Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2014 COMC 224

Date de la décision : 2014-10-06

TRADUCTION

DANS L'AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Imperial Tobacco Canada Limited/Marlboro Canada Limited à l'encontre de la demande no 1,423,828 pour la marque de commerce ROOF au nom de Philip Morris Brands Sàrl.

[1]               Imperial Tobacco Canada Limited (Imperial Tobacco) et Marlboro Canada Limited (Marlboro Canada) (parfois appelées collectivement l'Opposante) s'opposent à l'enregistrement de la marque de commerce appelée ROOF (la Marque) qui est visée par la demande no 1,423,828.

[2]               La demande a d'abord été produite par Philip Morris Products S.A. (PMPSA) le 7 janvier 2009, sur le fondement de l’emploi projeté de la Marque au Canada en liaison avec des cigarettes (les Marchandises). Vers le 30 novembre 2012, un changement de titre a été enregistré alors que PMPSA est devenue Philip Morris Brands Sàrl (ci-après désignée collectivement avec PMPSA comme étant la Requérante).

[3]               L'opposition a été engagée par l'Opposante en vertu de l'article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch. T-13 (la Loi). La principale question à trancher en l'espèce est celle de savoir si la Marque crée de la confusion avec la marque de commerce MARLBORO de Marlboro Canada qui a déjà été employée et enregistrée au Canada en liaison avec des cigarettes.

[4]               Pour les motifs qui suivent, l'opposition est rejetée.

Le dossier

[5]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 7 octobre 2009. L'Opposante a produit une déclaration d'opposition le 7 décembre 2009. Le 21 juin 2010, à la suite d'une demande de décision interlocutoire produite par la Requérante le 12 mai 2010, l'Opposante a demandé la permission de produire une déclaration d'opposition modifiée. Le 5 juillet 2010, le registraire a accepté la demande de l'Opposante et rejeté la demande de la Requérante. La déclaration d'opposition modifiée énonce, avec d'autres motifs d'opposition, que :

         la demande ne satisfait pas aux exigences de l'alinéa 30i) de la Loi, parce que la Requérante ne pouvait pas avoir été convaincue qu'elle avait le droit d'employer la Marque au Canada en liaison avec les Marchandises, puisque la Requérante exerce une concurrence déloyale vis-à-vis l'Opposante en créant intentionnellement et à dessein de la confusion avec une marque de commerce acquise par un prédécesseur en titre de Marlboro Canada auprès de nul autre qu'un prédécesseur en titre de la Requérante, ce qui est contraire à l'alinéa 7b) de la Loi;

         la Marque ne peut pas être enregistrée au titre de l'alinéa 12(1)d) de la Loi, puisqu'elle crée de la confusion avec la marque de commerce MARLBORO de Marlboro Canada;

         la Requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque au titre de l'alinéa 16(3)a) de la Loi, puisque la marque de commerce MARLBORO a déjà été employée par l'Opposante depuis bien avant la date de production de la demande pour la Marque;

         la Marque n’est pas distinctive, en ce sens qu'elle ne distingue pas ni n'est adaptée à distinguer les Marchandises de celles de l'Opposante, étant donné que la Marque crée de la confusion avec la marque de commerce MARLBORO de Marlboro Canada.

[6]               La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration le 5 août 2010, contestant l'ensemble des motifs d'opposition.

[7]               À titre de preuve en vertu du paragraphe 41(1) du Règlement sur les marques de commerce (DORS/96-195) (le Règlement), l'Opposante a produit ceci :

         l'affidavit de Paul Furfaro, chef de marque pour House of PLAYER'S Group of Imperial Tobacco, assermenté le 7 février 2011. M. Furfaro a été contre-interrogé relativement à son affidavit. La transcription de son contre-interrogatoire et ses réponses aux engagements ont été versées au dossier. La preuve présentée dans le cadre du contre-interrogatoire de M. Furfaro est en grande partie la même que celle d'Ed Ricard, chef de la division de l'information et de la recherche en marketing, Section du marketing chez Imperial Tobacco Canada Ltd., le déposant de l'Opposante dans une affaire d'opposition connexe entre les parties relativement aux demandes nos 1,298,547; 1,299,494 et 1,335,783. L'affidavit, le contre-interrogatoire et les pièces jointes de M. Ricard relativement à ces affaires connexes ont été intégrés à titre de référence dans le témoignage de M. Furfaro lors de son contre-interrogatoire;

         l'affidavit de Chuck Chakrapani, président de Leger marketing, professeur invité à la Ted Rogers School of Management de Ryerson University et gestionnaire du savoir pour le Blackstone Group à Chicago, assermenté le 2 février 2011. M. Chuck Chakrapani, Ph. D. a été contre-interrogé relativement à son affidavit. La transcription de son contre-interrogatoire et ses réponses aux engagements ont été versées au dossier;

         l'affidavit de Naomi Machado, une assistante embauchée par l'agent de l'Opposante, souscrit le 4 février 2011 et produit le 7 février 2011, auquel est joint l'affidavit de Robert Klein, souscrit le 16 novembre 2009, qui a été produit en preuve par la Requérante dans l'affaire Philip Morris Products SA and Rothmans, Benson & Hedges, Inc. c. Marlboro Canada, Ltd and Imperial Tobacco Canada, Ltd (2010), 90 CPR (4th) 1 (FC) (de Montigny J.) (ci-après Philip Morris 2010);

