Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2010 COMC 209

Date de la décision : 2010‑11‑30

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION produite par la succession de Francisco Coll Monge, de droit portoricain, dont l'exécuteur est Francisco David Coll, à l'encontre de la demande d'enregistrement no 1257129 pour la marque de commerce INNER PEACE MOVEMENT OF CANADA au nom de l'Inner Peace Movement of Canada Limited

[1]                     Le 10 mai 2005, l'Inner Peace Movement of Canada Limited (le Requérant) a produit, sous le no 1257129, une demande d'enregistrement pour la marque de commerce INNER PEACE MOVEMENT OF CANADA (la Marque), fondée sur son emploi au Canada depuis au moins le 27 septembre 1977 en liaison avec les marchandises, et depuis janvier 1976 en liaison avec les services, dont la liste suit :

Marchandises : Bandes sonores, bandes vidéo et disques compacts préenregistrés contenant enseignements religieux, leadership, orientation spirituelle, guérison, counselling, prière et méditation;  matériel d'enseignement imprimé, matériel pédagogique et didactique, nommément matériel de cours et notes à l'intention des instructeurs, cahiers d'exercices, livres pour études de groupe, bulletins mensuels et magazines, circulaires de promotion, formulaires d'inscription et de commande, brochures et affiches contenant enseignements religieux, leadership, orientation spirituelle, guérison, counselling, prière et méditation.

Services : Services dans le domaine de l'enseignement religieux, du leadership, de l'orientation spirituelle, du ressourcement, du counselling, de la prière et de la méditation; services de formation, nommément formation dans le domaine de la pratique ecclésiastique; services d'association et de leadership dans le domaine de l'enseignement religieux, de l'orientation spirituelle, du ressourcement, du counselling, de la prière et de la méditation; services de culte; représentations musicales en direct.

[2]                           La demande a été annoncée aux fins d'opposition dans le Journal des marques de commerce le 15 février 2006. La succession de Francisco Coll Monge, de droit portoricain, dont l'exécuteur est Francisco David Coll (l'Opposante), a produit une déclaration d'opposition le 14 mai 2006. Le Requérant a produit et signifié une contre-déclaration contestant les allégations de l'Opposante.

[3]                           L'Opposante a déposé des affidavits de Victoria Shrieves, Franciso David Coll, Maria Coll et Janet Hill. Le Requérant a quant à lui déposé un affidavit de Reta Bunbury. Chacune des parties a présenté un plaidoyer écrit, et il n'a pas été tenu d'audience.

[4]                           Il convient d'abord de signaler que, dans son plaidoyer écrit, le Requérant a fait valoir le manque de clarté de la déclaration d'opposition, et affirmé que l’Oppposante n'avançait aucun motif d'opposition valable et ne formulait pas les motifs d'opposition de manière suffisamment détaillée pour qu'il ait pu y répondre. Je pense comme le Requérant que les motifs d'opposition ne sont pas clairement définis; l'exposé des faits est assez difficile à suivre et souvent mêlé d'opinions, de remarques personnelles et de conjectures. Tout compte fait, cependant, je conclus que la déclaration d'opposition avance certains motifs d'opposition valables, encore que d'une manière quelque peu difficile à suivre. Le plaidoyer écrit, ajouterai‑je, n'est pas l'étape où il convient d'invoquer pour la première fois l'absence de motifs d'opposition valables, en particulier dans le cas où les deux parties ont déposé des éléments de preuve.

[5]                           La déclaration d'opposition paraît faire valoir l'absence de droit à l'enregistrement sous le régime de l'alinéa 16(1)a) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi), invoquant la confusion avec la marque de commerce INNER PEACE MOVEMENT, que l'Opposante et/ou d'autres ont employée ou révélée au Canada avant la date de premier emploi revendiquée par le Requérant. La déclaration d'opposition avance principalement à cet égard des arguments résumés comme suit :

[TRADUCTION] L'emploi de la Marque par le Requérant créera de la confusion à moins que ce dernier ne collabore avec l'Opposante et les autres licenciés faisant affaire au Canada. Une marque identique, INNER PEACE MOVEMENT, a été révélée au Canada en décembre 1979 ou avant par le Dr Francisco Coll ou sous sa direction et son contrôle.

