Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2012 COMC 56

Date de la décision : 2012‑03‑23

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par les Aliments Maple Leaf Inc. à l’encontre de la demande no 1 378 130 pour la marque de commerce OLDENHÄUSER produite par Lidl Stiftung & Co. KG

 

 

 

Introduction

[1]               Le 7 janvier 2008, Lidl Stiftung & Co. KG (la Requérante) a produit la demande no 1 378 130 pour l’enregistrement de la marque de commerce OLDENHÄUSER (la Marque) fondée sur l’enregistrement et l’emploi en Allemagne. La Marque a été enregistrée en Allemagne le 18 août 1997.

[2]               La demande d’enregistrement, modifiée, vise ce qui suit :

Viande, volaille, gibier; produits à base de viande, produits de saucisse et produits de petite saucisse, nommément pain de viande, pâte de viande, boulettes de viande, pastrami, jus de viande, boudin, saucisses de Francfort (viande uniquement, pas de sandwichs), hamburgers (viande uniquement, pas de sandwichs), hot-dogs (viande uniquement, pas de sandwichs) mousses à base de viande, tartinades à base de viande, jambon, bacon, salami, mortadelle, couennes de bacon, rôti de bœuf, bœuf salé, galettes de bœuf, galettes de saucisse; conserves de viande, conserves de saucisses et conserves de petites saucisses; gelées de viande; repas prêts à servir, repas presque prêts à servir et salades constitués essentiellement de viande, de produits à base de viande, de saucisses, de petites saucisses et/ou de volaille, également avec du pain, du fromage, des pâtes farineuses, des pommes de terre, du riz, des légumes; fruits et légumes en conserve, séchés et cuits; fromage, préparations de fromage, nommément fondue au fromage, tartinades au fromage, fromage cottage, fromage à la crème, sauce au fromage et fromage fondu. Sauces, nommément sauces à salades, sauce soya, sauce à spaghetti, compotes de fruits, sauce tartare, sauce tomate, compote de pommes, sauce à l’artichaut, sauce barbecue, sauce au fromage, sauce chili, marmelade de canneberges, sauce piquante, sauce à pizza, ketchup, moutarde, mayonnaise; vinaigre, épices; pain, pâtisseries; préparations faites de céréales destinées à l’alimentation, nommément barres à base de céréales, grignotines à base de céréales, céréales de déjeuner, céréales transformées (les Marchandises).

[3]               Dans sa demande, la Requérante a déclaré que le terme OLDENHÄUSER est un mot inventé.

[4]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 7 janvier 2009. Le 2 juin 2009, la société Aliments Maple Leaf Inc. (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition que le registraire a fait parvenir à la Requérante le 18 juin 2009. Le 29 juin 2009, cette dernière a produit une contre-déclaration dans laquelle elle nie tous les motifs d’opposition.

[5]               À titre de preuve, l’Opposante a produit l’affidavit d’Adam J. Grogan, et la Requérante a produit l’affidavit d’Anne‑Christine Boudreault.

[6]               Seule l’Opposante a produit un plaidoyer écrit, très concis, et a demandé une audience à laquelle elle s’est présentée.

Les motifs d’opposition

[7]               Les motifs d’opposition soulevés par l’Opposante peuvent se résumer ainsi :

1. La marque n’est pas enregistrable, compte tenu de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi), parce qu'elle crée de la confusion avec la marque de commerce déposée OVERLANDER de l'Opposante, dont le certificat d'enregistrement porte le numéro LMC215406 et qui est enregistrée en liaison avec de la [traduction] viande salaisonnée, viande fumée et viande cuite; viande fraîche;

2. Comme le prévoit l’alinéa 16(2)a) de la Loi, la Requérante n’a pas droit à l’enregistrement de la Marque, parce qu’à la date de production de la demande, la Marque créait de la confusion avec la marque de commerce OVERLANDER de l’Opposante, antérieurement employée par cette dernière et son prédécesseur en titre au Canada depuis au moins mai 1971 en liaison avec de la viande salaisonnée, de la viande fumée et de la viande cuite et depuis au moins le 20 juillet 1976 en liaison avec de la viande fraîche;

