Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT UNE OPPOSITION de Jurak Holdings Ltd. à la demande n° 1,000,611 portant sur la marque de commerce JURAK et déposée par Matol Biotech Laboratories Ltd.                                                           

 

Le 23 décembre 1998, la société Matol Biotech Laboratories Ltd. déposait une demande d’enregistrement de la marque de commerce JURAK (la marque). La demande est fondée sur une utilisation projetée au Canada des marchandises et services suivants :

[traduction]

Marchandises : (1) préparations à base de minéraux et vitamines; (2) compléments alimentaires, à savoir boissons vitaminées; (3) tablettes substituts de repas, tablettes de soja ou de lin et tablettes casse-croûte; (4) boissons non alcoolisées, à savoir jus de fruits, boissons aux fruits, jus de légumes, boissons aux légumes et boissons gazeuses; (5) préparations et produits pharmaceutiques, à savoir compléments à base de minéraux et vitamines; (6) produits alimentaires diététiques, à savoir boissons substituts de repas; (7) cosmétiques, à savoir savons, savons de toilette, huiles de bain, sels de bain, mousse de bain, gel-douche, shampooings, mousses capillaires, gels capillaires et revitalisants capillaires; (8) produits de soins, à savoir lotion de nettoyage, crème de nettoyage, savons dermatologiques, toniques pour la peau, lotions hydratantes, crèmes rajeunissantes, crèmes de nuit, toniques pour le visage, masques, hydratants revitalisants pour la douche, lotions pour le corps et les mains, crème pour le corps et les mains, lotions pour les pieds, accélérateur de bronzage, crèmes de bronzage, huiles de bronzage, lotions après bronzage, crèmes protectrices pour les lèvres, baume pour les lèvres, poudres.

 

Services : (1) vente en réseau par cooptation; (2) fabrication, vente en gros et vente directe, et distribution de produits alimentaires, de compléments alimentaires, de cosmétiques, de préparations pharmaceutiques et de produits pour autrui, sur commande.

 

La demande a été publiée dans le Journal des marques de commerce du 5 avril 2000. Jurak Holdings Ltd. (l’opposante) a déposé une déclaration d’opposition le 8 août 2000.

 

Le premier motif d’opposition est le fait que la demande ne se conforme pas aux exigences de l’article 30 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi), et cela parce que la requérante n’a pu avoir été persuadée qu’elle avait le droit d’utiliser la marque étant donné qu’elle savait que la marque JURAK est constituée d’un mot n’étant principalement que le nom de famille d’un particulier vivant ou qui est décédé dans les trente années précédentes, et que ce mot n’est donc pas enregistrable et ne peut pas servir de marque de commerce. Le deuxième motif d’opposition est le fait que la marque n’est pas enregistrable, en application de l’alinéa 12(1)a), étant donné qu’elle est constituée d’un mot n’étant principalement que le nom de famille d’un particulier vivant ou qui est décédé dans les trente années précédentes. Le troisième motif d’opposition est le fait que la marque n’est pas distinctive, en ce sens qu’elle n’est pas distinctive et n’est pas apte à distinguer les marchandises et services de la requérante des marchandises et services d’autrui, vu qu’elle est constituée d’un mot n’étant principalement que le nom de famille d’un particulier vivant ou qui est décédé dans les trente années précédentes.

 

La requérante a déposé une contre-déclaration. Les deux parties ont déposé des preuves et des plaidoyers écrits et elles étaient représentées lors de l’audience.

 

C’est toujours sur la requérante que repose la charge ultime en droit, mais c’est à l’opposante qu’il appartient au départ de produire une preuve recevable adéquate permettant raisonnablement de conclure à l’existence des faits allégués au soutien de chaque motif d’opposition [voir John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.); Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior, S.A. (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.)]. J’examinerai donc la preuve.

