Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION

 

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2013 COMC 49

Date de la décision : 2013-03-21

 

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE EN VERTU DE L’ARTICLE 45 engagée par Ridout & Maybee LLP contre la demande d’enregistrement no TMA650968 pour la marque de commerce OX & PALM au nom de HJ Heinz Company Australia Ltd.

 

[1]               À la demande de Ridout & Maybee LLP (la requérante), le registraire des marques de commerce a délivré un avis au titre de l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi) le 25 août 2010 à HJ Heinz Company Australia Ltd. (l’inscrivante), propriétaire inscrite de l’enregistrement no TMA650968 pour la marque de commerce OX & PALM (la Marque).

[2]               La Marque est enregistrée pour un emploi en liaison avec « viande et viandes transformées, nommément viandes salées et viandes en conserve » (les marchandises).

[3]               Conformément à l’article 45 de la Loi, le propriétaire de la marque de commerce déposée doit montrer que la marque de commerce a été employée au Canada en liaison avec chaque marchandise et service que spécifie l’enregistrement, à un moment quelconque au cours des trois ans précédant immédiatement la date de l’avis et, dans la négative, la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. Dans la présente espèce, la période pertinente pour montrer l’emploi de la Marque est entre le 25 août 2007 et le 25 août 2010 (la période pertinente).

[4]               Le paragraphe 4(1) de la Loi donne la définition suivante du terme « emploi » :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[5]               Il est bien établi qu’une surdose de preuves n’est pas nécessaire pour répondre convenablement à un avis délivré au titre de l’article 45 [Union Electric Supply Co Ltd c. Registrar of Trade-marks (1982), 63 C.P.R. (2d) 56 (CF)]]. Le critère auquel le propriétaire inscrit doit satisfaire en vertu de l’article 45 n’est pas sévère. Tout ce qu’il doit faire est de présenter une preuve suffisante à première vue relative à l’emploi [Cinnabon, Inc c. Yoo-Hoo of Florida Corp (1998), 82 C.P.R. (3d) 513 (CAF)]]. Toutefois, cette preuve doit contenir suffisamment de faits pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec chaque marchandise et service spécifié dans l’enregistrement durant la période pertinente.

[6]               En réponse à l’avis délivré par le registraire, l’inscrivante a produit les affidavits de Robert Mangal, Dominic Levy, Marisa Hood, David Wooby et Hugh Haslehust-Smith. Les deux parties ont présenté des observations écrites et étaient présentes à l’audience.

[7]               Trois des affidavits susmentionnés, c’est-à-dire les affidavits de Hugh Haslehust-Smith, Robert Mangal et David Wooby, concernent des activités liées à l’enregistrement en cause ayant débuté durant la période pertinente. Plus particulièrement, les affidavits de M. Mangal et de M. Wooby font état d’une transaction liée aux marchandises portant la Marque au Canada, dans le cadre de laquelle un client canadien a commandé et payé les marchandises avant la fin de la période pertinente, mais a reçu les marchandises après la période pertinente. 

[8]               L’affidavit de M. Haslehust-Smith concerne des éléments de preuve relatifs aux efforts de l’inscrivante pour fournir des produits de marque OX & PALM au Canada, lesquels peut‑on dire appuient des circonstances particulières. Toutefois, comme le montrera ma décision, je ne crois pas que des circonstances particulières soient un élément déterminant dans la présente espèce. Je n’examinerai donc pas davantage l’affidavit de M. Haslehust-Smith.

[9]               Les autres affidavits concernent des activités de vente après la période pertinente. De façon similaire, je juge que de tels éléments de preuve ne sont pas pertinents dans la présente espèce et je n’examinerai pas ces affidavits davantage.

Affidavit de Robert Mangal

[10]           Dans son affidavit, M. Mangal explique qu’il est fondateur et copropriétaire de Mangal’s Market & Co., LLC, communément appelée Mangal’s Meat Distribution (« Mangal’s »). Il atteste ensuite que Mangal’s est le distributeur de l’inscrivante aux États‑Unis et au Canada. M. Mangal explique qu’en 2008, l’inscrivante a communiqué avec lui afin d’obtenir l’aide de Mangal’s pour trouver un importateur et des clients potentiels au Canada pour son produit de viande salée OX & PALM. Il atteste que toutes les activités de Mangal’s décrites dans son affidavit pour aider l’inscrivante à cet égard ont été réalisées au nom de l’inscrivante et avec l’autorisation de celle‑ci.

[11]           M. Mangal décrit ensuite dans son affidavit les discussions qu’il a eues avec des importateurs canadiens potentiels, notamment T&T Supermarket et South Pacific Food Ltd. Toutefois, ce n’est qu’en 2010 qu’il a obtenu un client au Canada, lorsque Centennial Foodservice – Worldsource (« Centennial ») a commandé 1 660 cartons de viande salée OX & PALM. 

