Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2015 COMC 21

Date de la décision : 2015-01-30

TRADUCTION

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION produite par Cartier International AG à l'encontre de la demande d'enregistrement no 1,276,683(02) pour la marque de commerce CARTISE au nom de Cartise Sports Inc.

[1]               Cartier International AG (l'Opposante) s'oppose à l'enregistrement de la marque de commerce CARTISE (la Marque) qui fait l'objet d'une demande d'enregistrement en vue d'étendre les états déclaratifs des produits et des services de l'enregistrement LMC679,917, produit sous la demande d'enregistrement no 1,276,683(02) par Cartise Sports Inc. (la Requérante).

[2]               Produite le 24 janvier 2012, la demande d'enregistrement est fondée sur l'emploi de la Marque au Canada depuis au moins octobre 2009 en liaison avec les produits [traduction] « Sacs, nommément porte-monnaie, sacs à main et sacs-pochettes », de même que sur l'emploi projeté de la Marque au Canada en liaison avec les produits « Bijoux, nommément boucles d'oreilles, colliers, bracelets et broches; ceintures » et les services « Services de vente en ligne en gros et au détail de bijoux, de sacs et de vêtements ».

[3]               L'Opposante allègue que : (i) la demande n'est pas conforme aux exigences de l'article 30 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi); (ii) la Marque n'est pas enregistrable en vertu de l'article 12 de la Loi; (iii) la Requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque en vertu de l'article 16 de la Loi; et (iii) la Marque n'est pas distinctive en vertu de l'article 2 de la Loi.

[4]               Pour les raisons exposées ci-dessous, je refuse cette demande d'enregistrement.

Le dossier

[5]               L'Opposante a produit sa déclaration d'opposition le 11 mars 2013. La Requérante a ensuite produit et signifié sa contre-déclaration le 16 avril 2013 dans laquelle elle conteste l'ensemble des motifs d'opposition.

[6]               À l'appui de son opposition, l'Opposante a produit l'affidavit de Simone Ndiaye, une agente stagiaire de marques de commerce, employée par l'agent de marques de commerce de l'Opposante, et des copies certifiées des enregistrements nos LMC297,248 et LMC146,843, dont les détails sont présentés à l’annexe A de cette décision. La déposante n'a pas été contre-interrogée. La Requérante n'a produit aucune preuve à l'appui de sa demande.

[7]               Les parties ont toutes deux produit des plaidoyers écrits; aucune audience n'a été tenue.

Le fardeau de preuve incombant à chacune des parties

[8]               C'est à la Requérante qu'incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. L’Opposante a, toutefois, le fardeau de preuve initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition [voir John Labatt Limited c The Molson Companies Limited (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst), à 298].

[9]          J'examinerai maintenant les motifs d’opposition, en commençant par le motif fondé sur l'article 12(1)d).

La Marque crée-t-elle de la confusion avec les marques de commerce déposées de l'Opposante?

[10]      Dans sa déclaration d'opposition, l'Opposante allègue que la Marque n'est pas enregistrable en vertu de l'article 12(1)d) de la Loi, parce qu'elle crée de la confusion avec la marque de commerce déposée CARTIER de l'Opposante, dont les détails sont présentés à l’annexe A de cette décision.

[11]      La date pertinente pour l'examen de cette question, qui est invoquée en vertu du motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d), est la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd et le Registraire des marques de commerce (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)].

[12]      Un opposant s'acquitte de son fardeau de preuve initial à l'égard d'un motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d) si l'enregistrement qu'il invoque est en règle. Le registraire a le pouvoir discrétionnaire de consulter le registre pour confirmer l’existence de l'enregistrement invoqué par un opposant [voir Quaker Oats of Canada Ltd/La Compagnie Quaker Oats du Canada Ltée c Menu Foods Ltd (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC)].

[13]      J'ai exercé le pouvoir discrétionnaire du registraire, et je confirme que les deux enregistrements de la marque de commerce CARTIER de l'Opposante sont en règle.

[14]      L'Opposante s'étant acquittée de son fardeau de preuve initial, il s'agit maintenant de déterminer si la Requérante s'est acquittée de son fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce déposée de l'Opposante.