3. Aux termes de l’alinéa 38(2)d), la Marque de la Requérante n’est pas distinctive, car elle ne distingue pas les Marchandises des marchandises d’autres propriétaires ni n’est adaptée à les distinguer ainsi, en particulier celles de l’Opposante, compte tenu, notamment, de l’emploi antérieur au Canada de la marque de commerce OVERLANDER par l’Opposante en liaison avec de la viande salaisonnée, viande fumée, viande cuite et viande fraîche.

Le fardeau ultime et le fardeau de preuve dans la procédure d’opposition à une marque de commerce

[8]               C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime d’établir que sa demande est conforme aux dispositions de la Loi. Toutefois, l’Opposante doit s’acquitter du fardeau initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués au soutien de chacun des motifs d’opposition. Une fois que l’Opposante s’est acquittée de ce fardeau initial, il incombe à la Requérante d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs d’opposition soulevés ne devraient pas faire obstacle à l’enregistrement de la Marque [voir Joseph  E. Seagram & Sons Ltd. et al. c. Seagram Real Estate Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 325 (C.O.M.C.); John Labatt Limitée c. Les Compagnies Molson Limitée (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.); Wrangler Apparel Corp. c. The Timberland Company, [2005] C.F. 722].

Les dates pertinentes

[9]               La date pertinente pour l’analyse de chacun des motifs d’opposition varie selon le motif à examiner :

  enregistrabilité de la Marque au regard de l’alinéa 12(1)d) de la Loi : la date de la décision du registraire [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413, à la page 424 (C.A.F.)];

  droit à l’enregistrement de la Marque, dans le cas où la demande est fondée sur l’emploi et l’enregistrement à l’étranger : la date de production de la demande (7 janvier 2008) [voir le paragraphe 16(2) de la Loi];

  caractère distinctif de la Marque : la date de production de la déclaration d’opposition (2 juin 2009) [voir Andres Wines Ltd. and E & J Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126, à la page 130 (C.A.F.); Metro-Goldwyn-Meyer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F. 1re inst.)].

 

L’enregistrabilité de la Marque au regard de l’alinéa 12(1)d) de la Loi

[10]           M. Grogan est vice-président du marketing du Groupe des produits de viandes de Maple Leaf Consumer Foods Inc. (MLCF), un membre de l’Opposante. Il travaille pour MLCF depuis 1998 et occupe son poste actuel depuis mars 2007. Il allègue que l’Opposante est la propriétaire de la marque de commerce OVERLANDER, enregistrée le 13 août 1976 sous le numéro LMC215406. M. Grogan a produit une copie de l’enregistrement. J’ai vérifié le registre, et cet enregistrement est bien inscrit [voir Quaker Oats of Canada Ltd./La Compagnie Quaker Oats Ltée c. Manu Foods Ltd. , 11 C.P.R. (3d) 410]. Toutefois, l’état déclaratif des marchandises visées par l’enregistrement a été modifié pour en radier l’élément « viande fraîche », à la suite d’une procédure prévue à l’article 45. Par conséquent, l’enregistrement numéro LMC215406 vise maintenant les marchandises suivantes : viande salaisonnée, viande fumée et viande cuite.

[11]           L’Opposante a donc satisfait à son fardeau initial. Il incombe dès lors à la Requérante de prouver, suivant la prépondérance des probabilités, que l’emploi de la Marque en liaison avec les Marchandises n’est pas susceptible de créer de la confusion avec la marque de commerce déposée OVERLANDER de l’Opposante. Le test permettant de trancher cette question est énoncé au paragraphe 6(2) de la Loi. Je dois tenir compte de toutes les circonstances pertinentes de l’espèce, y compris celles précisées au paragraphe 6(5) : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce, et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent.

