Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence: 2011 COMC 241

Date de la décision: 2011-12-05

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Station Touristique Massif du Sud (1993) Inc. à la demande d’enregistrement No 1,212,361 pour la marque de commerce LE MASSIF produite par Le Massif Inc.

Les procédures

[1]               Le Massif Inc. (la Requérante) a déposé le 31 mars 2004 une demande portant le No 1,212,361 pour l’enregistrement de la marque de commerce LE MASSIF (la Marque) en liaison avec :

Matériel publicitaire et promotionnel, nommément brochures, panneaux de signalisation, épinglettes, cartes postales, affiches et photos, cassettes vidéos promotionnelles préenregistrées, pochettes de presse, cartons d'invitation, stylos, autocollants, porte-clés, verres, tasses, articles de golf nommément balles, marqueurs de balles, capuchons pour bâtons, imperméables, visières, parapluies, tés, outils servant à réparer les verts, bouteilles, stylos, crayons et emballages cadeaux contenant des articles de golf, médailles, jeux de cartes, montres, limonadiers, appareils photos jetables, parapluie. Vêtements et uniformes de sport pour hommes, dames et enfants nommément des t-shirts, chandails, anoraks, casquettes, habits de pluie, chemises, polars, foulards, mitaines et gants, bandeaux, tuques, chapeaux avec ou sans rebords, gilets, vestes, sous-vêtements, ceintures, bas (« Marchandises »); et

Exploitation d'une station touristique quatre saisons offrant des services afférents à la pratique du ski alpin, du surf des neiges, du télémark, de randonnée pédestre et d'autres sports et loisirs d'extérieur nommément: l'exploitation de pentes de ski alpin, de surf des neiges et de télémark, l'exploitation de leçons de ski, de patrouilles de ski, de services de guides en montagne, l'exploitation de services de billetterie, d'enneigement artificiel, d'entretien des pentes et équipements, de remontées mécaniques, de services de transport par navettes, et d'organisation et de tenue de compétitions sportives; l'exploitation de restaurants, de bars, de salles de réception, de salles d'entreposage d'équipement, de garderies, de boutiques de vente et de location d'équipements sportifs, de réparation d'équipement, de vêtements et de matériel de ski, de surf des neiges et de télémark. (“Services”)

[2]               La demande telle que modifiée à l’époque a été publiée le 1er septembre 2004 dans le Journal des marques de commerce pour fins d’opposition. Celle-ci était fondée sur un emploi depuis 1982 par la Requérante.  Elle ne faisait pas référence à l’emploi de la Marque par un prédécesseur en titre.

[3]               Station Touristique Massif du Sud (1993) Inc. (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition le 28 janvier 2005 que le registraire a transmise le 24 février 2005 à la Requérante. Cette dernière a produit le 21 mars 2005 une contre-déclaration niant tous les motifs d’opposition ci-après décrits.

[4]               La preuve de l’Opposante sous la règle 41 du Règlement sur les marques de commerce [DORS/2007-91, art. 1] (Règlement) est constituée des affidavits de René Godbout et Valérie Belle-Isle. La Requérante a produit, sous la règle 42 du Règlement, les affidavit de Marc Deschamps et Jean-Luc Brassard. L’Opposante a produit les affidavits d’Alain Contant, Gabriel Loubier, Roger Nadeau, Henri Dorion et Gaston Ouellet à titre de preuve en réplique. Je devrai d’ailleurs déterminer, suite à une objection de la Requérante, si ces affidavits ou certains d’entre eux constituent véritablement une preuve en réplique au sens de la règle 43 du Règlement.

[5]               Seule l’Opposante a produit un plaidoyer écrit. Les parties étaient toutefois représentées lors d’une audience.

[6]               Je ferai grâce de la description des incidents qui sont survenus dans ce dossier afin de me limiter aux actes de procédure tels qu’ils existent présentement au dossier et à la preuve produite par les parties. Toutefois il est bon de souligner que le registraire a entendu cette affaire une première fois et que sa décision fut portée en appel par la Requérante. Madame la juge Bédard, de la Cour fédérale, a accueilli l’appel en concluant que le registraire avait excédé sa compétence en faisant droit à l’opposition fondée sur la non-conformité à l’alinéa 30(b) de la Loi sur les marques de commerce L.R.C. 1985, ch. T-13 (Loi) sur la base d’un motif autre que celui invoqué par l’Opposante, soit l’absence de référence dans la demande d’enregistrement publiée à l’emploi de la marque par un ou des prédécesseurs en titre. Elle a renvoyé le dossier au registraire pour que l’affaire soit entendu de nouveau mais par un autre membre de la commission des oppositions.