         une copie certifiée de l'enregistrement no LCD55,988 pour la marque de commerce MARLBORO;

         une copie certifiée de la décision rendue le 1er novembre 1985 par le juge Rouleau de la Cour fédérale du Canada, Section de première instance, dans le dossier no T-3387-81 [publiée sous l’intitulé Philip Morris Incorporated c. Imperial Tobacco Ltd (1985), 7 CPR (3d) 254 (ci-après Philip Morris 1985)];

         une copie certifiée de la décision rendue le 19 septembre 1987 par le juge MacGuigan de la Cour fédérale du Canada, Section d'appel, dans le dossier no A-906-85 [publiée sous l’intitulé Philip Morris Inc. c. Imperial Tobacco Ltd (no 1) (1987), 17 CPR (3d) 289 (ci-après Philip Morris 1987)];

         une copie certifiée de l'historique de la demande canadienne d'enregistrement de marque de commerce no 1,182,039 pour la marque de commerce ROOF.

[8]               L'Opposante a aussi produit ce qui suit, en vertu de l'article 43 du Règlement :

         une copie certifiée de la décision rendue le 29 juin 2012 par la juge Gauthier de la Cour d'appel fédérale du Canada dans le dossier no A-463-10 [publiée sous l’intitulé Marlboro Canada Limited and Imperial Tobacco Canada Limited c. Philip Morris Products SA and Rothmans Benson & Hedges Inc (2012), 103 CPR (4th) 259 (ci-après Philip Morris 2012)].

[9]               L'Opposante a aussi obtenu l'autorisation du registraire, en vertu du paragraphe 44(1) du Règlement, pour produire les documents suivants :

         une copie certifiée de la réponse à la demande d’autorisation de pourvoi devant la Cour suprême du Canada dans le dossier n35001, déposée à la Cour le 29 octobre 2012;

         une copie certifiée de la décision rendue le 21 mars 2012, par la Cour suprême du Canada, dossier no 35001, rejetant la demande d'autorisation de pourvoi.

[10]           À titre de preuve en vertu du paragraphe 42(1) du Règlement, la Requérante a produit les documents suivants :

         une copie certifiée de la décision rendue le 8 novembre 2010, par le juge Montigny de la Cour fédérale du Canada, dans Philip Morris 2010;

         des copies certifiées des divers arguments déposés devant la Cour fédérale, dossier no T-1784-06 [le dossier de la Cour ayant mené à la décision rendue dans Philip Morris 2010];

         des copies certifiées des enregistrements de marque de commerce connexes de la Requérante portant les numéros LMC111, 226; LMC252,083; LMC254,670; LMC274,442; LMC465,532; et LMC670,898.

[11]           La Requérante a aussi obtenu l'autorisation du registraire en vertu du paragraphe 44(1) du Règlement pour produire des copies certifiées de documents présentés en lien avec la demande d'autorisation de pourvoi devant la Cour suprême du Canada, dossier no 35001, issus de la décision rendue par la juge Gauthier dans Philip Morris 2012.

[12]           Seule la Requérante a produit un plaidoyer écrit. Les deux parties ont été représentées par l'avocat à l'audience, au cours de laquelle l'Opposante a retiré certains motifs d'opposition. Plus particulièrement, les motifs d'opposition invoqués en vertu des alinéas 30e) et 30i) de la Loi ont été entièrement retirés. De la même façon, les motifs d'opposition fondés sur l'absence de droit à l'enregistrement en vertu de l'article 16 de la Loi et l'absence de caractère distinctif en vertu de l'article 2 de la Loi ont été partiellement retirés en regard de l'allégation selon laquelle la Marque crée de la confusion avec le nom commercial Marlboro Canada.

Aperçu de l'historique et des faits de l'espèce

[13]           Les parties aux présentes procédures se connaissent. Elles ont une longue histoire relativement à l'emploi de la marque de commerce MARLBORO au Canada et ont été impliquées à cet égard dans quelques litiges, y compris ceux mentionnés ci-dessus, devant la Cour fédérale dans Philip Morris 1985, confirmés par la Cour d'appel fédérale dans Philip Morris 1987 et Philip Morris 2010, infirmés en partie par la Cour d'appel fédérale dans Philip Morris 2012.

[14]           L'historique de l'emploi de la marque de commerce MARLBORO et la façon dont elle a été enregistrée au nom de Marlboro Canada au Canada sont reflétés dans les affidavits de M. Furfaro et de M. Ricard, et ont aussi été revus et décrits en détail par le juge Rouleau dans Philip Morris 1985 et par le juge de Montigny dans Philip Morris 2010. Les parties ne le contestent pas dans le cadre des présentes procédures.

[15]           L'historique de l'emploi du dessin géométrique « roof » (toit) (décrit ci-dessous) par la Requérante et ses prédécesseurs, comme le reflète la preuve produite par M. Furfaro et M. Ricard, a également été revu et décrit en détail par le juge de Montigny dans Philip Morris 2010 et n'est pas contesté par les parties.