[15]      Pour les raisons exposées ci-dessous, j’accueille ce motif d’opposition, et je tranche cette question en faveur de l’Opposante.

Le test en matière de confusion

[16]      Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. L'article 6(2) de la Loi stipule que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[17]      Lorsqu'il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris celles expressément énoncées à l'article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Le poids qu’il convient d’accorder à chacun de ces facteurs n’est pas nécessairement le même [voir Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc (2006), 49 CPR (4th) 321 (CSC); Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée et al (2006), 49 CPR (4th) 401 (CSC); et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC) pour un examen approfondi des principes généraux qui régissent le test en matière de confusion].

[18]      J'examinerai maintenant les facteurs énoncés à l'article 6(5).

Article 6(5)a) – le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[19]           L'examen global du facteur énoncé à l'article 6(5)a) implique de tenir compte aussi bien du caractère distinctif inhérent que du caractère distinctif acquis des marques de commerce des parties. J'estime que la Marque de la Requérante possède un certain caractère distinctif inhérent, puisque CARTISE est un terme inventé qui n'est ni descriptif ni suggestif des produits ou services visés par la demande. Comparativement, le terme CARTIER possède un faible caractère distinctif inhérent en raison de l'importance du patronyme. Le Canadian Oxford Dictionary définit « Cartier » comme le patronyme du premier ministre Sir George-Étienne Cartier de la province du Canada de 1857 à 1858, ainsi que le patronyme de l'explorateur français Jacques Cartier qui a fait trois voyages au Canada entre 1534 et 1541. Je remarque que l'Opposante fournit également une preuve à l'égard de Louis-François Cartier, fondateur de la Société Cartier en 1847 [entrée Wikipédia de « Cartier (entreprise) » jointe en pièce SN-1 de l'affidavit de Mme Ndiaye].

[20]      Une marque de commerce peut acquérir une force accrue si elle devient connue au Canada par la promotion ou l'emploi. Comme susmentionné, la Requérante n'a produit aucune preuve dans cette procédure. J'examinerai maintenant la preuve produite par l'Opposante par l'affidavit de Mme Ndiaye à l'égard de la marque de commerce CARTIER.

[21]      Même si la Requérante n'a pas soulevé la question dans son plaidoyer écrit, elle a tout de même indiqué qu'elle allait contester l'admissibilité de l'affidavit de Mme Ndiaye, dans sa déclaration faite en vertu de la règle 42 du Règlement sur les marques de commerce. Toutefois, je remarque que la Requérante n'a pas justifié son objection, pas plus qu'elle n'a fait d'observations supplémentaires à cet égard dans la présente procédure. Quoi qu'il en soit, je suis d'avis qu'il est nécessaire d'examiner l'admissibilité et la fiabilité de la preuve de l'Opposante dans le cadre de mon examen.

[22]      À cet égard, je ne suis pas disposée à considérer l'affidavit de Mme Ndiaye comme inadmissible. Bien qu'il semble que l'Opposante ait choisi de produire une preuve en ce qui a trait aux questions litigieuses de la présente procédure, comme la réputation de la marque de commerce de l'Opposante, par l'entremise d'une personne employée par son agent de marques de commerce plutôt que par un témoin indépendant [voir Cross-Canada Auto Body Supply (Windsor) Ltd c Hyundai Auto Canada (2005) 2005 CF 1254 (CanLII), 43 CPR (4th) 21 (CF); conf par (2006), 2006 CAF 133 (CanLII), 53 CPR (4th) 286 (CAF)], je reconnais que l'affidavit de Mme Ndiaye comprend des déclarations de fait plutôt que des opinions ou des allégations assimilables à des opinions. Je remarque également que la Requérante a choisi de ne pas contre-interroger la déposante. Dans ces circonstances, je tiendrai compte de l'affidavit de Mme Ndiaye. J'examinerai maintenant la force probante de la preuve produite.

