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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

                                                                              Référence : 2013 COMC 65

Date de la décision : 2013-03-09

 

 

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45 engagée à la demande de Reckitt Benckiser (Canada) Inc., visant l’enregistrement no LMC437,374 de la marque de commerce SCENTSATION au nom de Tritap Food Broker, une Division de 676166 Ontario Limited

 

 

[1]               À la demande de Reckitt Benckiser (Canada) Inc., le registraire des marques de commerce a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13, à Tritap Food Broker, division de 676166 Ontario Limited (l’Inscrivante), propriétaire inscrite de l’enregistrement no LMC437,374 visant la marque de commerce SCENTSATION.

[2]               L’article 45 de la Loi oblige l’Inscrivante à produire une preuve démontrant l’emploi de sa marque de commerce au Canada au cours de la période du 20 juillet 2007 au 20 juillet 2010 (la Période pertinente) en liaison avec chacune des marchandises spécifiées dans l’enregistrement. Dans le cas présent, les marchandises spécifiées dans l’enregistrement sont les suivantes : pot-pourri, assainisseur d’air et encaustique pour meubles.

[3]               L’article 4 de la Loi précise la définition du mot « emploi ». Dans ce cas, le paragraphe suivant s’applique :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou la possession est transférée.

[4]               En réponse à l’avis du registraire, l’Inscrivante a produit l’affidavit de Joel Usher. Les deux parties ont produit des observations écrites et étaient représentées lors de l’audience.

[5]               En réponse à la preuve de l’Inscrivante, les principales observations de Reckitt Benckiser (Canada) Inc. (la partie requérante) étaient les suivantes :

(a)     l’emploi indiqué n’est pas par l’Inscrivante et ne s’applique pas non plus au profit de l’Inscrivante;

(b)     la marque de commerce employée n’est pas la marque de commerce telle qu’enregistrée;

(c)     la marque de commerce n’a pas été employée avec les marchandises enregistrées.

[6]               Je discuterai maintenant de la preuve et des arguments relativement à chacune de ces questions.

La preuve indique-t-elle l’emploi de la marque de commerce par l’Inscrivante ou l’emploi qui s’applique au profit de l’Inscrivante?

[7]               La preuve doit démontrer l’emploi de la marque de commerce par l’Inscrivante, ou l’emploi par un licencié qui respecte les exigences de l’article 50 de la Loi. Dans la présente affaire, pour les raisons qui suivent, je ne conclus pas que l’Inscrivante a l’obligation de s’appuyer sur un emploi par un licencié.

[8]               Dans son affidavit, M. Usher s’identifie comme secrétaire-trésorier de l’Inscrivante et directeur général de U-Buy Discount Foods Limited (U-Buy), une entreprise connexe. Il explique que U-Buy vend des produits qui affichent la marque de commerce et que U-Buy poursuit des activités de vente de produits d’épicerie sous le nom Worldwide Food Dist.

[9]               En ce qui concerne la pratique normale du commerce de l’Inscrivante, M. Usher indique que pendant la période pertinente, l’Inscrivante a vendu des assainisseurs d’air portant la marque de commerce soit directement aux magasins de détail canadiens, soit aux distributeurs qui les vendaient ensuite aux magasins de détail canadiens, pour les vendre aux clients. En appui, il joint une photographie d’un contenant d’assainisseur d’air en aérosol à la pièce A, qu’il déclare être représentatif de la façon dont la marque de commerce est affichée sur les produits vendus au Canada pendant la période pertinente. De plus, concernant ces ventes, il joint des factures représentatives à la pièce B.

[10]           La partie requérante allègue l’absence d’emploi direct de la marque de commerce par l’Inscrivante, car c’est U-Buy qui semble vendre les produits. De plus, aucune preuve ne démontre que U-Buy est licencié en vertu de l’article 50 de la Loi. C’est le cas, déclare la partie requérante, puisqu’aucune des factures de la pièce B n’identifie clairement le vendeur; cependant, chacune des factures comporte une référence à la raison sociale Worldwide Foods Dist de U-Buy en ce qui concerne les observations de revendications du client. La partie requérante allègue que cela démontre que c’est U-Buy et non l’Inscrivante qui a émis les factures; une conclusion confirmée par la déclaration de M. Usher selon laquelle U-Buy vend des produits qui affichent la marque de commerce.