[7]               Depuis ce temps la Requérante a pris soin de modifier sa demande d’enregistrement afin qu’elle soit fondée sur un emploi depuis 1982 par la Requérante ou son prédécesseur en titre Société de développement du Massif de Petite-Rivière-Saint-François inc.

[8]               Il est à noter que l’Opposante a amendé en cours de route sa déclaration d’opposition et je me référerai dorénavant à la déclaration d’opposition amendée datée du 9 mars 2011.

[9]               C’est dans ce contexte que la présente décision est rendue.

Les motifs d’opposition

[10]           Les différents motifs d’opposition soulevés par l’Opposante dans sa déclaration d’opposition modifiée du 9 mars 2011 peuvent se résumer ainsi :

1.      La demande d’enregistrement ne satisfait pas aux exigences de l’article 30 (a) de la Loi en ce que la demande ne renferme pas un état dressé dans les termes ordinaires du commerce, des marchandises ou services spécifiques en liaison avec lesquels la Marque a été employée;

2.      La demande d’enregistrement ne satisfait pas aux exigences de l’article 30 (b) de la Loi en ce que la Marque n’a pas été employée au Canada depuis 1982 par la Requérante ou ses prédécesseurs en titre désignés dans sa demande d’enregistrement;

3.      La Marque n’est pas enregistrable en vertu des dispositions de l’article 12(1)(b) de la Loi car elle donne, soit sous sa forme graphique, écrite ou sonore une description claire ou donne une description fausse et trompeuse, dans la langue française ou anglaise, de la nature ou de la qualité ou du lieu d’origine des Marchandises ou Services. Le mot « massif » est un terme qui désigne dans l’industrie touristique en général des produits ou services reliés aux activités tenues en montagne telles, par exemple, le ski alpin, le surf des neiges, la randonnée pédestre ou d’autres sports et loisirs d’extérieur;

4.      La Marque est une marque dont l’article 10 de la Loi interdit l’adoption car cette marque, en raison d’une pratique commerciale ordinaire et authentique, est devenue reconnue au Canada comme désignant le genre, la qualité des marchandises ou services décrits dans la demande et que, conséquemment, personne ne peut l’adopter comme marque de commerce en liaison avec les Marchandises ou Services ou autres marchandises et services de la même catégorie générale ou l’employer d’une manière susceptible d’induire en erreur;

5.      La Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi en ce qu’elle ne distingue pas ou n’est pas apte à distinguer les Marchandises et Services de ceux des autres, notamment ceux de l’Opposante en ce qu’eu égard principalement à ce que déjà mentionné plus haut et que la Marque est constituée d’un terme ordinaire et commun à l’industrie touristique et elle est par conséquent incapable de distinguer les Marchandises et les Services.

Remarques préliminaires

[11]           Ce dossier a fait l’objet de plusieurs demandes incidentes contestées ce qui a eu pour effet d’alourdir le dossier. Il ne faut cependant pas perdre de vue qu’il s’agit d’une procédure en opposition à l’enregistrement d’une marque de commerce. Les parties ont produit des jugements rendus par la Cour supérieure du Québec et par la Cour d’appel du Québec mais ces jugements seront de peu d’utilité dans le présent litige. Dans un premier temps ils n’impliquent pas les mêmes parties à la présente procédure d’opposition et l’objet de ces jugements ne concerne pas l’enregistrement de la Marque en liaison avec les Marchandises et les Services.