 

La preuve de l’opposante selon l’article 41 du Règlement

 

Elle consiste en un affidavit de Arlene E. Siderius, portant la date du 4 juillet 2001 (le premier affidavit Siderius). Mme Siderius a été contre-interrogée, et la transcription de son contre‑interrogatoire fait partie du dossier. Plutôt que de résumer son contre-interrogatoire, je me référerai aux passages qui selon moi intéressent mon analyse de la preuve.

 

Mme Siderius, assistante juridique auprès des agents de marques de commerce de l’opposante, présente comme preuve les résultats de recherches sur Internet qu’elle a effectuées le 28 juin et le 3 juillet 2001. Elle présente, sous les cotes « A » à « C », des sorties imprimées des recherches qu’elle a menées sur trois sites Web et qui concernent des répertoires d’adresses et de numéros de téléphone se rapportant au nom de famille Jurak. Le site Web Canada 411 (pièce « A ») révèle 25 entrées. Les deux autres sites Web indiquent respectivement 25 entrées (pièce « B », page 13 de la transcription du contre-interrogatoire) et 24 entrées (pièces « C »). Mme Siderius produit aussi des pages de sites Web se rapportant à Ed Jurak (pièces « D-1 » à « D-3 ») et au professeur Ljudevit Jurak (pièces E-1 à E-4). L’opposante voudrait semble-t-il se fonder sur ces sites Web pour établir un certain degré de reconnaissance publique du mot Jurak en tant que nom de famille au Canada, mais je suis d’avis qu’ils ne sont d’aucune aide pour l’opposante. Ces pièces prouvent sans doute que les sites existaient sur le Web au moment des recherches, mais elles ne prouvent manifestement pas que les deux personnes sont connues, ou étaient connues à telle ou telle époque, au Canada. Outre le caractère déficient, pour cause de ouï-dire, du témoignage de Mme Siderius fondé sur le contenu des sites Web, ces sites ne sauraient nullement attester son affirmation selon laquelle ces deux personnes sont célèbres.

 

Preuve de la requérante selon l’article 42 du Règlement

 

Elle consiste en un affidavit de Robert Brouillette portant la date du 24 mai 2002. M. Brouillette a été contre-interrogé et la transcription de son contre-interrogatoire et de sa réponse aux engagements fait partie du dossier. Plutôt que de résumer son contre-interrogatoire, je me référerai aux passages qui selon moi intéressent mon analyse de la preuve.

 

M. Brouillette, un associé de la firme d’agents représentant la requérante, affirme que, le 30 avril 2002, il a envoyé une lettre (pièce RB-1) à tous les particuliers portant le nom de famille Jurak indiqués dans le premier affidavit Siderius. Je relève que la liste correspond à la pièce « B » du premier affidavit Siderius (réponse à l’engagement E-1). La lettre demandait au destinataire s’il connaissait Karl Jurak, Ed Jurak ou le professeur Ljudevit Jurak et le priait de communiquer tout autre renseignement sur ses propres racines familiales. Cinq personnes ont répondu à la lettre. Quatre disaient ne pas connaître Karl Jurak, Ed Jurak ou le professeur Ljudevit Jurak (pièces RB‑4 et RB‑5, réponse à l’engagement E-6). La cinquième, Bruno Jurak, disait être le petit-fils de Ljudevit Jurak, un scientifique qui vit à Zagreb, en Croatie (réponse à l’engagement E-4). Trois lettres ont été retournées par le bureau de poste (pièces RB-2, RB-3 et RB-6; réponse à l’engagement E-3).

 

Preuve de l’opposante selon l’article 43 du Règlement

 

Elle consiste en exemplaires d’un affidavit d’Anthony Carl Jurak portant la date du 1er octobre 2002, d’un affidavit d’Arlene E. Siderius portant la date du 4 novembre 2002 (le second affidavit Siderius) et d’un affidavit de Glen E. Berg portant la date du 4 novembre 2002. L’original de chaque affidavit a été déposé par l’opposante dans une opposition à la demande n° 1,004,415 portant sur la marque de commerce KARL JURAK et déposée par la requérante le 5 février 1999.

