Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

AFFAIRE INTÉRESSANT LOPPOSITION

de Standard Knitting Ltd.

à la demande numéro 882,505

produite par Toyota Jidosha Kabushiki Kaisha

(faisant aussi affaire sous Toyota Motor Corporation)

en vue de lenregistrement de la marque TUNDRA

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Le 25 juin 1998, la requérante Jidosha Kabushiki Kaisha (faisant aussi affaire sous la raison sociale Toyota Motor Corporation) a produit une demande d’enregistrement de la marque de commerce TUNDRA fondée sur son emploi projeté au Canada pour des « camions et pièces constitutives ». Pour avoir raison d’une objection de la Division des examens du Bureau des marques de commerce, la requérante a modifié la description des marchandises pour la suivante :

[traduction] camions et pièces constitutives structurales

 

 

La demande a été publiée aux fins d’opposition dans le numéro du 7 avril 1999 du Journal des marques de commerce et a fait l’objet d’une opposition par Standard Knitting Ltd. le 3 septembre 1999. Une copie de la déclaration d’opposition a été envoyée à la requérante le 17 novembre 1999 (conformément à l’obligation du registraire au paragraphe 38(5) de la Loi sur les marques de commerce), bien que la requérante ait déjà répondu en produisant et signifiant une contre-déclaration le 20 septembre 1999.

 


Le premier motif d’opposition allégué est que la marque demandée TUNDRA n’est pas enregistrable en raison de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur les marques de commerce parce qu’elle créé de la confusion avec les marques de commerce déposées de l’opposante, soit T2 BY TUNDRA LOGO DESIGN; THE PRO BY TUNDRA & DESIGN; TUNDRA; TUNDRA & MOUNTAINS DESIGN; TUNDRA & PARKA DESIGN; TUNDRA ALLWEATHER; TUNDRA CANADA et TUNDRA SPORT. Chacune des marques de commerce susmentionnées portent sur des vêtements.

 

Comme deuxième motif d’opposition, l’opposante allègue que la requérante n’a pas droit à l’enregistrement de la marque de commerce TUNDRA, en raison de l’alinéa 16(3)a) de la Loi sur les marques de commerce, parce que la marque demandée créé de la confusion avec les marques susmentionnées de l’opposante qui étaient antérieurement employées ou révélées au Canada.

 

Le troisième motif d’opposition allégué porte que la requérante n’a pas droit à l’enregistrement de la marque de commerce TUNDRA, en raison de l’alinéa 16(3)b) de la Loi sur les marques de commerce, parce que la marque demandée créé de la confusion avec la marque de commerce TUNDRA & ESKIMO DESIGN de l’opposante à l’égard de laquelle une demande d’enregistrement a été antérieurement produite au Canada sous le numéro 845,086 en ce qui concerne les vêtements et les produits d’hygiène personnelle.

 


Le quatrième motif d’opposition est le suivant :

 

 

 

 

 

 

La preuve de l’opposante est constituée des affidavits de M. George Groumoutis, directeur de l’exploitation de la compagnie opposante, et de Mme Sheri Segal. La preuve de la requérante est composée de l’affidavit de Mme Kerry Biggs, employée du cabinet d’avocats qui représente la requérante. La contre-preuve de l’opposante est constituée d’un second affidavit de M. George Groumoutis ainsi que d’un affidavit de Mme Gladys Tibbo-Witt, agente de marques de commerce. Les deux parties ont produit des arguments écrits et toutes deux ont été représentées lors de l’audience.

 


La preuve principale de M. Groumoutis, en ce qu’elle concerne des questions de notre ressort, peut être résumée de la façon suivante. L’opposante est une société fermée canadienne qui conçoit et fabrique des vêtements de tricot et des tenues de sport. Elle constitue l’un des plus grands fabricants de vêtements de tricot haute-couture pour hommes avec des stylistes travaillantau Canada, à New York et en Italie. Les vêtements portant la marque de commerce TUNDRA sont distribués en Amérique du Nord et en Europe, de même qu’au Japon, au Mexique, à Taïwan et en Australie. L’opposante fabrique et vend au Canada des vêtements qui portent la marque de commerce TUNDRA. La marque figure sur des étiquettes cousues sur les vêtements ainsi que sur l’emballage ou sur le papier d’emballage conçu spécialement pour envelopper les vêtements. Les vêtements de marque TUNDRA sont distribués par le biais de représentants de commerce indépendants dans le cadre de salons professionnels et de ventes directes à des détaillants. Au Canada, plus de 800 magasins de vente au détail vendent les vêtements TUNDRA à environ 70 000 clients particuliers. L’opposante a également connu le succès dans ses exportations, remportant le Prix d’excellence à l’exportation canadienne en 1995. Elle a continuellement et abondamment fait la promotion de ses marchandises au Canada depuis les années 60. Environ 3 % de son chiffre d’affaire global est investi en publicité et en promotion.