[16]           Plus particulièrement, les parties se fondent toutes deux sur les conclusions de fait de la Cour, ainsi que sur la preuve produite par M. Furfaro et M. Ricard, laquelle révèle ce qui suit :

         [Traduction] Les prédécesseurs en titre et anciennes sociétés affiliées de la Requérante (ci-après parfois appelés collectivement Philip Morris) ont commencé à commercialiser et à vendre des cigarettes en liaison avec la marque de commerce MARLBORO au Royaume-Uni en 1883, puis ont étendu leur marché en commençant à distribuer ces produits au Canada aux alentours de 1905. [Philip Morris 2010, para. 12]

         La marque de commerce MARLBORO au Canada a été vendue par un prédécesseur en titre de la Requérante à un prédécesseur en titre de Marlboro Canada au cours des années 1920, puis enregistrée au Canada en 1932 sous le no 55,988 en liaison avec du « tabac sous toutes ses formes et destiné plus particulièrement à être employé en liaison avec la vente de cigarettes, de papier à cigarettes, de tubes à cigarettes, de tabac, de tabac à priser et de cigares ». La marque a depuis été employée de façon continue au Canada par l'Opposante et ses prédécesseurs en titre en liaison avec des cigarettes. Philip Morris, pour sa part, détient les droits relatifs à la marque de commerce MARLBORO partout dans le monde, excepté au Canada. [Philip Morris 2010, para. 14; affidavit de M. Ricard, para. 8 à 17, affidavit de M. Furfaro, para. 17 à 19.].

         Au début des années 1950, soit bien après que le prédécesseur de l’Opposante a acquis des droits sur la marque nominale MARLBORO au Canada, Philip Morris a renouvelé l’apparence de ses paquets de cigarettes et l’image associée aux cigarettes qu’elle vendait sur les marchés internationaux (c.-à-d, à l’extérieur du Canada) en liaison avec sa marque de commerce MARLBORO. Ce paquet renouvelé arborait un dessin géométrique d’un rouge vif rappelant un toit [roof] (ci-après appelé le « dessin ROOFTOP »). Une reproduction du paquet de cigarettes redessiné par Philip Morris est illustrée ci-dessous :

http://www.canlii.org/canlii-dynamic/en/ca/tmob/doc/2012/2012tmob224/image003.jpg

[Philip Morris 2010, para. 20 et 21; affidavit de M. Ricard, para. 18; affidavit de M. Furfaro, para. 20.].

         Pour commercialiser son produit à l’image renouvelée, Philip Morris a lancé des campagnes publicitaires qui montraient de rudes cow-boys au travail dans la « Malboro country » [contrée Marlboro] et s’accompagnaient de divers messages, dont « Come to Where the Flavor Is ». Ces publicités ont fait l’objet d’une grande diffusion à l'extérieur du Canada et sont devenues très connues sur les marchés internationaux. [Philip Morris 2010, para. 24; affidavit de M. Ricard, para. 18 et 24; affidavit de M. Furfaro, para. 20 à 26.].

         Le renouvellement de l’image du paquet et des cigarettes MALRBORO et les campagnes publicitaires internationales menées par Philip Morris ont connu un immense succès et sont reconnus aujourd’hui pour compter parmi les campagnes les plus efficaces de l’histoire de la publicité. Les cigarettes MARLBORO de Philip Morris sont devenues, en 1972, les cigarettes les plus vendues dans le monde et le sont toujours à ce jour. [Philip Morris 2010, para. 25; affidavit de M. Ricard, para. 19 à 21; affidavit de M. Furfaro, para. 21 à 23.].

         Deux autres produits ont été vendus au Canada en liaison avec le dessin ROOFTOP. En 1958, un prédécesseur de la Requérante a commencé à vendre des cigarettes de marque MATADOR au Canada. Ce produit était commercialisé dans un paquet qui reprenait essentiellement tous les éléments des produits MARLBORO de Philip Morris vendus ailleurs dans le monde par la Requérante, à l’exception du mot MARLBORO, qui était remplacé par le mot MATADOR sur les paquets. Des cigarettes de marque MAVERICK ont également été vendues par les prédécesseurs de la Requérante à partir environ de 1970, puis la marque a cessé d’être employée vers 1978. Les ventes de cigarettes de marque MATADOR et/ou MAVERICK commercialisées dans de tels paquets n’ont toutefois jamais été importantes et le rayonnement du produit est demeuré plutôt limité. [Philip Morris 2010, para. 26 à 30; affidavit de M. Ricard, para. 26; affidavit de M. Furfaro, para. 28.].

         Au fil des ans, la Requérante et/ou ses prédécesseurs ont fait enregistrer plusieurs des différents éléments de l’image renouvelée de la marque MARLBORO de Philip Morris reproduite ci-dessus, comme en font foi les enregistrements reproduits à l’Annexe « A » des présentes. [Philip Morris 2010, para. 6; affidavit de M. Ricard, para. 23; affidavit de M. Furfaro, para. 25.];

         De 1958 (année où la Requérante et/ou ses prédécesseurs ont fait enregistrer pour la première fois un dessin-marque ROOFTOP) et 2006 (année où la Requérante a fait enregistrer la plus récente version du dessin-marque ROOFTOP), les différents éléments du paquet MARLBORO de Philip Morris, qu’ils aient été employés et/ou visés par un ou plusieurs des enregistrements de marque de commerce reproduits à l’Annexe « A », ont toujours été employés en liaison avec les marques de fabrique MATADOR ou MAVERICK. En 2006, cependant, la Requérante a commencé à vendre, par l’entremise de sa licenciée canadienne, des cigarettes dans des paquets ayant la même présentation (que la Requérante appelle le « rooftop ») que le paquet de Philip Morris, mais n’arborant aucune marque de fabrique. Des photographies de ces paquets de cigarettes, dont il existait trois versions (rouge, argent et or correspondant soi-disant aux différentes forces de tabac), sont reproduites ci-dessous :

http://www.canlii.org/canlii-dynamic/en/ca/tmob/doc/2012/2012tmob224/image004.jpg

[Philip Morris 2012, para. 10; affidavit de M. Ricard, para. 26 et 30; affidavit de M. Furfaro, para. 28 à 37].

