Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2014 COMC 288

Date de la décision : 2014-12-30

TRADUCTION

DANS L'AFFAIRE DE LOPPOSITION produite par Kabushiki Kaisha Mitsukan Group Honsha à lencontre des demandes denregistrement nos 1,520,586 et 1,520,821 pour les marques de commerce SAKURA et SAKURA ET DESSIN au nom de Sakura-Nakaya Alimentos Ltda.

[1]               Kabushiki Kaisha Mitsukan Group Honsha (l'Opposante) s'oppose à l'enregistrement du mot servant de marque SAKURA et du dessin de marque SAKURA ET DESSIN, reproduit ci-dessous (les Marques), qui sont visés par les demandes nos 1,520,586 et 1,520,821 respectivement, par Sakura-Nakaya Alimentos Ltda (la Requérante).

SAKURA AND DESIGN

[2]               Chaque demande d'enregistrement est fondée sur l'emploi projeté de la marque de commerce au Canada en liaison avec les marchandises suivantes :

[Traduction]
Sauces et condiments, nommément sauce soya, sauce poivrade, teriyaki (sauce orientale à base de sauce soya), sauce barbecue, sauce Worcestershire, sauce aigre-douce, sauce à l'ail (les Marchandises).

[3]               Dans chaque cas, l'Opposante allègue que : (i) la demande n'est pas conforme aux alinéas 30e), 30h) et 30i) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi); (ii) la Requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la marque de commerce suivant les alinéas 16(3)a) et 16(3)c) de la Loi; et (iii) la marque de commerce n’est pas distinctive au sens de l'article 2 de la Loi.

[4]               Pour les raisons exposées ci-dessous, je rejette l'opposition dans chaque cas.

Dossier

[5]               Dans chaque cas, l'Opposante a produit sa déclaration d'opposition le 19 juin 2012 et la Requérante a produit et signifié sa contre-déclaration le 12 septembre 2012, niant l'ensemble des motifs d'opposition.

[6]               À l'appui des oppositions, l'Opposante a produit pour chacune le même affidavit de Koji Nozawa, directeur du marketing chez Mizkan Americas Inc. Pour soutenir les demandes, la Requérante a produit pour chacune essentiellement le même affidavit de James Haggerty, recherchiste en marque de commerce, employé par le cabinet d'agents de marque de commerce de la Requérante.

[7]               Dans chaque cas, les deux parties ont produit un plaidoyer écrit. Une audience a été tenue pour les deux procédures et les deux parties y étaient représentées.

Fardeau de preuve incombant à chacune des parties

[8]               C'est à la Requérante qu'incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que chacune de ses demandes est conforme aux exigences de la Loi. L’Opposante a toutefois le fardeau de preuve initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition [voirJohn Labatt Limited c The Molson Companies Limited (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst.) à la page 298].

Motifs d'opposition sommairement rejetés

[9]               Les motifs d'opposition soulevés en vertu de l'article 30 de la Loi à l'encontre de chaque demande sont sommairement rejetés pour les raisons suivantes. Dans ses déclarations d'opposition, l'Opposante allègue que :

1)      la Requérante employait déjà les Marques au moment du dépôt des demandes, ce qui est contraire à l'alinéa 30e) de la Loi;

2)      les marques de commerce que l'on projette d'employer ne sont pas les Marques visées par les demandes en question, ce qui est contraire aux alinéas 30e) et 30h) de la Loi;

3)      la Requérante n'a jamais eu l'intention d'employer les Marques en liaison avec chacune des Marchandises, ce qui est contraire à l'alinéa 30e) de la Loi;

4)       les Marques ne sont pas des marques de commerce, puisqu'elles ne sont que décoratives et ornementales, ce qui est contraire à l'alinéa 30e) de la Loi;

5)      les déclarations selon lesquelles la Requérante est convaincue qu'elle a le droit d'employer les Marques au Canada sont fausses, ce qui est contraire à l'alinéa 30i) de la Loi, étant donné la connaissance qu'avait la Requérante des droits de l'Opposante et l'illégalité d'un tel emploi (a) en ce sens qu'un tel emploi viole les droits de propriété de l'Opposante et (b) en ce sens que cet emploi dirigerait l'attention du public sur les marchandises, les services et les entreprises de la Requérante de sorte à causer de la confusion au Canada entre ces marchandises, ces services ou ces entreprises et ceux de l'Opposante, ce qui est contraire à l'alinéa 7b) de la Loi.

