Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

DANS LAFFAIRE DUNE OPPOSITION de Ocean Fisheries Limited à la demande no 828,505, concernant la marque de commerce OCEAN CHOICE, produite par 602390 Ontario Limited                                                                                            

 

 

Le 8 novembre 1996, la requérante, 602390 Ontario Limited, a produit une demande en vue de l’enregistrement de la marque de commerce OCEAN CHOICE, fondée sur l’emploi projeté au Canada, en liaison avec les marchandises suivantes :

 

[TRADUCTION] poisson et fruits de mer frais, congelés et transformés, à savoir palourdes, crevettes, moules, pétoncles, homards, calmars, seiches, crabe, huîtres, saumon, poisson et filets.

 

Par la suite, la requérante a modifié sa demande afin de se désister du droit à l’usage exclusif, en dehors de la marque dans son ensemble, du mot CHOICE afin de se conformer à une objection soulevée à l’égard de la marque par la Section de l’examen du Bureau des marques de commerce. La demande en cause a été annoncée à des fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 25 juin 1997 et a fait l’objet d’une opposition de la part de Ocean Fisheries Limited, le 17 mars 1998. Une copie de la déclaration d’opposition a été envoyée à la requérante, le 15 avril 1998. La requérante a répondu en produisant et en signifiant une contre-déclaration niant de façon générale les motifs d’opposition et notant une erreur technique dans la plaidoirie de l’opposante.

 


Selon le premier motif d’opposition, la marque demandée OCEAN CHOICE n’est pas enregistrable, conformément à l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur les marques de commerce, parce qu’elle crée de la confusion avec les marques déposées de l’opposante, à savoir (i) OCEAN BRAND, enregistrement n285,905, visant divers produits du saumon, (ii) OCEAN’S DESIGN, enregistrement n289,015, visant du saumon en conserve, (iii) OCEAN’S DESIGN, enregistrement n309,431, visant divers produits du poisson, (iv) OCEAN’S DESIGN, enregistrement n331,646, visant des chapeaux, des tee-shirts, des bas, d’autres objets du même genre, des stylos et des parapluies, (v) OCEAN’S ROYALE, enregistrement n341,551, visant divers produits du poisson. Les trois marques susmentionnées de l’opposante OCEAN’S DESIGN sont les mêmes que celle ci-dessous :

 

                                                                        LOGO

 

Selon le deuxième motif d’opposition, la requérante n’a pas le droit d’enregistrer la marque OCEAN CHOICE, conformément au paragraphe 16(3) de la Loi, parce que, à la date de production de la demande visant OCEAN CHOICE, cette marque créait de la confusion avec (i) les marques susmentionnées de l’opposante antérieurement employées et révélées au Canada, (ii) la marque de l’opposante THE NATURAL CHOICE [TRADUCTION] « antérieurement employée et révélée au Canada par l’opposante et à l’égard de laquelle une demande d’enregistrement a été produite ».

 

 

 

Selon le troisième motif d’opposition, la marque demandée ne distingue pas les marchandises de la requérante de celles de l’opposante et n’est pas adaptée à les distinguer. Selon le quatrième et dernier motif d’opposition, la demande de marque de commerce en cause n’est pas conforme au paragraphe 30(1) [sic] de la Loi parce que la requérante connaissait les marques susmentionnées de l’opposante. L’opposante plaide également ce qui suit :

 


La preuve de l’opposante se compose des affidavits de Christine Dafoe, coordonnatrice des ventes et de la commercialisation de la société opposante, et de Margaret McKay, stagiaire en droit. L’affidavit de Mme McKay produit en preuve (i) des extraits de divers dictionnaires et un dictionnaire analogique expliquant le sens du mot « choice », (ii) les résultats d’une recherche effectuée dans le registre des marques de commerce pour les marques contenant le mot « choice » utilisé en liaison avec des produits alimentaires ou des boissons. La preuve de la requérante se compose de l’affidavit de Kendra Preston-Brooks, chercheur en marques de commerce, et de copies conformes de trois décisions de la Commission. L’affidavit de Mme Brooks produit en preuve les résultats d’une recherche effectuée dans le registre des marques de commerce pour les marques contenant le mot « ocean » utilisé en liaison avec du poisson, des fruits de mer et des produits du poisson connexes. Les deux parties ont présenté des arguments écrits, mais seule l’opposante était représentée à l’audience.

