Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2016 COMC 107

Date de la décision : 2016-07-04

[TRADUCTION CERTIFIÉE,
NON RÉVISÉE]

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION

 

 

JINX, Inc.

Opposante

et

 

JINXD Yoga Essentials Inc.

Requérante

 

 

 



 

1,572,869 pour la marque de commerce JINXD & Dessin

 

Demande

 

Dossier

[1]        Le 12 avril 2012, JINXD Yoga Essentials Inc. (« JYE ») a produit une demande d'enregistrement pour la marque de commerce JINXD & Dessin, reproduite ci-dessous, basée sur l'emploi projeté au Canada en liaison avec les produits énoncés ci-dessous :

JINXD YOGA ESSENTIALS & Design

 

[Traduction]
vêtements de yoga, vêtements de sport, tapis de yoga, housses pour tapis de yoga, étuis de transport pour tapis de yoga, sangles de tapis de yoga, blocs de yoga, bouteilles d'eau, sacs de sport pour tapis de yoga; chapeaux et casquettes.

 

[2]        La section de l'examen de l'OPIC (Office de la propriété intellectuelle du Canada, dont relève cette Commission) a élevé, à l’égard de la demande considérée, l’objection que la marque visée n’était pas enregistrable au Canada au titre de l'art 12(1)d) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch T-13. À cet égard, la section de l'examen était d'avis que la marque JINXD & Dessin visée par la demande, créait de la confusion avec la marque déposée JINX employée en liaison avec différents articles de vêtements. La requérante a répondu (le 10 avril 2013) au rapport d'examen en faisant valoir que la marque JINX citée était un mot du dictionnaire d'usage courant et n'avait donc qu'un caractère distinctif inhérent très faible. La requérante a également soutenu, entre autres choses, que les marques faibles n'ont droit qu'à une protection limitée et, compte tenu des différences entre les marques en cause, qu'il est peu probable qu'il y ait confusion. Il appert que les observations de la requérante ont été acceptées (aucune indication au dossier), puisque la demande en question a été annoncée dans le Journal des marques de commerce du 11 septembre 2013.

 

[3]        Le 10 février 2014, JINX Inc, propriétaire de la marque JINX citée par la section de l'examen, s'est opposé à la demande en question. Le 25 février 2014, conformément à l'art 38(5) de la Loi sur les marques de commerce, le registraire a transmis à la requérante une copie de la déclaration d'opposition. En réponse, la requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle nie l'ensemble des allégations contenues dans la déclaration d'opposition.

 

[4]        La preuve de l'Opposante est constituée de l'affidavit de Brian Berling. La preuve de la requérante est constituée des déclarations solennelles de Jessica Kirzner; de Philip Quadros et de Janet Dell'Orto. La preuve en réponse de l'opposante est constituée de l'affidavit de Laura Feehan. Les parties ont toutes deux présenté un plaidoyer écrit, mais seule l'opposante était représentée à une audience.

 

Déclaration d'opposition

[5]        Les motifs d’opposition sont plaidés succinctement et reproduits intégralement ci-dessous [Traduction] :

 

2.       Les motifs d'opposition sont les suivants :

a)       Suivant l'Article 38(2)b) de la Loi sur les marques de commerce, la Marque de commerce de la Requérante n'est pas enregistrable au titre de l'Article 12(1)d) de la Loi sur les marques de commerce parce que la Marque de commerce crée de la confusion avec les marques de commerce déposées suivantes, appartenant à l'Opposante :

Marque de commerce

No d'enregistrement

Marchandises

JINX

LMC 789529

(1) Vêtements, nommément chemises, pantalons, couvre-chefs, nommément chapeaux, casquettes et petits bonnets, sous-vêtements, barboteuses, nommément vêtements une pièce pour nourrissons, vêtements pour animaux de compagnie. (2) Chaînes porte-clés.

(3) Tapis de souris. (4) Imprimés, nommément autocollants, affiches. (5) Sacs à dos. (6) Appliques pour vêtements.

(7) Vêtements, nommément chemises, couvre-chefs, nommément chapeaux, casquettes, sous-vêtements.