[12]           L’Opposante a fait grand état dans sa preuve et son argumentation tant écrite qu’orale de l’existence de la commission de toponymie qui serait l’autorité en matière de noms géographiques au Québec. Je rappelle que nous sommes en matière d’opposition à l’enregistrement d’une marque de commerce employée en liaison avec les Marchandises et les Services. Il est intéressant de noter que M. Henri Dorion, géographe, décrit la nature de son mandat en ces termes : « ….dans le contexte de gestion toponymique au Québec, les deux appellations en cause, à savoir Le Massif et Station touristique du Massif du Sud peuvent [-elles] coexister, si cette coexistence rencontre le code normatif de l’utilisation de noms géographiques établi par la Commission de toponymie du Québec et si en conséquence leur utilisation parallèle vient en contradiction avec les deux fonctions pratiques essentielles de la toponymie que sont l’identification des lieux et l’orientation relativement à ces lieux. »(mes soulignements) Hormis le fait que cette preuve aurait dû être produite sous la règle 41 du Règlement je ne vois pas en quoi son expertise et sa réponse à cette question nous éclaire sur les motifs d’opposition plaidés. Pour ces raisons, je ne tiendrai pas compte du contenu de l’affidavit de M. Dorion.

[13]           Par ailleurs la Requérante s’objecte à la production des affidavits d’Alain Contant, Gabriel Loubier, Roger Nadeau et Gaston Ouellet car elle prétend que leur contenu ne constitue pas de la preuve en réplique. L’Opposante argumente que cette preuve se veut une réplique au contenu de l’affidavit de M. Jean-Luc Brassard et que de toute façon en Common Law la règle d’admissibilité d’éléments de preuve dans une instance administrative est celle de la pertinence.

[14]           Le Règlement énonce aux règles 35 et suivantes la procédure à suivre dans le cadre d’une opposition et la règle 43 spécifie clairement que la preuve en réplique se limite strictement aux matières servant de réponse.

[15]           Je tiens à ajouter que même si ces affidavits avaient été produits sous la règle 44, leur contenu aurait été très peu pertinent compte tenu des motifs d’opposition ci-haut décrits. En effet l’existence de l’Opposante ou d’un centre de ski opérant sous la désignation « Massif du Sud » n’aurait aucune incidence sur ma décision. L’Opposante n’a pas plaidé l’article 16(1) de la Loi. De plus l’existence d’un centre de ski, ou à la limite, de trois autres régions au Canada ayant dans leur désignation le mot « massif » ne constitue pas en soi une pratique commerciale ordinaire et authentique reconnue au Canada au sens de l’article 10 de la Loi. J’aborderai d’ailleurs cette question plus en détails ci-après.

[16]           J’ai lu avec attention le contenu de ces affidavits. Seul l’extrait de l’affidavit de M. Contant, président et chef de la direction de l’Opposante, où il produit une brochure de l’agence Voyages Gendron contenant un article écrit par M. Brassard, constitue une preuve en réplique au sens de la règle 43. Ces affidavits auraient dû être produits dans la cadre de la preuve principale de l’Opposante sous la règle 41. Je ne tiendrai donc pas compte de leur contenu sauf pour le passage identifié ci-haut, s’il est pertinent aux questions à résoudre.

[17]           Il reste à déterminer le statut de M. Brassard. La Requérante le qualifie d’expert, mais expert dans quel domaine? Il est certes un médaillé olympique ayant une expertise en ski acrobatique. Il a participé à de nombreuses compétitions nationales et internationales au cours de sa carrière, ce qui l’a amené à se rendre à plusieurs centres de ski à travers le monde tel qu’il le déclare dans son affidavit. En raison de cette expertise il a été appelé à agir comme chroniqueur sportif pour Radio-Canada lors des Jeux Olympiques de Turin de 2006 (secteur télévision) pour commenter les compétitions de ski acrobatique (bosses). Après sa carrière d’athlète, de 2002 à 2005 il a travaillé à titre de consultant pour Voyages Bernard Gagnon (grossiste en voyages de ski et plein air). Son rôle consistait à fréquenter diverses destinations de ski et plein air en Europe, aux États-Unis et au Canada afin d’analyser leur potentiel touristique en vue d’y attirer des skieurs du Québec et d’ailleurs au Canada. Lors de la signature de son affidavit il travaillait pour le compte de la Requérante. Il s’occupait de la promotion médiatique de la station de ski Le Massif. Il représentait ce centre de ski lors de différents événements publics et accompagnait lors de visites personnalisées la clientèle qui fréquentait la station.

[18]           Je ne vois pas comment son domaine d’expertise, le ski acrobatique, pourrait nous être utile dans le présent dossier. Toutefois, tout comme n’importe quel skieur canadien qui a fréquenté les centres de ski canadiens et d’autres à travers le monde, il possède une connaissance personnelle de ces centres. Je considérerai ses connaissances personnelles sur ces centres de ski au même titre que les connaissances personnelles de tout autre skieur qui a eu la chance de pratiquer son sport favori à travers le monde.