[10]           l'Opposante ne s'est pas acquittée du fardeau de preuve initial qui lui incombait de mettre en doute la conformité de la demande en regard des exigences de l'article 30, et ce, dans chaque cas.

[11]           Comme chacune des demandes comprend une déclaration portant que la Requérante a l'intention d'employer la Marque au Canada, par elle-même ou par l'entremise d'un licencié, elles sont formellement conformes à l'alinéa 30e) de la Loi. Dans le cas du dessin de marque SAKURA ET DESSIN, la demande est aussi formellement conforme à l'alinéa 30h) de la Loi, en ce sens qu'à la date de production de la demande, la Requérante a fourni une copie du dessin de la marque de commerce de pair avec la demande. Dans chaque cas, l'Opposante n'a ni fourni ni mentionné de preuves à l'appui des motifs d'opposition invoqués en vertu des alinéas 30e) et 30h).

[12]           L'alinéa 30i) de la Loi exige que toute partie requérante déclare dans la demande qu'elle est convaincue d'avoir le droit d’employer la marque de commerce au Canada. Si une telle déclaration est produite par la partie requérante, selon la jurisprudence, il ne peut y avoir violation de l’alinéa 30i) de la Loi que dans des cas exceptionnels qui rendent fausse la déclaration de la partie requérante [Sapodilla Co. Ltd. c Bristol-Myers Co. (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC), à la page 155]. Dans chaque cas, l'Opposante n'a ni fourni ni mentionné de preuves à l'appui du motif d'opposition invoqué en vertu de l'alinéa 30i).

[13]           Par conséquent, je rejette l'ensemble des motifs d'opposition fondés sur le non-respect de l'article 30, étant donné que l'Opposante ne s'est pas acquittée du fardeau initial qui lui incombait, et ce, dans aucun des deux cas.

La Requérante était-elle la personne ayant droit à l'enregistrement des Marques?

[14]           L'Opposante soutient que la Requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement des Marques :

1)      en vertu de l'alinéa 16(3)a) de la Loi, au motif qu'à la date de production des demandes en question, les Marques créaient de la confusion avec SAKURA, une marque de commerce qui avait déjà été employée ou révélée au Canada par l'Opposante ou ses prédécesseurs en titre (ou pour leur compte, par des licenciés) en liaison avec du vinaigre ou des produits de même nature que les Marchandises;

2)      en vertu de l'alinéa 16(3)c) de la Loi, au motif qu'à la date de production des demandes en question, les Marques créaient de la confusion avec SAKURA, un nom commercial qui avait déjà été employé au Canada par l'Opposante ou ses prédécesseurs en titre (ou pour leur compte, par des licenciés) en liaison avec des marchandises et des services appartenant à l'industrie alimentaire.

Confusion avec la marque de commerce et le nom commercial SAKURA de l'Opposante

[15]           Dans chaque cas, en ce qui concerne le motif d'opposition invoqué en vertu de l'article 16(3)a), l'Opposante a le fardeau de preuve initial de démontrer que la marque de commerce SAKURA invoquée était déjà employée ou révélée au Canada avant la date pertinente et n'avait pas été abandonnée à la date de l'annonce de chacune des demandes d'enregistrement [paragraphe 16(5) de la Loi].

[16]           Dans chaque cas, en ce qui concerne le motif d'opposition invoqué en vertu de l'article 16(3)c), l'Opposante a le fardeau de preuve initial de démontrer que le nom de commerce SAKURA invoqué était déjà employé au Canada avant la date pertinente et n'avait pas été abandonné à la date de l'annonce de chacune des demandes d'enregistrement [paragraphe 16(5) de la Loi].

[17]           La date pertinente pour les motifs d'opposition invoqués en vertu de l'article 16 est la date de production des demandes, soit le 24 mars 2011 pour la demande no 1,520,586 visant la marque de commerce SAKURA et mars 25 2011 pour la demande no 1,520,821 visant la marque de commerce SAKURA ET DESSIN.

[18]           Pour les raisons qui suivent, je rejette les motifs d'opposition invoqués en vertu des alinéas 16(3)a) et 16(3)c) dans chaque cas, parce que l'Opposante ne s'est pas acquittée du fardeau initial qui lui incombait.