[23]      Dans le cadre de son affidavit, Mme Ndiaye produit une grande quantité d'articles extraits de divers sites Web en pièces SN-1 et SN-2, censés démontrer la notoriété de la marque de commerce CARTIER de l'Opposante dans le monde entier et au Canada. Les pièces comprennent :

   Des imprimés de « Cartier (entreprise) » sur Wikipédia avec des renseignements sur l'historique de Cartier, ses exploitations dans le monde entier, de même que sa collection de produits;

   Des photographies de montres arborant la marque de commerce CARTIER sont montrées sur différents imprimés;

   Un article de presse publié en juillet 2010 sur le site Web de La Presse à affaires.lapresse.ca sur la valeur des bijoux de famille, avec une référence à CARTIER;

   Un article de presse publié en juillet 2010 sur le site Web de Radio-Canada à m.radio-canada.ca sur le mariage du prince de Monaco, avec une référence aux bagues CARTIER;

   Deux articles publiés sur le site Web d'Elle Canada à www.ellecanada.com sur les bijoux portés par des vedettes, avec des références à un bracelet à diamant CARTIER et une bague à diamant CARTIER.

[24]           Sans contexte ou renseignements concernant les sites Web en pièces SN-1 et SN-2, la grande majorité des imprimés ne peuvent être invoqués pour établir la véracité de leurs contenus [voir ITV Technologies Inc c WIC Television Ltd (2003), 29 CPR (4th) 182 (CF 1re inst), conf par (2005), 38 CPR (4th) 481 (CAF)]. Toutefois, un certain poids a été accordé à la preuve de Wikipédia par le passé dans des décisions, à condition que l'autre partie ait l'occasion de répondre à la preuve [voir par exemple Canadian Council of Professional Engineers c Alberta Institute of Power Engineers (2008), 71 CPR (4th) 37 (COMC) etCalgary Flames Limited c 1072160 Alberta Inc, 2012 COMC 100]. En l'espèce, je remarque que l'entrée Wikipédia de neuf pages sur « Cartier (entreprise) » ne fait pas référence à la présence du bijoutier au Canada. De plus, il n'est pas clair quelle est la relation entre l'Opposante et les nombreuses entités citées dans l'entrée, incluant Société Cartier, Compagnie Financière Richemont SA, Cartier Monde, Cartier SAA, Cartier International, Cartier Foundation, etc. L'Opposante, Cartier International AG, ne semble pas être mentionnée dans l'entrée de Wikipédia.

[25]      Joints en pièce SN-3 de l'affidavit de Mme Ndiaye se trouvent des imprimés arborant la marque de commerce CARTIER tirés d'un site Web à www.cartier.com, avec des renseignements sur les points de vente canadiens, de même que des imprimés d'un site Web à www.antoinelaoun.com, incluent une photographie d'une « Boutique Cartier » où la marque de commerce CARTIER figure bien en vue dans un environnement commercial avec un présentoir de sacs et ce qui semble être divers produits en cuir. Joints en pièce SN-4 de l'affidavit de Mme Ndiaye se trouvent des imprimés supplémentaires du site www.cartier.com avec des photographies de ceintures, de bagues, de bracelets, de colliers, de boucles d'oreille, de chaînes, de pendentifs, de broches, de breloques, des pendules, des sacs à main, de petits articles en cuir et d'horloges, comme vus sur le site Web.

[26]      En ce qui a trait aux imprimés de www.cartier.com, même si la marque de commerce CARTIER figure bien en vue sur chaque page, j'aimerais souligner que l'Opposante n'a jamais établi s'ils étaient extraits de son propre site Web ou de celui d'un tiers. En ce qui a trait à l'emploi de la marque de commerce sur les produits, à l'exception des bracelets et des bagues qui arborent clairement la marque de commerce CARTIER, aucun des autres produits n'arbore la marque de commerce CARTIER. Par conséquent, je suis incapable de déterminer la manière dont la marque de commerce CARTIER est associée avec les autres produits des imprimés. En ce qui a trait aux imprimés de www.antoinelaoun.com, je noterai simplement qu'ils ne peuvent pas être invoqués pour établir la véracité de leur contenu sans renseignements supplémentaires [voir ITV Technologies Inc, précitée].