         La présentation, ou l’habillage, de ce produit sans nom était unique en ce sens que, pour la première fois dans le monde, des cigarettes étaient commercialisées dans un paquet ne portant aucune marque de fabrique (ou aucun mot servant de marque). [Philip Morris 2012, para. 10; affidavit de M. Ricard, pièce ER-13; affidavit de M. Furfaro, pièce PF-14].

         L’Opposante s’est opposée au lancement de ces cigarettes sans nom au motif qu’il s’agissait d’une contrefaçon de la marque de commerce déposée MARLBORO. Une action en justice a alors été intentée devant la Cour fédérale; la Requérante cherchant à obtenir une déclaration portant que la vente de ses cigarettes « Rooftop » (c’est-à-dire les cigarettes sans nom) au Canada ne violait aucun des droits de l’Opposante, et, plus particulièrement, que la vente de cigarettes « Rooftop » dans des paquets arborant le dessin-marque ROOFTOP ne créait pas de confusion avec la marque nominale MARLBORO. En réponse, l’Opposante a produit une demande reconventionnelle fondée précisément sur cette contrefaçon, dont la contestation a mené, ultimement, aux décisions rendues dans Philip Morris 2010 et Philip Morris 2012.

         Parallèlement à ce dernier litige (parfois ci-après appelé le litige de la marque sans nom) la Requérante a produit une demande d'enregistrement de la Marque ainsi que de plus d'une douzaine de marques de commerce composées de l'élément graphique ROOFTOP ou contenant celui-ci, ou une variante de cet élément, chacune de ces marques ayant été visées par une opposition de la part de l'Opposante. La présente décision concerne seulement la Marque en cause.

L'examen des autres motifs d'opposition

Remarques préliminaires

[17]           Chacun des autres motifs d'opposition s'articule autour de la probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce déposée MARLBORO de Marlboro Canada.

[18]           Plus particulièrement, l'Opposante a plaidé ce qui suit dans les paragraphes d'introduction de sa déclaration d'opposition :

[Traduction] [...] si la Requérante a l'intention d'employer et/ou d'employer la [Marque] en liaison avec le paquet sans nom, étant donné que la [Marque] est simplement un mot correspondant au nom et/ou à la description de l’élément graphique bien connu « ROOF » du paquet de marque Marlboro de Philip Morris et évoque clairement la même chose, un tel emploi par la Requérante ne ferait qu'aggraver ou renforcer ses efforts de concurrence déloyale envers [l'Opposante] en incitant les consommateurs canadiens à associer la [Marque] à la marque Marlboro de la Requérante Philip Morris et, n'ayant aucune autre marque de fabrique à laquelle référer, vise les cigarettes, produits de tabac et autres produits connexes et accessoires tels que ceux portant la [Marque] par l'utilisation de la marque de commerce déposée et bien connue MARLBORO de l'Opposante Marlboro Canada, causant ainsi des dommages et un préjudice irréparable à [l'Opposante]. [Je souligne.]

[19]           Il s'agit essentiellement d'allégations qui ont été invoquées par l'Opposante à l'appui de son opinion selon laquelle la Marque crée de la confusion avec la marque déposée MARLBORO de Marlboro Canada.

[20]           En effet, comme il a été indiqué précédemment, l'Opposante n'a produit aucun plaidoyer écrit dans le présent dossier. En outre, bien que l'Opposante ait été représentée par un avocat à l'audience, elle n'a présenté aucune observation à l'appui de son opinion dans le présent dossier. En fait, au début de l'audience, qui a été tenue en même temps que l'audience des 14 autres dossiers d'opposition à une marque de commerce susmentionnés relativement à des marques de commerce composées de l'élément graphique ROOFTOP ou contenant celui-ci, ou une variante de cet élément (ci-après appelés les dossiers d'opposition au dessin ROOFTOP), l'Opposante a avisé cette Commission qu'elle ne présenterait aucune observation dans le présent dossier, mais seulement dans les dossiers d'opposition au dessin ROOFTOP. Toutefois l'Opposante n'a pas souhaité retirer son opposition à la Marque, puisqu'elle était d'avis que cette opposition fait néanmoins partie d'un ensemble plus large de dossiers d'opposition à une marque de commerce en suspens, y compris, notamment, les dossiers d'oppositions au dessin ROOFTOP.

