Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2016 COMC 4

Date de la décision : 2016-01-12

[TRADUCTION CERTIFIÉE,
NON RÉVISÉE]

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION

 

 

Constellation Brands Québec Inc.

Opposante

et

 

Sociedad Vinícola Miguel Torres, S.A.

Requérante

 

 

 



 

1,563,421 pour la marque de commerce HEMISFERIO

 

Demande

[1]               Constellation Brands Québec Inc. s'oppose à l'enregistrement de la marque de commerce HEMISFERIO (la Marque), qui fait l'objet de la demande no 1,563,421 au nom de Sociedad Vinícola Miguel Torres, S.A.

[2]               Produite le 9 février 2012, la demande est fondée sur l'emploi de la Marque au Canada depuis au moins le 28 octobre 2011 en liaison avec des vins.

[3]               L'Opposante allègue que la demande n'est pas conforme aux exigences énoncées aux articles 30b) et 30i) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch. T-13 (la Loi).

[4]               Pour les raisons exposées ci-dessous, je repousse la demande d'enregistrement.

Le dossier

[5]               L'Opposante a produit sa déclaration d'opposition le 6 août 2013. La Requérante a produit et signifié sa contre-déclaration le 28 octobre 2013 dans laquelle elle conteste l'ensemble des motifs d'opposition.

[6]               Au soutien de son opposition, l'Opposante a produit l'affidavit de Robert Champagne, vice-président aux ventes de l'Opposante pour les régions du Québec et de l'Atlantique. Au soutien de sa demande, la Requérante a produit l'affidavit de Jaime Valderrama, directeur général de la Requérante. Aucun des déposants n'a été contre-interrogé.

[7]               Seule la Requérante a produit un plaidoyer écrit; les parties étaient toutes deux présentes à l'audience qui a été tenue.

Fardeau de preuve incombant à chacune des parties

[8]               C'est à la Requérante qu'incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. L'Opposante a toutefois le fardeau de preuve initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l'existence des faits allégués à l'appui de chacun des motifs d'opposition [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst.), p 298].

La demande d'enregistrement est-elle conforme aux exigences de l'article 30i) de la Loi?

[9]               L'Opposante allègue que la Requérante ne pouvait pas et ne peut toujours pas être convaincue qu'elle a droit d'employer la Marque au Canada en liaison avec les produits décrits dans la demande, en violation de l'article 30i) de la Loi, étant donné que les parties exercent leurs activités dans la même industrie et connaissent les produits et les marques de commerce des concurrents.

[10]           La date pertinente pour évaluer un motif d'opposition fondé sur l'article 30 est la date de production de la demande, en l'espèce le 9 février 2012 [voir Georgia-Pacific Corp c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC), p 475]. L'article 30i) de la Loi exige que le requérant se déclare convaincu dans sa demande d'avoir droit d'employer la marque de commerce au Canada. D'après la jurisprudence, lorsque le requérant a fourni la déclaration exigée, on ne peut conclure à la non-conformité à l'article 30i) qu'en présence de circonstances exceptionnelles qui rendent la déclaration du requérant invraisemblable [voir Sapodilla Co Ltd c Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC), p 155].

[11]           L'Opposante n'a produit ni invoqué aucune preuve à l'appui de son motif d'opposition fondé sur l'article 30i). En outre, le simple fait qu'un requérant peut avoir eu connaissance des produits ou des marques de commerce d'un opposant, ce qui n'a dans les deux cas pas été invoqué, n'aurait pas été suffisant en soi. Par conséquent, je rejette le motif d'opposition fondé sur l'article 30i), étant donné que l'Opposante ne s'est pas acquittée du fardeau de preuve initial qui lui incombait.

La demande d'enregistrement est-elle conforme aux exigences de l'article 30b) de la Loi?

