Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

PROCÉDURE PRÉVUE À L’ARTICLE 45

MARQUE DE COMMERCE :  FISH & Dessin

NO D’ENREGISTREMENT : TMA 515,540

 

 

Le 15 février 2005, à la demande de Nelligan O’Brien Payne LLP (la « partie requérante »), le registraire a donné l’avis prévu à l’art. 45 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la « Loi »), à China Economy International Corp. (ci‑après « China Economy »), la propriétaire inscrite de l’enregistrement no TMA 515,540 relatif à la marque FISH & Dessin (la « marque ») reproduite ci-dessous :

 

FISH & DESIGN

 

La demande comporte la revendication de couleur suivante : la couleur est revendiquée comme caractéristique de la marque de commerce. La bande horizontale inférieure est rouge; la bande horizontale supérieure est jaune; les parties foncées du poisson sont bleues; et les parties pâles du poisson ainsi que les quatre bulles sont blanches.

 

La marque est enregistrée pour un emploi en liaison avec [traduction] « du poisson et des fruits de mer en conserve ».

 

L’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13, exige que le propriétaire inscrit d'une marque de commerce indique, à l’égard de chacune des marchandises ou de chacun des services que spécifie l’enregistrement, si la marque de commerce a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l’avis et, dans la négative, la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. La période pertinente en l'espèce aux fins de la preuve d’emploi est tout moment entre le 15 février 2002 et le 15 février 2005.

 

L’« emploi » en liaison avec des marchandises est défini aux paragraphes 4(1) et 4(3) de la Loi sur les marques de commerce :

(1)   Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

 

(3)  Une marque de commerce mise au Canada sur des marchandises ou sur les colis qui les contiennent est réputée, quand ces marchandises sont exportées du Canada, être employée dans ce pays en liaison avec ces marchandises.

 

En l’espèce, seul le paragraphe 4(1) s’applique.

 

En réponse à l’avis du registraire, la propriétaire de l’enregistrement a produit l’affidavit de Ming Lee, directrice générale de China Economy. La partie requérante a produit des observations écrites, après quoi la propriétaire de l’enregistrement a demandé en vertu du paragraphe 47(2) une prorogation de délai rétroactive, qui lui a été accordée, pour produire des éléments de preuve additionnels, sous la forme d’un deuxième affidavit de Ming Lee. Les deux parties ont ensuite produit des observations écrites. Une audience a été tenue, à laquelle les deux parties ont été représentées.

 

Le premier affidavit de Ming Lee est quelque peu imprécis et ambigu et, pris isolément, son contenu serait insuffisant pour prouver un emploi au sens de l’article 45. Par contre, le deuxième affidavit contient les mêmes éléments de preuve ainsi que des faits et des pièces additionnels; je concentrerai donc mon analyse sur les éléments de preuve contenus dans le deuxième affidavit.

 

Dans son deuxième affidavit, Mme Lee affirme qu’elle est directrice générale de China Economy et qu’elle occupe ce poste depuis sept ans. Elle affirme qu’elle a connaissance des questions évoquées dans l’affidavit du fait de ses responsabilités, qui comprennent la gestion et l’exploitation quotidiennes de l’entreprise de China Economy et sa participation à l’élaboration et à la supervision du plan de ventes relatif à tous les produits vendus par la propriétaire de l’enregistrement. Mme Lee affirme que China Economy a vendu au cours de la période pertinente, et continue de vendre, au Canada, du poisson et des fruits de mer en conserve, en particulier du poisson en conserve tel que de la vandoise frite, en liaison avec la marque de commerce en cause. D’après Mme Lee, les ventes annuelles de poisson et de fruits de mer en conserve portant la marque de commerce totalisent environ 600 000 $.

 

Les pièces A et B comprennent des copies d’étiquettes portant la marque relativement à des biens décrits comme de la vandoise frite. Mme Lee affirme que China Economy a vendu des biens portant ces marques au Canada au cours de la période pertinente. (Je remarque que la version en couleurs de l’étiquette correspondant à la revendication de couleur énoncée ci-dessus apparaît dans son premier affidavit.) Je constate en outre que la pièce A comporte le nom de la propriétaire de l’enregistrement, parmi d’autres noms de société, sur l’étiquette; le nom de la propriétaire de l’enregistrement n’apparaît pas sur l’étiquette à la pièce B. Mme Lee affirme dans son affidavit que New Asiafood International, soit le nom qui apparaît sur l’étiquette à la pièce B, est une filiale de la propriétaire de l’enregistrement. 