 

La requérante ne s’est pas opposée à la forme dans laquelle les affidavits ont été déposés, c’est‑à‑dire la forme de photocopies, mais elle s’est opposée à ce que les affidavits soient acceptés dans la présente opposition, parce qu’ils se rapportent à une autre opposition. Par ailleurs, la requérante a soumis que si les affidavits étaient acceptés dans la présente opposition, ils ne devraient pas pris en considération parce qu’ils ne constituent pas une preuve adéquate selon l’article 43. Par conséquent, je dois d’abord me demander si ces affidavits sont recevables dans la présente opposition. Dans l’affirmative, je devrai ensuite me demander s’ils constituent une preuve acceptable en réponse à la preuve de la requérante.

 

Me demandant si ces affidavits sont recevables dans la présente opposition, je constate que le registraire a accepté des copies d’affidavits déposés dans d’autres procédures d’opposition lorsque les circonstances de l’affaire justifiaient cette manière de faire [voir Beachcombers Restaurant Ltd. c. Vita-Park Citrus Products Co. (1976), 26 C.P.R. (2d) 282 (COMC)]. Sur ce point, je relève que a) la question de savoir si les parties sont ou non les mêmes; b) la question de savoir si la marque de commerce sollicitée est ou non la même; c) la possibilité pour les déposants de subir un contre-interrogatoire; et d) la question de savoir si la totalité ou la plupart des points soulevés dans les deux instances sont ou non les mêmes, figurent parmi les circonstances qui doivent être prises en compte [voir Springwall Sleep Products Ltd. c. Ther‑A‑Pedic Associates, Inc. (1984), 79 C.P.R. (2d) 227 (COMC)].

 

L’opposition en co-instance fait intervenir les mêmes parties que la requérante et l’opposante. Puisque l’opposante a déposé les affidavits dans l’opposition en co-instance, je crois qu’il est raisonnable de conclure que les déposants auraient pu être mis à disposition pour être contre‑interrogés dans la présente opposition. Les marques de commerce ne sont pas les mêmes, mais elles concernent toutes deux le mot JURAK. L’opposante n’a pas fait de produit de commentaires sur la question de savoir si tous les points, ou la plupart d’entre eux, sont les mêmes dans les deux instances. À l’audience, l’agent de l’opposante a fait valoir que ces affidavits intéressent la présente opposition parce qu’ils montrent clairement, en tout cas l’affidavit Jurak, que Jurak est un nom de famille au Canada. Je crois que l’argument de l’opposante n’est pas sans valeur pour ce qui est de savoir si la preuve intéresse les points soulevés dans la présente instance. Après examen de l’ensemble des circonstances, je suis disposée à accepter que les photocopies des trois affidavits déposés dans la procédure d’opposition à la demande n° 1,004,415 soient déposées comme affidavits dans la présente instance. J’examinerai maintenant leur recevabilité en tant que preuve selon l’article 43.

 

Dans son argumentation écrite, l’opposante dit que l’affidavit Brouillette faisait état des démarches faites par la requérante pour en savoir davantage sur le nom Jurak, en demandant à des particuliers portant ce nom de famille des renseignements sur leurs racines familiales. En tant que telle, sa preuve [traduction] « … est une contre-preuve adéquate, au sens large, et offrait des renseignements additionnels concernant le nom de famille Jurak. Il est dans l’intérêt de la justice que cette contre-preuve soit acceptée ». (non souligné dans l’original). La requérante fait valoir que les affidavits ne répondent pas ni ne donnent suite de quelque façon aux points soulevés dans sa preuve puisqu’elle ne renferme absolument rien sur la question de savoir si Jurak est un nom de famille au Canada.

