Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION


LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2010 COMC 227

Date de la décision : 2010-12-22

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION de Balenciaga à l’encontre de la demande d’enregistrement n° 1309044 pour la marque BALEGA & Dessin au nom Balega International, LLC

 

 

 

Les actes de procédure

[1]               Le 13 juillet 2006, Balega International, LLC (la Requérante) a produit la demande n° 1309044 en vue d’enregistrer la marque de commerce BALEGA & Dessin (la Marque), ci-après reproduite :

Balega Design

 

[2]               La demande couvre des vêtements de sport, nommément chaussettes, sous-vêtements de sport techniques, soutiens-gorge de sport, bas de sous-vêtements, hauts de sous-vêtement, shorts de course, chemises sport, chemises extensibles et tee-shirts, chapeaux, casquettes (les Marchandises). Elle a été produite sur la base d’un emploi et d’un enregistrement aux États-Unis d’Amérique et d’un emploi projeté au Canada.

[3]               À l’étape de l’examen, la Requérante a informé le registraire que la Marque se traduit en anglais par « to move with great speed » (bouger très rapidement). Cependant, aucun renseignement n’a été fourni sur l’origine du mot « balega ».

[4]               La demande a été annoncée dans le Journal des marques de commerce du 30 mai 2007 aux fins d’opposition.

[5]               Le 26 juillet 2007, Balenciaga (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition. Le 22 octobre 2007, la Requérante a produit une contre-déclaration dans laquelle elle nie tous les motifs d’opposition énumérés ci-dessous. Je ne tiendrai pas compte des arguments formulés dans la contre-déclaration, y compris, sans que soit restreinte la généralité de ce qui précède, le paragraphe 11.  

[6]               L’Opposante a produit les affidavits de Zeina Waked et Isabelle Guichot ainsi que des copies certifiées des certificats d’enregistrement LMC220390 et LCD32422 de la marque BALENCIAGA alors que la Requérante a produit l’affidavit de Chris Bevin. Il n’y a eu aucun contre-interrogatoire et aucune contre-preuve n’a été produite.

[7]               Les deux parties ont produit un plaidoyer écrit et étaient représentées à l’audience.

Les motifs d’opposition

[8]               Les motifs d’opposition peuvent se résumer de la façon suivante :

1.      La demande ne satisfait pas aux exigences de l’al. 30a) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi), parce que les marchandises suivantes ne sont pas décrites suivant les termes ordinaires du commerce : vêtements de sport, nommément sous-vêtements de sport techniques;

2.      La demande ne satisfait pas aux exigences de l’al. 30e) de la Loi parce que la Requérante n’avait pas l’intention d’employer la Marque en liaison avec toutes les Marchandises;

3.      La demande ne satisfait pas aux exigences de l’al. 30d) de la Loi parce que la Marque n’était pas employée par la Requérante aux États-Unis d’Amérique en liaison avec toutes les Marchandises à la date de production de la présente demande;

4.      La Marque n’est pas enregistrable en vertu de l’al. 12(1)d) de la Loi parce qu’elle crée de la confusion avec les marques antérieurement déposées de l’Opposante BALENCIAGA, numéro d’enregistrement LCD32422, et BALENCIAGA, numéro d’enregistrement LCD220390;

5.      La Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque en vertu des al. 16(2)a) et c) et 16(3)a) et c) de la Loi parce que, au cours de la période pertinente, la Marque créait de la confusion avec la marque et le nom commercial BALENCIAGA antérieurement employés par l’Opposante depuis 1938 en liaison avec des vêtements féminins, costumes de sport, chapeaux, gants, articles de lingeries et parfums; depuis 1946 en liaison avec des parfums, eau de toilette, eau de cologne, lotions de parfum, poudre de talc parfumée et sels pour bains; et depuis 1975 en liaison avec des lunettes de soleil, montures de lunettes, bijouterie, cannes, parapluies, bagages, sacs, portefeuilles et valises;

6.      La Marque ne distingue pas les Marchandises de la Requérante et elle n’est pas adaptée à distinguer les Marchandises de la Requérante des marchandises et de l’entreprise de l’Opposante parce qu’elle crée de la confusion avec la marque de commerce et le nom commercial de l’Opposante.