 

 

b)       Suivant l'Article 38(2)c) de la Loi sur les marques de commerce, la Requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque de commerce au titre de l'Article 16(3)a) de la Loi sur les marques de commerce, parce qu'à la date de la production de la Demande (12 avril 2012), la Marque de commerce créait de la confusion avec les marques de commerce suivantes appartenant à l'Opposante, lesquelles ont été enregistrées par l'Opposante auprès l'Office des brevets et des marques de commerce des États-Unis (USPTO) et ont déjà été employées au Canada par l'Opposante ou ses licenciées en liaison avec les marchandises et les services suivants :

 

Marque de commerce

No d'enregistrement aux États-Unis

Marchandises et services

J!NX IDENTITY

3915031

Manteaux; chapeaux; chandails en molleton; tee-shirts.

J!NX IDENTITY

3688767

Exploitation d'un site de magasinage en ligne dans le domaine des vêtements.

J!NX

3500868

Chaînes porte-clés en métal. Tapis de souris. Autocollants; Affiches. Sacs à dos; Vêtements pour animaux de compagnie. Couvre-chefs, nommément chapeaux, casquettes et petits bonnets; Sous-vêtements, Barboteuses.

Appliques en tissu pour vêtements; Appliques brodées pour vêtements.

J!NX

3734880

Portefeuilles.

J!NX

3008512

Vêtements, nommément tee-shirts, maillots, chemises, chandails en molleton, vestes, sous-vêtements, chemises pour enfants et gilets débardeurs; couvre-chefs, nommément casquettes, chapeaux et visières.

 

c)       Suivant l'Article 38(2)d) de la Loi sur les marques de commerce, la Marque de commerce n’est pas distinctive au sens de l'Article 2 de la Loi sur les marques de commerce, parce que la Marque de commerce ne distingue pas réellement, ni n'est adaptée à distinguer, les marchandises en liaison avec lesquelles elle serait éventuellement employée des marchandises de l'Opposante. Sans pour autant restreindre le caractère général de ce qui précède, la Marque de commerce ne peut pas réellement distinguer les marchandises de la Requérante décrites dans la Demande des marchandises de l'Opposante visées par les marques de commerce de l'Opposante énumérées ci-dessus.

 

[6]        Ainsi qu'il ressortira de la discussion ci-dessous relative aux présents motifs de décision, chacun des motifs d'opposition s'appuie sur la question de la confusion entre la marque visée par la demande et la marque JINX de l'opposante employées en liaison avec des vêtements. La date pertinente pour l'appréciation de la question de la confusion sont (i) la date de la décision relativement au motif d'opposition alléguant la non-enregistrabilité, en vertu de l'art 12(1)d); (ii) la date de dépôt de la demande (12 avril 2012) relativement au motif d’opposition alléguant l'absence de droit à l'enregistrement, en vertu de l’art 16(3)a); et (iii) la date de production de la déclaration d’opposition, en l’espèce le 10 février 2014, relativement au motif d’opposition alléguant l’absence de caractère distinctif : pour un examen de la jurisprudence concernant les dates pertinentes dans les procédures d'opposition, voir American Retired Persons c. Canadian Retired Persons (1998), 84 CPR(3d) 198 aux p 206 à 209 (CF 1re inst). Dans les circonstances de l'espèce, l'issue de l'affaire ne dépend pas de la date pertinente en fonction de laquelle la question de la confusion est appréciée.

 

[7]        Avant de me pencher sur la question de la confusion, je vais examiner la preuve des parties, le fardeau de preuve initial qui incombe à l'opposante, le fardeau ultime qui incombe à la requérante, ce qu'il faut entendre par « confusion » dans le contexte de la Loi sur les marques de commerce, et en quoi consiste le cadre législatif à partir duquel la question de la confusion est appréciée.

 

Preuve de l'opposante

Brian Berling


[8]        M. Berling atteste qu'il est le Directeur des activités de l'entreprise de l'opposante, une société de la Californie. M. Berling souligne que l'opposante est la propriétaire de la marque déposée canadienne JINX, et la propriétaire de plusieurs enregistrements aux États-Unis relatifs aux marques JINX & Dessin et JINX Identity & Dessin, reproduites ci-dessous, ces marques ayant également été employées au Canada.


L'opposante appelle ses marques collectivement les [Traduction] « Marques de commerce Jinx », et j'en ferai autant.