[6]                           L'Opposante allègue en outre que la Marque n'est pas distinctive, puisqu'elle est fondée sur une marque de commerce identique employée au Canada depuis au moins 1972.

Récapitulation de la preuve de l'Opposante

L'affidavit de Victoria Shrieves

[7]                           Mme Shrieves atteste qu'elle est l'un des administrateurs et la vice-présidente de l'Americana Leadership College (ALC Canada). Depuis 1972, elle participe à de nombreux programmes parrainés par l'Inner Peace Movement au Canada, aux États‑Unis et à Porto Rico. Elle déclare qu'elle a été membre du conseil d'administration de l'Inner Peace Movement dans les années 1980. L'ensemble du contexte de l'affidavit indique qu'elle entend ici, par cette dernière dénomination, l'organisation américaine à but non lucratif.

[8]                           Les déclarations de Mme Shrieves se rapportent à l'histoire de l'Opposante, aux rapports entre les organisations américaines, toutes fondées et dirigées par le Dr Coll Monge (connu sous le nom de « Dr Coll »), à l'établissement d'une organisation (d'organisations) au Canada, au décès du fondateur, à la rupture entre certaines des organisations américaines et la succession du Dr Coll (l'Opposante), et à la rupture entre l'Opposante et le Requérant. Une grande partie des déclarations de cet affidavit relatives à l'histoire récente sont ici passées sous silence, étant donné qu'elles ne sont pas pertinentes pour les conclusions que je formulerai, les principaux motifs d'opposition étant fondés sur la situation aux dates de premier emploi revendiquées dans la demande, soit le 27 septembre 1979 pour ce qui concerne les marchandises, et janvier 1976 en ce qui a trait aux services.

[9]                           L'Opposante est la succession du Dr Coll, fondateur d'un mouvement spirituel et d'un ensemble d'organisations y afférentes, qui comprend à la fois des personnes morales à but non lucratif et des sociétés commerciales de droit américain. L'organisation à but non lucratif de droit américain qui nous intéresse ici est l'Inner Peace Movement (IPM), fondé en janvier 1964.

[10]                       L'American Leadership College, Inc. (ALC Inc.) est une société commerciale de droit américain que le Dr Coll a fondée en 1967, en partie pour concéder des licences d'exploitation, et assurer la distribution et le contrôle, des ateliers ou programmes et du matériel y afférent offerts sous diverses marques de commerce, notamment INNER PEACE MOVEMENT, et créés par lui pour les besoins de son mouvement spirituel. La déposante explique que l'ALC Inc. est devenue l'organisation-cadre ou dirigeante de toutes les autres organisations fondées par le Dr Coll, y compris l'Inner Peace Movement (IPM), dont le siège est à Washington (D.C.).

[11]                       Mme Shrieves explique que l'IPM s'est développé et a créé des bureaux un peu partout aux États‑Unis, ainsi que dans certains autres pays. Les bureaux locaux et nationaux relevaient tous en dernière instance de l'ALC Inc., dirigé par le Dr Coll. En janvier 1976, l'ALC Inc. a autorisé l'ouverture de sa succursale canadienne, qui a été constituée en personne morale à but non lucratif le 8 janvier 1976 sous la dénomination d'Inner Peace Movement of Canada (IPM Canada). Le Dr Coll et la déposante du Requérant, Mme Reta Bunbury, comptaient parmi les administrateurs de cette première personne morale. Je remarque que cette personne morale à but non lucratif de droit canadien n'est pas dénommée « Inner Peace Movement of Canada Limited » (dénomination du Requérant dans la demande considérée). 

[12]                       Il appert que l'IPM Canada constituait le seul bureau au Canada, et que l'ensemble du matériel, des aides pédagogiques, des politiques, des directives et de la dotation en personnel provenaient ou relevaient du bureau central de Washington (D.C.). Mme Shrieves précise que les membres et administrateurs de l'IPM Canada participaient régulièrement à des conférences, séminaires et autres programmes un peu partout dans le monde, en particulier au Canada et aux États‑Unis. Tous ces programmes étaient organisés et dirigés par l'ALC et l'IPM (c'est‑à‑dire les organisations américaines).  