Le fardeau de la preuve dans la procédure d’opposition à une marque de commerce

[9]               Il incombe à la Requérante d’établir que sa demande satisfait aux exigences de la Loi. Un fardeau initial de preuve pèse toutefois sur l’Opposante, qui doit présenter une preuve recevable suffisante dont on puisse raisonnablement conclure à l’existence des faits allégués au soutien de chacun des motifs d’opposition. Une fois que l’Opposante s’est acquittée de ce fardeau initial, la Requérante doit établir, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs d’opposition particuliers ne devraient pas empêcher l’enregistrement de la Marque [voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd. et al c. Seagram Real Estate Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 325; John Labatt Ltd. c. The Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R. (3d) 293, et Wrangler Apparel Corp. c. The Timberland Company [2005] C.F. 722].

 

 

Demande modifiée produite après l’audience

[10]           À l’audience, la Requérante a mentionné qu’elle serait prête à produire une demande modifiée pour supprimer les « sous-vêtements de sport techniques », dans la mesure où je devais conclure en faveur de l’Opposante sur le premier motif d’opposition fondé sur l’al. 30a) de la Loi. J’ai fait remarquer à la Requérante que je ne disposais pas d’une demande officielle de modification de la demande. À l’audience, la Requérante n’a pas demandé l’autorisation de modifier sa demande.

[11]           Le 3 novembre 2010, le registraire a reçu de la Requérante une demande modifiée dans laquelle la liste des marchandises avait été modifiée pour supprimer « sous-vêtements de sport techniques », et la mention de l’enregistrement correspondant de la marque de commerce employée aux États-Unis et portant le numéro 3058183 avait été enlevée.

[12]           Une demande modifiée peut être produite à tout moment même après l’annonce dans la mesure où les modifications ne constituent pas l’un ou l’autre des cas interdits aux articles 31 et 32 du Règlement sur les marques de commerce, DORS/2007-91, art. 1. La demande modifiée n’enfreint ni l’un ni l’autre de ces articles. Elle a été versée au dossier. Par conséquent, les premier et troisième motifs d’opposition n’ont plus aucun intérêt pratique.

Motif d’opposition fondé sur l’al. 30e) de la Loi

[13]           Dans son deuxième motif d’opposition, l’Opposante soutient que la Requérante n’avait pas l’intention d’employer la Marque en liaison avec toutes les Marchandises. Pour étayer cette prétention, l’Opposante renvoie à l’affidavit de Mme Waked, laquelle a fait une recherche sur Internet et a produit des extraits tirés du site www.balegasports.com. Je présumerai qu’il s’agit du site Web de la Requérante aux États-Unis puisque M. Bevin, directeur général de la Requérante, renvoie au même site Web dans son affidavit.

[14]           Tous les extraits tirés du site Web que Mme Waked a produits font référence à des chaussettes et à des casquettes de baseball. Par conséquent, l’Opposante prétend que la Requérante n’avait pas l’intention, à la date de production de la demande, d’employer la Marque au Canada en liaison avec les marchandises autres que les chaussettes et les casquettes de baseball. L’Opposante s’appuie sur la décision du registraire dans Tune Masters c. Mr. P’s Mastertune Ignition Services Ltd. (1986), 10 C.P.R. (3d) 84, qui étaye le principe voulant que lorsque ce motif d’opposition est soulevé, le fardeau de la preuve qui incombe à l’Opposante est plus léger que le fardeau habituel en vertu des autres motifs d’opposition puisque la preuve consiste principalement  en la connaissance de la Requérante. L’Opposante peut obtenir gain de cause au titre de ce motif d’opposition si la preuve de la Requérante est manifestement incompatible avec les affirmations qui figurent dans la demande [voir York Barbell Holdings Ltd. c. ICON Health & Fitness, Inc. (2001), 13 C.P.R. (4th) 156 (C.O.M.C.)].

[15]           En l’espèce, la demande est fondée sur l’emploi projeté au Canada. Par conséquent, la Requérante n’est pas tenue d’employer la Marque jusqu’à ce que la demande soit admise par le registraire. Toutes les marchandises décrites dans la demande appartiennent à la catégorie générale des vêtements de sport. Alors, le fait que la Requérante emploie peut-être la Marque qu’aux États-Unis en liaison avec des chaussettes et des casquettes de baseball ne fait pas en sorte qu’il incombe à la Requérante de prouver qu’elle avait l’intention d’employer la Marque au Canada en liaison avec les autres marchandises appartenant à la même catégorie générale. Monsieur Bevin, directeur général de la Requérante, indique dans son affidavit que la Requérante a commencé à vendre des chaussettes portant la Marque au Canada en août 2006. Cela ne signifie pas qu’elle n’avait pas l’intention d’employer la Marque en liaison avec les autres marchandises. Il n’y a aucune contradiction entre le contenu de l’affidavit de M. Bevin et la déclaration faite par la Requérante dans sa demande selon laquelle elle a l’intention d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Marchandises.