 

[9]        Aux fins de la présente opposition, je considère que les deux marques JINX & Dessin reproduites ci-dessus sont des variantes admissibles de la marque verbale JINX de l'opposante : à cet égard, voir :

Promafil Canada Ltée c Munsingwear Inc. (1992), 44 C.P.R. (3d) 59 à la p 64 (CAF), infirmant 29 C.P.R. (3d) 391. De ce point de vue, les Marques de commerce Jinx de l'opposante sont constituées de deux plutôt que de quatre marques, à savoir les marques verbales JINX et JINX IDentity. L'« apparence » des marques de l'opposante telles qu'elles sont employées sur le marché, à savoir sous d'autres formes qu'une écriture en bloc ou qu'un élément d'un logo, demeure néanmoins un facteur pertinent dans l'appréciation du risque de confusion d'une marque de commerce, ce dont je discuterai plus loin.

 

[10]      L'opposante est située aux États-Unis. Elle vend et expédie des produits directement aux consommateurs canadiens par l'entremise de son magasin en ligne. L'opposante est également partenaire de distributeurs en gros et de détaillants indépendants qui, depuis aussi tôt que le mois d'août 2003, vendent les produits de l'opposante au Canada, à savoir les produits spécifiés dans l'enregistrement canadien de l'opposante, sous les Marques de commerce Jinx de l'opposante. Une liste des distributeurs de l'opposante, qui comprend des magasins de vêtements, des magasins de produits électroniques et des boutiques spécialisées, comme des magasins de bandes dessinées, de jeux vidéo et d'articles pour collectionneurs, est jointe en pièce M à l'affidavit de M. Berling.

 

[11]      En date du mois d'août 2014, les produits de l'opposante figurant dans son magasin en ligne comprenaient 190 styles différents de vêtements pour femmes et 35 types d'accessoires. En 2013, l'opposante a vendu environ 36 680 articles de vêtements au Canada par l'entremise de son magasin en ligne; environ 7 % des ventes étaient des ventes de vêtements pour femmes.

 

[12]      Le volume total de ventes de produits au Canada par l'entremise des distributeurs de l'opposante a augmenté, passant de 945 articles en 2009 à 109 040 articles en 2013. En 2013, environ 11 % des articles vendus étaient des vêtements pour femmes. L'opposante fait la promotion de ses produits, vendus sous ses Marques de commerce Jinx, à l'aide d'annonces en ligne et sur les comptes de médias sociaux qu'elle exploite.

 

[13]      Étant donné que la preuve de l'opposante confond l'emploi et la promotion des marques JINX & Dessin et de la marque J!INX IDentity, il est difficile d'en arriver à une conclusion formelle quant au caractère distinctif acquis de la marque JINX de l'opposante. Néanmoins, eu égard à la documentation produite en pièces de l'affidavit de M. Berling, lesquelles illustrent l'emploi des marques JINX & Dessin, je suis disposé à conclure qu'à la date de production de la demande d'enregistrement des marques JINXD & Dessin (12 avril 2012), la marque JINX de l'opposante, employée en liaison avec des vêtements, avait acquis une réputation à tout le moins minimale au Canada.

 

[14]      J'ai également remarqué, en examinant les pièces produites en preuve, que l'opposante accompagne presque toujours ses marques JINX & Dessin du dessin stylisé d'un crâne, dans le logo reproduit ci-dessous :


[15]      Comme j'en discuterai plus loin, le fait que la marque JINX & Dessin de l'opposante était, à toutes les dates pertinentes, le plus souvent vue dans un logo constitué en partie du dessin d'un crâne constitue une circonstance qui ne favorise pas l'opposante.

 

Preuve de la requérante

Jessica Kirzner

[16]      Mme Kirzner atteste qu'elle est Présidente de l'entreprise de la requérante. Elle décrit la nature et l'exploitation de l'entreprise de la requérante aux para 3 à 5 de son affidavit, reproduits ci-dessous :
[Traduction]

 

3. JYE est un fabricant et distributeur de vêtements et d'accessoires de yoga pour la femme active.

 

4. JYE exerce ses activités susmentionnées en association avec Jeno Neuman & Fils Inc. (« JNF »). Plus précisément, JYE a établi une relation financière avec JNF, selon laquelle JNF est responsable de tous les coûts liés à la fabrication, au marketing, à la promotion et à la vente des marchandises arborant la marque JINXD YOGA ESSENTIALS & Dessin. Ainsi, toutes les factures émises pour la vente de marchandises arborant la marque JINXD YOGA ESSENTIALS & Dessin sont au nom de JNF.