 

Dans son affidavit, Mme Dafoe ne ventile pas les ventes de produits du poisson de l’opposante entre ses différentes marques OCEAN BRAND, OCEAN’S DESIGN et OCEAN ROYALE. Toutefois, les pièces jointes à l’affidavit de Mme Dafoe comprennent surtout des exemples d’emploi de la marque OCEAN’S DESIGN et ne donnent aucun exemple d’emploi des marques OCEAN BRAND et OCEAN ROYALE. En outre, il ressort de la pièce A que les nombreuses ventes de produits du poisson de l’opposante l’ont été sous la marque OCEAN’S DESIGN. Par conséquent, la question déterminante à trancher en l’espèce, fondée sur les plaidoiries de l’opposante énoncées dans la déclaration d’opposition, consiste à savoir si la marque demandée OCEAN CHOICE crée de la confusion avec la marque de l’opposante OCEAN’S DESIGN.

 

Les dates pertinentes visant l’examen de la question de la confusion sont (i) la date de ma décision, relativement au premier motif d’opposition selon lequel la marque OCEAN CHOICE n’est pas enregistrable; la date de production de la demande (le 8 novembre 1996), relativement au deuxième motif d’opposition alléguant l’absence de droit et au dernier motif d’opposition alléguant l’inobservation de l’alinéa 30i) de la Loi; la date d’opposition (le 17 mai 1998), relativement au troisième motif d’opposition alléguant le caractère non distinctif : pour un examen de la jurisprudence concernant les dates pertinentes dans une procédure d’opposition, voir American Retired Persons v. Canadian Retired Persons (1998), 84 C.P.R. (3d) 198, 206-209 (C.F. 1re inst.). Dans les circonstances de l’espèce, la question de savoir si le problème de la confusion est déterminé à une date pertinente particulière n’est pas importante.

 


Il incombe à la requérante d’établir qu’il n’y aurait pas une probabilité raisonnable de confusion, au sens du paragraphe 6(2), entre la marque demandée OCEAN CHOICE et la marque de l’opposante OCEAN’S DESIGN. Comme le fardeau revient à la requérante, s’il est impossible de tirer une conclusion déterminée après le dépôt de tous les éléments de preuve, la question en litige doit alors être tranchée à l’encontre de la requérante : voir John Labatt Ltd. v. Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R.(3d) 293, 297‑298 (C.F. 1re inst.). Le critère de la confusion concerne l’impression immédiate et le souvenir imparfait, c’est-à-dire que, pour évaluer si deux marques créent de la confusion, je dois vérifier si, selon l’impression immédiate que laisse la marque dans l’esprit d’une personne ordinaire qui en a un souvenir imparfait, l’emploi des deux marques dans le même domaine portera probablement à conclure que les marchandises liées à ces marques sont produites par la même personne ou en émanent : voir Miss Universe v. Bohna (1994), 58 C.P.R. (3d) 381 (C.A.F.). Lemploi dune marque cause de la confusion avec lemploi dune autre marque si lemploi des deux marques dans le même domaine porte probablement à conclure que les marchandises liées à celles-ci sont fabriquées ou vendues par la même personne, quelles soient de la même catégorie générale ou non. Il sagit dun critère théorique, en ce sens quil ne dépend pas de lexistence dune preuve de lemploi effectif des marques en cause dans le même domaine : voir le paragraphe 6(2) de la Loi; Oshawa Holdings Ltd v. Fjord Pacific Marine Industries Ltd. (1981), 55 C.P.R. (2d) 39 (C.A.F.); Canadian Tire Corp. v. Cooper Tire & Rubber (1994), 59 C.P.R. (3d) 402 (C.O.M.C.).

 

Les facteurs à prendre en considération pour évaluer si deux marques créent de la confusion sont énoncés au paragraphe 6(5) de la Loi : le caractère distinctif inhérent des marques et la mesure dans laquelle celles-ci sont devenues connues; la période pendant laquelle chacune a été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprise; la nature du commerce; le degré de ressemblance quant à la présentation ou au son, ou aux idées qu’elles suggèrent. Il ne s’agit pas d’une liste exhaustive; il faut tenir compte de tous les facteurs pertinents. Tous les facteurs n’ont pas nécessairement le même poids. Le poids à accorder à chacun dépend des circonstances : voir Gainers Inc. v. Tammy L. Marchildon and The Registrar of Trade‑marks (1996), 66 C.P.R.(3d) 308 (C.F. 1re inst.).