[16]           Par conséquent, je rejette le deuxième motif d’opposition.

Enregistrabilité de la Marque en vertu de l’al. 12(1)d) de la Loi

[17]           La date pertinente pour l’examen de ce motif d’opposition est la date de la décision du registraire [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413, p. 424 (C.A.F.)].

[18]           L’Opposante soutient que la Marque n’est pas enregistrable en vertu de l’al. 12(1)d) de la Loi puisqu’elle crée de la confusion avec ses marques déposées énumérées précédemment. L’Opposante s’est acquittée du fardeau initial en déposant les certificats d’authenticité des enregistrements LMC220390 et LCD32422 pour la marque BALENCIAGA. J’ai exercé mon pouvoir discrétionnaire de vérifier le registre. Les deux enregistrements sont toujours en vigueur. Dans ce dernier enregistrement, la liste des marchandises comprend des vêtements féminins et accessoires, vêtements de sport, articles de lingerie et parfums, alors que dans le premier enregistrement, la liste couvre des parfums, eau de toilette, eau de cologne, poudre de talc parfumée, sels pour bains, lunettes de soleil, montures de lunettes, bijouterie, cannes, parapluies, bagages, portefeuilles, sacs, valises et serviettes.

[19]           Je dois décider, selon la prépondérance des probabilités, si la Marque est susceptible de créer de la confusion avec la marque de commerce BALENCIAGA de l’Opposante. Le test qu’il convient d’appliquer pour trancher cette question est prévu au par. 6(2) de la Loi et je dois prendre en compte toutes les circonstances pertinentes de l’espèce, notamment celles qui sont énumérées au par. 6(5) de la Loi : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent.

[20]           Cette liste n’est pas exhaustive et il n’est pas nécessaire de donner à chacun de ces facteurs le même poids [voir Clorox Co. c. Sears Canada Inc. (1992), 41 C.P.R. (3d) 483 (C.F. 1re inst.), et Gainers Inc. c. Marchildon (1996), 66 C.P.R. (3d) 308 (C.F. 1re inst.)].  Je m’appuie aussi sur les arrêts de la Cour suprême du Canada, dans Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321, où l’on trouve une analyse détaillée de ces critères.

[21]           Madame Guichot a été la présidente de l’Opposante. Elle explique que la marque BALENCIAGA de l’Opposante est le nom d’un dessinateur de mode espagnol décédé en 1972. Elle précise qu’il était connu pour son style classique et que les reines d’Espagne et de Belgique comptaient parmi ses clientes.

[22]           Dans son plaidoyer écrit, l’Opposante admet que sa marque de commerce possède un caractère distinctif inhérent moyen. Cette conclusion vient du fait qu’il s’agit du nom d’une personne. Toutefois, aucun élément de preuve n’indique que le consommateur canadien moyen associerait la marque BALENCIAGA au nom d’une personne décédée ou vivante.

[23]           La Marque signifie « bouger rapidement », mais rien ne prouve que quelqu’un soit au courant. Lorsqu’elle est employée en liaison avec les Marchandises, pour ceux qui connaissent la signification de la Marque, elle peut être suggestive des résultats obtenus en portant ces marchandises. La Marque est composée d’un élément graphique qui consiste en un « E » stylisé. Par conséquent, elle possède un certain caractère distinctif inhérent.

[24]           Le caractère distinct d’une marque de commerce peut être accentué par l’emploi ou par l’importance de sa promotion au Canada. Madame Guichot soutient que la marque BALENCIAGA est employée au Canada en liaison avec des articles de vêtement, bijoux, sacs, souliers, parfums et accessoires tels que des lunettes de soleil, portefeuilles et ceintures. Elle fournit les chiffres d’affaires de l’Opposante au Canada pour les produits portant la marque BALENCIAGA de 2003 à 2007, mais je n’ai aucune ventilation par type de produits. Il se pourrait que la plus grande partie de ces ventes soit liée aux bijoux ou aux parfums par exemple, des produits moins pertinents par comparaison aux Marchandises. Ces ventes annuelles varient entre plus de 600 000 $ et près de 4 M $.