Fardeau de preuve initial de l'Opposante

[19]           Je note d'abord que l'Opposante n'a pas fourni de preuve concernant l'emploi du nom commercial SAKURA invoqué. Bien que l'emploi d'une marque de commerce et d'un nom commercial ne soit pas nécessairement mutuellement exclusif [voir Consumers Distributing Co/Cie Distribution aux Consommateurs c. Toy World Ltd, 1990 CarswellNat 1398 (COMC)], M. Nozawa ne fait aucunement référence à l'emploi du mot SAKURA en tant que nom commercial dans son affidavit. En réalité, M. Nozawa ne soumet que des preuves relatives à l'emploi du mot SAKURA comme marque de commerce en liaison avec les marchandises de l'Opposante. L'Opposante ne s'est donc pas acquittée du fardeau de preuve initial qui lui incombait au titre du motif d'opposition invoqué en vertu de l'alinéa 16(3)c), et ce, dans aucun des deux cas.

[20]           Je me penche maintenant sur la preuve produite par M. Nozawa concernant l'emploi de la marque de commerce SAKURA. Dans son affidavit, M. Nozawa affirme que l'opposante est une entreprise japonaise qui produit du vinaigre, y compris des vinaigres de riz assaisonnés, des vinaigres balsamiques et des vinaigres de vin, ainsi que des moutardes, des vinaigrettes, des sauces en plus d'autres condiments et produits alimentaires. M. Nozawa déclare aussi que Mizkan Americas Inc (Mizkan) agit en tant que distributeur des produits de l'Opposante au Canada et aux États-Unis.

[21]           Selon M. Nozawa, entre 200 et 1 000 caisses de vinaigre SAKURA ont été vendues aux détaillants canadiens chaque année, de 2000 à 2012 [pièce A-2]. Des imprimés de ce qui semble être des centaines de commandes datées de 1999 à 2010, qui auraient été extraites d'un système informatique, sont joints en pièce A-3 de l'affidavit Nozawa. On voit sur les imprimés le nom et l'adresse de divers clients au Canada, ainsi que des articles décrits par la mention « 4.2% SAKURA RICE VGR MITSUKAN ». Cette même pièce comprend des douzaines de factures, dont trois sont datées d'avant la date pertinente, qui ont été émises par Mizkan à des entreprises situées au Canada, pour la vente du produit « 4.2% Sakura Rice Vgr Label: Mitsukan » et d'autres articles. Dans son affidavit, M. Nozawa décrit la pièce A-3 entièrement comme constituant « [Traduction] des factures pour la vente au Canada de vinaigre SAKURA de [l'Opposante], distribué par [Miskan] ». Bien que ces exemples de factures corroborent les affirmations de M. Nozawa concernant les ventes de vinaigre de l'Opposante au Canada avant la date pertinente, je note qu'il n'existe aucune preuve que les factures ont été associées aux marchandises au moment du transfert de propriété ou de possession [voir Riches, McKenzie & Herbert c Pepper King Ltd (2000), 2000 CanLII 16133 (CF), 8 CPR (4th) 471 (CF 1re inst.)].

[22]           Quant à la manière dont l'avis de liaison est donné entre la marque de commerce SAKURA et le vinaigre, M. Nozawa joint en pièce A-4 « [Traduction] une étiquette utilisée par [Mizkan], telle qu'elle est apposée sur les boîtes qui contiennent le vinaigre SAKURA distribué au Canada par [Mizkan] ». Les pièces A-5 et A-6 contiennent des photos de boîtes portant l'étiquette suivante :

[23]           Comme la seule preuve d'emploi de la marque de commerce SAKURA en liaison avec le vinaigre de l'Opposante, au sens du paragraphe 4(1) de la Loi, est l'application de cette étiquette sur ces caisses de vinaigre par Mizkan, la question de l'octroi de licence doit être abordée. Joint en pièce A-1 de l'affidavit Nozawa se trouve un document intitulé « Confirmatory License », une entente de confirmation conclue entre l'Opposante et Mizkan concernant l'emploi autorisé de la marque de commerce SAKURA. Au paragraphe 1 du document, l'Opposante est identifiée comme étant la propriétaire de la marque de commerce SAKURA et on y « [Traduction] confirme que [Mizkan] est un licencié de la marque de commerce SAKURA (qu'il s'agisse du mot, du dessin ou de logos) en liaison avec du vinaigre ». Le document contient également des dispositions relatives à la vérification et à l'inspection des lieux, de l'équipement et des accessoires, de la qualité, de la quantité, de la présentation, de l'étiquetage, de l'emballage, de l'annonce et de la promotion des marchandises offertes en liaison avec la marque de commerce SAKURA, par toute personne désignée par l'Opposante, afin d'assurer le respect de ses normes de qualité et de ses mesures de contrôle.