[27]           Quand la preuve Internet est considérée dans son ensemble, sans renseignement sur le nombre de Canadiens qui ont visité un ou l'autre de ces sites Web, ou la durée pendant laquelle ces articles ont été disponibles sur Internet, je vois peu de force probante dans les imprimés produits par Mme Ndiaye. Il semblerait que la marque de commerce CARTIER a reçu une certaine couverture médiatique sur Internet. Toutefois, en l'absence d'autre preuve d'emploi et/ou de promotion de la marque de commerce de l'Opposante comme des renseignements sur les ventes et la publicité, je suis incapable de déterminer la mesure dans laquelle la marque de commerce CARTIER est devenue connue au Canada.

[28]      Par conséquent, le facteur fondé sur l'article 6(5)a) ne favorise aucune des parties de façon significative.

Article 6(5)b) – la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[29]      La Requérante n'a produit aucune preuve d'emploi de la Marque en l'espèce.

[30]           Comparativement, même si les enregistrements de l'Opposante sont fondés sur l'emploi, cela établit tout au plus un emploi de minimis de la marque de commerce CARTIER [voir Entre Computer Centres, Inc c Global Upholstery Co (1991), 40 CPR (3d) 427 (COMC)]. Un emploi de minimis n'appuie pas une conclusion que la marque de commerce de l'Opposante a été employée de façon continue. De plus, conformément à mon examen de l'affidavit de Mme Ndiaye, je ne suis pas convaincue que l'Opposante a établi l'emploi de la marque de commerce CARTIER au Canada au sens de la Loi.

[31]           Par conséquent, le facteur énoncé à l'article 6(5)b) favorise légèrement l'Opposante, mais pas de manière significative.

Article 6(5)c) et d) – Le genre de produits, services et entreprises et la nature du commerce

[32]      Au moment d'examiner les articles 6(5)c) et 6(5)d) de la Loi, ce sont les états déclaratifs des produits et des services, tels qu'ils figurent dans la demande de la Marque et les enregistrements nos LMC146,843 et LMC297,248 de l'Opposante, qui régissent l'examen de la probabilité de confusion en vertu de l'article 12(1)d) de la Loi [voir Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF); et Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF)]. Cet examen des états déclaratifs doit cependant être effectué dans l'optique de déterminer le genre probable d'entreprise ou de commerce envisagé par les parties, et non l'ensemble des commerces que le libellé est susceptible d'englober.

[33]      Les produits et services des deux parties couvrent des accessoires de mode comme des sacs, des bijoux et des ceintures.

[34]      Ni les enregistrements de l'Opposante ni la présente demande d'enregistrement ne comportent de restriction quant aux voies de commercialisation des parties. En l'absence d'une preuve de la part de la Requérante et étant donné que les produits des parties sont identiques, je conclus, aux fins de l'examen de la probabilité de confusion, qu'il existe une possibilité que les voies de commercialisation des parties se recoupent.

[35]      Par conséquent, les facteurs énoncés aux articles 6(5)c) et d) favorisent l'Opposante.

Article 6(5)e) – le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[36]      Dans Masterpiece, la Cour suprême du Canada a fait remarquer que le degré de ressemblance est le facteur susceptible d'avoir le plus d'importance dans l'analyse relative à la confusion. Au moment d'examiner le degré de ressemblance, il est bien établi en droit que les marques de commerce doivent être considérées dans leur ensemble. Il ne convient pas de placer les marques de commerce côte à côte et de les comparer pour observer des similitudes ou des différences entre les éléments ou composantes des marques de commerce.

[37]      Lorsque les marques de commerce des parties sont considérées dans leur ensemble, il y a des similitudes évidentes dans la présentation et dans le son entre elles puisqu'elles commencent toutes les deux par « CARTI ». Il est fait remarquer que la première partie d'une marque de commerce est généralement considérée comme la plus importante dans l'examen de la probabilité de confusion [Conde Nast Publications Inc c Union Des Editions Modernes (1979), 46 CPR (2d) 183, à 188 (CF 1re inst)]. En ce qui a trait aux idées suggérées, la marque de commerce CARTIER de l'Opposante évoque l'idée d'un patronyme alors que la Marque de la Requérante ne suggère aucune idée précise.

[38]      Par conséquent, le facteur énoncé à l'article 6(5)e) favorise l'Opposante.

