Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT L’OPPOSITION des

Gouverneurs de l’Université de l’Alberta

à la demande no 1,013,164

produite par IT Synergy Corporation

pour la marque de commerce OOST

 

 

Le 26 avril 1999, la requérante, IT Synergy Corporation, a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce OOST.

 

La demande a fait l’objet d’une annonce aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce le 14 juin 2000. Le 14 novembre 2000, l’opposante, les Gouverneurs de l’Université de l’Alberta, a produit une déclaration d’opposition à l’encontre de la demande. Le 14 février 2001, l’opposante a déposé une demande d’autorisation de modifier la déclaration d’opposition. L’autorisation a été accordée par lettre en date du 3 janvier 2002.

 

La demande a été modifiée le 13 septembre 2001 et se fonde maintenant sur l’emploi de la marque de commerce au Canada depuis au moins mai 1998 en liaison avec les marchandises et services suivants :

    Matériel de formation en logiciels, nommément textes, manuels de formation, prospectus et articles;

 

     Fourniture d’éducation et de formation en logiciels par fourniture de série intensive de cours structurés dans le domaine de la Technologie logicielle orientée objet, visant à préparer les participants à acquérir des capacités fonctionnelles dans l’industrie de la technologie de l’information;

 

     Fourniture de services de placement pour stages de travail dans l’industrie de la technologie de l’information.

 

Les motifs d’opposition sont les suivants :

 

                     


[Traduction]

1.    La marque faisant l’objet de la demande n’est pas enregistrable aux termes de l’alinéa 12(1)b) de la Loi sur les marques de commerce parce qu’elle donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse en langue anglaise de la nature des marchandises et/ou des services en liaison avec lesquels on allègue qu’elle est employée;

 

2.    La marque faisant l’objet de la demande n’est pas distinctive parce qu’elle ne distingue pas les marchandises et/ou les services de la requérante de l’emploi du terme « OOST » par d’autres parties, puisque le terme employé par la requérante est l’acronyme du terme « Object Oriented Software Technology » (technologie logicielle orientée objet) et tant ce terme que l’acronyme sont des descriptions génériques d’un type de technologie logicielle dont on ne peut pas être propriétaire;

 

3.    La requérante n’a pas employé dans le cours normal des affaires la marque visée par la demande en tant que marque de commerce depuis mai 1998;

 

4.    La demande ne satisfait pas aux exigences de l’alinéa 30b) de la Loi puisque la date indiquée pour le premier emploi est inexacte;

 

5.    La requérante n’est pas la personne ayant le droit d’enregistrer la marque de commerce.

 

La requérante a produit et signifié une contre-déclaration. En plus de réfuter les allégations de l’opposante, elle a fait valoir que [Traduction] « la requérante a forgé un acronyme à partir des mots “Object Oriented Software Technology”, lequel a donné lieu à la marque qui fait l’objet de la demande » et, [Traduction] « à la connaissance de la requérante, la marque faisant l’objet de la demande ne fait pas partie du domaine public et est distinctive en ce sens qu’un tel terme n’a pas été employé au Canada par des tiers avant la date où la requérante a commencé à employer ce terme ».

 

L’opposante a produit en preuve l’affidavit de Rick Roder et la requérante, celui de Grant Lenz. En contre-preuve, l’opposante a déposé un autre affidavit de Rick Roder.

 

Les deux parties ont produit des observations écrites.

 

Bien qu’il incombe à la requérante de s’acquitter du fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande satisfait aux exigences de la Loi sur les marques de commerce, le fardeau initial repose sur l’opposante qui doit présenter des éléments de preuve admissibles permettant raisonnablement de conclure à l’existence des faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition. [voir John Labatt Limited c. Les compagnies Molson Limitée, 30 C.P.R. (3d) 293, page 298; Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior, S.A. et al. (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.)]

 

M. Roder, employé de l’opposante, expose sa compréhension du terme « object oriented software technology » et déclare que [Traduction] « l’acronyme “OO” est généralement employé comme abréviation de “object oriented” ». Il affirme avoir effectué une recherche sur Internet [Traduction« pour démontrer objectivement que le terme “object oriented software technology” est couramment employé dans l’industrie et qu’il existait avant la date alléguée par la requérante pour le premier emploi ». Cette preuve présente diverses lacunes, mais je n’en traiterai pas parce qu’elle ne porte pas sur des points litigieux.