[19]           C’est à la lumière de ces commentaires que je procéderai maintenant à l’analyse des motifs d’opposition ci-haut décrits.

Fardeau de preuve en matière d’opposition à l’enregistrement d’une marque de commerce

[20]           Dans le cadre de procédures d’opposition à l’enregistrement d’une marque de commerce, l’opposante doit présenter suffisamment d’éléments de preuve se rapportant aux motifs d’opposition qu’elle soulève afin qu’il soit apparent qu’il existe des faits qui peuvent appuyer ces motifs d’opposition. Si l’opposante satisfait cette exigence, la requérante devra alors convaincre le registraire, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs d’opposition soulevés ne devraient pas empêcher l’enregistrement de la marque [voir Joseph Seagram & Sons Ltd. c. Seagram Real Estate Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 325 (C.O.M.C.) et John Labatt Ltd. c. Molson Companies Limited, (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F.P.I.)].

 

 

 

Motif d’opposition fondé sur l’article 30(a) de la Loi

[21]           L’Opposante n’a produit aucune preuve pour appuyer les allégations contenues à son premier motif d’opposition. N’ayant pu se décharger de son fardeau initial de preuve, ce motif d’opposition est rejeté.

Motif d’opposition fondé sur l’article 30(b) de la Loi

[22]           Il est reconnu par la jurisprudence que l’Opposante peut se référer à la preuve de la Requérante pour prouver les allégations se rapportant au motif d’opposition fondé sur l’article 30(b) de la Loi. Toutefois il faut que cette preuve soulève des doutes sérieux quant à la véracité de la date de premier emploi de la Marque alléguée par la Requérante dans sa demande d’enregistrement [voir Tune Masters c. Mr. P’s Mastertune Ignition Services Ltd. (1986) 10 C.P.R. (3d) 84 (C.O.M.C.), Williams Telecommunications Corp. c. William Tell Ltd., (1999) 4 C.P.R. (4th) 107 (C.O.M.C.) et Labatt Brewing Company c. Molson Breweries, Partnership (1996), 68 C.P.R. (3d) 216 (C.F.P.I.)].

[23]           L’Opposante se réfère à certains passages du contre-interrogatoire de M. Deschamps. Il est administrateur depuis 2003 auprès de Groupe Le Massif Inc. qui détient la totalité des actions de la Requérante. Auparavant entre 1982 et 2000 il était le directeur-général de la Société de développement du Massif de Petite-Rivière-Saint-François inc., prédécesseur en titre de la Requérante.

[24]           Il allègue que depuis 2002 la Requérante exploite le centre de ski Le Massif situé dans le village de Petite-Rivière-Saint-François. Il allègue que le prédécesseur de la Requérante exploitait le centre de ski depuis au moins aussitôt qu’au début des années 1980. En 1978 des motoneiges et un camion assurait le transport des skieurs jusqu’au sommet de la montagne. En 1991 le centre de ski s’est doté de remontées mécaniques. Il allègue que depuis 1982 la Marque apparaît sur des enseignes, factures et publicités du centre de ski ainsi que sur plusieurs produits qui y sont vendus.

[25]           Il décrit au paragraphe 11 de son affidavit tous les services et produits offerts en liaison avec la Marque. Pour les fins de ce motif d’opposition je n’ai pas à décrire en détail le contenu de son affidavit car le nœud du problème a sa source dans son contre-interrogatoire.

[26]           Questionné aux pages 26 et suivantes sur la date de premier emploi de la Marque en liaison avec les Marchandises et Services M. Deschamps a admis les dates de premier emploi suivantes :

les cassettes vidéos promotionnelles préenregistrées : la fin des années quatre-vingt;

les pochettes de presse: 1983-1984;

stylos, autocollants, porte-clés, verres et tasses: 1992-1993;

articles de golf, médailles, jeux de cartes, montres, limonadiers et appareils photos jetables: fin des années quatre-vingt;

vêtements et uniformes de sport pour hommes, dames et enfants: 2002

exploitation d’une station touristique quatre saisons offrant des services afférents à la pratique du surf des neige et exploitation de pentes de surf des neiges, de boutiques de vente et de location de vêtements et de matériel de surf des neiges: 1987