 

Pour ce qui concerne la pièce A, la partie requérante a soutenu que les différents noms imprimés sur l’étiquette créeraient de la confusion chez le consommateur quant à savoir qui est propriétaire de la marque. En bref, la partie requérante soutient qu’il n’y a aucun renseignement sur l’étiquette qui indique que China Economy est la propriétaire de la marque et qu’au contraire, le consommateur croirait que la marque appartient à l’autre entité identifiée, à savoir China Processed Food I/E Co., Ltd.  La propriétaire de l’enregistrement soutient, à juste titre, que cet argument se rapporte à la question du caractère distinctif, ce qui déborde le cadre de la procédure prévue à l’article 45 (Burke‑Robertson c. Carhartt Canada Ltd. et al. (1994), 56 C.P.R. (3d) 353 [C.F. 1re inst.], United Grain Growers Ltd. c. Lang Michener (2001), 12 C.P.R. (4th) 89 [C.A.F.]). Il demeure que le nom de la propriétaire de l’enregistrement figure sur l’étiquette, et une lecture équitable de l’affidavit pris dans son ensemble m’amène à conclure que la propriétaire de l’enregistrement a employé la marque de commerce en cause. Pour en arriver à cette conclusion, je prends en compte le principe général selon lequel les marchandises de la propriétaire de l’enregistrement vendues par l’intermédiaire d’une autre entité peuvent suffire à satisfaire aux exigences de l’art. 4; le principe de la « pratique normale du commerce » admet une continuité d’actes dont le point de départ est le propriétaire, et qui se poursuit dans le cadre de transactions intermédiaires réalisées par des mandataires ou des distributeurs jusqu’au consommateur final (Manhattan Industries Inc. c. Princeton Manufacturing Ltd. 4 C.P.R. (2d) 6, Philip Morris Inc. c. Imperial Tobacco Ltd. (1985), 7 C.P.R. (3d), et 88766 Canada Inc. c. Paulaner- Salvator-Thomasbrau AG  68 C.P.R. (3d) 360).

 

Puisque, sur le fondement de la pièce A, je suis prête à considérer que la propriétaire de l’enregistrement en cause a employé celui-ci en liaison avec de la vandoise frite, il n’est pas nécessaire d’examiner la question de savoir si l’étiquette produite comme pièce B démontre un emploi.

 

Des copies de publicités montrant la marque sur de la vandoise frite sont produites comme pièce C. La partie requérante a soutenu que des publicités n’étaient pas suffisantes pour démontrer l’emploi d’une marque de commerce en liaison avec des marchandises; la propriétaire de l’enregistrement a soutenu que les publicités n’étaient pas produites pour démontrer un emploi au sens de l’article 4, mais plutôt à titre d’élément de preuve visant à démontrer le contexte et la pratique normale du commerce et à démontrer que les éléments de preuve n’avaient pas été fabriqués aux fins de la présente procédure. J’admets que les publicités aident à comprendre la pratique normale du commerce de la propriétaire de l’enregistrement.

 

L’auteur de l’affidavit affirme que la pièce D se compose de réimpressions de factures représentatives démontrant des ventes de poisson et de fruits de mer en boîte portant la marque de commerce en cause, que China Economy a vendu à ses clients au Canada pendant la période pertinente. Je constate que les trois factures produites portent toutes des dates comprises dans la période pertinente. Mme Lee affirme en outre que tous les poissons et les fruits de mer identifiés sur les factures ont été vendus et emballés dans des boîtes de conserve portant des étiquettes arborant la marque semblables à celles produites comme pièces A et B. Cependant, étant donné que les étiquettes produites comme pièces A et B se rapportent à de la vandoise frite et à aucun autre type de poisson ou de fruit de mer, je ne puis conclure que les deux autres articles énumérés sur une des factures, soit de l’anguille et du poisson fun mei frits, arboraient des marques comme le démontrent les pièces A ou B.

 

La partie requérante a soutenu que la marque n’apparaissait pas sur les factures, et qu’il n’y avait par ailleurs aucun élément de preuve indiquant que les factures accompagnaient les biens lorsqu’ils ont été transférés. Cependant, puisque j’ai décidé que la vandoise frite en conserve portait elle-même une étiquette arborant la marque au moment de la vente, il n’est pas nécessaire que la marque de commerce apparaisse sur les factures, ni que les factures accompagnent les biens expédiés au client.

 

Pour ce qui concerne le montant de ventes annuelles de 600 000 $, la partie requérante a soutenu que la propriétaire de l’enregistrement aurait dû fournir des factures indiquant un nombre beaucoup plus important de ventes. Je ne suis pas d’accord. Je suis d’avis que dans des circonstances où la pratique normale du commerce est établie, il n’est pas nécessaire d’établir un grand nombre de ventes; la preuve d’une seule vente dans la pratique normale du commerce peut suffire (Philip Morris Inc. c. Imperial Tobacco Ltd. et al. (1987), 13 C.P.R. (3d) 289 [C.F. 1re inst.]).  Compte tenu de l’affidavit pris dans son ensemble, y compris le montant total approximatif de ventes annuelles indiqué, je considère qu’il y a des éléments de preuve suffisants démontrant que les marchandises ont été vendues dans la pratique normale du commerce au Canada pendant la période pertinente, d’une manière qui satisfait aux exigences du par. 4(1) de la Loi.