[21]           Cela dit, dans son plaidoyer et sa réponse à l'une des questions que j'ai posées à l'audience concernant les dossiers d'opposition au dessin ROOFTOP, l'Opposante a précisément reconnu que l'emploi d'un nom de fabrique, comme le mot servant de marque « ROOF », sur le paquet de la Requérante affichant la plupart des autres éléments du paquet sans nom, serait probablement suffisant pour rompre le lien ou l'association avec MARLBORO dans l'esprit des consommateurs. Bien que cela ait été reconnu dans un contexte particulier, il n'en demeure pas moins que la présente demande concerne le mot servant de marque ROOF plutôt qu'un dessin-marque. Donc, contrairement à ce qui est allégué dans la déclaration d'opposition, ce n'est pas le cas lorsque le consommateur n'a « aucune autre marque de fabrique à laquelle se référer », comme ce fut le cas dans le litige ayant mené aux décisions Philip Morris 2010 et Philip Morris 2012.

[22]           Dans de telles circonstances, mon analyse sera relativement brève.

Fardeau de preuve incombant à chaque partie

[23]           L’Opposante a le fardeau de preuve initial d’établir les faits allégués à l’appui de chacun de ses motifs d’opposition. Une fois que l'Opposante s'est acquittée de ce fardeau initial, la Requérante doit s'acquitter du fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque est enregistrable [voir John Labatt Ltd c. Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst.); et Dion Neckwear Ltd c. Christian Dior, SA et al (2002), 20 CPR (4th) 155 (CAF)].

[24]           En l'espèce, l'Opposante s'est acquittée du fardeau de preuve initial qui lui incombait relativement aux trois autres motifs d'opposition.

[25]           En effet, en ce qui a trait au motif d'opposition fondé sur la non-enregistrabilité, l'Opposante a produit une copie certifiée de son enregistrement du mot servant de marque MARLBORO. J'ai exercé le pouvoir discrétionnaire du registraire et je confirme que ces enregistrements sont en règle à la date d'aujourd'hui, laquelle est la date pertinente qui s'applique à l'examen d'un motif d'opposition invoqué en vertu de l'article 12(1)d) [voir Park Avenue Furniture Corp c.Wickers/Simmons Bedding Ltd (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)].

[26]           En ce qui concerne le motif d'opposition fondé sur le non-enregistrement, invoqué en vertu de l'alinéa 16(3)a) de la Loi, l'Opposante a démontré que la marque de commerce MARLBORO avait déjà été employée au Canada à la date de production de la demande pour la Marque, et qu'elle n’avait pas été abandonnée à la date d’annonce de la demande de la Requérante [paragraphe 16(5) de la Loi].

[27]           En ce qui concerne le motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif, l'Opposante a démontré qu'à la date de production de l'opposition visant la Marque, la marque de commerce MARLBORO était devenue connue en liaison avec des cigarettes, dans une mesure suffisante au Canada pour faire perdre à la Marque son caractère distinctif.

[28]           L'Opposante s'étant acquittée de son fardeau de preuve initial, il incombe à la Requérante de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'existe ou n'existait pas, à la date pertinente applicable, de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce MARLBORO de Marlboro Canada.

Le test en matière de confusion

[29]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Le paragraphe 6(2) de la Loi indique que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[30]           En appliquant le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris celles énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n'est pas exhaustive; tous les facteurs pertinents doivent être considérés, mais on ne leur attribue pas nécessairement un poids équivalent [voir Mattel, Inc c. 3894207 Canada Inc (2006), 49 CPR (4th) 321 (CSC); Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée (2006), 49 CPR (4th) 401 (CSC); and Masterpiece Inc c. Alavida Lifestyles Inc (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC) pour une présentation détaillée des principes généraux qui régissent le test en matière de confusion].

a) Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[31]           Les marques de commerce des deux parties présentent un caractère distinctif inhérent.

[32]           Une marque de commerce peut acquérir une force accrue en devenant connue par la promotion ou l'emploi. Comme il a été indiqué précédemment, les parties s'entendent sur le fait que la marque de commerce MARLBORO a été employée de façon continue au Canada par l'Opposante et ses prédécesseurs en titre en liaison avec des cigarettes, et ce, depuis qu'elle a été vendue par un prédécesseur en titre de la Requérante à un prédécesseur en titre de l'Opposante dans les années 1920. De 2000 à la fin de 2010, les ventes de cigarettes de marque MARLBORO au Canada ont dépassé les 14,5 millions de dollars, un montant qui représente plus de 85 millions de cigarettes et 4 millions de paquets de cigarettes MARLBORO vendus au Canada [affidavit Furfaro, para. 14].

[33]           La demande d'enregistrement de la Marque, en revanche, est fondée sur un emploi projeté au Canada et rien n'indique que l'emploi de la Marque a commencé.

[34]           L'examen global du facteur énoncé à l'alinéa 6(5)a) favorise clairement l'Opposante.

b) La période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[35]           Pour les motifs susmentionnés, ce facteur favorise l'Opposante.

c) Le genre de marchandises, de services ou d'entreprises et d), la nature du commerce

[36]           Les marchandises des parties sont identiques. La Requérante et l'Opposante sont des concurrents directs sur le marché canadien des cigarettes. La nature de leur commerce et leurs voies de commercialisation respectives sont donc identiques.

[37]           L'examen global des facteurs énoncés aux alinéas 6(5)c) et d) favorise donc l'Opposante.

e) Le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent

[38]           Il n'y a absolument aucun degré de ressemblance dans la présentation ou le son entre les marques des parties. La question litigieuse concernerait plutôt les idées suggérées par les marques.