 

Je voudrais d’abord examiner l’argument de l’opposante concernant l’« intérêt de la justice » en rappelant à l’opposante le paragraphe 46(1), qui prévoit le dépôt  de preuves additionnelles, avec l’autorisation du registraire. En règle générale, l’autorisation sera accordée si le registraire est d’avis qu’il est dans l’intérêt de la justice de l’accorder, compte tenu du contexte. L’unique facteur à prendre en compte pour juger de la recevabilité d’une preuve déposée en application de l’article 43 consiste à se demander si cette preuve est strictement limitée aux matières servant de réponse à la preuve de la requérante. À mon humble avis toutefois, l’argument de l’opposante selon lequel la preuve offrait des renseignements additionnels concernant le nom de famille Jurak ne valide que la conclusion de la requérante selon laquelle les affidavits, s’ils sont recevables, auraient dû être déposés dans la preuve principale de l’opposante. Selon moi, l’opposante scinde injustement son cas en voulant se fonder sur l’article 43 pour produire une preuve qui aurait dû être déposée dans sa preuve principale. Je suis d’avis que les affidavits ne constituent pas une preuve en réponse adéquate et je ne tiendrai pas compte de leur contenu [voir Prouvost S.A. c. Haberdashers Ltd. (1987), 18 C.I.P.R. (3d) 232 (COMC)].

 

À toutes fins utiles, je relève que, même si ces affidavits devaient être considérés comme preuve selon l’article 43, j’accepterais au mieux de prendre en compte le contenu intéressant directement Karl Jurak, parce qu’il est l’un des particuliers nommés dans la lettre de la requérante (pièce RB‑1). Je ne tiendrais compte d’aucune autre preuve qui ne se limiterait pas strictement aux matières servant de réponse à la preuve de la requérante. Selon mon analyse de ces affidavits, analyse qui suit, je n’accorderais aucun poids à la preuve que j’accepterais selon l’article 43. Ainsi, même si j’ai commis une erreur en acceptant les affidavits dans la présente opposition, ou même si j’ai commis une erreur en les rejetant comme preuve selon l’article 43, l’issue générale de la présente affaire sera la même. J’ajouterais que mes observations à propos des affidavits sont faites dans le contexte de la présente opposition, et non dans celui de l’opposition à la demande n° 1,004,415.

 

L’affidavit Jurak

 

M. Jurak est le président de l’opposante et le président-directeur général de la société Jurak Corporation World. Il est aussi le fils de Karl Jurak, [traduction] « un brillant inventeur et un chef de file dans le domaine de la phytothérapie, qui est décédé en 1993 ». L’affidavit est divisé en trois parties, à savoir les paragraphes 2 à 47 : Karl Jurak en tant que célébrité; paragraphes 48 à 52 : Mentions de « Jurak » sur les produits et matières de l’opposante; et paragraphes 53 à 60 : Mentions de « Karl Jurak » sur les produits de la requérante. D’emblée, je serais d’avis que les seconde et troisième parties de l’affidavit ne constituent pas une contre-preuve adéquate. Quant à la première partie, je laisserais de côté la plupart des affirmations, et les pièces correspondantes, parce qu’elles intéressent pour l’essentiel la Fondation Dr Karl Jurak, ou une preuve qui, si elle est essentielle pour le point soulevé dans la présente opposition, aurait dû être déposée comme preuve principale. Qu’il suffise de dire que les affirmations que j’accepterais en tant que contre‑preuve ne me conduiraient pas à conclure que Karl Jurak jouit au Canada d’une notoriété significative, bien qu’il soit sans doute connu dans le domaine de la phytothérapie.

 

Le second affidavit Siderius

 