[24]           Ce document prévoit l'application de la licence à l'échelle du Canada « [Traduction] pendant une période illimitée » et la révocation de ladite licence par l'Opposante suivant un préavis de trois mois. Le document « Confirmatory License » a été exécuté par l'Opposante et Mizkan le 13 décembre 2011, sans référence à des événements passés ou à des ententes antérieures.

[25]           Dans son plaidoyer écrit, la Requérante soutient qu'on ne peut pas présumer que le document « Confirmatory License » était en vigueur avant son exécution le 13 décembre 2011, étant donné (i) qu'il n'indique aucune date d'entrée en vigueur de la licence, ni le moment où les parties se sont entendues sur la licence; (ii) que le libellé du document relève davantage d'une prospection que d'une confirmation; et (iii) que le document ne confirme aucune licence précédente, mais établit plutôt une licence future. Par conséquent, la Requérante fait valoir que tout emploi de la marque de commerce SAKURA par Mizkan avant le 13 décembre 2011, date ultérieure aux dates pertinentes, ne peut s'appliquer à l'avantage de l'Opposante.

[26]           Ce que je comprends, c'est qu'à l'audience, l'Opposante n'a pas contesté le fait que la date d'entrée en vigueur du document « Confirmatory License » est le 13 décembre 2011. Cependant, l'Opposante a soutenu qu'au titre du paragraphe 50(1) de la Loi, l'emploi de la marque de commerce par le licencié est considéré comme ayant toujours eu le même effet que s'il s'agissait de celle du propriétaire. Autrement dit, l'Opposante est d'avis que tout emploi de la marque de commerce SAKURA par Mizkan avant la date d'entrée en vigueur de l'entente est considéré comme ayant toujours eu le même effet que l'emploi par l'Opposante, en vertu du paragraphe 50(1) de la Loi, étant donné l'entente de licence subséquente. L'Opposante a cité TGI Fridays of Minnesota Inc c Registrar of Trademarks (1999) 241 NR 362 (CAF) pour corroborer ses observations. L'Opposante a, de plus, fait valoir que le principe ne s'applique que dans les cas où la validité de la marque de commerce en question n'est pas en cause, comme c'est le cas de la validité de la marque de commerce de l'Opposante dans les présentes procédures d'opposition

[27]           En réponse, la Requérante a soutenu à l'audience que le paragraphe 50(1) de la Loi ne permet pas d'appliquer les effets d'une licence à un emploi qui précède la date d'entrée en vigueur de l'entente. La Loi étend simplement de manière rétroactive la disposition déterminative aux ententes de licence qui étaient en vigueur avant l'adoption du paragraphe 50(1) de l'actuelle Loi. En outre, la Requérante a soutenu que rien n'indique que la disposition doit être appliquée différemment selon qu'il s'agit de la marque de commerce d'une partie opposante ou de celle d'une partie requérante.

[28]           Par souci de commodité, voici le libellé du paragraphe 50(1) de la Loi :

50 (1) Pour l'application de la présente loi, si une licence d'emploi d'une marque de commerce est octroyée, pour un pays, à une entité par le propriétaire de la marque, ou avec son autorisation, et que celui-ci, aux termes de la licence, contrôle, directement ou indirectement, les caractéristiques ou la qualité des marchandises et services, l'emploi, la publicité ou l'exposition de la marque, dans ce pays, par cette entité comme marque de commerce, nom commercial - ou partie de ceux-ci - ou autrement ont le même effet et sont réputés avoir toujours eu le même effet que s'il s'agissait de ceux du propriétaire. [Soulignement ajouté.]

[29]           Le paragraphe 50(1) de la Loi prévoit que l'emploi d'une marque de commerce par un licencié est réputé être un emploi par le propriétaire inscrit, si les exigences sont satisfaites. En l'espèce, je suis convaincue que le document « Confirmatory License » qui est joint en pièce A-1 de l'affidavit Nozawa, lequel est entré en vigueur le 13 décembre 2011, contient des dispositions relatives au contrôle par l'Opposante des caractéristiques et de la qualité des marchandises. Cependant, je ne suis pas en mesure d'accepter l'argument de l'Opposante selon lequel la même disposition étend les effets d'un emploi autorisé de la marque de commerce conforme aux exigences du paragraphe 50(1) de la Loi à une période qui précède la date de l'entente de licence.

