les marques de commerce des parties. Comme l'Opposante l'a indiqué, les marques de commerce des deux parties sont formées d'un seul mot, qui est inventé, et commencent par « LU » et se terminent par « DERM », ce qui entraîne une ressemblance visuelle et phonétique entre les marques. De plus, les deux marques donnent l'impression commerciale d'être liées à la peau puisque les deux se terminent par « DERM ».

Les circonstances de l'espèce

[50]           La Requérante a présenté une preuve de l'état du registre grâce à l'affidavit de Mme Thomas.

[51]            La preuve de l'état du registre n'est pertinente que dans la mesure où l'on peut en tirer des conclusions à propos de l'état du marché, et des conclusions à propos de l'état du marché peuvent seulement être tirées de la preuve de l'état du registre si un grand nombre d'enregistrements pertinents a été localisé [Ports International Ltd c. Dunlop Ltd (1992), 41 CPR (3d) 432 (COMC); Welch Foods Inc c. Del Monte Corp (1992), 44 CPR (3d) 205 (CF 1re inst.); Maximum Nutrition Ltd c. Kellogg Salada Canada Inc (1992), 43 CPR (3d) 349 (CAF)].

[52]           L'Opposante a examiné la preuve de l'état du registre aux paragraphes 50 à 56 de son plaidoyer écrit. L'Opposante fait remarquer que Mme Thomas a repéré 81 marques de commerce qui comprennent le terme « derm ». Parmi celles-ci, l'Opposante fait valoir qu'il n'y a que deux marques de commerce qui commencent par la lettre « L » et qui n'appartiennent pas à l'Opposante et que les seules marques de commerce qui commence par « LU » et se terminent par « DERM », qui sont liés à des produits pour la peau sont celles de l'Opposante. Je suis d'accord avec l'Opposante que la preuve de l’état du registre qui a été fournie par Mme Thomas n'est pas suffisante pour me permettre de tirer des conclusions valables au sujet de l’état du marché puisque les marques de commerce découvertes dans sa recherche ne ressemblent pas autant que la Marque à la marque de commerce de l'Opposante.

[53]           Bien que Mme Thomas ait également visité quelques sites Web qui présentaient des marques de commerce commençant par « LU » et se terminant par « DERM », il n'y a aucune preuve que l'une ou l'autre de ces marques a été employée en liaison avec des crèmes et des lotions pour la peau, et Mme Thomas a été incapable de confirmer que l'une ou l'autre des marques était en usage au Canada [voir l'affidavit de Mme Thomas, pièces E, F et G et la transcription de Mme Thomas, pages 9 à 11, questions 43 à 57).

La conclusion concernant la probabilité de confusion

[54]           Après examen de l'ensemble des circonstances de l'espèce, j'estime que la Requérante ne s'est pas acquittée de son fardeau ultime. L'Opposante a une marque de commerce qui possède un certain caractère distinctif inhérent qu'elle a employée et dont elle a fait la promotion dans une large mesure au Canada pendant plusieurs années. Il existe une ressemblance considérable entre la Marque de la Requérante et la marque de l'Opposante. La Requérante n'a pas établi que la Marque avait acquis une notoriété significative, mais projette d'employer la Marque en liaison avec des produits qui sont vendus dans le même genre de magasins (c.-à-d. des pharmacies) dans lesquels l'Opposante vend ses produits depuis plusieurs années en liaison avec sa marque de commerce. La question à se poser est celle de savoir si un consommateur qui n'a qu'un souvenir imparfait de la marque de l'Opposante sera porté à croire, à la vue de la Marque de la Requérante, que les marchandises proviennent de la même source. Je ne peux répondre à cette question par la négative. Le fait que les marques des deux parties sont apposées sur des produits qui pourraient potentiellement être employés par le même consommateur pour traiter le même trouble, combiné au fait qu'il n'y a aucune preuve que tout autre commerçant utilise des marques de commerce qui commencent par « LU » et se terminent par « DERM » en liaison avec des produits connexes dans le même genre de magasins appuie la conclusion qu'il existe une probabilité raisonnable de confusion quant à la source des marchandises.

[55]           Par conséquent, le motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d) est accueilli.

Absence de caractère distinctif – article 2

[56]           Bien que la Requérante ait le fardeau ultime de démontrer que la Marque est adaptée à distinguer ou distingue véritablement ses Marchandises de celles de tiers partout au Canada, l'Opposante doit, pour sa part, s'acquitter du fardeau de preuve initial d'établir les faits invoqués à l'appui de son motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif [voir Muffin Houses Incorporated c. The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 CPR (3d) 272 (COMC)]. Pour s'acquitter de son fardeau de preuve, l'Opposante doit démontrer que, à la date de production de la déclaration d'opposition, une ou plusieurs de ses marques de commerce étaient devenues suffisamment connues pour faire perdre à la Marque son caractère distinctif [voir Bojangles’ International, LLC c. Bojangles Café Ltd (2004), 40 CPR (4th) 553, confirmée par (2006), 48 CPR (4th) 427 (CF)].