 

5. Nonobstant la relation susmentionnée entre JYE et JNF, toutes les étapes, décisions et mesures prises relativement à la fabrication, au marketing, à la promotion et à la vente de marchandises arborant la marque JINXD YOGA ESSENTIALS & Dessin ont été dirigées par JYE.

 

[17]      Je conclus des paragraphes cités ci-dessus que JNF détient une licence implicite d'emploi de la marque JINXD & Dessin visée par la demande et que l'emploi de la marque au Canada par JNF s'applique en faveur de la requérante suivant l'art 50(1) de la Loi sur les marques de commerce.

 

[18]      La requérante a lancé le site Web JINXD YOGA ESSENTIALS au mois de septembre 2014, période où les produits arborant la marque visée par la demande dont devenus accessibles pour l'achat en ligne. La requérante fait la promotion de sa marque sur les médias sociaux, à savoir sur Facebook et Instagram. Au mois d'octobre 2013, la requérante a commencé à vendre des tapis de yoga arborant la marque visée par la demande à Sports Experts à Montréal. En 2014, la requérante a commencé à vendre des housses pour tapis de yoga et des sacs pour tapis de yoga arborant la marque visée par la demande à différents détaillants, y compris des studios de yoga, des librairies, des centres de conditionnement physique ainsi que des grands détaillants comme Winners.

 

[19]      Les vêtements arborant la marque visée par la demande sont également offerts sur le site Web de JYE depuis 2014, période où JYE a également commencé à vendre des vêtements à des studios de yoga et à des magasins de détail. Des dépliants distribués aux détaillants afin d'annoncer les marchandises de la requérante figurent en pièce J. L'un de ces dépliants décrit les produits de la requérante dans les termes suivants :
[Traduction]

 

JINXD est une nouvelle marque spécialisée de vêtements et d'accessoires de yoga conçus pour la femme active qui souhaite se sentir et avoir l'air extraordinaire toute la journée. Chaque jour!

 

Je souligne que même si les annonces de la requérante font exclusivement référence à des vêtements pour femmes, les vêtements spécifiés dans la demande en question ne sont pas ainsi restreints.

 

[20]      Depuis 2013, les ventes de tapis de yoga, de housses pour tapis de yoga, d'étui de transport pour tapis de yoga et de vêtements arborant la marque visée par la demande ont totalisé environ 50 000 $, alors que les dépenses publicitaires, y compris pour les annonces imprimées et sur Internet, ont totalisé environ 20 000 $.

 

[21]      Mme Kirzner aborde la question de la clientèle différente des parties au para 24 de son affidavit :
[Traduction]

 

24.     Après avoir examiné le site Web de l'Opposante (www.jinx.com), il m'est apparu évident qu'il existe de grandes différences dans tous les aspects des activités de JYE et de l'Opposante. Plus précisément :

a) Les marchandises de JYE s'adressent à la femme active qui pratique le yoga et souhaite avoir une belle apparence, alors que selon le site Web de l'Opposante, il semble que les marchandises de l'Opposante s'adressent aux joueurs de jeux vidéo, soit deux clientèles entièrement différentes.

 

b) La Marque JINXD YOGA ESSENTIALS & Dessin est entièrement différente du logo JINX & Dessin suivant, lequel apparaît sur la première page de résultats d'une recherche de l'Opposante effectuée dans Google ainsi que sur la page d'accueil du site Web de l'Opposante (bien que sur la page d'accueil, le crâne est situé à côté de la marque JIMX & Dessin).


L'apparence et la convivialité du site Web de l'Opposante m'ont démontré clairement que JYE et l'Opposante ciblent des clientèles entièrement différentes et que ni l'une ni l'autre ne confondrait une marque et l'autre.

 

Philip Quadros

[22]      M. Quadros atteste qu'il est Président de JNF, l'entreprise dont a fait mention Mme Kirzner et la licenciée implicite de la requérante. Son affidavit vient confirmer la relation d'affaires entre la requérante et JNF qui est décrite par Mme Kirzner.