services d’enneigement artificiel: 12 décembre 1992

services de remontés mécaniques: 1992 (page 9 de son contre-interrogatoire)

services de garderie: milieu des années quatre-vingt-dix

[27]           La Requérante a plaidé lors de l’audience que l’article 30(b) de la Loi exige qu’une date de premier emploi soit fournie pour chaque catégorie générale de marchandises et services et non pour chacune des marchandises et services spécifiques. Ainsi selon la Requérante, si la preuve démontre l’emploi de la Marque en liaison avec une des marchandises spécifiques énumérées dans une catégorie générale de marchandises, cette preuve serait suffisante pour faire conserver à la demande d’enregistrement toutes les marchandises spécifiques énumérées sous cette catégorie générale de marchandises. Aucune jurisprudence n’a été citée pour soutenir cet argument.

[28]           Il y a certes l’arrêt Saks & CO. c. Canada (Registrar of trade-marks) (1989)24 C.P.R. (3d) 49. Toutefois cette décision a été rendue dans le contexte de la procédure administrative sommaire en radiation d’une marque de commerce déposée sous l’article 45 de la Loi. Dans cette affaire la liste de marchandises était très exhaustive et comportait plusieurs catégories générales distinctes. Également, compte tenu de la nature de la procédure, il n’y avait pas d’admission de la part du propriétaire inscrit qu’il n’utilisait pas la marque en litige en liaison avec certaines des marchandises énumérées au certificat d’enregistrement. Il y avait simplement absence de preuve d’emploi de la marque au sens de l’article 4 de la Loi en liaison avec certains des produits. Je ne considère pas que cet arrêt s’applique à notre situation.

[29]           À tout événement l’Opposante a pris soin, soit d’énumérer toutes les marchandises spécifiques sous une même catégorie générale lors du contre-interrogatoire, ou de simplement se référer à la catégorie générale de marchandises comme par exemple « vêtements et uniformes de sport pour hommes, dames et enfants ».

[30]           Dans les circonstances je suis d’opinion que l’Opposante s’est déchargée de son fardeau de preuve de démontrer que la Requérante n’a pas employé la Marque en liaison avec les marchandises et services ci-après énumérés à compter de la date de premier emploi alléguée dans la demande d’enregistrement amendée présentement au dossier:

cassettes vidéos promotionnelles préenregistrées, pochettes de presse, stylos, autocollants, porte-clés, verres, tasses, articles de golf nommément balles, marqueurs de balles, capuchons pour bâtons, imperméables, visières, parapluies, tés, outils servant à réparer les verts, bouteilles, stylos, crayons et emballages cadeaux contenant des articles de golf, médailles, jeux de cartes, montres, limonadiers, appareils photos jetables, parapluie. Vêtements et uniformes de sport pour hommes, dames et enfants nommément des t-shirts, chandails, anoraks, casquettes, habits de pluie, chemises, polars, foulards, mitaines et gants, bandeaux, tuques, chapeaux avec ou sans rebords, gilets, vestes, sous-vêtements, ceintures, bas; et

exploitation d’une station touristique quatre saisons offrant des services afférents à la pratique du surf des neige, de pentes de surf des neiges, d'enneigement artificiel, de remontées mécaniques, de boutiques de vente et de location de vêtement et de matériel de surf des neiges et de services de garderies.

[31]           Ainsi le fardeau de preuve repose sur la Requérante qui devait donc démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle ou son prédécesseur en titre avait employé la Marque depuis 1982 en liaison avec ces marchandises et services. Rien dans la preuve de la Requérante ne me permet de conclure en sa faveur. Au contraire les admissions de M. Deschamps sont sans équivoque à ce sujet.

[32]           Le second motif d’opposition est donc accueilli partiellement, que pour ces marchandises et services.