[12]           La commande de Centennial, explique M. Mangal, a été faite sur la papeterie de Multi‑National Foods, une société affiliée, en vue d’être expédiée à une autre société affiliée située à Calgary, en Alberta. Comme preuve de cette commande, M. Mangal joint un bon d’achat, constituant la pièce K de son affidavit. Je remarque que le bon de commande est daté du 7 juin 2010. En ce qui concerne son contenu, M. Mangal déclare que [TRADUCTION] « Même si le bon de commande ne mentionne pas explicitement la viande salée OX & PALM, mais seulement 'Viande salée AUST OX en boîte de 326 g', je confirme que ce bon de commande concernait de la viande salée OX & PALM de Heinz en format 326 g [...] ».

[13]           M. Mangal explique ensuite que le 16 août 2010, Mangal’s a émis une facture au nom de Centennial pour la commande susmentionnée, dont une copie est jointe à titre de pièce L de son affidavit. Comme l’indique M. Mangal, la facture identifie l’inscrivante comme étant l’importatrice/expéditrice du produit OX & PALM et comporte une description du produit facturé comme étant de la « viande salée avec jus Ox & Palm en boîte de 326 g ». M. Mangal explique que son entreprise a reçu un paiement excédentaire de 70 000 $ US pour la commande de Centennial le 19 août 2010. À l’appui, il joint à titre de pièce M de son affidavit la copie d’une confirmation de paiement par virement télégraphique de Centennial à Mangal’s. Je remarque que le paiement pour les marchandises a été reçu avant la fin de la période pertinente.

Affidavit de David Wooby

[14]           L’affidavit de M. Mangal contient des renseignements qui rejoignent et corroborent la preuve produite par M. Wooby, de même que des éléments de preuve montrant comment la Marque est appliquée sur les marchandises. 

[15]           M. Wooby, directeur des ventes à l’exportation, Pacifique et international de l’inscrivante, explique que dans la pratique normale du commerce, les marchandises sont fabriquées et emballées en Australie, puis achetées par Mangal’s, le distributeur de marchandises de l’inscrivante au Canada. Les marchandises sont ensuite expédiées au consignataire canadien de l’inscrivante, Centennial.

[16]           Pour appuyer sa déclaration et en lien avec la première commande susmentionnée de juin 2010, il fournit une copie d’un bon de commande et d’une facture concernant une commande de 1 660 cartons des marchandises faite par Mangal’s en juin 2010. Il fournit aussi une copie d’un rapport provisoire de l’expéditeur des marchandises, une facture de l’Agence des douanes du Canada, une copie d’une facture de chargement et un certificat d’inspection des viandes, tous liés à la vente et à l’expédition des 1 660 cartons des marchandises. Je remarque que tous ces documents identifient clairement l’inscrivante comme étant le fournisseur des marchandises, et que le dernier acheteur identifié est Centennial de Calgary (Alberta). Encore une fois, je remarque que tous ces documents rejoignent la preuve produite par M. Mangal. 

[17]           En ce qui concerne la façon dont la Marque a été appliquée sur les marchandises vendues, M. Wooby confirme que la Marque figure toujours clairement sur les marchandises vendues au Canada et fournit un échantillon d’étiquette à l’appui, constituant la pièce B. Je remarque que la Marque apparaît clairement sur l’étiquette.

[18]           Finalement, M. Wooby atteste que les marchandises qui ont fait l’objet de la transaction susmentionnée ont été reçues à Vancouver le 28 août 2010. Je juge raisonnable de conclure que Centennial aurait reçu les marchandises peu de temps après cette date. Dans tous les cas, je remarque que les marchandises ont été reçues peu de temps après la fin de la période pertinente.

Examen des observations des parties et analyse

[19]           La requérante fait valoir que l’inscrivante n’a pas employé la Marque en liaison avec les marchandises durant la période pertinente. Plus particulièrement, elle soutient que pour qu’il y emploi à une date donnée, entre autres, un transfert de la possession des marchandises doit avoir eu lieu [invoquant à l’appui Hortilux Schreder BV c. Iwasaki Electric Co Ltd, 2010 COMC 179, paragraphe 41]. Dans la présente espèce, la requérante fait valoir qu’il n’y a pas eu emploi au sens de l’article 4 de la Loi, car il n’y a pas eu « possession » des marchandises durant la période pertinente [« possession » fait référence à « possession réelle » dans Manhattan Industries Inc c. Princeton Manufacturing Ltd (1971), 4 C.P.R. (2d) 6 (CF]. Qui plus est, la requérante compare la situation actuelle à une situation dans laquelle les parties concernées ont tout simplement conclu une entente ou à une autre dans laquelle une simple commande des marchandises a été effectuée durant la période pertinente; ces circonstances à elles seules ne permettent pas de conclure à un emploi à une date donnée sans avoir physiquement reçu les marchandises en cause [invoquant Hortilux, supra et Bilson International Ltd c. Cabot Corp (1991), 36 C.P.R. (3d) 92 (COMC)].