Autres circonstances de l’espèce – famille de marques

[39]      Joints en pièce SN-5 de l'affidavit de Mme Ndiaye se trouvent des imprimés de la Base de données sur les marques de commerce canadiennes de l'OPIC qui donnent les détails de neuf des enregistrements de l'Opposante pour des marques de commerce comprenant le mot « CARTIER ». La partie qui invoque l'existence d'une famille de marques de commerce doit démontrer que les marques qui composent cette famille sont employées sur le marché [voir McDonald’s Corp c Yogi Yogurt (1982), 66 CPR (3d) 101 (CF 1re inst)]. Une telle preuve d'emploi n'a pas été produite.

Autres circonstances de l’espèce – la notoriété de CARTIER

[40]      Dans son plaidoyer écrit, l'Opposante a fait valoir que, à titre d’autres circonstances de l’espèce, je devrais tenir compte de la notoriété de la marque de commerce CARTIER. À l'appui, l'Opposante cite Cartier Inc c Cartier Optical Ltd (1988) 20 CPR (3d) 68 (CF 1re inst) où en fonction de la preuve de cette affaire, le juge Dubé a trouvé que la marque de commerce CARTIER est bien connue au Canada en liaison avec des articles de bijouterie.

[41]      Chaque cas doit être tranché en fonction des circonstances qui lui sont propres. Il suffit de dire que, conformément à mon examen de l'affidavit de Mme Ndiaye, la preuve produite par l'Opposante en l'espèce ne me permet pas d'en arriver à une conclusion significative en ce qui a trait à la mesure dans laquelle la marque de commerce CARTIER est devenue connue au Canada. Par conséquent, la notoriété de la marque de commerce CARTIER de l'Opposante n'est pas une autre circonstance de l’espèce.

Conclusion

[42]      En appliquant le test en matière de confusion, j'ai examiné la situation sur le principe de la première impression et du souvenir imparfait. Après examen de toutes les circonstances de l'espèce incluant le recoupement des produits et services des parties, la possibilité de recoupement des voies de commercialisation et les similitudes évidentes entre les marques de commerce des parties, je ne suis pas convaincue que la Requérante s’est acquittée du fardeau d'établir, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et CARTIER.

La demande d'enregistrement est-elle conforme à l'article 30 de la Loi?

[43]           Dans ses déclarations d'opposition, l'Opposante allègue que :

1.        la Requérante n'a pas commencé à employer la Marque à la date de premier emploi revendiquée en liaison avec des [traduction] « Sacs, nommément porte-monnaie, sacs à main et sacs-pochettes », ou que l'emploi allégué ne constituait pas un « emploi » au sens de la Loi, contrevenant ainsi à l'article 30b) de la Loi;

2.        la Requérante n'a jamais eu l'intention d'employer la Marque en liaison avec des [traduction] « Bijoux, nommément boucles d'oreilles, colliers, bracelets et broches; ceintures » et des « Services de vente en ligne en gros et au détail de bijoux, de sacs et de vêtements », contrevenant ainsi à l'article 30e) de la Loi;

3.        la déclaration voulant que la Requérante soit convaincue d'avoir le droit d'employer la Marque au Canada est fausse, contrevenant ainsi à l'article 30i) de la Loi, en raison de la connaissance de la Requérante de l'emploi par l'Opposante de sa famille de marques CARTIER.

[44]           L'Opposante ne s'est pas acquittée du fardeau de preuve initial qui lui incombait de mettre en doute la conformité de la demande d'enregistrement avec les exigences de l'article 30.

[45]           La date pertinente pour l'examen des circonstances en ce qui concerne un motif d'opposition fondé sur le non-respect de l'article 30 est la date de production de la demande d'enregistrement, soit le 24 janvier 2012 [voir Georgia-Pacific Corp c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC)].