 

M. Roder déclare ensuite que le directeur de la requérante, Grant Lenz, est entré en contact avec l’opposante en 1998 pour lui offrir un programme éducatif sur la technologie logicielle orientée objet et que M. Lenz l’a informé de l’existence d’un programme intitulé « Object Oriented Software Technology » ou « OOST » offert à l’Université de Calgary depuis avril 1997 ». M. Roder a fourni une copie de documents datés de 1997 faisant la promotion du programme OOST à l’Université de Calgary.

 

Je n’estime pas nécessaire d’analyser le reste du premier affidavit de M. Roder.

 

M. Lenz, président de la requérante, déclare que celle‑ci travaille depuis avril 1997 sur un programme éducatif la technologie logicielle en collaboration avec l’Université de Calgary. Il atteste que la requérante a conçu et fourni un programme éducatif et [Traduction] « a forgé un acronyme pour les mots “object oriented software technology”, lequel a donné lieu à la marque de commerce “OOST” ». Il affirme ensuite que la requérante autorisait l’Université de Calgary à employer la marque de commerce OOST et que l’emploi de cette marque par l’université depuis avril 1997 était permis en vertu de la licence de la requérante. M. Lenz ajoute que cette dernière conserve le pouvoir de contrôler les caractéristiques et la qualité des marchandises et services OOST que l’Université de Calgary fournit en tant que licenciée de la requérante. Il a produit des copies d’extraits de conventions datées du 11 juin 1997 et du 22 juin 1999 conclues entre la requérante et l’Université de Calgary. Ces documents ne contredisent pas les déclarations de M. Lenz et, en l’absence de contre‑interrogatoire, je n’ai pas de raison de ne pas accepter les déclarations de M. Lenz selon lesquelles la requérante contrôlait effectivement les caractéristiques et la qualité des marchandises et services en liaison avec la marque de commerce OOST en concevant et en fournissant le programme OOST et l’Université de Calgary employait la marque OOST en tant que licenciée de la requérante. J’accepte que tout emploi de la marque, en vertu soit d’une licence orale soit d’un accord écrit subséquent, par l’Université de Calgary bénéficie aux termes de l’article 50 de la Loi à la requérante.

 

M. Lenz déclare que [Traduction] « la marque de commerce “OOST” est l’acronyme du terme “object oriented software technology” et est distinctive, en ce sens que la combinaison des lettres formant l’acronyme est propre aux marchandises et aux services offerts par la requérante IT Synergy. À ma connaissance, personne d’autre au Canada n’a employé “OOST” en combinaison avec le type de marchandises et de services offerts par IT Synergy et, de ce fait, “OOST” n’évoque que les mots “object oriented software technology” ».

 

M. Lenz fournit plusieurs documents qui montrent la marque de commerce OOST, notamment des brochures informatives sur le programme distribuées aux étudiants en 1997 et du matériel de formation en logiciels distribué aux étudiants du programme OOST. M. Lenz déclare que la marque de commerce « OOST » apparaît depuis octobre 1999 sur le matériel de formation en logiciels de IT Synergy.

 

Dans sa contre‑preuve, M. Roder fournit des copies de pages Web datées du 10/11/01 montrant OOST sur un site allemand, plusieurs sites britanniques et le site de l’Université de Calgary.

 

La date pertinente en ce qui concerne le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)b) est celle de la production de la demande [voir Zorti Investments Inc. c. Party City Corporation concernant la demande no 766,534, 12 janvier 2004; Havana Club Holdings S.A. c. Bacardi & Company Limited concernant la demande no 795,803, 12 janvier 2004; Fiesta Barbeques Limited c. General Housewares Corporation (2003), 28 C.P.R. (4th) 60 (C.F. 1re inst.)].