Motif d’opposition fondé sur l’article 10 de la Loi

[33]           En guise d’introduction je cite le passage suivant de la décision du registraire dans Canteen of Canada Ltd. c. Montréal Mobile Canteen Wholesale Supplies Ltd. (1978), 46 C.P.R. (2d) 128 (C.O.M.C.) :

From the foregoing it may be concluded that opponent is using his trade name and may have effected a measure of trade mark use of the expression "Canteen of Canada" in association with services and a limited user in association with wares. Nevertheless the use that has been demonstrated is not in my opinion sufficient to establish that either the trade name of the opponent or the expression "Canteen of Canada" has become recognized in this country to the extent necessary to meet the requirements of s. 10. For the purpose of establishing that any mark has become recognized in Canada as designating the kind, quality, quantity, destination, value, place of origin or date of production of any wares or services, the party claiming entitlement to such recognition would be obliged to support his claim with a volume of evidence far greater and far more persuasive in nature than that represented by the Carter affidavit which makes no reference to any sales by the opponent in this country earlier than the year 1974, the year in which applicant claims to have first used his trade mark. It is true that the sales figure $29,000,000 referred to by Carter represents a sizable sales volume, but the evidence does not establish that it was in any way instrumental in gaining for the opponent the measure of recognition necessary to qualify under the provisions of s. 10. I have therefore concluded that benefit of the provisions of s. 12(1)(e) and s. 10 is not available to the opponent in this case.

[34]           La preuve de l’Opposante doit non seulement démontrer quantitativement mais aussi qualitativement que la Marque, en raison d’une pratique commerciale ordinaire et authentique, est devenu reconnue au Canada comme désignant le genre, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, lieu d’origine ou la date de production des Marchandises ou Services. Or la preuve principale de l’Opposante est composée des affidavits de Mme Belle-Isle et de M. Godbout.

[35]           Mme Belle-Isle était stagiaire en droit au sein du cabinet d’agents représentant l’Opposante au moment de l’exécution de son affidavit. Le 10 octobre 2005 elle a effectué des recherches et a produit des extraits d’ouvrages de référence tels dictionnaires français et certains anglais. La plupart de ces ouvrages définissent le mot « massif » comme étant un ensemble de hauteurs, de montagnes. Cette définition n’est aucunement contestée par la Requérante.

[36]           M. Godbout est le directeur général de l’Opposante depuis près de 10 ans. Il explique que l’Opposante exploite une entreprise de services récréo-touristique qui se tiennent dans le Parc Régional du Massif du Sud, sous la désignation « Le Massif du Sud ». Ces services incluent des services de ski alpin, ski de fond, relais de motoneiges et de raquettes. Bien que M. Godbout affirme que ces services auraient été offerts en liaison avec la désignation « Le Massif du Sud » depuis 1966, je n’ai aucune preuve documentaire pour soutenir cette allégation.

[37]           Je rappelle que le mot « emploi » est défini à l’article 4 de la Loi. Il s’agit d’un terme juridique. Il ne faut pas simplement affirmer qu’une marque de commerce est employé au Canada en liaison avec des marchandises et services. La partie doit en faire la preuve : soit en démontrant l’existence de ces services par la production de publicité, de factures ou autres documentation de cette nature. Je n’ai rien au dossier à cet effet de la part de la Requérante.

[38]           De toute façon l’Opposante n’a pas plaidé le motif d’opposition fondé sur l’article 16(1) de la Loi alléguant un emploi antérieur de sa marque de commerce. Je retiens de l’affidavit de M. Godbout qu’il existe un centre de ski opéré sous la désignation « Le Massif du Sud » au Québec. Toutefois je n’ai aucune preuve établissant une date de premier emploi de cette marque de commerce au Canada au sens de l’article 4 de la Loi.

[39]           M. Godbout allègue que dans l’industrie récréo-touristique le mot « Massif » est couramment utilisé pour décrire un site où se tient des activités récréo-touristiques telles celles décrites ci-haut. Or si c’était le cas nous devrions avoir en preuve une multitude de documents faisant état de centres récréo-touristiques opérant sous une désignation comportant le mot « massif ». Or tel n’est pas le cas.

[40]           M. Godbout a effectué une recherche en utilisant le moteur de recherche GOOGLE. Même en admettant que le fruit de cette recherche constitue une preuve d’emploi du mot « massif » comme composante d’un centre de ski quelconque, au sens de l’article 4 de la Loi, ce qui est loin d’être le cas, outre la désignation de la Requérante et de l’Opposante il a retracé que deux autres emplacements au Québec. Tous les autres emplacements sont situés à l’extérieur du Canada et ne peuvent donc être très utile dans le contexte d’un motif d’opposition fondé sur l’article 10. Il est clairement stipulé à cet article « …. au Canada… ».