 

Il reste à examiner la question de savoir si la propriétaire de l’enregistrement a employé la marque en liaison avec toutes les marchandises que spécifie l’enregistrement, à savoir du [traduction] « poisson et des fruits de mer en conserve ». J’observe que bien que Mme Lee désigne partout dans son affidavit les marchandises comme du [traduction] « poisson et des fruits de mer en conserve », les pièces démontrent un emploi de la marque de commerce uniquement en liaison avec de la vandoise frite en conserve. La question consiste donc à déterminer si l’on peut considérer ou non l’emploi de la marque de commerce sur de la « vandoise frite en conserve » comme un emploi sur des « fruits de mer ».

 

La propriétaire de l’enregistrement a soutenu que la vandoise frite était à la fois un poisson et un fruit de mer, et que la procédure prévue à l’article 45 ne constituait pas le contexte approprié pour remettre en question la façon dont les marchandises sont présentées dans l’enregistrement (Ridout & Maybee LLP c. Omega SA (2005), 43 C.P.R. (4th) 18 [C.A.F.]). La propriétaire de l’enregistrement a aussi invoqué la décision dans Moffat & Co. c. Westinghouse Air Brake Co. (2001), 14 C.P.R. (4th) 257 [C.F. 1re inst.] au soutien de sa prétention selon laquelle l’emploi d’une marchandise peut servir à démontrer un emploi en liaison avec une catégorie générale de marchandises.

 

Bien qu’il soit vrai que dans certaines circonstances, l’emploi d’une marchandise peut être considéré comme un emploi en liaison avec une catégorie plus générale de marchandises – par exemple, la « vandoise frite » vendue en conserve peut être considérée comme du « poisson vendu en conserve », je suis d’avis que l’on ne peut pas considérer en l’occurrence la « vandoise frite » comme un fruit de mer.

 

Le Merriam-Webster Online Dictionary définit comme suit le mot « dace »/« vandoise » : « any of various small North American freshwater cyprinid fishes; a small freshwater European cyprinid fish » / [traduction] « l’un quelconque des différents petits poissons téléostéens des eaux douces d’Amérique du Nord; un petit poisson téléostéen des eaux douces d’Europe »; tandis que l’American Heritage Dictionary en donne la définition suivante : « any of various small freshwater fishes of the family Cyprinidae, which also includes carps and minnows » / « l’un quelconque des différents petits poissons d’eau douce de la famille des téléostéens, qui comprend les carpes et les ménés » (c’est moi qui souligne). Je suis donc convaincue que ce que la propriétaire de l’enregistrement a vendu au cours de la période pertinente était un poisson d’eau douce frit en conserve.

 

Le Merriam-Webster Online Dictionary définit comme suit « seafood » / « fruit de mer » : « edible marine fish and shellfish” / « poisson ou crustacé marin comestible »; tandis que l’American Heritage Dictionary of the English Language: Fourth Edition 2000 (en ligne) définit « seafood » / « fruit de mer » comme suit : « edible fish or shellfish from the sea » / « poisson ou crustacé comestible de la mer » (c’est  moi qui souligne).  Par contraste avec le fait que les fruits de mer proviennent de la mer, la définition de « vandoise » (ci-dessus) vise un poisson d’eau douce. D’après les définitions, il est clair que tous les poissons ne sont pas des fruits de mer; et c’est notamment le cas de la vandoise. Par conséquent, étant donné qu’il semble y avoir une différence qualitative entre la vandoise et les fruits de mer, je suis d’avis que le principe énoncé dans John Labatt Ltd. c. Rainer Brewing Co. (1984), 80 C.P.R. (2d), 228 [C.A.F.], devrait s’appliquer en l’espèce. Dans cette affaire, le juge a affirmé : 

 

[traduction]

L'énumération de marchandises autres que la bière suggère, à défaut de preuve du contraire, qu’elles se distinguent effectivement à un certain degré les unes des autres et par rapport à la « bière », sans quoi les mots « ale, porter, stout, boissons maltées, sirop de malt et extraits de malt » sont superflus.

 

De même en l’espèce, la description de marchandises comme étant autre chose que des fruits de mer suggère que chacun des deux éléments diffère à un certain degré de l’autre, sans quoi les mots « poisson en conserve » seraient superflus; en tout état de cause, puisque la vandoise est un poisson d’eau douce, l’emploi de la marque de commerce en liaison avec de la vandoise frite ne peut pas être considéré comme un emploi en liaison avec la catégorie générale des fruits de mer.

 

Compte tenu de tout ce qui précède, je suis convaincue que la marque de commerce en cause a été employée en liaison avec du « poisson en conserve » au sens de l’article 45 et du paragraphe 4(1) de la Loi. L’enregistrement no TMA 515,540 relatif à la marque FISH & Dessin sera donc modifié par la suppression des mots « et fruits de mer » en conformité avec les dispositions du paragraphe 45(5) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13.

 

FAIT À GATINEAU, AU QUÉBEC, LE 14 FÉVRIER 2008.

 

 

P. Heidi Sprung

Membre, Commission des oppositions des marques de commerce

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