J’accepterais l’imprimé de pages de sites Web qui [traduction] « parlent de Karl Jurak et relatent sa vie et ses nombreuses réalisations », mais je dirais qu’elles ne peuvent servir qu’à prouver que les sites existaient sur le Web lorsque Mme Siderius les a consultés. Elles ne sauraient certainement pas prouver les affirmations qui s’y trouvent. Je dirais que, outre le caractère déficient, pour cause de ouï-dire, des déclarations de Mme Siderius fondées sur le contenu des sites Web, il n’existe aucune preuve de la mesure dans laquelle les Canadiens ont pu avoir accès aux sites Web à tel ou tel moment. Selon moi, la mention du Dr Karl Jurak dans un livre n’est d’aucune utilité pour la cause de l’opposante, parce que nous ne savons pas quand et où le livre a été publié, ni à combien d’exemplaires, le cas échéant, il a été tiré au Canada. Finalement, je laisserais de côté la copie de l’affidavit extraite du dossier se rapportant à la demande n° 1,004,415, les copies des demandes n° 863,444, n° 863,443 et n° 1,004,414, et les copies de l’historique partiel des dossiers se rapportant à ces demandes, et cela parce qu’elles ne constituent pas une preuve en réponse adéquate.

 

L’affidavit Berg

 

M. Berg, technicien en documentation travaillant pour les agents de marques de commerce de l’opposante, produit comme preuve les résultats de la recherche qu’il a effectuée dans la base de données de la Bibliothèque des publications de l’InfoGlobe – Dow Jones Interactive, afin de trouver tous les articles comportant les mots combinés « Karl » et « Jurak », ou « Carl » et « Jurak ». Des copies de l’état récapitulatif de la recherche, ainsi que du texte intégral de chaque article, sont annexées comme pièces à l’affidavit. J’accepterais cette preuve, mais je ferais observer que la déclaration de M. Berg selon laquelle la base de données renferme des articles provenant de 6 000 agences de transmission, journaux, magazines et revues professionnelles ne prouve nullement que les données viennent du Canada. D’ailleurs, d’après mon examen superficiel de l’état récapitulatif, la recherche a fait apparaître 41 articles qui pour la plupart avaient été publiés dans Tulsa Word et dans The Tulsa Tribune, alors que leur diffusion au Canada n’a pas été établie.

 

Analyse des motifs d’opposition

 

Je suis d’avis que la pièce « A » du premier affidavit Siderius suffit clairement à l’opposante pour s’acquitter de son obligation de prouver que Jurak est le nom de famille d’un particulier vivant au Canada. Puisque tous les motifs d’opposition qui ont été avancés concernent la question du nom de famille, j’examinerai maintenant si la requérante s’est acquittée de son obligation ultime de prouver qu’aucun des motifs d’opposition ne devrait faire obstacle à l’enregistrement de la marque.

 

Article 30

 

La date pertinente d’examen des circonstances se rapportant au motif d’opposition fondé sur la non-conformité à l’alinéa 30i) est la date de dépôt de la demande [voir Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (COMC)]. Je crois qu’il est raisonnable de conclure que les résultats de la recherche dans le site Canada 411 auraient été sensiblement les mêmes, voire identiques, si la recherche avait été effectuée à la date pertinente ou avant [le 23 décembre 1998].

 

La recherche en tant que telle est loin d’établir que la requérante était au courant de la connotation patronymique attribuée au mot Jurak, et elle ne prouve pas non plus que la requérante n’a pas sincèrement fait la déclaration requise par l’alinéa 30i). Je rejette donc le premier motif d’opposition tel qu’il a été plaidé.

 

Alinéa 12(1)a)

 

Je considère la date de dépôt de la demande comme la date pertinente à retenir pour statuer sur le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)a). Sur ce point, je souscris au raisonnement suivi par mes collègues dans l’affaire Calvin Klein Trademark Trust c. Wertex Hosiery Inc. (2005) 41 C.P.R. (4th) 552, et dans l’affaire Waterford Wedgwood PLC c. Forma-Kutzscher GmbH (S.N. 1,013,012, 9 janvier 2006).

 

Pour l’examen de ce motif d’opposition, je m’en rapporte aux propos tenus par Monsieur le juge Cattanach dans l’affaire Gerhard Horn Investments Ltd. c. Canada (Registraire des marques de commerce) (1983), 73 C.P.R. (2d) 23 (C.F. 1re inst.), à la page 30 :

 

Il est donc essentiel de déterminer en premier lieu si le ou les mots devant former le nom dont on demande l’enregistrement correspondent aux nom ou nom de famille d’un particulier vivant ou récemment décédé.