[41]           M. Godbout a procédé à une seconde recherche utilisant le moteur de recherche Altavista.com. Sous les mêmes réserves de l’admissibilité de cette preuve, il n’y a que deux autres emplacements situés au Canada utilisant le mot « massif » dans leur désignation. Il semble avoir en effet duplication dans les résultats sous « Massif des Chic-Chocs » et « Massif gaspésien ». C’est pour cette raison que je ne retiens que deux autres emplacements non-identifiés dans sa première recherche. Ceci porte donc le total à 6 le nombre d’emplacements situés au Canada ayant une désignation comportant le mot « massif », incluant les stations de ski opérés par les parties en présence. Finalement il n’est pas clair des extraits produits si les noms sont employés comme désignation géographique ou à titre de marque de commerce.

[42]           Ces résultats ne me permettent pas de conclure que l’Opposante s’est déchargée de son fardeau initial de preuve sous l’article 10 de la Loi. Ce motif d’opposition est donc rejeté.

Motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)(b) de la Loi

[43]           La question qui doit être résolue est : La Marque constitue-t-elle une description claire ou fausse et trompeuse, dans la langue française ou anglaise, de la nature ou de la qualité ou du lieu d’origine des Marchandises ou Services?

[44]           Il est bon de se rappeler les principes directeurs qui nous aident à déterminer si une marque est clairement descriptive ou faussement et trompeusement descriptive au sens de l’article 12(1)(b) de la Loi. Ainsi M. Le juge Cattanach énonça la démarche à suivre dans G.W.G. Ltd. c. Registrar of Trade-marks (1981), 55 C.P.R. (2d) 1  dans les termes suivants:

 It has been repeatedly stated based on the authority of numerous decided cases:

(1) that whether a trade mark is clearly descriptive is one of first impression;

(2) that the word "clearly" in para. 12(1)(b) of the Act is not a tautological use but it signifies a degree and is not synonymous with "accurate" but means in the context of the paragraph "easy to understand, self-evident or plain", and

(3) that it is not a proper approach to the determination of whether a trade mark is descriptive to carefully and critically analyse the words to ascertain if they have alternate implications or alternate implications when used in association with certain wares and to ascertain what those words in the context in which they are used would represent to the public at large who will see those words and will form an opinion as to what those words will connote: see John Labatt Ltd. v. Carling Breweries Ltd. (1974), 18 C.P.R. (2d) 15 at p. 19.

[45]           La prohibition prévue à l’article 12(1)(b) de la Loi a pour but d’empêcher une partie de s’accaparer le monopole d’un ou des mots descriptifs et ainsi empêcher ses compétiteurs de les employer dans le cadre de leurs activités commerciales [voir General Motors c. Bellows, [1949] R.C.S. 678 et Emall.ca Inc. c. Cheap Tickets and Travel Inc. (2007), 56 C.P.R. (4th) 81]. L’évaluation du caractère descriptif de la Marque doit se faire en tenant compte des Marchandises et Services en liaison avec lesquels la Marque est utilisée [voir Mitel Corporation c. Registrar of Trade Marks (1984), 79 C.P.R. (2d) 202 à la page 208 (C.F.P.I.)].

[46]           Il s’agit de déterminer si la Marque donne une description claire ou fausse et trompeuse du lieu d’origine des Marchandises et Services. Or il est en preuve que la station de ski exploitée par la Requérante est située dans le village de Petite-Rivière-Saint-François (paragraphe 4 de l’affidavit de M. Deschamps). Ainsi je ne vois pas comment la Marque serait une description claire ou fausse et trompeuse du lieu d’origine des Marchandises et Services.

[47]           L’Opposante a également argumenté que la Marque serait descriptive de la nature des Services. Il va de soi de par la description des Marchandises, que la Marque ne saurait être considérée comme étant une description claire ou fausse et trompeuse de la nature de ces dernières. Quant à l’exploitation de centres de sports de glisses (ski alpin, télémark, surf des neiges, etc….) puis-je conclure que la Marque serait une description claire ou fausse et trompeuse de la nature de ces services? Je ne crois pas. En effet le mot « massif » signifie un ensemble de montagnes, de hauteurs. Je ne vois pas comment ce mot décrirait clairement la nature des services reliés aux sports de glisse.