 

Les paragraphes 17 à 19 de l’affidavit de M. Groumoutis sont reproduits ci-dessous :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

Le témoignage de Mme Segal confirme l’affirmation de M. Groumoutis selon laquelle les plus grands constructeurs d’automobiles vendent des vêtements, et d’autres produits de consommation, portant la marque de commerce de leurs modèles d’automobiles.

 

L’affidavit de Mme Biggs, ainsi que le témoignage de Mme Tibbo-Witt produit en réponse, établissent l’emploi du terme « tundra » par de nombreux tiers, que ce soit seul ou comme partie d’un tout, comme marque de commerce et nom commercial pour un éventail de marchandises et de services. Cependant, une telle preuve n’appuie la position d’aucune partie puisqu’aucune conclusion ne peut être tirée en ce qui concerne le caractère distinctif des marques visées par le présent litige eu égard aux vêtements et aux produits automobiles.

 


La question déterminante soulevée en lespèce est de savoir si la marque TUNDRA dont lenregistrement est demandé pour emploi en liaison avec des camions et pièces constitutives structurales créé de la confusion avec la marque TUNDRA employée en liaison avec divers vêtements. Les dates pertinentes pour lappréciation de la question de la confusion sont i) la date de ma décision en ce qui concerne le premier motif dopposition, à savoir la non-enregistrabilité, ii) la date de dépôt de la demande visée en lespèce, soit le 25 juin 1998, en ce qui concerne le second motif dopposition, à savoir labsence de droit à lenregistrement et iii) la date de dépôt de la déclaration dopposition, soit le 3 septembre 1999, en ce qui concerne le dernier motif dopposition, à savoir le caractère non distinctif de la marque. Pour un examen de la jurisprudence quant aux dates pertinentes dans le cadre de procédures dopposition voir American Retired Persons c. Association canadienne des individus retraités (1998), 84 C.P.R. (3d) 198, aux pages 206 à 209 (C.F. 1re inst.). Dans la présente affaire, il importe peu que la question de la confusion soit appréciée à lune ou lautre de ces dates.

 

Il incombe à la requérante de démontrer quil ny a pas de possibilité raisonnable de confusion, au sens du paragraphe 6(2) de la Loi sur les marques de commerce, entre la marque TUNDRA visée par la demande denregistrement et la marque enregistrée TUNDRA de lopposante. Limposition du fardeau ultime de la preuve à la requérante signifie que, sil nest pas possible darriver à une conclusion décisive après examen de lensemble de la preuve, alors la question doit être tranchée en défaveur de la requérante : voir John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd. (1990) 30 C.P.R.(3d) 293, aux pages 297‑298 (C.F. 1re inst.). Le critère de la confusion est fondé sur la première impression et le souvenir imparfait. Les facteurs qui doivent être considérés lorsquon évalue sil y a risque de confusion entre deux marques sont énoncés au paragraphe 6(5) de la Loi : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenus connues; la période pendant laquelle chaque marque de commerce a été en usage; le genre de marchandises, de services ou dentreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou la consonance, ou dans les idées qu'elles suggèrent. Cette liste nest pas exhaustive; tous les facteurs pertinents doivent être examinés. Cependant, tous les facteurs nont pas nécessairement le même poids. Limportance quil convient de leur accorder dépend des circonstances : voir Gainers Inc. c. Tammy L. Marchildon et le Registraire des marques de commerce (1996), 66 C.P.R.(3d) 308 (C.F. 1re inst.).