[13]                       En septembre 1996, Mme Shrieves s'est réunie avec deux autres dirigeants canadiens et le Dr Coll pour examiner la possibilité d'établir un petit bureau de l'IPM à Calgary (Alberta). À la suite d'une autre réunion, tenue en novembre 1996, le Dr Coll a ordonné que l'IPM Alberta travaille en collaboration avec l'IPM Canada et lui rende des comptes. La déposante faisait partie du personnel de l'IPM Alberta jusqu'à ce qu'il cesse de traiter avec l'IPM Canada en avril 2000.

[14]                       Après le décès du Dr Coll, l'IPM Canada a été avisé par téléphone en avril 2000, puis par lettre, qu'il s'écartait des procédures et des lignes directrices de l'ALC, en conséquence de quoi ce dernier révoquait intégralement la licence lui permettant d'utiliser les programmes, le matériel, les logos et les dénominations du mouvement créé par le Dr Coll.  

[15]                       Le 30 juin 2000, l'IPM Alberta est devenu l'ALC Canada et a été constitué en personne morale sous le régime de la Loi canadienne sur les sociétés par actions, Francisco David Coll, héritier de la succession du Dr Coll, étant son unique actionnaire.

[16]                       Mme Shrieves produit des éléments tendant à prouver que l'ALC (c'est‑à‑dire la société mère américaine) a autorisé l'ALC Canada, par lettre en date du 29 juin 2000, à employer ses marques de commerce. De même, par lettre en date du 30 septembre 2000, Alley a autorisé l'ALC Canada à utiliser le matériel didactique protégé par le droit d'auteur. Ces éléments paraissent indiquer qu'aurait alors commencé au Canada une utilisation concurrente des programmes et des cours fondés sur l'enseignement spirituel du Dr Coll.

[17]                        Mme Shrieves déclare que la succession de Franciso Coll, l'ALC et Alley ont envoyé à l'IPM Canada, à ses administrateurs et à ses membres de nombreuses lettres leur demandant de cesser et de s'abstenir d'utiliser le matériel de programme protégé par le droit d'auteur, ainsi que les dénominations et logos y afférents.

[18]                       Le 26 septembre 2000, l'IPM Canada a déposé devant la Cour du Banc de la Reine de l'Alberta une demande introductive d'instance contre l'ALC Canada, où elle déclarait entre autres que l'IPM Canada était le propriétaire légitime de marques de commerce et de noms commerciaux déterminés au Canada, y compris la Marque. Il appert que Mme Shrieves, en sa qualité de membre du conseil d'administration de l'ALC Canada, a assisté au contre-interrogatoire de Mme Susan Scott, présidente et administratrice de l'IPM Canada, sur l'affidavit produit par celle‑ci dans le cadre de cette action en justice. Mme Shrieves a annexé à son affidavit, sous la cote H, des extraits de la transcription officielle de ce contre-interrogatoire. Elle fait observer que Mme Scott a déclaré dans son contre-interrogatoire que le matériel de cours est numéroté et créé par la société américaine Alley Incorporated et que celle‑ci reçoit des redevances lorsque ce matériel est utilisé. La pièce J de l'affidavit de Mme Shrieves réunit les états financiers de l'IPM Canada datés d'à partir du 30 juin 1999 que Mme Scott a produits, lesquels montrent que l'IPM Canada devait à Alley 85 449,83 $ au titre d'achats de marchandises et 93 362,94 $ en [TRADUCTION] « redevances sur cours ».

L'affidavit de Janet Hill  

[19]                       L'affidavit de Mme Janet Hill est le récit de sa participation personnelle aux activités de l'Inner Peace Movement au Canada depuis 1974. Elle y parle de son expérience, de sa connaissance de la source du matériel didactique et des rapports de l'IPM Canada avec l'ALC. Son affidavit est dans une grande mesure un texte d'opinion, parsemé d'observations personnelles sans pertinence pour les questions en litige.