[48]           Il est évident que, de par leur nature, ces activités se pratiquent en montagne. Toutefois est-ce que la Marque en soi est clairement descriptive de la nature de ces services? Je ne crois pas que le fait que ces services soient offerts en région montagneuse fasse en sorte que la Marque puisse être considérée comme étant clairement descriptive ou fausse et trompeuse de la nature des Services au sens de la Loi. C’est la première impression que donne la Marque qui est l’un des facteurs déterminants. Or je ne vois pas comment le mot « massif » donne comme première impression aux consommateurs canadiens la nature des Marchandises et Services.

[49]           L’Opposante plaide que si la Requérante obtient l’enregistrement de la Marque , elle se verra octroyer un monopole sur le mot « massif ». Ainsi tout exploitant d’une station de ski ne pourrait plus utiliser ce mot. J’ajouterai pour être plus spécifique « …à titre de marque de commerce en liaison avec les Marchandises et Services ». C’est d’ailleurs l’essence même de l’article 19 de la Loi. Toutefois l’enregistrement de la Marque aura-t-elle pour effet d’empêcher l’Opposante de poursuivre l’emploi de la désignation « Massif du Sud » en liaison avec ses activités commerciales ou cette dénomination porte-t-elle à confusion avec la Marque au sens de l’article 6 de la Loi? Ce sont des questions dont je n’ai pas à répondre dans le cadre de cette procédure.

[50]           Pour ces raisons je rejette le troisième motif d’opposition.

Caractère distinctif de la Marque

[51]           L’Opposante prétend que la Marque est dépourvue de caractère distinctif puisqu’elle est constituée d’un terme ordinaire et commun à l’industrie touristique. Or j’ai déjà décidé que la preuve au dossier ne me permettait pas d’arriver à cette conclusion. De plus, je n’ai aucune preuve d’emploi de ces désignations à titre de marque de commerce en liaison avec des marchandises ou services de même nature que ceux décrits dans la présente demande d’enregistrement. Finalement même si j’acceptais en preuve le résultat des recherches effectuées sur Internet, je n’ai aucune preuve d’emploi de ces désignations antérieurement à la date de production de la déclaration d’opposition (28 janvier 2005), soit la date pertinente sous ce motif d’opposition [voir Andres Wines Ltd. and E&J Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126 (C.A.F.) à la page 130 , Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 à la page 424 (C.A.F.), et Metro-Goldwyn-Meyer Inc c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317(C.F.P.I.)]

[52]           D’autre part si le libellé du motif d’opposition sous-entend que la Marque ne serait pas distinctive car elle serait clairement descriptive ou constituerait une description fausse et trompeuse de la nature ou du lieu d’origine des Marchandises et Services, j’ai également tranché cette question en faveur de la Requérante dans le cadre du motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)(b) de la Loi.

[53]           Conséquemment je rejette aussi le dernier motif d’opposition.

Disposition

[54]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, et en vertu des principes énoncés dans l’arrêt Produits Ménagers Coronet Inc. v. Coronet Werke Heinrich SCH 10 C.P.R. (3d) 482 (C.F.P.I.) qui me permettent de rendre un décision partagée, je rejette l’opposition en ce qui concerne uniquement les marchandises et services suivants :

Marchandises : Matériel publicitaire et promotionnel, nommément brochures, panneaux de signalisation, épinglettes, cartes postales, affiches photos et cartons d’invitation.

Services : Exploitation d'une station touristique quatre saisons offrant des services afférents à la pratique du ski alpin, du télémark, de randonnée pédestre et d'autres sports et loisirs d'extérieur nommément: l'exploitation de pentes de ski alpin, et de télémark, l'exploitation de leçons de ski, de patrouilles de ski, de services de guides en montagne, l'exploitation de services de billetterie, d'entretien des pentes et équipements, de services de transport par navettes, et d'organisation et de tenue de compétitions sportives; l'exploitation de restaurants, de bars, de salles de réception, de salles d'entreposage d'équipement, de boutiques de vente et de location d'équipements sportifs, de réparation d'équipement, de vêtements et de matériel de ski et de télémark.

le tout en application des dispositions du paragraphe 38(8) de la Loi.

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Jean Carrière

Membre de la commission des oppositions

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

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