[12]           L'Opposante allègue que, en violation de l'article 30b) de la Loi, la demande ne renferme pas la date de premier emploi de la Marque par la Requérante ou son prédécesseur en titre en liaison avec des vins au Canada. À cet égard, l'Opposante allègue que la Requérante ou son prédécesseur en titre n'avait pas employé la Marque au Canada à la date de premier emploi alléguée, voire ne l'avait pas employée du tout, ou de manière continue, ou qu'elle avait par la suite abandonné la Marque, en liaison avec des vins.

[13]           La question visée par l'article 30b) n'est pas celle de savoir si la Requérante avait abandonné la Marque à la date de production de la demande, mais celle de savoir si elle avait employé la Marque de manière continue en liaison avec les produits visés par la demande dans la pratique normale du commerce au Canada à compter de la date de premier emploi alléguée jusqu'à la date pertinente [voir Immuno AG c Immuno Concepts, Inc (1996) 69 CPR (3d) 374 (COMC); Labatt Brewing Co c Benson & Hedges (Canada) Ltd (1996), 67 CPR (3d) 258 (CF 1re inst.), p 262; et Corporativo de Marcas GJB, SA de CV c Bacardi & Company Ltd 2014 CF 323 (CanLII)]. Comme je l'ai déjà mentionné, la date pertinente pour évaluer un motif d'opposition fondé sur l'article 30 est la date de production de la demande, en l'espèce le 9 février 2012 [voir Georgia-Pacific Corp c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC), p 475].

[14]           L'Opposante a le fardeau de preuve initial de présenter une preuve admissible suffisante pour étayer son allégation de non-conformité de la demande à l'article 30b) de la Loi, en gardant à l'esprit que les faits en rapport avec le premier emploi par la Requérante relèvent essentiellement de la connaissance de la Requérante [voir Tune Masters c Mr P’s Mastertune Ignition Services Ltd (1996), 10 CPR (3d) 84 (COMC), p 89 et Corporativo de Marcas, précitée]. Si l'Opposante réussit à s'acquitter du fardeau de preuve initial qui lui incombe, la Requérante doit alors, en réponse, étayer sa prétention d'emploi pendant la période pertinente.

[15]           La Cour a souligné que pour s'acquitter de ce fardeau de preuve initial au titre de l'article 30b), l'opposant peut s'appuyer aussi bien sur sa propre preuve que sur celle du requérant [voir Labatt Brewing Company Limited c Molson Breweries, a Partnership (1996), 68 CPR (3d) 216 (CF 1re inst.), p 230]. En l'espèce, l'Opposante s'appuie sur la preuve des deux parties pour s'acquitter de son fardeau de preuve initial au titre de l'article 30b) de la Loi. Je commencerai par examiner la preuve de l'Opposante, puis j'examinerai celle de la Requérante.

[16]           Dans son affidavit, M. Champagne affirme que la Requérante était représentée par l'Opposante dans la vente de ses produits au Québec et dans la région de l'Atlantique entre 1999 et 2013. M. Champagne affirme également que, après avoir vérifié auprès de son équipe des ventes et dans la base de données de la Société des alcools du Québec, il est d'avis que le vin de la Requérante n'a pas été vendu avant ou après le 28 octobre 2011 au Québec. M. Champagne fait aussi valoir que, si la Requérante avait vendu son vin en liaison avec la Marque, l'Opposante aurait été au courant de telles ventes faites avant ou après le 28 octobre 2011. Aucun autre détail n'a été fourni.

[17]           Le fait que M. Champagne n'a connaissance d'aucune vente du vin de la Requérante en liaison avec la Marque avant ou après le 28 octobre 2011 dans la province du Québec n'est pas suffisant en soi pour mettre en cause la date de premier emploi revendiquée par la Requérante de la Marque au Canada, comme il existe d'autres marchés canadiens dont M. Champagne ne peut rendre compte.