La marque TUNDRA de l’opposante a un certain caractère distinctif inhérent comme marque de commerce de vêtements puisqu’il n’y a pas de lien entre la tundra et les vêtements. Cependant, le caractère distinctif de la marque de commerce est atténué dans la mesure où le terme « tundra » est un terme courant de la langue anglaise. Bien que l’opposante n’ait pas fourni d’éléments de preuve quantitative des ventes ou de la publicité pour les marchandises de marque TUNDRA, je suis disposé à conclure, en l’absence de contre-interrogatoire de M. Groumoutis, que la marque TUNDRA de l’opposante avait acquis une assez bonne réputation au Canada à toutes les dates pertinentes. Toutefois, la preuve est loin d’être suffisante pour établir que la marque de l’opposante est bien connue au Canada. La marque TUNDRA visée par la demande d’enregistrement a un caractère distinctif assez fort comme marque de commerce pour des camions puisqu’il n’y a pas de lien direct entre « tundra » et les camions. Cependant, le caractère distinctif de la marque de commerce est atténué dans la mesure où la marque TUNDRA évoque un camion solide adapté aux climats rudes et aux terrains accidentés. La marque de commerce visée par la demande d’enregistrement n’a pas acquis de réputation au Canada à l’une ou l’autre des dates pertinentes.

 

La période de temps pendant laquelle les marques ont été en usage au Canada favorise lopposante puisque la marque pour laquelle la demande d’enregistrement est déposée est fondée sur l’emploi projeté tandis que la marque de l’opposante est employée depuis longtemps au Canada. Les marques de commerce des parties portent bien sûr le même nom, soit TUNDRA.

 


La nature des marchandises des parties est bien différente et les voies commerciales qu’elles utilisent le sont également. L’opposante allègue que, puisque les constructeurs d’automobiles vendent fréquemment des vêtements portant la marque de commerce de leurs modèles d’automobiles, on peut s’attendre à ce que la requérante mette en vente une ligne de vêtements affichant la marque TUNDRA. De plus, des éléments de preuve démontrent que la requérante a, en fait, déjà commencé à vendre des vêtements portant la marque combinée TOYOTA TUNDRA. Cependant, même si la requérante vendait un fort volume de vêtements de marque TUNDRA, je ne suis pas convaincu que cette activité serait particulièrement pertinente pour trancher la question de la confusion entre la marque de l’opposante et une marque dont l’emploi est limité aux marchandises d’automobiles. La preuve produite par l’opposante indique que les constructeurs d’automobiles font la promotion de leurs vêtements uniquement sur leurS sites Internet ou dans leurs catalogues. Rien ne démontre que les constructeurs d’automobiles font la promotion de leurs vêtements auprès du grand public dans des point de vente de vêtements au détail et rien ne démontre que l’opposante vend des vêtements dans des points de vente au détail d’automobiles. Il semble que la vente de vêtements par la requérante constitue un accessoire à son activité principale et ne sert qu’à faire davantage de publicité pour la vente d’automobiles ainsi qu’à faire mousser sa clientèle. La requérante ne cherche pas à faire concurrence à l’opposante en vendant des vêtements au grand public. 

 


La demande d’enregistrement déposée par la requérante ne lui confère aucun droit dans la marque TUNDRA pour emploi en liaison avec des vêtements et ne porte pas atteinte aux droits établis par l’opposante pour l’emploi de la marque de commerce TUNDRA en liaison avec les vêtements. Ceci s’explique par le fait que la demande d’enregistrement déposée par la requérante ne porte pas sur les vêtements. Si la requérante entreprenait de vendre des vêtements sous la marque TUNDRA de sorte que ses activités avaient une incidence sur les affaires de l’opposante, alors cette dernière bénéficierait d’un recours devant une cour de juridiction supérieure pour soulever les questions de contrefaçon et de commercialisation trompeuse, sans que la demande d’enregistrement présentée par la requérante en l’espèce ne lui porte préjudice.

 

Compte tenu de ce qui précède, et compte tenu plus particulièrement de la différence entre les marchandises des parties et les voies commerciales employées ainsi que du fait que la marque de commerce de l’opposante n’est pas connue à un point tel qu’elle mérite une protection très étendue, j’estime que la requérante a démontré selon la prépondérance des probabilités que les marques en cause ne créent pas de confusion et sest ainsi acquittée du fardeau qui lui incombait.

 

J’ajouterai que l’opposante n’a pas fourni d’éléments de preuve étayant les motifs d’opposition indiqués aux paragraphes (ii) ( motif d’opposition fondé sur l’article 30) et (iii) du dernier motif d’opposition. En conséquence, ces motifs d’opposition sont rejetés parce que l’opposante ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait sur ces questions.

 


Compte tenu des motifs qui précèdent, l’opposition de l’opposante est rejetée.

 

FAIT À VILLE DE GATINEAU (QUÉBEC), LE 2 DÉCEMBRE 2003.

 

 

 

 

Myer Herzig,

Membre

Commission d’opposition des marques de commerce 

 

 

 

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