 

L’alinéa 12(1)b) est reproduit ci‑après :

12. (1) Sous réserve de l’article 13, une marque de commerce est enregistrable sauf dans l’un ou l’autre des cas suivants :

[…]

b) qu’elle soit sous forme graphique, écrite ou sonore, elle donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse, en langue française ou anglaise, de la nature ou de la qualité des marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée, ou à l’égard desquels on projette de l’employer, ou des conditions de leur production, ou des personnes qui les produisent, ou du lieu d’origine de ces marchandises ou services;

 

La question de savoir si la marque de la requérante donne une description claire doit être examinée du point de vue de l’acheteur moyen des marchandises ou services liés à la marque. De plus, la marque ne doit pas être décomposée en ses éléments constitutifs et analysée en détail, mais doit être examinée dans son ensemble en tenant compte de l’impression immédiate qui s’en dégage [voir Wool Bureau of Canada Ltd. c. Registraire des marques de commerce, 40 C.P.R. (2d) 25, pages 27 et 28; Atlantic Promotions Inc. c. Registraire des marques de commerce, 2 C.P.R. (3d) 183, page 186]. Par le terme « nature », on entend une particularité, un trait ou une caractéristique de la marchandise ou du service,  et par le terme « claire », on veut dire [Traduction] « facile à comprendre, qui va de soi ou évidente » [voir Drackett Co. of Canada Ltd. c. American Home Products Corp. (1968), 55 C.P.R. 29, page 34].

 

Les parties conviennent qu’il existe une technologie logicielle couramment appelée « object oriented software technology ». La question en litige est de savoir si, le 26 avril 1999, son acronyme donnait une description claire de cette technologie ainsi que des marchandises et services qui font l’objet de la demande. La preuve n’appuie pas une telle conclusion.

 

On pourrait soutenir que tout terme composé de plusieurs mots peut être abrégé par un acronyme; on ne le fait cependant pas toujours. En l’espèce, rien ne prouve que quiconque autre que la requérante et sa licenciée utilisait le terme OOST le 26 avril 1999. Bien qu’il puisse être facile de comprendre que le terme OOST renvoie  à « object oriented software technology » lorsque les deux termes sont employés côte à côte, rien ne prouve que l’acheteur moyen des marchandises et services faisant l’objet de la demande comprendrait facilement ce que veut dire OOST lorsque ce terme est employé seul. Autrement dit, il appert qu’à la date pertinente le consommateur n’aurait pas reconnu tout de suite que OOST est l’acronyme de « object oriented software technology ». Ainsi, on ne peut pas dire qu’on aurait immédiatement compris que ce terme décrivait les marchandises ou services visés.

 

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)b) est par conséquent rejeté.

 

Le motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif est également rejeté. La date pertinente en ce qui concerne le caractère distinctif est celle de la production de l’opposition [voir Re Andres Wines Ltd. et E. & J. Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126, page 130 (C.A.F.), et Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 412, page 424 (C.A.F.)]. Aucun des éléments de preuve présentés par M. Roder n’est antérieur au 14 novembre 2000. Quoi qu’il en soit, le motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif repose sur la prémisse que la marque de la requérante donne une description claire et, pour des motifs semblables à ceux déjà donnés, je ne conclus pas que, le 14 novembre 2000, le terme OOST donnait une description claire des marchandises ou des services de la requérante.

 

J’examinerai maintenant les motifs d’opposition fondés sur l’article 30. La Commission des oppositions des marques de commerce a dit ce qui suit, dans la décision Hearst Communications Inc. c. Nesbitt Burns Corp., (2000) 7 C.P.R. (4th) 161, pages 164 et 165 :

[traduction] […] la requérante a le fardeau ou la charge ultime d’établir que sa demande respecte les exigences de l’alinéa 30b) de la Loi : voir la décision en matière d’opposition Joseph E. Seagram & Sons Ltd. c. Seagram Real Estate Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 325 (C.O.M.C.), pages 329 et 330, et la décision John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.). La charge de présentation incombe à l’opposante qui doit prouver les faits qu’elle allègue à l’appui de ce motif. Pour ce qui est de la question du non-respect de l’alinéa 30b) de la Loi, ce fardeau est moins onéreux : voir la décision Tune Masters c. M. P's Mastertune Ignition Services Ltd. (1986), 10 C.P.R. (3d) 84 (L.M.C.A.A.), page 89. De plus, l’alinéa 30b) exige que, dans le cours normal des affaires, la marque demandée ait été employée continûment depuis la date de la demande : voir Labatt Brewing Co. c. Benson & Hedges (Canada) Ltd. (1996), 67 C.P.R. (3d) 258 (C.F. 1re inst.), page 262. Enfin, l’opposante peut s’acquitter de son fardeau en s’appuyant sur la preuve soumise par la requérante : voir Labatt Brewing Co. c. Molson Breweries, a Partnership (1996), 68 C.P.R. (3d) 216 (C.F. 1re inst.), page 230.