[39]           Comme il a été mentionné précédemment, l'Opposante est d'avis que si la Requérante a l'intention d'employer la Marque en liaison avec le paquet sans nom, étant donné que la Marque est simplement un mot correspondant au nom et/ou à la description de l'élément graphique bien connu « ROOF » du paquet de marque Marlboro de Philip Morris, un tel emploi par la Requérante ne ferait qu'aggraver ou renforcer ses efforts de concurrence déloyale envers l'Opposante en incitant les consommateurs canadiens à associer la Marque à la marque Marlboro de la Requérante Philip Morris et fait référence aux cigarettes par l'utilisation de la marque de commerce déposée MARLBORO de l'Opposante Marlboro Canada.

[40]           Avant d'étudier plus en détail la preuve produite au dossier pour soutenir l'allégation de l'Opposante, j'aimerais reproduire un passage de la décision de la juge Gauthier dans Philip Morris 2012, alors qu'elle commente la conclusion tirée par le juge de première instance relativement à la portée de l'alinéa 6(5)e) de la Loi :

[Traduction] [72]       S’agissant de l’alinéa 6(5)e), il n’existe aucune ressemblance entre ces marques dans la présentation. Comme mentionné, le juge de première instance n’a pas pris en considération au titre de ce paragraphe le fait qu’un certain nombre de consommateurs assimilaient le paquet sans nom à la marque Marlboro parce que, de son point de vue, tenir compte d’une telle idée aurait équivalu à élargir de manière injustifiée la portée de l’alinéa 6(5)e). Il a indiqué que par « idées suggérées », il fallait entendre uniquement les idées inhérentes à la nature des marques de commerce en question (le dessin d’un pingouin évoquant l’idée d’un pingouin, par exemple) (Motifs, para. 290).

[73]        Dans la mesure où les exemples qu’a donnés le juge de première instance au paragraphe 290 et au paragraphe 249 de ses Motifs (le mot panda évoquant la même idée qu’un dessin-marque représentant cet animal) étaient destinés à limiter la portée de l’alinéa 6(5)e) aux idées suggérées par le sens littéral ou courant d’un mot ou d’un dessin, je ne peux pas souscrire à cette interprétation.

[…]

[75]        Certainement, la signification au dictionnaire ou le sens courant et la signification technique d'un mot ou d'un dessin sont les suggestions les plus fréquemment prises en considération au moment de comparer des marques, mais je ne vois aucune raison de ne pas tenir compte d'autres suggestions acquises d'une manière particulière par la commercialisation ou l'emploi. […]

[76]        Compte tenu de la nécessité d’adopter une interprétation téléologique et contextuelle de l’alinéa 6(5)e), je ne vois pas comment une telle ressemblance pourrait être ignorée. Cela dit, il est évident que la partie qui invoque une ressemblance fondée sur quelque chose sortant de l’ordinaire doit présenter des éléments de preuve de nature à convaincre la Cour que cette association ou cette suggestion particulière existe bel et bien dans les faits pour qu’il puisse en être tenu compte dans l’analyse du facteur énoncé à l’alinéa 6(5)e).

[77]        Même si je faisais erreur et qu’il faille effectivement interpréter l’alinéa 6(5)e) de façon plus restrictive, la ressemblance entre les idées inhabituelles suggérées par l’une ou l’autre des marques une fois ces dernières établies devrait forcément être prise en considération dans l’examen de l’ensemble des circonstances de l’espèce (préambule du paragraphe 6(5)). D’une manière ou d’une autre, on ne peut faire abstraction de cette ressemblance.

[78]        Cela dit, vu les circonstances particulières de la présente affaire, je préfère considérer la confusion quant au nom du produit vendu dans le paquet sans nom comme faisant partie des circonstances de l’espèce (préambule du paragraphe 6(5)), du fait des particularités, dictées par la réglementation gouvernementale, qui caractérisent le marché de détail des cigarettes au Canada. [Soulignement ajouté.]

[41]           En l'espèce, la Marque est composée du mot servant de marque ROOF, qui évoque l'idée d'un toit. Par conséquent, si je devais interpréter l'alinéa 6(5)e) de manière plus restrictive, je serais d'accord avec la Requérante pour dire qu'il n'existe aucune ressemblance sur le plan des idées suggérées par la marque de commerce MARLBORO de Marlboro Canada et la Marque. Cependant, cela ne viendrait pas mettre fin à l'examen de la probabilité de confusion. En effet, l'argument de l'Opposante portant sur l'idée « inhabituelle » suggérée par la Marque (c'est-à-dire l'idée du mot « Marlboro ») devrait quand même être pris en considération dans l'examen des circonstances de l'espèce.

[42]           Tenant compte des commentaires de la juge Gauthier énoncés précédemment, je vais maintenant étudier l'idée « inhabituelle » prétendument suggérée par la Marque dans le cadre de l'examen des circonstances de l'espèce.

Autres circonstances de l'espèce

Les particularités du marché de détail des cigarettes au Canada

[43]           Le marché canadien est désormais ce que l'on appelle un « marché de type secret ». Comme l'explique le juge de Montigny dans Philip Morris 2010, la vente de produits de tabac est de plus en plus réglementée au Canada. Non seulement les paquets de cigarettes affichent maintenant un avertissement sur la santé qui doit occuper 50 % de la surface d'affichage, mais l'ensemble des provinces a également adopté une loi interdisant d'exposer les produits de tabac à la vue du public dans les points de vente au détail. De la même façon, la promotion et la publicité des produits de tabac font l'objet de restrictions rigoureuses, faisant en sorte qu'il est presque impossible pour les fabricants de tabac de communiquer directement avec les consommateurs, sauf dans des circonstances très limitées. [Philip Morris 2010 para 53; Philip Morris 2012 para. 78 à 80].