[46]           Pour s'acquitter de ce fardeau initial en vertu de l'article 30b), l'opposant peut s'appuyer aussi bien sur sa propre preuve que sur celle du requérant [voir Labatt Brewing Company Limited c Molson Breweries, a Partnership (1996), 68 CPR (3d) (CF 1re inst.) 216, à 230]. Comme susmentionné, la Requérante n'a produit aucune preuve d'emploi de la Marque en l'espèce. En ce qui a trait à la preuve de l'Opposante, joints en pièce SN-6 de l'affidavit de Mme Ndiaye se trouvent des imprimés d'un site Web à www.cartise.ca, dont les extraits dateraient du 15 août 2013. Les imprimés arborent la marque de commerce CARTISE en caractères stylisés, avec des photographies de vêtements pour femmes et l'inscription « ©2013 Cartise » au bas de la plupart des pages. Il y a également une liste de trois « Boutiques Cartise » du Québec. Outre la question de savoir si le site Web appartient ou non à la Requérante, et le fait que ces imprimés postdatent la date pertinente, rien dans ces pages Web ne met en doute la date de premier emploi alléguée d'octobre 2009 en liaison avec des [traduction] « Sacs, nommément porte-monnaie, sacs à main et sacs-pochettes ».

[47]           Comme la demande d'enregistrement comprend une déclaration selon laquelle la Requérante a l'intention d'employer la marque de commerce au Canada, par elle-même ou par l'entremise d'un licencié, elle est formellement conforme à l'article 30e) de la Loi. La question qui se pose est donc de savoir si la Requérante s'est conformée ou non, de façon substantielle, à l’article 30e) de la Loi. L'Opposante n'a présenté aucune preuve ou observation à l'appui de ce motif d'opposition.

[48]           L'article 30i) de la Loi exige que, dans la demande d'enregistrement, tout requérant se déclare convaincu d'avoir le droit d’employer la marque de commerce au Canada. Si une telle déclaration est produite par le requérant, selon la jurisprudence, il ne peut y avoir violation de l’article 30i) de la Loi que dans des cas exceptionnels qui rendent fausse la déclaration de la partie requérante [Sapodilla Co Ltd c Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC), à 155]. L'Opposante n'a produit ni mentionné aucune preuve à l'appui du motif d'opposition fondé sur l'article 30i).

[49]           Par conséquent, je rejette l'ensemble des motifs d'opposition fondés sur le non-respect de l'article 30, étant donné que l'Opposante ne s'est pas acquittée du fardeau initial qui lui incombait, et ce, dans aucun des deux cas.

La Marque était-elle distinctive des produits et les services de la Requérante à la date de production de la déclaration d'opposition?

[50]      L'Opposante a fait valoir que la Marque ne distingue pas et ne peut pas distinguer les produits et les services de la Requérante des produits et des services de l'Opposante, ni n'est adaptée à les distinguer, selon les dispositions de l'article 2 de la Loi.

[51]           Pour s'acquitter de son fardeau de preuve initial, l'Opposante doit démontrer que la marque de commerce alléguée était devenue suffisamment connue au Canada à la date de production de la déclaration d'opposition, pour faire perdre à la Marque son caractère distinctif [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc (2004), 2004 FC 1185 (CanLII), 34 CPR (4th) 317 (CF); Motel 6 Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst); et Bojangles’ International LLC c Bojangles Café Ltd (2006), 2006 FC 657 (CanLII), 48 CPR (4th) 427 (CF)].

[52]           La date pertinente pour l'examen de ce motif d'opposition est la date de production de la déclaration d’opposition, soit le 11 mars 2013 [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc]. Pour les raisons exposées ci-dessous, je rejette le motif d'opposition, parce que l'Opposante ne s'est pas acquittée du fardeau initial qui lui incombait.

[53]      Dès le début de la discussion, je remarque que l'affidavit de Mme Ndiaye porte sur l'emploi et la réputation de la marque de commerce CARTIER, sans preuve d'emploi ou de la réputation d'autres marques de commerce invoquées par l'Opposante dans sa déclaration d'opposition.

[54]      En ce qui a trait à la marque de commerce CARTIER, conformément à mon examen de l'affidavit de Mme Ndiaye, je suis incapable de déterminer la mesure dans laquelle elle est devenue connue au Canada en raison de plusieurs irrégularités de la preuve Internet de l'Opposante et de l'absence de renseignements sur les ventes et la publicité liées aux produits et aux services de l'Opposante au Canada.

[55]      Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas convaincue que la marque de commerce CARTIER de l'Opposante est devenue suffisamment connue pour faire perdre à la Marque son caractère distinctif au Canada, en date du 11 mars 2013.