[11]           En outre, la partie requérante allègue que si c’était l’Inscrivante qui employait la marque de commerce et qui vendait les produits, cette information aurait vraisemblablement été affichée sur le produit même. À cet égard, l’image de l’assainisseur d’air à la pièce A indique uniquement une perspective du contenant d’aérosol, qui ne présente aucune information sur la source du produit. La partie requérante soutient que comme l’Inscrivante a refusé de fournir une image de l’endos du produit, la seule conclusion qui peut être tirée est que ce n’est pas le nom de l’Inscrivante qui apparaît sur le produit, mais plutôt U-Buy, Worldwide Foods, ou une autre tierce partie.

[12]           Cependant, je suis d’accord avec l’Inscrivante que M. Usher n’indique nulle part dans son affidavit qu’un licencié ou toute entité autre que l’Inscrivante emploie la marque de commerce ou que les marchandises proviennent de toute personne autre que l’Inscrivante. De plus, l’Inscrivante n’a pas l’obligation de fournir de preuve d’emploi de la marque de commerce avec ses noms [voir Gowling Lafleur Henderson LLP c. Classical Remedia Ltd (2008), CarswellNat 4604 (COMC); Novopharm Ltd c. Monsanto Canada, Inc (1997), 80 CPR (3d) 287 (COMC) et Vogue Brassiere Inc c. Sim & McBurney (2000), 5 CPR (4th) 537 (CFPI)].

[13]           Bien que je convienne avec la partie requérante que les factures semblent avoir été émises par U-Buy, je juge raisonnable d’inférer que U-Buy agissait simplement à titre de distributeur de l’Inscrivante. À mon avis, comme M. Usher a clairement attesté que dans la pratique normale du commerce, l’Inscrivante vend également à des distributeurs, la marque de commerce « Worldwide Distributors » de U-Buy implique raisonnablement une telle relation. À cet égard, je conclus que U-Buy est simplement un intermédiaire à travers la chaîne de transactions entre l’Inscrivante et le consommateur, en fin de compte [voir Manhattan Industries Inc c. Princeton Manufacturing Ltd (1971), 4 CPR (2d) 6 (CFPI)].

[14]           De plus, un distributeur de produits n’a pas besoin de licence du propriétaire de la marque de commerce pour les distribuer [voir A & A Jewellers Ltd c. Malcolm Johnston & Associates (2000), 8 CPR (4th) 56 (CFPI)]. 

[15]           Pour ces motifs, je suis convaincue que l’emploi indiqué est celui de l’Inscrivante.

La preuve indique-t-elle l’emploi de la marque de commerce telle qu’enregistrée?

[16]           L’assainisseur d’air illustré à la pièce A affiche la marque de commerce en lettrage de fantaisie, avec un trait d’union qui suit le mot SCENT et la portion SATION qui apparaît sur une ligne séparée en dessous, chaque portion commençant par un S majuscule en lettrage de fantaisie. 

[17]           La partie requérante allègue que tous ces facteurs créent l’impression générale de deux mots séparés, nommément « Scent » et « Sation »; le premier mot étant un mot du dictionnaire qui signifie odeur, et le second mot n’ayant aucune signification dans le dictionnaire. En revanche, la partie requérante allègue que la marque enregistrée est un mot et est un synonyme du mot « sensation » du dictionnaire qui signifie un sentiment.

[18]           À cet égard, la partie requérante allègue que la présentation, le son et les idées suggérées par la marque telle qu’employée diffèrent de la marque telle qu’enregistrée dans la mesure où les consommateurs n’identifieraient pas la marque de commerce telle qu’employée comme étant la marque enregistrée en soi.