[44]           Comme l'a souligné la juge Gauthier dans Philip Morris 2012 :

[Traduction] [80]       On peut facilement comprendre comment, dans un tel contexte, l’emploi d’un paquet de cigarettes dépourvu d’une marque de fabrique, mais comportant des dessins-marques susceptibles d’évoquer la source du produit, incitera les consommateurs à commander le produit en utilisant un mot ou des mots qui ne figurent pas nécessairement sur le paquet du produit. [Je souligne.]

[45]           Cela m'amène à revoir la preuve au dossier à l'appui de l'opinion de l'Opposante selon laquelle les consommateurs canadiens qui souhaitent acheter des cigarettes vendues dans des paquets affichant le mot servant de marque ROOF en liaison avec des paquets sans nom considéreraient qu'il s'agit de cigarettes « Marlboro ».

Preuve par sondage d'opinion

[46]           La preuve par sondage d'opinion produite en l'espèce est la même qui a été produite dans le cadre du litige de la marque sans nom, qui a ultimement mené la Cour d'appel fédérale à adresser une injonction permanente empêchant la Requérante de vendre, de distribuer ou d'annoncer, directement ou indirectement, au Canada, des cigarettes ou d'autres produits de tabac, dans ou en liaison avec le paquet sans nom reproduit ci-dessus, sous le 8e point du paragraphe 16.

Preuve par sondage d'opinion introduite par voie de l'affidavit de M. Chakrapani

[47]           Comme l'explique le juge de Montigny dans Philip Morris 2010, M. Chakrapani a été présenté en tant qu'expert en marketing et en sondages de l'Opposante. Son mandat était d'évaluer l'« erreur d'identification » que pourraient commettre les consommateurs et les détaillants au Canada, lesquels pourraient confondre le produit de marque sans nom cité précédemment comme des cigarettes « Rooftop » et la marque internationale « Marlboro » de Philip Morris commercialisée à l'extérieur du Canada.

[48]           Comme l'a souligné la Requérante, les études de M. Chakrapani n'ont pas été conçues pour vérifier les réactions des consommateurs à la présente Marque en soi, mais à un produit de marque sans nom fait d'une combinaison particulière de divers éléments, dont :

         l'élément graphique ROOFTOP;

         l'emblème PM;

         les mots « cigarettes à bouts filtres » dans une bulle ovale blanche sur le fond coloré du dessin géométrique en forme de toit ROOFTOP;

         la phrase « COME TO WHERE THE FLAVOR IS » (venez là où se trouve la saveur) ainsi qu'une référence au mélange importé renommé mondialement « WORLD FAMOUS IMPORTED BLEND ».

[49]           C'est cette combinaison particulière d'éléments sur le paquet sans nom dans son ensemble qui a été vérifiée. Comme le scénario envisagé par l'Opposante dans sa déclaration d'opposition est fondé sur l'emploi de la Marque en liaison avec le paquet sans nom, plutôt que l'emploi du paquet sans nom seul, dépourvu d'une marque de fabrique, j'estime qu'aucun poids ne peut être accordé à la preuve par sondage d'opinion introduite par voir de l'affidavit de M. Chakrapani dans les présentes procédures. En effet, l'ajout du mot servant de marque ROOF au paquet sans nom donne lieu à un ensemble de faits complètement différent.

[50]           À la lumière de ces conclusions, il n'est pas nécessaire d'aborder les observations de la Requérante relativement aux problèmes méthodologiques et techniques inhérents que présente le sondage de M. Chakrapani.

Preuve par sondage d'opinion introduite par voie de l'affidavit de M. Klein

[51]           Comme l'explique le juge de Montigny dans Philip Morris 2010, M. Klein a été présenté en tant qu'expert en marketing et en sondages de la Requérante. Il a présenté les résultats de deux sondages qu'il a menés dans quatre centres commerciaux au Canada. Dans le premier sondage (le « Sondage Rooftop »), on a montré aux répondants le paquet Rooftop (c'est-à-dire le produit de marque sans nom appelé ci-dessus les cigarettes « Rooftop »), et on leur a posé des questions afin de savoir s'ils reconnaissaient la source. L'objectif de cette étude était d'évaluer la perception du consommateur, le cas échéant, à l'égard de l'origine du produit ou de la source du paquet de cigarettes Rooftop. L'objectif de la deuxième étude (l'étude « Marlboro Canadian Study ») était d'évaluer les perspectives des consommateurs sur l'origine du produit que sont les paquets de cigarettes canadiennes MARLBORO de l'Opposante [Philip Morris 2010, para. 125 et 127].

[52]           Comme c'était le cas pour la preuve par sondage d'opinion de M. Chakrapani dont il est question ci-dessus, les études de M. Klein n'ont pas été conçues pour vérifier les réactions des consommateurs à la présente Marque en soi, mais à un paquet de cigarettes de marque sans nom fait d'une combinaison particulière des divers éléments susmentionnés. Cela étant, j'estime qu'aucun poids ne doit être accordé à l'affidavit de M. Klein dans les présentes procédures.