[25]           Elle a produit des échantillons d’étiquettes utilisées au Canada au fil des années, dont certaines remontent à 1949. Les étiquettes les plus récentes (pour la collection Automne/Hiver 2007-2008, pièce PM-4 à son affidavit) étaient apposées aux articles de vêtements et aux bijoux. Elle prétend que l’Opposante a un site Web et elle en a produit des extraits. Cependant, je ne dispose d’aucun renseignement concernant le nombre de visites, le cas échéant, par des Canadiens au fil des années.

[26]           Sur le fondement de cette preuve, je conclus que la marque de commerce BALENCIAGA de l’Opposante est connue dans une certaine mesure au Canada. J’aimerais dire que j’ai pris connaissance de la preuve soumise par l’Opposante sur ses ventes à l’échelle mondiale et l’enregistrement de la marque BALENCIAGA dans d’autres ressorts. En l’absence de preuve sur la publicité, je ne considère pas que cette partie de la preuve de l’Opposante soit très utile pour déterminer si la marque de l’Opposante est connue au Canada.

[27]           Selon M. Bevin, la Requérante fabrique des vêtements de sport conçus expressément pour les coureurs et elle les distribue et les vend généralement dans des magasins indépendants qui s’adressent aux coureurs. La Requérante a annoncé la Marque et en a fait la promotion auprès des coureurs depuis plus de 5 ans (depuis décembre 2003 puisque son affidavit a été signé le 23 décembre 2008), tant aux États-Unis qu’au Canada. Les produits de marque de la Requérante sont principalement vendus dans des boutiques spécialisées, et non dans magasins généraux, qui vendent des produits pour la course et dont la clientèle est composée de coureurs. Je remarque que M. Bevin n’a produit aucune preuve de publicité et de promotion des Marchandises de la Requérante au Canada, à l’exception de ce qui est décrit ci-après.

[28]           Il a produit des extraits tirés du site Web de la Requérante comme pièce A pour montrer que la Requérante a commandité plusieurs événements relatifs à la course et mettant en vedette des organismes de course, mais il n’y a aucune mention d’événements canadiens. Il affirme que la Requérante a commencé à vendre des chaussettes portant la Marque au Canada le 23 août 2006. Il fournit une liste des détaillants spécialisés canadiens de chaussures de course et de l’équipement connexe où on peut acheter ces chaussettes. Enfin, il n’y a aucun renseignement sur l’étendue de ces ventes au Canada.

[29]           Sur le fondement de cette preuve, je conclus que la marque de commerce BALENCIAGA de l’Opposante est plus connue que la Marque au Canada. Par conséquent, le premier facteur prévu au par. 6(5) joue en faveur de l’Opposante.

[30]           Pour ce qui est de la période au cours de laquelle les marques des parties ont été en usage, le résumé de la preuve au dossier montre que ce facteur joue aussi en faveur de l’Opposante. Toutefois, je remarque qu’il n’y a pas la moindre preuve du fait que la marque BALENCIAGA a été employée en liaison avec les marchandises les plus pertinentes visées par l’enregistrement LCD32422 de l’Opposante, nommément des vêtements de sport pour femmes. Par conséquent, malgré le fait que ce facteur soit favorable à l’Opposante, il n’est pas si important.

[31]           En général, pour l’examen du genre de marchandises et de la nature du commerce des parties, l’état déclaratif des marchandises figurant dans la demande et dans l’enregistrement est déterminant. [Voir Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3d) 3 (C.A.F.)] La preuve des commerces réels des parties pourrait aider à interpréter l’état déclaratif des marchandises en vue de déterminer le genre probable d’entreprise ou de commerce que les parties avaient l’intention d’exploiter plutôt que de répertorier tous les commerces que le texte pourrait englober. [Voir McDonald’s Corp. c. Coffee Hut Stores Ltd. (1996), 68 C.P.R. (3d) 168 (C.A.F.)].

[32]           Les Marchandises de la Requérante englobent des vêtements de sport alors que l’enregistrement LCD32422 de l’Opposante mentionne expressément des vêtements de sport pour femmes. Par conséquent, il y a définitivement un chevauchement entre ces marchandises et leurs voies commerciales.