 

Janet Dell’Orto

[23]      Mme Dell’Orto atteste qu'elle est une agente de marques de commerce et une employée de la firme qui a produit la demande pour la marque de commerce en question. Après que l'opposante a produit sa déclaration d'opposition, elle a effectué une recherche sur Internet afin de trouver des tiers qui emploient la marque JINX en liaison avec des vêtements. D'après sa preuve, il appert que deux tiers, que l'on peut appeler « Zazzle » et « Cafepress », emploient la marque JINX en liaison avec des tee-shirts.

 

Preuve en réponse de l'opposante

Laura Feehan

[24]      Mme Feehan atteste qu'elle est une employée d'un cabinet d'avocats. Elle a examiné les sites Web qu'a mentionnés Mme Dell'Ortho [sic]. Les sections pertinentes de son affidavit sont reproduites ci-dessous [Traduction] :

 

3. Mon examen des sites Web de Zazzle et de CafePress a révélé que chacun de ces sites Web permet à ses utilisateurs de soumettre sur le site Web leurs propres modèles de vêtements conçus sur mesure. Les vêtements ainsi créés par l'utilisateur sont ensuite affichés afin que d'autres utilisateurs puissent les acheter. Il appert que la plupart des produits vendus sur ces sites Web, potentiellement tous, sont conçus par un utilisateur.

 

4. Joint en pièce A des présentes, figure un ensemble de saisies d'écran du site Web de Zazzle, y compris des extraits de l'accord d'utilisation de Zazzle, qui explique comment les utilisateurs peuvent soumettre et vendre les modèles de vêtements qu'ils ont créés par l'entremise du site Web de Zazzle.

 

5. Joint en pièce B des présentes, figure un ensemble de saisies d'écran du site Web de CafePress, qui explique comment les utilisateurs peuvent soumettre et vendre les modèles de vêtements qu'ils ont créés par l'entremise de ce site Web.

 

6. Les recherches que j'ai effectuées parmi les produits figurant sur les sites Web de Zazzle et de CafePress ont révélé de nombreuses créations d'utilisateurs qui partagent des mots ou des aspects d'autres marques de vêtements populaires comme, Guess, Coach et Converse. Joint en pièce C des présentes, figure un ensemble de saisies d'écran des sites Web de Zazzle et de CafePress montrant des exemples de ces créations par des utilisateurs.

 

[25]      Après examen de la preuve de Mme Feehan, j'ai conclu que la requérante n'avait pas démontré d'emploi par un tiers (au sens de l'art 4 de la Loi sur les marques de commerce) de la marque JINX en liaison avec des vêtements.

 

Fardeau ultime et fardeau de preuve

[26]      Comme je l'ai mentionné précédemment, avant de me pencher sur la question de la confusion entre les marques des parties, j'estime nécessaire de rappeler en quoi consiste i) le fardeau initial qui incombe à l'opposante, soit celui d'étayer les allégations figurant dans la déclaration d'opposition et ii) le fardeau ultime dont doit s'acquitter la requérante, soit celui de prouver sa cause.

 

[27]      En ce qui concerne le point i) ci-dessus, conformément aux règles de preuve habituelles, l'opposante a le fardeau de preuve d'établir les faits sur lesquels elle appuie les allégations qu'elle formule dans sa déclaration d'opposition : voir John Labatt Limited c The Molson Companies Limited, 30 CPR (3d) 293, à la p 298 (CF 1re inst). Le fait qu'un fardeau de preuve soit imposé à l'opposante signifie que, pour qu'une question soulevée par l'opposante soit prise en considération, il doit exister une preuve suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de cette question. S'agissant du point ii) ci-dessus, la requérante doit s'acquitter du fardeau ultime de démontrer que sa demande ne contrevient pas aux dispositions de la Loi sur les marques de commerce, ainsi que l'allègue l'opposante dans sa déclaration d'opposition (mais uniquement à l'égard des allégations relativement auxquelles l'opposante s'est acquittée de son fardeau de preuve). Le fait que le fardeau ultime incombe à la requérante signifie que, s'il est impossible d'arriver à une conclusion déterminante une fois que toute la preuve a été présentée, la question doit être tranchée à l'encontre de la requérante.

 

Signification de la confusion

[28]      Des marques de commerce créent de la confusion lorsqu'il existe une probabilité raisonnable de confusion au sens de l'art 6(2) de la Loi sur les marques de commerce, lequel est libellé comme suit :

 

L'emploi d'une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l'emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits. . . liés à ces marques de commerce sont fabriqués . . . ou que les services liés à ces marques sont ... exécutés par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non . . . de la même catégorie générale.