Conclusion au sujet de la preuve par sondage d'opinion

[53]           En guise de conclusion sur ce point, je souhaite reproduire un passage de la décision de la juge Gauthier dans Philip Morris 2012, dans lequel l'accent est mis sur ce que les sondages susmentionnés avaient pour but de vérifier :

[108]      Quoi qu'il en soit, les sondages produits en preuve n’étaient pas conçus spécifiquement pour déterminer si les consommateurs associaient le mot Marlboro aux paquets de cigarettes arborant seulement un ou plusieurs dessins-marques ROOFTOP, reproduits essentiellement tels qu’ils sont enregistrés. Lors du sondage, c’est le paquet sans nom dans son ensemble que les experts des deux parties ont présenté aux participants.

[54]           Encore une fois, la présente demande concerne le mot servant de marque ROOF. La preuve par sondage d'opinion n'était aucunement conçue pour tester la Marque, de manière isolée ou en combinaison avec ce paquet de marque sans nom.

Publications et documents de tiers distribués aux détaillants

[55]           À l'affidavit Furfaro sont jointes des copies de diverses publications de tiers qui mentionnent ou commentent le lancement par la Requérante du paquet sans nom, lequel a été contesté dans le cadre du litige de la marque sans nom, ainsi que des copies de documents qui ont été préparés pour le lancement de ce produit [voir, par exemple, les pièces PF-12 à 14].

[56]           Toutefois, ces documents ne prouvent aucunement qu'un paquet de cigarettes arborant la Marque, seule ou en liaison avec le paquet de marque sans nom, serait reconnu et appelé « Marlboro » plutôt que « ROOF ».

[57]           Comme l'a souligné la juge Gauthier dans Philip Morris 2012 au paragraphe 76 reproduit ci-dessus, « la partie qui invoque une ressemblance fondée sur quelque chose sortant de l’ordinaire doit présenter des éléments de preuve de nature à convaincre la Cour que cette association ou cette suggestion particulière existe bel et bien dans les faits ».

Ce qu'a reconnu l'Opposante

[58]           Comme il a été indiqué précédemment, l'Opposante a précisément reconnu à l'audience, dans les dossiers d'opposition relatifs au dessin ROOFTOP, que l'emploi d'une marque de fabrique, comme le mot servant de marque « ROOF », sur les paquets de la Requérante affichant la plupart des autres éléments du paquet sans nom, serait probablement suffisant pour rompre le lien ou l'association avec MARLBORO dans l'esprit des consommateurs.

[59]           Cette attestation est en lien avec ce qui a été reconnu dans le litige de la marque sans nom, conformément à ce qu'indique le passage suivant de la décision de la juge Gauthier dans Philip Morris 2012 :

[83]        Je souligne également que la preuve démontre, comme les parties l’ont toutes deux admis à l’audience, que le fait d’apposer une marque de fabrique sur un paquet de PM arborant la plupart des autres éléments du paquet sans nom (comme l’habillage MATADOR) suffirait sans doute à rompre le lien ou l’association avec Marlboro dans l’esprit des consommateurs.

[60]           Cela explique pourquoi l’Opposante ne s’est pas opposé aux demandes d’enregistrement des marques de commerce qui correspondent aujourd’hui aux enregistrements canadiens reproduits à l’Annexe « A », car lorsque les demandes d’enregistrement ont été annoncées aux fins d’opposition, les marques de commerce visées par ces demandes étaient déjà employées en liaison avec soit la marque nominale MATADOR, soit la marque de fabrique MAVERICK.

[61]           J'estime que la présente situation n'est pas différente. Comme il a été indiqué précédemment, ce n'est pas un cas où le consommateur n'aurait « aucune autre marque de fabrique à laquelle se référer ». La présente demande concerne le mot servant de marque ROOF. Comme il a été mentionné ci-dessus, la preuve au dossier ne vient aucunement prouver qu'un paquet de cigarettes arborant la Marque, seule ou en liaison avec le paquet de marque sans nom, serait reconnu et appelé « Marlboro » plutôt que « ROOF ».

[62]           Par conséquent, j'estime que l'étude globale des autres circonstances de l'espèce favorise la Requérante.

Conclusion concernant la probabilité de confusion

[63]           Comme il en est fait mention précédemment, la question à trancher est celle de savoir si un consommateur, ayant un souvenir général et vague de marque de commerce MARLBORO de l'Opposante, risque de croire, à la vue de la Marque, que les marchandises liées à cette marque proviennent de la même source.

[64]           Eu égard à mes commentaires ci-dessus, et particulièrement ceux qui concernent le facteur énoncé à l'alinéa 6(5)e) et les autres circonstances de l'espèce, j'estime qu'il n'existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre les marques des parties.

[65]           Comme cette conclusion s'applique à n'importe quelle date pertinente considérée, les motifs d'opposition fondés sur la non-enregistrabilité de la Marque en vertu de l'alinéa 12(1)d) de la Loi, sur l'absence de droit à l'enregistrement en vertu de l'alinéa 16(3)a) de la Loi, et sur l'absence de caractère distinctif en vertu de l'article 2 de la Loi sont rejetés.


 

Décision

[66]           Conformément aux pouvoirs qui me sont délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l'opposition au titre du paragraphe 38(8) de la Loi.

______________________________

Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sophie Ouellet, trad.a.

 


 

 

Annexe A

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