[33]           Le degré de ressemblance entre les deux marques de commerce est l’un des critères les plus importants dont il faut tenir compte pour déterminer la probabilité de confusion [voir Beverley Bedding & Upholstery Co. c. Regal Bedding & Upholstering Ltd. (1980), 47 C.P.R. (2d) 145]. On doit examiner les marques dans leur ensemble sans les disséquer en leurs éléments constitutifs.

[34]           La Marque compte 3 syllabes et un dessin alors que la marque de l’Opposante comporte 5 syllabes. Pour conclure que la Marque ressemble à sa marque, l’Opposante a scruté chacun des éléments des marques des parties. Par conséquent, elle soutient que les quatre premières lettres des marques sont les mêmes, nommément BALE et que la dernière partie (GA) est identique. De plus, l’Opposante est d’avis que les marques sont phonétiquement semblables parce que les quatre premières lettres sont identiques. Cependant, dans son affidavit, M. Bevin soutient que la Marque se prononce « buh-LAY-guh », mais il n’est pas un expert en linguistique.

[35]           Même si les quatre premières lettres des marques sont identiques, la deuxième syllabe de chaque mot est différente. De plus, la Marque n’a que 3 syllabes avec un graphique original dans le milieu de la Marque. La marque de l’Opposante a 2 syllabes de plus pour la distinguer de la Marque. Il faut aussi examiner la Marque attentivement pour réaliser que l’élément graphique correspond à la lettre E et ainsi conclure que la partie nominale de la Marque est BALEGA.

[36]           L’Opposante soutient qu’il ressort clairement de la jurisprudence que lorsque la marque déposée par le demandeur comprend la marque d’un autre commerçant, la probabilité de confusion est plus élevée. Cependant, en l’espèce, la Marque n’inclut pas la marque de l’Opposante.

[37]           Je conclus qu’il y a très peu de ressemblance, le cas échéant, entre les marques en litige sur le plan de la présentation, du son et des idées qu’elles suggèrent. Ce facteur joue clairement en faveur de la Requérante.

[38]           Autre circonstance de l’espèce, la Requérante a produit une preuve de son enregistrement de la Marque aux États-Unis alors que Mme Guichot, dans son affidavit, indique que l’Opposante a aussi enregistré la marque BALENCIAGA dans ce pays; par conséquent, les marques des parties coexistent dans le registre des États-Unis. Cependant, la coexistence dans des registres de marques de commerce étrangers a peu d’importance [voir Quantum Instruments, Inc. c. Elinca S.A., 60 C.P.R. (3d) 264, p. 268-269 (C.O.M.C.)]. Il peut y avoir des facteurs qui justifient le coenregistrement des marques dans un autre ressort qui n’existent pas au Canada (p. ex.  des différences dans le droit ou un état du registre différent).

[39]           Le test en matière de confusion peut être décrit dans les termes suivants : le consommateur moyen, qui a un souvenir imparfait de la marque de l’Opposante et qui se trouve en présence des Marchandises portant la Marque, arriverait-il à la conclusion que ces Marchandises ont la même origine que celles portant la marque de l’Opposante? Je réponds par la négative pour les motifs suivants.

[40]           L’analyse des critères pertinents m’amène à conclure que la Requérante s’est acquittée de son fardeau qui lui incombait de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a aucune probabilité de confusion entre la Marque, lorsqu’elle est employée en liaison avec les Marchandises, et la marque déposée BALENCIAGA de l’Opposante. Il y a peu de similitudes, le cas échéant, entre les marques en litige sur le plan de la présentation, du son ou des idées qu’elles suggèrent. Ce facteur est plus important que les autres facteurs.

[41]           Par conséquent, je rejette le quatrième motif d’opposition.

 

 

Motif d’opposition fondé sur le droit à l’enregistrement

[42]           Le motif d’opposition fondé sur le par. 16(2) de la Loi peut être réglé rapidement puisque la demande modifiée n’est plus fondée sur l’enregistrement obtenu aux États-Unis.

[43]           La date pertinente pour l’analyse de ce motif d’opposition est la date de production de la demande (13 juillet 2006) [voir par. 16(3) de la Loi]. L’Opposante doit prouver l’emploi antérieur de sa marque BALENCIAGA et que cet emploi n’a pas été abandonné à la date de l’annonce de la présente demande (30 mai 2007) [voir par. 16(5) de la Loi].