[18]           J'examinerai maintenant la preuve de la Requérante. Dans son affidavit, M. Valderrama affirme que la Requérante, qui exerce également ses activités sous le nom de Miguel Torres Chile, produit, vend et exporte du vin. À cet égard, M. Valderrama affirme que la Requérante vend ses produits, y compris ceux qui arborent la Marque, par l'entremise de distributeurs canadiens, aux régies provinciales des alcools et aux revendeurs de vin, et en bout de ligne aux consommateurs canadiens, aux restaurants haut de gamme, aux hôtels, aux bars, aux pubs et autres commerces de détail.

[19]           Selon M. Valderrama, les dossiers de la Requérante indiquent que les produits arborant la Marque sont vendus au Canada depuis au moins le 28 octobre 2011 et qu'ils sont toujours vendus au Canada. Neuf spécimens de factures, rédigées en espagnol et portant des inscriptions en anglais, datées du 28 octobre 2011 au 7 mai 2014, montrant des ventes du vin arborant la Marque à un client au Canada, sont joints comme Pièce » A ». Je souligne que les factures renferment le nom et l'adresse au Chili de la Requérante et sont émises à une entité désignée « PACIFIC WINE AND SPIRITS INC » ou « PACIFIC WINE AND SPIRITS » située à Edmonton, en Alberta. Je souligne également que l'article appelé « HEMISFERIO SB 750cc » (HEMISFERIO Sauvignon blanc 750 ml) figure dans les descriptions de produit présentées dans les spécimens de factures. Dans son affidavit, M. Valderrama souligne que la Pièce » A » renferme [Traduction] « […] une facture datée du 28 octobre 2011 », qui correspond à la date figurant sur le premier spécimen de facture portant la date « 28/10/2011 » de la Pièce » A ». M. Valderrama explique que ces factures accompagnent les produits lorsqu'ils sont vendus aux distributeurs canadiens.

[20]           Les listes de prix de la Requérante pour 2012 et 2013, qui auraient été mises à la disposition d'un de ses distributeurs canadiens, Pacific Wine, situé en Alberta, sont jointes comme Pièce » B » à l'affidavit de M. Valderrama. Je souligne que « HEMISFERIO » figure dans les descriptions de produit des listes de prix.

[21]           M. Valderrama joint comme Pièce » C » des spécimens d'étiquettes employées sur les bouteilles de vin vendues depuis 2011 au Canada. Je souligne que la Marque figure bien en vue sur chaque spécimen d'étiquette. Une copie de la carte des vins de 2013 d'un restaurant situé en Colombie-Britannique est jointe comme Pièce » D »; je souligne que la description « MIGUEL TORRES "HEMISFERIO" » (« HEMISFERIO » de MIGUEL TORRES) figure dans la carte.

[22]           Enfin, des spécimens de matériel publicitaire et promotionnel lié au vin arborant la Marque qui aurait été publié au Canada sont joints comme Pièce » E » à l'affidavit de M. Valderrama. Je souligne que la Pièce inclut des cartes des vins de restaurants situés en Colombie-Britannique qui ne sont pas datées et qui mentionnent notamment « HEMISFERIO », des pages Web non identifiées et qui ne sont pas datées montrant des photos d'étiquettes et de bouteilles de vin en vente arborant la Marque, dont celles des millésimes 2011 et 2012, de même qu'un article de mars 2012 à propos d'un festival du vin tenu à Vancouver qui mentionne « Hemisferio Sauvignon Blanc Reserve » (Hemisferio Sauvignon blanc réserve) sous l'inscription « Miguel Torres ».