[30]           Au contraire, je suis d'avis qu'il faut une entente valide en vigueur pendant la période en question pour que la disposition déterminative puisse s'appliquer. À cet égard, je reviens au paragraphe 50(1) de la Loi qui prévoit que « si une licence d'emploi d'une marque de commerce est octroyée (...) à une entité par le propriétaire de la marque, (...) alors l’emploi, la publicité ou l'exposition de la marque (...) par cette entité (...) ont le même effet et sont réputés avoir toujours eu le même effet que s’il s’agissait de ceux du propriétaire. » [Soulignement ajouté]. De plus, même s'il est vrai que la validité de la marque de commerce de l'Opposante n'est pas en cause dans les présentes procédures, je suis d'accord avec la Requérante pour dire que rien n'indique que la disposition doit être interprétée différemment selon l'entité à qui la marque de commerce examinée appartient.

[31]           En référence aux dispositions de l'article 50 sur l'octroi de licences et à la décision rendue dans l'affaire Eli Lilly & Co c Novopharm Ltd (2000) 10 CPR (4th) 10 (CAF), Fox (Kelly Gill & R. Scott Joliffe, Fox on Canadian Law of Trade-marks and Unfair Competition, 4e éd, loose-leaf, (Toronto: Carswell, 2003) affirme ceci au point 15.3(c) :

[Traduction]
Un propriétaire peut désormais octroyer une licence pour une marque de commerce, qu'elle soit enregistrée ou non, sans qu'il soit nécessaire d'enregistrer le licencié en tant qu'utilisateur autorisé, à condition que le propriétaire respecte chacun des éléments de l'article 50, y compris la création d'une licence en vertu de laquelle le concédant de licence détient un contrôle direct ou indirect sur les caractéristiques ou la qualité des marchandises et des services. En outre, les mots « et sont réputés avoir toujours eu » laisse entendre un effet rétroactif sur les nouvelles dispositions relatives à l'octroi de licence. Les ententes qui pourraient avoir été inadéquates et conclues avant l'édiction de cet article peuvent être corrigées de façon rétroactive et on peut alors conclure à l'existence d'une licence valide.

[32]           L'une des questions abordées dans TGI Fridays of Minnesota Inc est celle de savoir si l'effet rétroactif de la disposition déterminative de l'article 50(1), qui était alors nouvelle, s'appliquerait à l'appel d'une décision de la Section de première instance suivant une décision du registraire de radier une marque de commerce dans le cadre d'une procédure de radiation sommaire ayant été amorcée quelque 15 ans avant l'édiction de la disposition déterminative en 1993. Au paragraphe 7 de la décision, la Cour d'appel fédérale se penche sur la phrase « et sont réputés avoir toujours eu » du paragraphe 50(1) de la Loi comme faisant de la loi « [Traduction] un texte déclaratif du droit, non seulement pour l'avenir, mais également pour le passé ». Autrement dit, la Cour était d'avis que la phrase « et sont réputés voir toujours eu » s'applique de manière rétroactive aux ententes qui étaient en place avant l'édiction de la disposition déclarative en 1993. Cependant, elle n'étend pas les effets d'une licence à la période précédant la date d'entrée en vigueur. En outre, l'application du raisonnement de l'Opposante ferait perdre tout son sens à l'exigence en matière de contrôle du paragraphe 50(1) si, par la loi, les parties pouvaient rétroactivement revendiquer tout emploi non contrôlé en tant qu'emploi autorisé conforme au paragraphe 50(1) de la Loi.

[33]           À la suite d'une lecture objective de l'affidavit Nozawa et du document « Confirmatory License » joint à la pièce A-1, je suis d'avis que l'entente de licence jointe démontre qu'il existe une entente entre l'Oppoante et Mizkan, laquelle était en vigueur depuis le 13 décembre 2011. Bien qu'il contienne le terme « Confirmatory License », le titre ne peut pas modifier le libellé de l'entente, lequel ne vient aucunement confirmer qu'une entente a été conclue à une date précédente. Par conséquent, je suis d'avis que tout emploi de la marque de commerce SAKURA par Mizkan avant le 13 décembre 2011 ne peut invoquer l'Opposante.