[12]           Cette liste de critères n’est pas exhaustive, et il n’est pas nécessaire d’attribuer à chacun le même poids.

Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce, et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[13]           La Marque est un mot inventé; pour cette raison, elle possède un caractère distinctif inhérent lorsqu’elle est employée en liaison avec les Marchandises. Le terme OVERLANDER qui compose la marque de commerce de l'Opposante se trouve dans le Canadian Oxford Dictionary, comme on peut le voir dans l'extrait produit par Anne‑Christine Boudreault, stagiaire en droit au cabinet de l'agent de la Requérante. En voici la définition : [traduction] « Un groupe de personnes ayant voyagé par voie terrestre de l’Ontario au champ aurifère de Cariboo en Colombie-Britannique en 1862 ». Même s’il s’agit d’un mot du dictionnaire anglais, il n’a aucun lien avec les marchandises visées par l’enregistrement de l’Opposante.

[14]           Une marque de commerce peut acquérir un caractère distinctif accru par la promotion ou l’emploi qui en sont faits au Canada. Il n’existe aucune preuve au dossier de l’emploi de la Marque au Canada. Je résumerai maintenant la preuve soumise par l’Opposante quant à l’emploi de la marque OVERLANDER au Canada.

[15]           M. Grogan affirme que MLCF fabrique et vend des produits de viande de marque OVERLANDER au Canada conformément à un accord de licence d’emploi de la marque de commerce conclu avec l’Opposante. Celle-ci contrôle directement ou indirectement les caractéristiques ou la qualité des marchandises distribuées et vendues au Canada par MLCF en liaison avec la marque de commerce OVERLANDER. Partout dans son affidavit, M. Grogan désigne l’Opposante et MLCF sous la dénomination Maple Leaf. Tout emploi de la marque de commerce OVERLANDER de l’Opposante par MLCF est réputé être un emploi de cette marque de commerce par l’Opposante, en vertu des dispositions de l’article 50 de la Loi. Par conséquent, je ferai simplement référence à l’Opposante, ci-après, et ne ferai de distinction entre cette dernière et MLCF que si je l’estime nécessaire.

[16]           M. Grogan affirme que l’Opposante emploie la marque de commerce OVERLANDER au Canada de façon continue depuis au moins mai 1971 en liaison avec de la viande salaisonnée, fumée ou cuite. Il soutient que la marque de commerce est imprimée directement sur les étiquettes des produits, lesquelles sont ensuite apposées sur les marchandises. Il présente des échantillons des véritables étiquettes de produits portant la marque de commerce OVERLANDER.

[17]           M. Grogan fournit les chiffres d’affaires annuels de l’Opposante dans les différentes provinces pour les années 2003, 2004 et 2005; ces chiffres excèdent 14 millions de dollars. Il indique également le tonnage total des produits vendus au Canada en liaison avec la marque de commerce OVERLANDER durant les années 2006, 2007 et 2008.

[18]           M. Grogan affirme que l’Opposante vend ses produits portant la marque de commerce OVERLANDER à l’échelle du Canada, à des épiceries au détail et à des distributeurs tels que Loblaws, Sobeys, Safeway et autres. Il fournit aussi une liste du total de kilogrammes de produits vendus par client pour la période couvrant 2003, 2004 et 2005. Il déclare que l’Opposante annonce la marque OVERLANDER aux consommateurs canadiens en en faisant la publicité dans des prospectus qui sont offerts dans les épiceries et distribués par courrier. Il produit une série de documents publicitaires distribués dans des points de vente en 2004, 2005, 2006, 2007 et 2009, sur lesquels figurent des produits portant la marque de commerce OVERLANDER.