[23]           À l'audience, l'Opposante a fait valoir que la preuve même de la Requérante met en doute la date de premier emploi revendiquée dans sa demande. À cet égard, l'Opposante a invoqué le premier spécimen de facture joint comme Pièce » A » et l'affirmation de M. Valderrama indiquant que la Pièce [Traduction] « […] renferme une facture datée du 28 octobre 2011 ». En particulier, l'Opposante a souligné que le premier spécimen de facture qui porte la date du 28 octobre 2011 indique également que la date d'arrivée approximative des produits expédiés par navire au Canada est le 26 janvier 2012. À ce sujet, l'Opposante a mentionné l'inscription « FECHA DE LLEGADA APROXIMADA 26/01/2012 EXPORTACIONES » (DATE D'ARRIVÉE APPROXIMATIVE 26/01/2012 DES EXPORTATIONS) et la note « Merchandise shipped on board vessel ‘MSC PILAR V-960R’ through ‘GIORGIO GORI SHIPPING CO.’ […] » (Marchandise expédiée sur le navire « MSC PILAR V-960R » par l'entremise de « GIORGIO GORI SHIPPING CO. » […]) figurant sur le spécimen de facture. Ainsi, citant à l'appui l'affaire Belvedere International Inc c Dena Corporation, 1998 CanLii 18507 (COMC), l'Opposante a soutenu que le transfert de la possession des produits n'a eu lieu qu'en janvier 2012, et non le 28 octobre 2011.

[24]           À l'audience, la Requérante a fait valoir que le registraire ne peut ignorer l'affirmation de M. Valderrama faite au paragraphe 6 de son affidavit voulant que [Traduction] « les dossiers [de la Requérante] indiquent que les produits arborant la [Marque] sont vendus au Canada depuis au moins le 28 octobre 2011 », une affirmation qui est compatible avec la date de premier emploi revendiquée. Quant aux spécimens de factures mentionnés au paragraphe 7 de l'affidavit de M. Valderrama et qui sont joints comme Pièce » A », la Requérante a prétendu qu'ils étayent simplement l'allégation du déposant concernant les ventes.

[25]           La Requérante a fait valoir que M. Valderrama affirme clairement que les spécimens de factures sont de nature représentative, et qu'ils ne sont donc pas destinés à corroborer la date de premier emploi revendiquée, contrairement aux faits de l'affaire Belvedere. Les spécimens de factures fournissent plutôt simplement la preuve que des ventes de vin ont été faites de manière continue en liaison avec la Marque au Canada. La Requérante a également soutenu que le registraire doit écarter l'interprétation non fondée donnée par l'Opposante des inscriptions en espagnol figurant dans les spécimens de factures et que, en l'absence d'un contre-interrogatoire, la preuve doit être acceptée d'emblée. Enfin, citant à l'appui l'affaire Babcock & Wilcox Canada Ltd c MAN Aktiengesellschaft, 2001 CanLII 37744 (COMC), la Requérante est d'avis que sa preuve n'est pas clairement incompatible avec la date de premier emploi revendiquée dans la demande et que l'Opposante ne s'est par conséquent pas acquittée du fardeau de preuve initial qui lui incombait à l'égard du motif fondé sur l'article 30b).

[26]           Dans l'affaire Corporativo de Marcas, le juge Rennie examine en détail les facteurs en apparence contradictoires qui définissent le fardeau de preuve initial dont un opposant doit s'acquitter lorsqu'il est question d'un motif d'opposition fondé sur l'article 30b) de la Loi. En particulier, le fardeau de preuve initial qui incombe à un opposant à l'égard d'un motif fondé sur l'article 30b) a été qualifié de [Traduction] « peu exigeant », étant donné la difficulté pour un opposant d'obtenir des renseignements sur la date de premier emploi de la marque de commerce d'un requérant. Même dans ce cas, les tribunaux ont affirmé à maintes reprises qu'un opposant qui invoque la preuve même d'un requérant pour s'acquitter de son fardeau de preuve initial doit démontrer que la preuve est [Traduction] « clairement incompatible » avec la date revendiquée. Ainsi, le fardeau de preuve semble se déplacer en fonction de la source de la preuve invoquée par un opposant. À cet égard, le juge Rennie affirme ce qui suit au paragraphe 37 de la décision :