[19]           Lorsque la marque telle qu’elle est employée s’écarte de la marque telle qu’elle est enregistrée, la question qu’il faut se poser est de savoir si la marque a été employée de sorte à ne pas avoir perdu son identité et à être demeurée reconnaissable malgré la différence entre la forme dans laquelle elle a été enregistrée et la forme dans laquelle elle a été employée [Canada (registraire des marques de commerce) c. Compagnie International pour l’informatique CII Honeywell Bull (1985), 4 CPR (3d) 523 à 525 (CAF)]. En déterminant l’issue de cet enjeu, il faut évaluer si les « caractéristiques dominantes » ont été préservées [Promafil Canada ltée c. Munsingwear Inc, 44 CPR (3d) à 59 (CAF)]. Le test pratique qui doit être appliqué pour résoudre un cas de cette nature consiste à comparer la marque de commerce telle qu’enregistrée à la marque de commerce telle qu’employée et déterminer si les différences entre ces deux marques sont importantes au point qu’un acheteur ignorant serait susceptible d’inférer que toutes deux, malgré leurs différences, identifient des produits de même origine. [Honeywell Bull, supra à la page 525]. Finalement, l’emploi d’une marque de commerce en combinaison avec des mots ou des caractéristiques supplémentaires constitue un emploi de la marque de commerce si le public, comme s’il s’agissait d’une première impression, percevait la marque de commerce en soi comme étant employée [Nightingale Interloc Ltd c. Prodesign Ltd (1984), 2 CPR (3d) 535 (COMC)]. 

[20]           Selon moi, la marque de commerce n’a pas perdu son identité et demeure reconnaissable. Dans la même veine, je conviens avec l’Inscrivante que l’ajout d’un trait d’union n’est pas significatif. La séparation visuelle entre les éléments SCENT et SATION à l’aide d’un trait d’union et de lettrage de fantaisie ne change pas l’impression générale de la marque. Plus précisément, ces différences n’ont aucune incidence sur la façon dont la marque est prononcée. De plus, le mot SCENT du dictionnaire est également clairement discernable à l’intérieur de la marque de commerce. À cet égard, peu importe la façon dont la marque de commerce est présentée, l’idée suggérée demeure la même.

[21]           Par conséquent, je suis convaincue que la preuve établit l’emploi de la marque de commerce enregistrée en soi.

La preuve établit-elle l’emploi de la marque de commerce en liaison avec les marchandises enregistrées?

[22]           Bien que la marque de commerce en question soit enregistrée pour un emploi en liaison avec diverses marchandises, dans la mesure où les marchandises enregistrées sont concernées, il ne fait nul doute que la preuve et les allégations de l’Inscrivante ne concernent que des « assainisseurs d’air ». Par conséquent, l’analyse suivante visera à déterminer si la preuve établit l’emploi de la marque de commerce en liaison avec des « assainisseurs d’air ».

[23]           Dans son affidavit, M. Usher déclare que l’Inscrivante a employé et continue d’employer la marque de commerce sur les contenants d’assainisseurs d’air en aérosol et de forme solide ainsi que sur des chandelles parfumées. Bien qu’il reconnaisse que les chandelles parfumées ne sont « pas couvertes » par l’enregistrement, il atteste qu’elles sont une « extension naturelle » des assainisseurs d’air.

[24]           Comme il a été indiqué précédemment, la pièce A est une photographie qui montre la marque de commerce apposée sur un contenant d’assainisseur d’air en aérosol. M. Usher déclare que cette photographie est représentative de la façon dont la marque de commerce est apposée sur les produits vendus au Canada pendant la période pertinente et continue d’apparaître tant sur les assainisseurs d’air que sur les chandelles.

[25]           De plus, bien que M. Usher décrive les factures jointes à la pièce B comme étant représentatives des assainisseurs d’air vendus au Canada pendant la période pertinente en liaison avec la marque de commerce, je note que les factures montrent également des ventes de « chandelles parfumées SCENTSATION ». 