 

[29]      Ainsi, l'art 6(2) ne porte pas sur la confusion entre les marques elles-mêmes, mais sur une confusion qui porterait à croire que des produits ou services provenant d'une source proviennent d'une autre source. En l'espèce, la question que soulève l'art 6(2) est celle de savoir si des consommateurs magasinant des vêtements ou des accessoires de yoga croiraient que les produits de yoga de la requérante, vendus sous la marque JINXD & Dessin, ont été fabriqués par l'opposante, ou que la requérante avait obtenu une autorisation ou une licence auprès de l'opposante, q dont les produits sont vendus sous les marques JINX et JINX IDentity. C'est à la requérante qu'incombe le fardeau ultime d'établir, selon la norme habituelle de la prépondérance des probabilités qui s'applique en matière civile, qu'il n'y aurait pas de probabilité raisonnable de confusion.

 

Le test en matière de confusion

[30]      Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Les facteurs à prendre en considération pour déterminer si deux marques créent de la confusion sont « toutes les circonstances de l'espèce, y compris » celles expressément énoncées aux art 6(5)a) à 6(5)e) de la Loi, à savoir : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle chaque marque a été en usage; le genre de produits, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent. Cette liste n'est pas exhaustive et il importe de tenir compte de tous les facteurs pertinents. En outre, ces facteurs n'ont pas nécessairement tous le même poids, et le poids qu'il convient d'accorder à chacun varie en fonction des circonstances : voir Gainers Inc. c Tammy L. Marchildon et le Registraire des marques de commerce (1996), 66 CPR(3d) 308 (CF 1re inst). Toutefois, comme l’a souligné le juge Rothstein dans Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc. (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC), le degré de ressemblance est souvent le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion, et ce, même s’il est mentionné en dernier lieu à l’art 6(5).

 

[31]      Étant donné que la marque JINX de l'opposante ressemble plus étroitement à la marque JINXD & Dessin visée par la demande que la marque JINX IDendity de l'opposante, une appréciation du risque de confusion entre les deux premières marques mentionnées permettra de trancher la question de la confusion.

 

Facteurs énoncés à l'article 6(5)

Premier facteur – le caractère distinctif inhérent des marques et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[32]      La marque JINX de l'opposante possède un caractère distinctif inhérent considérable parce que, bien qu'il s'agisse d'un mot du dictionnaire, il n'a aucune connotation descriptive ou suggestive relativement à la nature ou à la qualité des vêtements de l'opposante. La marque visée par la demande possède également un caractère distinctif inhérent considérable. À cet égard, la marque visée par la demande est constituée de deux éléments dominants, à savoir l'image d'un chat qui s'étire et le terme JINXD. L'image d'un chat qui s'étire n'est pas particulièrement distinctive et l'élément JINXD serait perçu comme étant le verbe JINX au passé. Prise dans son ensemble, la marque est, dans une certaine mesure, suggestive des produits de la requérante en raison de l'élément « Yoga » et aussi en raison de l'idée d'une posture de yoga évoquée par l'image d'un chat qui s'étire. Dans l'ensemble, la marque visée par la demande possède un caractère distinctif inhérent légèrement plus élevé que la marque de l'opposante, en raison de l'impact visuel de la marque visée par la demande dans sa totalité.

 

[33]      Comme je l'ai mentionné précédemment, en raison de la nature sommaire de la preuve de l'opposante relativement aux ventes faites sous ses marques, je ne suis pas disposé à conclure à autre chose qu'une réputation minimale de sa marque JINX à quelque date pertinente que ce soit. En outre, à toutes les dates pertinentes, le public était plus familier avec le logo de l'opposante, lequel contient le dessin d'un crâne, qu'avec la marque JINX de l'opposante : voir les para 14 et 15 ci-dessus. La marque JINXD & Dessin de la requérante n'avait pas acquis de caractère distinctif aux premières dates pertinentes; cependant, la preuve montre que la marque visée par la demande avait acquis un certain caractère distinctif à la dernière date pertinente.

 

[34]      Compte tenu de ce qui précède, j'ai conclu que le premier facteur ne favorise aucune des parties dans une mesure appréciable, à quelque date pertinente que ce soit.