 


La marque de l’opposante OCEAN’S DESIGN possède un caractère distinctif inhérent faible, en ce qu’elle suggère la source des produits du poisson vendus sous la marque de l’opposante. Les caractéristiques du dessin de la marque contribuent peu au caractère distinctif inhérent de la marque. De même, la marque demandée OCEAN CHOICE possède un caractère distinctif inhérent faible parce que le mot « ocean » fait penser à la source des produits du poisson devant être vendus sous la marque et parce que le terme « choice » a une connotation élogieuse. Selon la preuve de Mme Dafoe, l’opposante utilise sa marque OCEAN’S DESIGN depuis au moins 1983, et les chiffres des ventes sous les marques de l’opposante ont atteint en moyenne 21 millions de dollars par année pour la période de 1987 à 1994 et environ 31 millions de dollars par année pour la période de 1995 à 1998. Les frais de publicité et de promotion se sont élevés à environ 1,2 million de dollars pour la période de 1989 à 1998. Comme nous l’avons dit, la preuve confirme que la majeure partie du chiffre des ventes et des frais de publicité concerne la marque OCEAN’S DESIGN. Je conclus donc que la marque de l’opposante OCEAN’S DESIGN avait acquis une certaine réputation à la première des dates pertinentes et une réputation importante aux dates pertinentes postérieures. Aucune preuve n’établit que la marque demandée OCEAN CHOICE avait acquis une réputation quelconque lors des dates pertinentes. La période pendant laquelle les marques ont été en usage favorise l’opposante, car il n’y a aucune preuve que la marque demandée, fondée sur l’emploi projeté au Canada, a déjà été exposée sur le marché. Les marchandises des parties sont identiques ou liées de près et, en l’absence d’une preuve contraire, je présume que celles-ci commercialiseraient leurs marchandises par les mêmes voies commerciales. Les marques en cause ont un fort degré de ressemblance pour ce qui est du son et des idées suggérées, car la première composante de la marque demandée est presque identique à la marque de l’opposante. Toutefois, les marques en cause sont distinctes du point de vue visuel, surtout à cause des caractéristiques du dessin constituant la marque de l’opposante.

 


Comme circonstance de l’espèce, la requérante a soutenu que l’importance de toute ressemblance entre les marques en cause est atténuée par la preuve relative à l’état du registre produite au moyen de l’affidavit de Preston-Brooks. La preuve relative à l’état du registre n’est pertinente que si elle permet de tirer des conclusions concernant l’état du marché : voir Ports International Ltd. v. Dunlop Ltd. (1992), 41 C.P.R.(3d) 432  (C.O.M.C.) et Del Monte Corporation v. Welch Foods Inc. (1992), 44 C.P.R.(3d) 205 (C.F. 1re inst.). Voir également Kellogg Salada Canada Inc. v. Maximum Nutrition Ltd.  (1992), 43  C.P.R.(3d)  349 (C.A.F.), qui étaye la proposition selon laquelle des conclusions relatives au marché ne peuvent être tirées de la preuve relative à l’état du registre que si on y trouve un nombre élevé d’enregistrements pertinents. En l’espèce, abstraction faite pour le moment des questions relatives au ouï-dire soulevées par l’opposante, la preuve de la requérante établit que, pendant toute la période pertinente, de nombreuses marques de commerce comportant le mot OCEAN étaient enregistrées pour divers produits du poisson. Je peux donc conclure (encore une fois si l’on met de côté les questions relatives au ouï-dire) qu’au moins certaines de ces marques sont en usage et que les consommateurs sont habitués à faire la distinction entre celles-ci en se fiant à leurs autres composantes.