 

Ce n’est que lorsque cette condition préalable est remplie, et pas avant, que l’on doit se demander si la marque de commerce proposée n’est « principalement que » un nom ou nom de famille, ou autre chose.

 

Je partage l’avis de l’opposante pour qui il n’est pas établi que la marque présente une connotation autre que patronymique, mais la question à laquelle il faut répondre est de savoir si une personne au Canada, dotée d’une intelligence moyenne et possédant une instruction moyenne, en français ou en anglais, réagirait à la marque en disant qu’elle n’est principalement que le nom de famille d’un particulier vivant.

 

Je partage l’avis de l’opposante pour qui plusieurs particuliers peuvent partager le même nom de famille à l’intérieur d’une famille pourvue d’une seule ligne téléphonique, mais je ne partage pas son avis selon lequel une liste de 25 noms prouve que Jurak est un nom de famille assez courant. Selon moi, la preuve de l’opposante montre que la marque est un nom de famille relativement rare presque partout au Canada, encore qu’une certaine reconnaissance mineure de la marque comme nom de famille puisse se déduire de listages téléphoniques. Au reste, l’opposante n’a produit aucune preuve indiquant une reconnaissance publique significative du mot Jurak comme nom de famille au Canada. À mon avis, la preuve de l’opposante ne permet pas de conclure que les Canadiens, ou même les habitants de telle ou telle province, seraient plus nombreux à voir dans « Jurak » un nom de famille plutôt qu’un mot inventé.

 

Eu égard à la preuve versée dans le dossier, je suis d’avis qu’une personne au Canada, douée d’une intelligence moyenne et possédant une instruction moyenne, francophone ou anglophone, serait aussi susceptible, voire davantage, de réagir à la marque en la considérant comme la marque de quelque entreprise, que d’y réagir en y voyant le nom de famille d’un ou de plusieurs particuliers [voir Standard Oil Company c. Le Registraire des marques de commerce, (1968) 55 C.P.R. 49]. Je rejette donc le deuxième motif d’opposition.

 

Caractère distinctif

 

Il est généralement admis que la date pertinente applicable à ce motif d’opposition est la date de dépôt de la déclaration d’opposition, c’est-à-dire le 8 août 2000 [Metro‑Goldwyn‑Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F. 1re inst.)].

 

Dans la décision Clarco Communications Ltd. c. Sassy Publishers Inc. (1994), 54 C.P.R. (3(d) 417 (C.F. 1re inst.), à la page 428, Monsieur le juge Denault tenait les propos suivants :

 

Bien que le caractère distinctif d’une marque de commerce soit très souvent apprécié lors de l’examen de la question de savoir si la marque de commerce projetée crée de la confusion avec une autre marque de commerce […] il est possible de rejeter une demande d’enregistrement au motif qu’elle n’est pas distinctive, indépendamment de la question de la confusion, à condition que ce moyen soit invoqué dans une opposition […] Le caractère distinctif est une caractéristique fondamentale et essentielle d’une marque de commerce. Le moyen fondé sur l’absence de caractère distinctif peut donc être soulevé en opposition par quiconque et s’appuyer sur le défaut de distinguer ou d’être adapté à distinguer la marque de commerce projetée des marchandises de tous les autres propriétaires.

 

La différence entre les dates pertinentes ne modifie pas mon analyse selon laquelle une personne au Canada, douée d’une intelligence moyenne et possédant une instruction moyenne, francophone ou anglophone, est aussi susceptible, voire davantage, de réagir à la marque en y voyant une marque ou un mot inventé. Je rejette donc le dernier motif d’opposition.

 

Conclusion

 

Eu égard à ce qui précède, et vu les pouvoirs qui me sont délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition de l’opposante, en application du paragraphe 38(8) de la Loi.

 

FAIT À MONTRÉAL (QUÉBEC), LE 3 MARS 2006.

 

Céline Tremblay

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

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