 

Deuxième facteur – la période pendant laquelle chaque marque a été en usage

[35]      La période pendant laquelle les marques des parties ont été en usage favorise l'opposante, parce que le témoignage non contesté de M. Berling établit l'emploi de la marque JINX de l'opposante au Canada depuis 2003. Cependant, les données quantitatives sur les ventes de vêtements sous les marques de l'opposante ne sont démontrées qu'à partir de 2009 et, étant donné la nature imprécise de la preuve de l'opposante, il n'est pas possible de confirmer l'étendue de l'emploi de la marque JINX par rapport à la marque JINX IDentity. La requérante a établi l'emploi de la marque JINXD et Dessin visée par la demande depuis 2014. La période pendant laquelle les marques des parties ont été en usage favorise l'opposante à toutes les dates pertinentes, mais en raison de la preuve imprécise quant à l'étendue de l'emploi de la marque JINX, il ne s'agit pas d'un avantage appréciable pour l'opposante.

 

Troisième et quatrième facteurs – le genre de produits et la nature des commerces

[36]      Il existe un recoupement potentiel entre les produits des parties en ce qui concerne les vêtements de yoga et les vêtements de sport, ainsi que concernant les chapeaux et les casquettes. Autrement, les produits des parties ne se ressemblent pas. En outre, après examen de la preuve, il me semble qu'à toutes les dates pertinentes, les parties ciblaient et répondaient chacune à une clientèle de créneaux différents par des voies de commercialisation entièrement distinctes. Les troisième et quatrième facteurs, considérés ensemble, favorisent donc la requérante.

 

Cinquième facteur – la ressemblance des marques dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[37]      Les marques des parties se ressemblent sur le plan visuel, auditif et dans les idées qu'elles suggèrent en raison de la forte ressemblance entre l'élément JINXD qui figure dans la marque visée par la demande et la marque JINX de l'opposante. Cependant, dans l'ensemble, l'impact visuel de la marque visée par la demande est différent de celui de la marque de l'opposante en raison de l'emplacement d'un élément graphique dominant, à savoir l'image d'un chat, au-dessus de l'autre élément dominant JINXD. Les marques en cause diffèrent beaucoup plus qu'elles se ressemblent dans la présentation. La marque visée par la demande se prononcerait probablement « jinxed » [maudit], ce qui ressemble beaucoup à la prononciation de la marque JINX de l'opposante. La marque de l'opposante suggère l'idée de « malchance » tout comme la marque visée par la demande. Cependant, la marque visée par la demande suggère également les idées de « yoga » et d'« étirement », cette dernière émanant de l'image d'un chat. Les idées suggérées par les marques des parties sont également un peu plus différentes que semblables. Si j'examine ensemble les trois aspects de la ressemblance, j'estime que les marques des parties sont en quelque sorte plus différentes que semblables, en raison de leurs différences sur le plan visuel et dans les idées qu'elles suggèrent.

 

Décision

[38]      Compte tenu des facteurs qui précèdent, j'ai conclu que la prépondérance des probabilités penche légèrement en faveur d'une conclusion portant que la marque JINXD & Dessin visée par la demande et la marque JINX de l'opposante ne créent pas de confusion, à quelque date pertinente que ce soit. Essentiellement, les mêmes considérations susmentionnées s'appliquent à la marque JINX IDentity de l'opposante, à l'exception du fait que la ressemblance entre celle-ci et la marque de la requérante est moindre. Il s'ensuit que la marque visée par la demande ne crée pas de confusion avec la marque JINX IDentity de l'opposante, à quelque date pertinente que ce soit. En conséquence, l'opposition est rejetée.

 

[39]      Cette décision est rendue dans l'exercice des pouvoirs qui m'ont été délégués par le registraire des marques de commerce selon les dispositions de l'art 63(3) de la Loi sur les marques de commerce.

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Myer Herzig, membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Sophie Ouellet, trad.a.

COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

 

 

DATE DE L'AUDIENCE : 2016-04-16

 

COMPARUTIONS

 

Nathan Woodruff                                                                                POUR L'OPPOSANTE

 

Aucune comparution                                                                           POUR LA REQUÉRANTE

 

AGENT(S) AU DOSSIER

 

Thompson Woodruff                                                                           POUR L'OPPOSANTE

 

Aucun agent nommé                                                                            POUR LA REQUÉRANTE

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