 

Pour sa part, l’opposante souligne une autre circonstance de l’espèce invoquée dans la déclaration d’opposition, à savoir qu’elle a employé la marque THE NATURAL CHOICE en relation avec sa marque OCEAN’S DESIGN. Sa position est résumée au paragraphe 46 de ses arguments écrits, reproduit ci-dessous :

 

 

 

J’hésite à souscrire à l’opinion de l’opposante selon laquelle l’expression THE NATURAL CHOICE ou l’expression combinée OCEAN’S. THE NATURAL CHOICE ont été utilisées comme marques de commerce en liaison avec des marchandises au sens du paragraphe 4(1) de la Loi sur les marques de commerce. À mon avis, il est plus facile de prétendre que l’expression THE NATURAL CHOICE, figurant sur les pièces jointes à l’affidavit de Mme Dafoe, est peut-être utilisée comme marque de commerce, au sens du paragraphe 4(2) de la Loi, pour le service consistant à fournir des recettes. Cependant, à mon avis, que l’opposante puisse ou non établir de façon concluante que l’expression THE NATURAL CHOICE a été employée comme marque de commerce pour des marchandises ou des services importe peu. À tout le moins, l’opposante a certainement employé l’expression THE NATURAL CHOICE comme slogan publicitaire seul et en corrélation avec la marque OCEAN’S DESIGN. À mon sens, la preuve appuie les arguments de l’opposante selon lesquels le public est, dans une certaine mesure, devenu habitué à identifier les mots THE NATURAL CHOICE et OCEAN’S. THE NATURAL CHOICE à l’opposante.

 


Compte tenu de ce qui précède et de la faiblesse inhérente du mot OCEAN à titre d’élément de la marque de commerce demandée appliquée à des produits de fruits de mer, et même si je retenais à sa pleine valeur la preuve relative à l’état du registre déposée par la requérante, je conclus que je doute que le public, connaissant déjà la marque de l’opposante OCEAN’S DESIGN et son emploi en corrélation avec le slogan publicitaire THE NATURAL CHOICE, croie que les produits du poisson vendus sous la marque OCEAN CHOICE proviennent de l’opposante. Comme la requérante ne peut se prévaloir du bénéfice du doute, je dois conclure qu’elle n’a pas réussi à établir que les marques en cause ne créent pas de la confusion.

 

Dans son argumentation écrite, la requérante s’est fondée sur trois décisions de la Commission dans lesquelles la présente opposante Ocean Fisheries Limited n’avait pas réussi à s’opposer aux marques demandées OCEAN PEARL, OCEAN FRESH et OCEAN CLUB, à être employées en liaison avec des produits du poisson :            voir Ocean Fisheries Ltd. v. A. Raptis & Sons (1991), 35 C.P.R. (3d) 473; Ocean Fisheries Ltd. v. J.S. McMillan Fisheries Ltd. (1991), 40 C.P.R. (3d) 444; Ocean Fisheries Ltd. v. Eurotrade Import-Export Inc.(1992), 42 C.P.R. (3d) 554. Dans chacune de ces décisions, le faible caractère distinctif inhérent de la marque de l’opposante OCEAN’S DESIGN et la preuve relative à l’état du registre indiquant l’adoption courante du mot OCEAN comme composante de marques pour des produits du poisson étaient des facteurs clés dont la Commission avait  tenu compte pour rejeter l’opposition de l’opposante. L’espèce se distingue de ces trois décisions, en ce que l’opposante a fait la preuve de l’emploi du slogan publicitaire THE NATURAL CHOICE (et peut-être de son emploi comme marque de service) en relation avec sa marque OCEAN’S DESIGN. Cette circonstance étaye la position de l’opposante selon laquelle l’emploi des deux marques OCEAN’S DESIGN et OCEAN CHOICE permettrait probablement de conclure que les marchandises vendues sous les deux marques sont traitées et vendues par la même personne. J’ajouterais que, comme Kendra Preston-Brooks n’a pas bien expliqué dans son affidavit la raison pour laquelle la source de ses renseignements est fiable, je dois conclure que la recherche faite par la requérante sur l’état du registre constitue du ouï-dire inadmissible et ne peut, en droit, se voir accorder une valeur probante : voir Sta-Rite Industries Inc. v. GSWE Inc. (1999), 87 C.P.R. (3d) 300, 305, paragraphes 18, 19, 20 (C.F. 1re inst.).

 

Compte tenu des ce qui précède, la demande de la requérante est repoussée.

 

FAIT À HULL (QUÉBEC), LE 18e JOUR DE JUIN,  2001.

 

Myer Herzig,


commissaire

Commission des oppositions des marques de commerce

 

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