Autres motifs d'opposition

[56]           Comme j'ai examiné trois motifs d'opposition et que j'ai tranché l'un d'eux en faveur de l'Opposante, je ne tiendrai pas compte des motifs d'opposition fondés sur l'absence de droit à l'enregistrement.

Décision

[57]           Dans l'exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu de l'article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d'étendre les états déclaratifs des produits et des services selon la demande d'enregistrement no 1,276,683(02), conformément aux dispositions de l'article 38(8) de la Loi.

______________________________

Pik-Ki Fung

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Nathalie Tremblay, trad.

 


Annexe A
[traduction]

 

 

Marque déposée

de l'Opposante

No d'enregistrement

Produits et services

CARTIER

LMC146,843

Produits :

(1) Articles de bijouterie pour usage personnel, et montres.
(2) Articles de bijouterie pour usage personnel, perles, jade, montres, et articles d'argenterie en argent solide ou plaqué nommément couverts de table et articles creux, chandeliers, plats à bonbons, croix, rosaires et boucles.
(3) Articles en cuir, nommément sacs à main, porte-monnaie, porte-monnaie et sacs à poignées, portefeuilles, porte-billets, étuis porte-clés, porte-cartes, serviettes, porte-photos, cabinet d'horloge en cuir, valises et sacs de voyage, à compartiments ou non.
(4) Articles de papeterie nommément papier à écrire et à lettres, décacheteuses, encriers, nécessaires de bureau, règles non graduées, buvards, sous-main, calendriers de bureau et porte-calendriers, agendas et couvertures d'agendas, carnets d'adresses, nécessaires pour écrire, carnets de notes, tablettes, reliures à feuilles mobiles et relieurs et stylos à cartouche.
(5) Articles de bijouterie pour usage personnel, articles d'argenterie en argent solide ou plaqué nommément couvert de table et articles creux, articles de toilette nommément brosses militaire en argent, nécessaires de toilette, sacs à articles de toilette à compartiments, peignes et étuis à peigne, porte-cosmétiques, chandeliers, plats à bonbon, croix, rosaires et boucles.
(6) Montres et horloges.
(7) Sacs à main et porte-monnaie.
(8) Décacheteuses, nécessaires de bureau, règles non graduées, buvards, sous-main, calendriers de bureau et porte-calendriers, agendas et couverts d'agendas, carnets d'adresses, nécessaires pour écrire, carnets de notes, tablettes, reliures à feuilles mobiles et relieurs et stylos à cartouche.
(9) Porte-monnaie et sacs à poignées, portefeuilles, porte-billets, étuis porte-clés, porte-cartes, serviettes, porte-photos, cabinet d'horloge en cuir, valises et sacs de voyage, à compartiments ou non.
(10) Articles en métaux précieux nommément, les articles suivants faits en, en tout ou en partie, métaux précieux ou métaux plaqués : nommément, peignes et étuis à peigne, coffres et étuis à bijoux, enseignes de chapeau, épingles à cravate, breloques de chaîne de montre, breloques, bracelets et boucles, n'incluant donc pas montres, boutons de manchette, boutons de col, boutons de chemise, boutons de gilet, médaillons, broches, ornements pour cheveux, boucles d'oreille, épingles à chapeaux, agrafes à bijoux, bijoux de fantaisie, porte-cosmétiques, étuis à lunettes, étuis à cigare et à cigarettes, tabatières, porte-cigarette et porte-cigare, cendriers, bols, vases, porte-clés, poignées annulaires, dés, porte-chéquiers, sacs-filet, bougeoirs, incrustés ou autrement décorés avec l'un ou l'autre ou les deux des métaux précieux et des bijoux.
(11) Briquets et parties de briquets.
(12) Parfums, crayons et valises.

Services :

(1) Tous les services accessoires, liés à ou impliqués dans l'exploitation d'une boutique, d'un magasin ou d'une boutique dans un magasin de vente au détail de bijoux, d'articles pour fumeurs, de valises, de montres, de cosmétiques, d'articles de papeterie et de cadeaux.

CARTIER

LMC297,248

Produits :

(1) Ceintures.

 

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