[26]           Lors de l’audience, la partie requérante a qualifié la preuve d’ambigüe en ce qui concerne les assainisseurs d’air, alléguant qu’une preuve aussi ambigüe devrait être interprétée en défaveur de l’Inscrivante [selon Aerosol Fillers Inc c. Plough (Canada) Ltd (1980), 45 CPR (2d) 194 à 198; confirmé par 53 CPR (3d) 62 (CAF)]. En particulier, la partie requérante a attiré l’attention sur le fait que les assainisseurs d’air sur les factures ne se rapportent pas à la marque de commerce, alors que les chandelles énumérées sur les factures comprennent la marque de commerce au complet dans leurs descriptions. En effet, selon la partie requérante, il n’est pas précisé pourquoi l’affidavit Usher renvoie à des chandelles s’il y a effectivement eu des ventes d’assainisseurs d’air SCENTSATION. Cela est d’autant moins clair, selon la partie requérante, qu’il n’y a aucun lien entre l’assainisseur d’air de la photographie de la pièce A et les assainisseurs d’air des factures de la pièce B. Par exemple, aucun des poids des produits des descriptions de la facture ne correspond à l’assainisseur d’air de la photographie.

[27]           L’Inscrivante, par contre, a allégué que la partie requérante procédait à une analyse trop poussée de la preuve, selon une approche trop technique qui est incompatible avec le but de la procédure de radiation en vertu de l’article 45. L’Inscrivante a insisté pour dire que la preuve doit être évaluée dans son ensemble plutôt que de s’attarder sur des parties individuelles [Kvas Miller Everitt c. Compute (Bridgend) Limited (2005), 47 CPR (4th) 209 à 213 (COMC)].  Je suis d’accord.

[28]           En ce qui concerne l’inclusion de « chandelles parfumées » dans la preuve, l’Inscrivante a allégué que la réalité commerciale, de nos jours, est que les chandelles sont des assainisseurs d’air. 

[29]           Néanmoins, pour ce qui est de savoir pourquoi la marque de commerce en entier n’apparaît pas en liaison avec des assainisseurs d’air dans les factures, l’Inscrivante a remarqué qu’il n’est pas toujours possible de le faire. À ce titre, il est habituel pour des factures de contenir des abréviations. Je trouve cette explication raisonnable compte tenu de l’espace restreint sur les factures présentées en preuve.

[30]           En ce qui concerne la question à savoir pourquoi M. Usher se reporte à des chandelles dans son affidavit, comme les factures montrent également des ventes de chandelles parfumées en liaison avec la marque de commerce, je trouve raisonnable que M. Usher fournisse un contexte pour ces articles.

[31]           Pour finir, en ce qui concerne l’absence de relation entre l’assainisseur d’air illustré sur la photographie de la pièce A et les assainisseurs d’air énumérés dans les factures de la pièce B, M. Usher déclare clairement dans son affidavit que les pièces sont représentatives. De plus, bien que les assainisseurs d’air énumérés dans les factures ne soient pas à base d’aérosol, je ne trouve rien d’incohérent avec cette preuve. À cet égard, M. Usher a clairement déclaré que la marque de commerce est employée tant sur les contenants d’assainisseurs d’air en aérosol que sous forme solide.

[32]           Compte tenu de ce qui précède, à la lumière de la preuve dans son ensemble, je conclus que la preuve suffit à établir l’emploi de la marque de commerce en liaison avec des « assainisseurs d’air ».

Décision

[33]           Conséquemment, j’ai conclu que l’Inscrivante a établi l’emploi de la marque de commerce en liaison avec des « assainisseurs d’air »; cependant, l’emploi n’a pas été établi pour le reste des marchandises de l’enregistrement et aucune preuve de circonstance spéciale n’excuse l’absence d’emploi. 

[34]           Conséquemment, en vertu des pouvoirs qui me sont délégués au titre du paragraphe 63(3) de la Loi, l’enregistrement no LMC437,374 sera modifié pour radier les marchandises « encaustique pour meubles » et « pot-pourri » au sens de l’article 45 de la Loi.

 

 

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Kathryn Barnett

Agente d’audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Nathalie Côté, trad. a.

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