[19]           M. Grogan produit également des exemples de factures établies à des clients en 2003, 2004, 2005, 2007, 2008 et 2009 pour la vente, au Canada, de produits portant la marque de commerce OVERLANDER. Ces produits sont identifiés sur les factures par les lettres « OV ».

[20]           Je conclus que la marque de commerce OVERLANDER de l’Opposante est connue au Canada.

La période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[21]           Compte tenu de la preuve exposée ci-dessus, ce facteur favorise nettement l’Opposante.

Le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce

[22]           De façon générale, l’examen de la nature des marchandises et du commerce des parties se fait en fonction de l’état déclaratif des marchandises compris dans la demande d’enregistrement. [Voir Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3d) 3 (C.A.F.)] Les éléments de preuve concernant le commerce effectivement exploité par les parties peuvent s’avérer utiles pour interpréter l’état déclaratif des marchandises dans le but de déterminer le type d’entreprise ou de commerce que les parties avaient vraisemblablement en vue plutôt que tous les types de commerce que pourrait englober le libellé [voir McDonald’s Corp. v. Coffee Hut Stores Ltd. (1996), 68 C.P.R. (3d) 168 (C.A.F.)]. La Requérante n’a produit aucune preuve concernant la nature de son commerce. Les marchandises des parties se chevauchent assurément dans la mesure où elles comprennent toutes deux différents types de viande. La Requérante n’ayant présenté aucune preuve contraire, je dois présumer, du moins dans le cas des différents types de viande, que les marchandises de la Requérante emprunteraient les mêmes voies de commercialisation que celles de l’Opposante. Ces voies de commercialisation sont décrites de façon plus détaillée ci-dessus. Par conséquent, ce facteur favorise aussi l’Opposante.

Le degré de ressemblance

[23]           Dans un arrêt récent, Masterpiece Inc. c. Alavida Lifestyles Inc. et al., 2011 CSC 27, la Cour suprême du Canada a clairement indiqué que le facteur le plus important, parmi ceux énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi, est souvent le degré de ressemblance entre les marques. Il faut examiner les marques dans leur intégralité et non les disséquer en leurs éléments constitutifs.

[24]           Le seul élément commun aux marques en cause est la lettre initiale O. Pour ce qui est du son et de la présentation, les marques diffèrent. En outre, la Marque étant un mot inventé, le tréma sur la lettre A lui confère un caractère exotique.

[25]           Dans l’ensemble, ce facteur favorise la Requérante.

[26]           Après analyse, je conclus que la Requérante s’est acquittée du fardeau qui lui incombait d’établir, suivant la prépondérance des probabilités, que la Marque n’est pas susceptible de créer de la confusion avec la marque de commerce OVERLANDER de l’Opposante, puisque la Marque possède un caractère distinctif inhérent et qu’il n’y a aucun degré de ressemblance entre les marques en cause, si ce n’est du fait qu’elles commencent par la lettre O, ce qui n’est pas suffisant en soi pour affirmer qu’il y a une ressemblance entre les marques.

[27]           Je rejette donc le premier motif d’opposition.

Les autres motifs d’opposition

[28]           Les autres motifs d’opposition sont fondés sur la probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce OVERLANDER de l’Opposante. La seule différence entre le motif d’opposition relatif à l’enregistrabilité fondé sur l’alinéa 12(1)d), d’une part, et celui concernant le droit à l’enregistrement fondé sur l’alinéa 16(2)a) et le caractère distinctif de la Marque aux termes de l’article 2 de la Loi, d’autre part, est la date pertinente applicable à ces autres motifs d’opposition. Ces dates, antérieures, n’auraient aucune incidence sur mon analyse des facteurs énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi.

[29]           Par conséquent, les deuxième et troisième motifs d’opposition sont également rejetés.


 

Décision

[30]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués par le registraire des marques de commerce en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition à l’enregistrement de la Marque, conformément aux dispositions du paragraphe 38(8) de la Loi.

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Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Dominique Lamarche, LL.L., trad. a.

 

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