[Traduction]
À mon avis, ces deux facteurs sont perçus plus justement comme des indices ou des critères servant à évaluer tout élément de preuve, notamment sa provenance (y compris sa qualité et sa fiabilité), l'absence de preuve qu'il faudrait raisonnablement s'attendre à observer et la question de savoir si l'élément de preuve a été mis à l'épreuve en contre‑interrogatoire et si tel est le cas, comment il a réussi cette épreuve. De nombreux facteurs variés guident l'évaluation des éléments de preuve. Bien que certains facteurs qui influent sur le fardeau de preuve imposé à [l'opposante] en l'espèce soient contradictoires, une importance excessive accordée à la résolution de ce conflit détourne l'attention de la question principale : celle de savoir si la preuve d'un non‑emploi a été démontrée selon la prépondérance des probabilités.

[27]           En l'espèce, je suis d'avis que l'Opposante s'est acquittée de son fardeau de preuve initial en invoquant la preuve de la Requérante mettant en doute l'affirmation [Traduction] « depuis au moins le 28 octobre 2011 » comme établissant la date de premier emploi de la Marque en liaison avec des vins au Canada.

[28]           Par souci de commodité, je reproduis ci-dessous le paragraphe 6 et un extrait du paragraphe 7 de l'affidavit de M. Valderrama [Traduction] :

6.         Les dossiers de [la Requérante] indiquent que les produits arborant la marque HEMISFERIO sont vendus au Canada depuis au moins le 28 octobre 2011. Cette marque est toujours vendue au Canada aujourd'hui, où elle jouit d'une excellente réputation.

7.         Un échantillon représentatif de factures se rapportant à la vente du vin arborant la marque HEMISFERIO de [la Requérante] au Canada à compter de 2011 qui, en particulier, inclut une facture datée du 28 octobre 2011, est joint à mon Affidavit et forme la Pièce » A ». Ces factures accompagnent les produits lorsqu'ils sont vendus aux distributeurs canadiens qui achètent les produits de [la Requérante] et, à leur tour, émettent des factures à l'intention des acheteurs ou des consommateurs finaux. [...]

[29]           Je ne mets pas en doute l'affirmation de M. Valderrama voulant que le vin arborant la Marque est vendu au Canada depuis au moins le 28 octobre 2011. En réalité, le premier spécimen de facture joint comme Pièce » A » à l'affidavit de M. Valderrama corrobore son affirmation à cet égard. Cependant, la simple preuve de ventes des produits à l'étranger à une date donnée, mais destinés au Canada à une date ultérieure, ne peut étayer que la première date constitue la date de premier emploi de la Marque au Canada au sens de l'article 4(1) de la Loi.

[30]           Bien que les faits de la présente espèce ne soient identiques à aucune des affaires citées par les parties, je suis d'avis que la preuve produite par M. Valderrama se rapproche par nature davantage de celle produite dans l'affaire Belvedere, en ce sens que l'affaire citée examine aussi la preuve documentaire produite au soutien d'une déclaration faite par le déposant, même si dans cette affaire, il s'agissait d'une allégation d'emploi, et non d'une allégation concernant des ventes.

[31]           En l'espèce, compte tenu de la preuve dans son ensemble, l'affirmation de M. Valderrama et la preuve documentaire produite à l'appui quant aux ventes et à l'expédition du vin de la Requérante arborant la Marque [Traduction] « depuis au moins le 28 octobre 2011 » du Chili au Canada jettent un doute sérieux sur la véracité de la date de premier emploi revendiquée de la Marque [Traduction] « depuis au moins le 28 octobre 2011 » au Canada, au sens de la Loi.