 

Après examen de l’ensemble de la preuve, je conclus que l’opposante ne s’est pas acquittée du fardeau initial qui lui incombait en vertu de l’alinéa 30b) à l’égard des services de la requérante. Compte tenu des paragraphes 10 et 11 de l’affidavit de M. Lenz, reproduits ci –après, je parviens cependant à une conclusion différente en ce qui concerne les marchandises de la requérante :

[Traduction]

10. De 1997 à aujourd’hui, IT Synergy a élaboré des descriptions de programme, des contenus de cours et du matériel de formation qu’elle a fourni à des clients potentiels. Une copie d’une brochure informative sur le programme OOST distribuée en décembre 1997 aux étudiants de l’Université de Calgary est jointe au présent affidavit en tant que pièce « E ». La première version de cette brochure a été préparée en juillet 1997 et a été distribuée peu après aux étudiants. La brochure informative, qui porte la marque OOST, décrit le programme et fournit une description des cours du programme OOST.

 

11. De plus, j’ai joint au présent affidavit en tant que pièce « F » un exemplaire du matériel de formation en logiciels de IT Synergy distribué aux étudiants du programme OOST. Ces documents portent la marque de commerce « OOST » au coin supérieur droit de chaque page. Il y a, pour chaque programme offert, du matériel de formation couvrant 10 à 12 cours. Chaque trousse de formation contient entre 150 et 650 pages environ, et la marque de commerce « OOST » apparaît sur chacune de ces pages. La marque de commerce « OOST » se trouve sur les documents de formation de IT Synergy depuis octobre 1999.  [Je souligne.]

 

La partie soulignée du paragraphe 11 soulève des doutes quant à savoir si la marque de commerce OOST a été employée en liaison avec du « matériel de formation en logiciels, nommément textes, manuels de formation, prospectus et articles » depuis au moins mai 1998, comme allégué dans la demande. L’opposante s’est donc acquittée du fardeau peu onéreux de présentation qui lui incombait. De plus, comme la requérante n’a pas démontré qu’elle employait en mai 1998 sa marque de commerce en liaison avec les marchandises visées par la demande, je conclus que la demande ne satisfait pas aux dispositions de l’alinéa 30b) pour ce qui est des marchandises. À cet égard, je considère que le matériel dont il est question au paragraphe 10 de l’affidavit de M. Lenz est du matériel publicitaire visant les services, et non du matériel de formation sur le logiciel.

 

Avant de poursuivre, je souhaite traiter de deux questions soulevées par l’opposante dans ses observations écrites au sujet des motifs d’opposition fondés sur l’article 30. Premièrement, l’opposante exprime ses inquiétudes au sujet de la demande modifiée de la requérante qui mentionne un emploi [Traduction] « depuis au moins mai 1998 », en opposition à l’expression initialement utilisée [Traduction] « depuis mai 1998 ». Mais, à mon avis, les deux expressions sont équivalentes. Deuxièmement, l’opposante note que la preuve indique une date en avril 1997 pour le premier emploi concernant les services et soutient que toute allégation inexacte concernant cette date est fatale pour la demande. Il n’y a cependant pas d’inexactitude quant à la date alléguée pour le premier emploi puisque la date d’avril 1997 ne contredit pas l’allégation selon laquelle il y a eu emploi « depuis mai 1998 » ou « depuis au moins mai 1998 ».

 

Enfin, je rejette le motif d’opposition fondé sur le droit à l’enregistrement parce qu’il n’y a ni allégations ni éléments de preuve susceptibles d’étayer un motif d’opposition fondé sur l’article 16.

 

En vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués par le registraire des marques de commerce aux termes du paragraphe 63(3) de la Loi sur les marques de commerce, je repousse la demande à l’égard des marchandises et rejette l’opposition à l’égard des services en application du paragraphe 38(8) de la Loi.

 

 

FAIT À GATINEAU (QUÉBEC), LE 14 JUIN 2004

 

 

Jill W. Bradbury

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

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