[57]           Comme je l'ai mentionné en détail dans mon examen du motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d), l'Opposante a démontré que sa marque de commerce LUBRIDERM était devenue assez bien connue à la date de production de la déclaration d'opposition et, par conséquent, l'Opposante s'est acquittée de son fardeau de preuve. La différence concernant les dates pertinentes n’est pas importante et pour les raisons susmentionnées dans l'examen du motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d), je ne suis pas convaincue que la Requérante s'est acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'existait pas de probabilité raisonnable de confusion entre les marques de commerce des parties.

[58]           Par conséquent, le motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif est accueilli.

Absence de droit à l'enregistrement – articles 16(3)a), 16(3)b) et 16(3)c)

[59]           Comme l'opposition a déjà été accueillie en vertu de deux motifs d'opposition, je ne traiterai pas des autres motifs d'opposition.

Décision

[60]           Compte tenu de ce qui précède, et dans l'exercice des pouvoirs qui m'ont été délégués en vertu de l'article 63(3) de la Loi, je rejette la demande d'enregistrement, conformément aux dispositions de l'article 38(8) de la Loi.

______________________________

Lisa Reynolds

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada


 

 

 


Traduction certifiée conforme
Nathalie Tremblay


Annexe A
[traduction]

 

Préparations et substances pharmaceutiques et vétérinaires, nommément préparations et substances antiinfectieuses; préparations et substances antiseptiques; préparations et substances antimicrobiennes pour un emploi dans le traitement des affections dermatologiques, nommément la teigne et autres infections fongiques de la peau (y compris du cuir chevelu) et des ongles, infections bactériennes gram-positives et gram-négatives de la peau et des ongles, pellicules, acné, rosacée, ulcères, plaies; préparations et substances antibactériennes à des fin médicales, nommément pour le traitement de la teigne et d’autres infections fongiques de la peau (y compris du cuir chevelu) et des ongles, infections bactériennes gram-positives et gram-négatives de la peau et des ongles, pellicules, acné, rosacée, ulcères, plaies; médicaments antifongiques; préparations et substances médicamentées antifongiques et antibactériennes, nommément hydratants, crèmes, lotions, gels, toniques, nettoyants, et cosmétiques, tous pour un emploi dans le traitement des affections dermatologiques, nommément pour le traitement de la teigne et d’autres infections fongiques de la peau (y compris du cuir chevelu) et des ongles, infections bactériennes gram-positives et gram-négatives de la peau et des ongles, pellicules, acné, rosacée, ulcères, plaies; préparations et substances antivirales pour le traitement des affections dermatologiques, nommément la teigne et d’autres infections fongiques de la peau (y compris du cuir chevelu) et des ongles; et antiinfectieuses.


Annexe B
[traduction]

 

Marque de commerce

Enregistrement/

Demande

No

 

Marchandises

 

LUBRIDERM

 

 

LMC111,493

 

Lotion médicinale pour la peau

 

LUBRIDERM

 

 

LMC423,802

 

Écran solaire et lotion pour la peau

 

LUBRIDERM FOOT THERAPY

 

 

LMC479,295

 

Lotions et crèmes pour la peau

 

LUBRIDERM SERIOUSLY SENSITIVE

 

LMC511,038

 

1)      Lotions et crèmes pour la peau et les mains; 2) Lotion pour les mains et le corps

 

 

LUBRIDERM HAND THERAPY

 

LMC479,296

 

Lotions et crèmes pour la peau

 

LUBRIDERM SERIOUSLY SENSITIVE/PEAUX TRÈS SENSIBLES DESIGN

 

LMC519,211

 

Produits pour les soins de la peau, nommément lotions et crèmes pour la peau et les mains et lotion pour les mains et le corps

 

LUBRIDERM LOTION & DESIGN

LMC423,800

Cosmétiques et articles de toilette, nommément lotion hydratante pour la peau

LUBRIDERM AHA LABEL DESIGN

LMC469,661

Cosmétiques et articles de toilette, nommément lotion hydratante pour la peau

LUBRIDERM DAILY UV DEFENSE & DESIGN

LMC446,010

Cosmétiques et articles de toilette, nommément lotion hydratante pour la peau

LUBRIDERM INTENSE SKIN REPAIR

1334666

Nettoyants pour la peau et le bain, hydratants pour la peau, lotions et crèmes pour le corps et les mains, huiles essentielles pour les mains et le corps, crèmes pour la peau et lotions pour la peau, et écrans solaires

 

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