[32]           Autrement dit, dans le contexte d'une opposition dans laquelle l'unique motif corroboré met en doute la date de premier emploi de la Marque au Canada, compte tenu de l'allégation de M. Valderrama concernant les ventes des produits visés par la demande arborant la Marque depuis [Traduction] « au moins le 28 octobre 2011 », accompagnée d'une facture portant la même date et démontrant la vente et l'expédition de ces produits arborant la Marque du Chili au Canada, qui correspond à la date de premier emploi revendiquée de la Marque dans la demande en l'espèce, en l'absence d'autre preuve relative à l'emploi de la Marque à cette date ou avant au Canada, j'estime raisonnable de conclure que la date de premier emploi revendiquée par la Requérante provient de la transaction mise en évidence par M. Valderrama dans son affidavit et ayant été à l'origine de la facture datée du 28 octobre 2011.

[33]           En ce qui a trait à la facture en cause, concernant la question de la traduction, je souligne que l'affidavit de M. Valderrama renferme la traduction en anglais de plusieurs termes espagnols figurant dans les spécimens de factures (c.-à-d. que « descripcion del producto » est traduit par « product description » (description du produit); « cantidad » est traduit par « amount » (quantité); « precio unitario » est traduit par « unit price » (prix unitaire)). Cependant, M. Valderrama a omis la traduction en anglais de l'inscription « fecha de llegada aproximada » (date d'arrivée approximative) et, plus important encore, le déposant n'a pas fourni d'explication relativement à la mention correspondante du « 26/01/2012 » figurant dans le spécimen de facture daté du 28 octobre 2011.

[34]           La Commission a déjà souligné que son pouvoir de prendre connaissance d'office de certains faits et des définitions tirées de dictionnaires ne s'étend pas à la traduction des termes qui ne sont ni en anglais ni en français [voir par exemple Bedessee Imports Ltd c Compania Topo Chico, 2014 COMC 200]. Même si je devais ignorer la traduction donnée par l'Opposante de l'inscription en espagnol « fecha de llegada aproximada » comme étant la date d'arrivée approximative des produits au Canada, la facture datée du 28 octobre 2011 renferme d'autres inscriptions qui donnent à penser que le transfert des produits arborant la Marque n'a eu lieu au Canada qu'à une date ultérieure. À cet égard, je souligne que la facture, rédigée en espagnol et comportant des inscriptions en anglais, est émise par la Requérante, située au Chili, à l'intention d'une entité située à Edmonton, en Alberta, et qu'elle mentionne, en anglais, que les marchandises sont expédiées à bord d'un navire. Je suis disposé à admettre d'office que les marchandises expédiées à bord d'un navire n'arrivent pas au Canada le même jour qu'elles quittent le Chili. Ainsi, j'estime raisonnable de conclure à la lumière du spécimen de facture daté du 28 octobre 2011 que le transfert de la propriété ou de la possession du vin arborant la Marque de la Requérante à ses distributeurs canadiens n'a eu lieu au Canada qu'après le 28 octobre 2011.

[35]           Dans ces circonstances et en l'absence de tout élément de preuve contraire, je ne suis pas convaincu que la Requérante a étayé sa prétention d'emploi de la Marque au Canada [Traduction] « depuis au moins le 28 octobre 2011 » en liaison avec les produits visés par la demande, au sens de l'article 4(1) de la Loi. Le motif d'opposition fondé sur l'article 30b) est par conséquent accueilli.

Décision

[36]           Compte tenu de ce qui précède, dans l'exercice des pouvoirs qui me sont délégués en vertu des dispositions de l'article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d'enregistrement conformément aux dispositions de l'article 38(8) de la Loi.

______________________________

Pik-Ki Fung

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

Marie-Pierre Hétu, trad.

COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS AU DOSSIER

____________________________________________________

 

DATE DE L'AUDIENCE : 6 octobre 2015

 

COMPARUTIONS

 

BRUNO BARRETTE                                                             POUR L'OPPOSANTE

 

COLEEN MORRISON                                                          POUR LA REQUÉRANTE

 

AGENTS AU DOSSIER

 

Barette Legal Inc.                                                                    POUR L'OPPOSANTE

 

Marks & Clerk                                                                         POUR LA REQUÉRANTE

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