[34]           En revanche, selon ce que je comprends, l'Opposante a fait valoir à l'audience qu'à la lumière du paragraphe 5 du document « Confirmatory License », tout emploi de la marque de commerce SAKURA par Mizkan et tout droit qu'elle pourrait détenir « en raison de l'emploi antérieur de cette même marque », précédant la date d'entrée en vigueur de l'entente de licence, doivent être considérés comme ceux du prédécesseur en titre de l'Opposante, qui ont été cédés à l'Opposante dans l'entente.

[35]           Je ne suis pas d'accord.

[36]           Par souci de commodité, voici le libellé du paragraphe 5 du document « Confirmatory License » :

[Traduction]
5 Le licencié reconnaît que tout emploi (qu'il a fait, qu'il fait ou qu'il fera) de la marque de commerce SAKURA (dans un mot, un dessin ou un logo, en anglais ou dans toute autre langue) profitera exclusivement et entièrement au propriétaire, et le licencié ne revendiquera aucun droit ni intérêt concernant la marque de commerce SAKURA (dans un mot, un dessin ou un logo, en anglais ou dans toute autre langue) découlant de son emploi de celle-ci. Dans la mesure nécessaire, le licencié cède, par les présentes, au propriétaire tout droit qu'il pourrait détenir sur la marque de commerce SAKURA (dans un mot, un dessin ou un logo, en anglais ou dans une autre langue) découlant de son emploi antérieur de celle-ci. [Je souligne.]

[37]           Il n'existe simplement pas de preuves suffisantes pour que je puisse conclure que Mizkan était le prédécesseur en titre de l’Opposante en ce qui concerne la marque de commerce SAKURA. Selon ce que je comprends, l'Opposante s'appuie sur le paragraphe 5 du document « Confirmatory License » pour faire valoir que Mizkan détenait des droits sur la marque de commerce SAKURA, avant de devenir licencié de l'Opposante le 13 décembre 2011. Cependant, le libellé de ce paragraphe est loin d'être clair. Dans le paragraphe 5 du document « Confirmatory License », on fait référence à « tout droit » que pourrait détenir Mizkan sur la marque de commerce SAKURA, sans autres détails; dans le même paragraphe, on parle d'emploi antérieur de la marque de commerce à l'avantage exclusif de l'Opposante, sans aucune référence à un prédécesseur en titre.

[38]           De la même façon, le document « Confirmatory License » ne fait aucunement référence à un prédécesseur en titre ni à une cession ou un transfert antérieurs de droits entre les parties qui laisseraient entendre que Mizkan a déjà été propriétaire de la marque de commerce SAKURA. L'entente fait plutôt référence à l'Opposante en tant que propriétaire de la marque de commerce SAKURA et à Mizkan en tant que licencié. De plus, le propre affidavit de M. Nozawa identifie de la même manière Mizkan comme étant le licencié de l'Opposante, sans indiquer que Mizkan a déjà été le prédécesseur en titre de l'Opposante à quelque moment que ce soit. Je suis d'accord avec la Requérante pour dire qu'il aurait été facile pour l'Oppsoante de produire une preuve claire à cet égard, mais l'Opposante n'a pas choisi de le faire.

[39]           Enfin, considérant le document « Confirmatory License » dans son ensemble, de pair avec l'affidavit de M. Nozawa, je ne suis pas prête à accepter que Mizkan soit le prédécesseur en titre de l’Opposante en m'appuyant seulement sur une référence à des droits non précis que Mizkan aurait pu détenir ou non sur la marque de commerce à un moment donné dans le passé. Par conséquent, je suis d'avis que tout emploi de la marque de commerce SAKURA par Mizkan avant le 13 décembre 2011 ne peut être considéré comme un emploi par le prédécesseur en titre de l’Opposante.

[40]           À la lumière de ce qui précède et étant donné que l'Opposante n'a fourni aucune preuve de son propre emploi de la marque de commerce SAKURA avant le 24 mars 2011 pour la demande no 1,520,586 visant la marque de commerce SAKURA et avant le 25 mars 2011 pour la demande no 1,520,821 visant la marque de commerce SAKURA ET DESSIN, l'Opposante ne s'est pas acquittée du fardeau de preuve initial qui lui incombait au titre du motif d'opposition invoqué en vertu de l'alinéa 16(3)a) de la Loi, et ce, dans chaque cas.