[44]           L’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial relativement à l’al. 16(3)a) de la Loi comme le montre la description ci-dessus de la preuve de l’Opposante laquelle montre l’emploi antérieur de la marque BALENCIAGA au Canada. Par conséquent, je dois déterminer s’il y avait une probabilité de confusion entre les marques respectives des parties à la date pertinente.

[45]           L’analyse des circonstances pertinentes prévues au par. 6(5) de la Loi produirait les mêmes résultats que ceux décrits en vertu du motif d’opposition précédent, à l’exception de l’analyse du genre de marchandises et de leurs voies commerciales. Ces facteurs, en vertu de ce motif d’opposition, joueraient en faveur de la Requérante puisqu’il n’y a aucune preuve de l’emploi de la Marque en liaison avec des vêtements de sport pour femmes qui pourraient appartenir à la même catégorie générale de marchandises que celles visées par la présente demande. De plus, les voies de commercialisation actuellement employées par les parties sont complètement différentes. La Requérante vend ses Marchandises dans des boutiques spécialisées qui vendent des produits pour la course et pour les coureurs et non dans des magasins généraux. Une liste de certaines de ces boutiques a été fournie par M. Bevin. Par conséquent, les clients potentiels sont des coureurs et des athlètes. Les marchandises de l’Opposante sont des produits de luxe. Dans son affidavit, Mme Guichot renvoie à des extraits du site Web de l’Opposante produits comme pièce PM-5. En fait, sur ces extraits, on peut voir des célébrités comme Mick Jagger et Charlotte Gainsbourg qui portent des vêtements conçus par l’Opposante.

[46]           En vertu de ce motif d’opposition, l’Opposante s’appuie également sur l’emploi antérieur de son nom commercial BALENCIAGA. Le dossier ne renferme aucune preuve d’un emploi antérieur au Canada.

[47]           Par conséquent, je rejette le cinquième motif d’opposition dans son ensemble.

Caractère distinctif de la Marque

[48]           Il est généralement reconnu que la date pertinente à laquelle le caractère distinctif d’une marque de commerce est examiné est la date de production de la déclaration d’opposition (27 juillet 2007) [voir Andres Wines Ltd. and E & J Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126, p. 130 (C.A.F.), et Metro-Goldwyn-Meyer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F. 1re inst.)].

[49]           Pour s’acquitter de son fardeau initial, l’Opposante devait prouver que sa marque de commerce ou son nom commercial BALENCIAGA était devenu suffisamment connu au Canada à la date pertinente pour faire perdre à la Marque son caractère distinctif [Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 44, p. 58]. Une fois que l’Opposante s’est acquittée de ce fardeau initial, la Requérante doit établir, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque était adaptée à distinguer les Marchandises des marchandises de l’Opposante au Canada à la date pertinente [voir Muffin Houses Incorporated c. The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 C.P.R. (3d) 272].

[50]           La preuve de l’Opposante qui a été décrite au regard du motif d’opposition fondé sur l’enregistrabilité m’amène à conclure que sa marque de commerce BALENCIAGA était suffisamment connue au Canada à la date pertinente.

[51]           Ce motif d’opposition a trait essentiellement à la question de la probabilité de confusion entre les marques de commerce des parties à la date de production de la déclaration d’opposition. La différence de date pertinente entre ce motif d’opposition et celui fondé sur l’enregistrabilité n’est pas un facteur déterminant en l’espèce, car la plus grande partie des éléments de preuve qui ont été produits ont trait à l’emploi de la marque de commerce BALENCIAGA de l’Opposante avant la date de production de la déclaration d’opposition.

[52]           Mon analyse des circonstances pertinentes à la date de production de la déclaration d’opposition produirait la même conclusion que celle tirée en vertu du motif d’opposition fondé sur le droit à l’enregistrement. Dans ces circonstances, j’estime que la Marque de la Requérante distinguait les Marchandises de la Requérante et permettait de les distinguer de celles de l’Opposante vendues en liaison avec la marque BALENCIAGA à la date pertinente. Par conséquent, le dernier motif d’opposition est également rejeté.

Décision

[53]           En vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués en application du par. 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition conformément au par. 38(8) de la Loi.

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Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Mylène Borduas

 

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