[20]           Par contre, l’inscrivante compare les circonstances actuelles à celles qui prévalent dans Fetherstonhaugh & Co c. ConAgra Foods, Inc (2002), 23 C.P.R. (4th) 49 (CF), dans laquelle la Cour a conclu à l’emploi d’une marque de commerce au sens de l’article 4 de la Loi durant la période pertinente même si les marchandises de marque ont été reçues après la fin de la période pertinente. Dans ConAgra, comme dans la présente espèce, une commande a été faite et acceptée pour une grande quantité de marchandises de marque avant la fin de la période pertinente, puis la livraison des marchandises et l’exécution de l’achat ont eu lieu peu de temps après. Ainsi, l’inscrivante fait valoir que la preuve établit que, dans le cadre de la présente procédure, l’inscrivante a employé la Marque durant la période pertinente. Je suis d’accord.

[21]           Je remarque que les décisions invoquées par la requérante avaient trait à l’établissement de la date de premier emploi à des fins d’admissibilité ou à un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b) de la Loi. Par contre, les procédures en vertu de l’article 45 visent à fournir une procédure simple, sommaire et rapide pour éliminer les enregistrements périmés du registre. Même si j’accepte l’observation de la requérante selon laquelle les dates sont sans aucun doute très importantes dans ce type de procédure, conformément aux circonstances particulières de la présente espèce, je ne crois pas qu’il faille nécessairement adopter la même approche rigoureuse et technique concernant la période d’emploi d’une marque dans l’examen d’une radiation en vertu de l’article 45 de la Loi

[22]           Je remarque aussi qu’en plus de la décision ConAgra, il y a eu plusieurs procédures en vertu de l’article 45 dans lesquelles l’acceptation d’une commande avant la date de l’avis au titre de l’article 45, associée à la livraison des marchandises à une date ultérieure, a constitué un emploi [voir, par exemple, Bereskin & Parr c. Almo-Dante Mfg (Canada) Ltd, (9 décembre 2009 COMC (non publié), enregistrement no TMA566705); CPI – Centre de propriété intellectuelle/ IPC – Intellectual Property Centre c. Nada Fashion Designs Inc (2010), 86 C.P.R. (4th) 310 (COMC); Ogilvy Renault LLP c. Trade-Link Group (2009), 83 C.P.R. (4th) 475 (COMC); et Shapiro Cohen c. JMAX Global Distributors Inc, 2011 COMC 36]. Je dirais que la présente espèce est encore plus probante, car Centennial, le client canadien, a payé les marchandises avant la fin de la période pertinente.    

[23]           J’aimerais aussi souligner que les marchandises ont été expédiées de l’Australie près d’un mois avant la fin de la période pertinente. Si les marchandises avaient été expédiées à partir d’un endroit plus près du Canada, la question de savoir s’il y a eu emploi durant la période pertinente n’aurait probablement pas été soulevée.

[24]           Finalement, la requérante soutient qu’il n’y a aucune preuve, à part les déclarations relatées par M. Wooby, montrant que les marchandises expédiées ont été reçues par Centennial ou qu’elles ont été vendues à d’autres entreprises ou consommateurs en aval. Toutefois, je ne vois rien dans la preuve permettant de penser que les marchandises n’ont pas été expédiées à Centennial. En outre, l’inscrivante n’est pas tenue de fournir une preuve relative à la vente à des consommateurs finaux. Il a été établi qu’une vente à un grossiste ou à un distributeur peut constituer une vente dans la pratique normale du commerce [Philip Morris Inc c. Imperial Tobacco Ltd et al (1987), 13 C.P.R. (3d) 289 (CF)] et que si une partie de la chaîne se trouve au Canada, elle est considérée comme un emploi au Canada [LIN Trading Co c. CBM Kabushiki Kaisha (1985), 21 C.P.R. (3d) 417 (CAF)]. Par conséquent, j’accepte que l’inscrivante ait montré l’emploi de sa marque pour les besoins de l’article 45 de la Loi.

Décision

[25]           Compte tenu de ce qui précède, en vertu du pouvoir qui m’est conféré par le paragraphe 63(3) de la Loi, l’enregistrement no TMA650968 sera maintenu conformément aux dispositions de l’article 45 de la Loi.

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Kathryn Barnett

Agente d’audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Lou-Ann Dubé, trad.

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