Les Marques se distinguaient-elles des marchandises de la Requérante à la date de production de la déclaration d'opposition?

[41]           Dans chacune de ses déclarations d'opposition, l'Opposante allègue que « [Traduction] la marque de commerce ne distingue pas réellement, ni n'est adaptée à distinguer, les marchandises en liaison avec lesquelles la marque est employée par la partie requérante, ou à l’égard desquelles elle projette de l’employer, des marchandises de la partie opposante » au vu des dispositions de l'article 2 de la Loi [soulignement ajouté]. Il est mentionné qu'une opposition doit être évaluée à la lumière des motifs d'opposition tels qu'ils sont invoqués [voir Massif Inc c Station Touristique Massif du Sud (1993) Inc (2011), 95 CPR (4th) 249 (CF)].

[42]           Pour s'acquitter de son fardeau de preuve initial, l'Opposante devait démontrer que la marque de commerce ou le nom commercial qu'elle invoquait était devenu suffisamment connu au Canada à la date de production de la déclaration d'opposition, pour faire perdre aux Marques leur caractère distinctif [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc (2004), 2004 FC 1185 (CanLII), 34 CPR (4th) 317 (CF); Motel 6 Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst.); et BojanglesInternational LLC c Bojangles Café Ltd (2006), 2006 FC 657 (CanLII), 48 CPR (4th) 427 (CF)].

[43]           La date pertinente utilisée pour évaluer le motif d'opposition est la date de la production de la déclaration d’opposition, soit le 19 juin 2012 dans chaque cas [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc]. Pour les raisons qui suivent, je rejette le motif d'opposition dans chaque cas, parce que l'Opposante ne s'est pas acquittée du fardeau initial qui lui incombait.

[44]           Comme indiqué précédemment, l'Opposante n'a produit aucune preuve de l'emploi du nom commercial qu'elle invoque. De plus, je suis d'avis que tout emploi de la marque de commerce SAKURA de l'Opposante par Mizkan avant le 13 décembre 2011 ne peut invoquer l'Opposante ni ne constitue un emploi par son prédécesseur en titre. Par conséquent, la seule preuve d'emploi fournie par M. Nozawa qui pourrait s'appliquer en faveur de l'Opposante est celle de l'emploi par Mizkan, entre la date d'entrée en vigueur de l'entente de licence, soit le 13 décembre 2011 et la date pertinente, soit le 19 juin 2012.

[45]           À cet égard, je note que l'Opposante n'a fourni aucun renseignement sur les revenus annuels générés par la vente de ses produits de vinaigre SAKURA ni de dépenses en publicité associées à ces produits. À partir des données sur les ventes jointes en pièce A-4 de l'affidavit de M. Nozawa, il semble que 10 commandes de 12 caisses de vinaigre de riz SAKURA ont été vendues à une seule entité, « Nishimoto Trading » de la Colombie-Britannique, à l'intérieur de la période de 6 mois. De la même façon, seulement deux des factures jointes en pièce A-5 de l'affidavit de M. Nozawa indiquaient des dates s'inscrivant dans la période pertinente, les deux commandes ayant été expédiées à « Nishimoto Trading ». Selon les deux factures, le coût de 12 caisses de « 4.2% Sakura Rice Vgr Label: Mitsukan » en décembre 2011 s'élevait à 228 $. Si l'on considère la preuve de l'Opposante dans son ensemble, au mieux tout ce que je peux confirmer c'est que 120 caisses de vinaigre SAKURA, représentant des ventes d'environ 2 300 $, ont été vendues au Canada par Mizkan en tant que licencié de l'Opposante, à l'intérieur d'une période de six mois précédant la date pertinente.

[46]           Par conséquent, étant donné le faible volume de ventes à un seul client au Canada et la période d'emploi relativement brève au sens de l'article 50 de la Loi, je ne suis pas convaincue que la marque de commerce SAKURA de l'Opposante est devenue suffisamment connue pour faire perdre aux Marques leur caractère distinctif au Canada, en date du 19 juin 2012.

Décision

[47]           Dans l'exercice des pouvoirs qui m'ont été délégués en vertu des dispositions du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l'opposition, conformément aux dispositions du paragraphe 38(8) de la Loi, relativement à chacune des demandes d'enregistrement.

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Pik-Ki Fung

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

Sophie Ouellet, trad.a.

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