L'affidavit de Francisco David Coll

[20]                       M. Francisco David Coll (D. Coll) déclare que son père, le Dr Francisco Coll, est décédé le 15 décembre 1999 à San Juan (Porto Rico), et qu'il est l'exécuteur et administrateur légal, ainsi que l'héritier unique, de sa succession. Il a joint à son affidavit des documents qui paraissent être des décisions administratives de l'État portoricain confirmant ces faits. L'affidavit est muet sur la situation juridique de son auteur dans d'autres États. Bien que la preuve donne à penser que la succession du Dr Coll ait été contestée par l'IPM et les organisations américaines et/ou portoricaines qui lui sont apparentées, je tiens à signaler que la qualité de l'Opposante n'est pas en litige dans la présente procédure.

[21]                       M. D. Coll explique que son père était un chef de file en matière de développement personnel et spirituel. Pendant ses 50 années et plus de vie active, il a créé, à l'échelle mondiale, plus de dix mouvements spirituels, huit organisations à but non lucratif, au moins 11 sociétés commerciales, 17 marques de commerce déposées (à l'USPTO), plus de 60 marques de commerce de common law, des œuvres faisant l'objet de plus de 700 enregistrements de droit d'auteur, ainsi que de nombreux centres de réunions un peu partout dans le monde, dont un à Pugwash, en Nouvelle‑Écosse..

[22]                       M. Coll déclare en outre que la marque INNER PEACE MOVEMENT était employée à l'échelle mondiale, y compris au Canada, avant que le Requérant ne l'emploie le moindrement.

[23]                       M. Coll a joint à son affidavit (mais sans y en faire mention), sous la cote E‑4, une brochure de camps d'été datant de 1990 qui annonce des programmes offerts par l'ALC Inc. La marque de commerce IPM / Inner Peace Movement figure aussi sur la page couverture. Cette brochure annonce un programme de camps d'été devant se dérouler dans cinq centres de réunions, y compris un à Pugwash au Canada (Nouvelle‑Écosse). On y décrit un certain nombre d'autres programmes ou [TRADUCTION] « camps d'été » offerts à Pugwash, dont un de sept jours intitulé [TRADUCTION] « le camp d'été de l'Inner Peace Movement ». Je note que cette brochure porte une date postérieure aux dates de premier emploi revendiquées par le Requérant.

L'affidavit de Maria Coll

[24]                       Mme Coll déclare être l'un des administrateurs fondateurs de l'Inner Peace Movement aux États‑Unis. Son affidavit, pour l'essentiel, confirme l'historique donné par ailleurs de ces organisations, auquel elle ajoute que les tournées de conférences parrainées par l'Inner Peace Movement ont commencé au Canada entre 1969 et 1971.

[25]                       Mme Coll a joint à son affidavit, sous la cote MC‑5, une brochure de l'ALC datée de 1977 qui annonce de multiples camps d'été et retraites de l'Inner Peace Movement aux États‑Unis, ainsi que des camps offerts à trois endroits distincts au Canada.

Récapitulation de la preuve du Requérant

L'affidavit de Reta Bunbury

[26]                       Dans son affidavit, Mme Bunbury propose un historique de l'Inner Peace Movement of Canada Limited (IPM Canada) à partir de sa constitution en personne morale en 1976. Elle précise qu'elle y remplit la fonction d'administratrice de bureau depuis cette constitution.

[27]                       Elle produit en pièce A une copie d'un extrait de la base de données de Corporations Canada établissant que l'Inner Peace Movement of Canada a été constitué en personne morale le 8 janvier 1976, sous le régime de la partie II de la Loi sur les corporations canadiennes. Je constate que la dénomination de cette personne morale ne comporte aucun élément juridique tel que « Limited » [Limitée] ou « Ltd. » [Ltée]. L'affidavit du Requérant ne fournit aucune explication de ce fait.

[28]                       La déposante déclare que la Marque a été adoptée et employée pour la première fois en 1976 en liaison avec des services et programmes religieux, et en 1979 en liaison avec le matériel correspondant (les marchandises). Elle produit sous la cote B un tableau de ventilation provenant des archives de l'IPM Canada, qui rend compte des recettes de ce dernier depuis l'exercice 1976‑1977 jusqu'à l'exercice 2006‑2007. 

[29]                       Une fois entré en activité, l'IPM Canada a créé sa propre papeterie commerciale; la pièce C réunit des exemples d'enveloppes et de papier à en‑tête utilisés par l'IPM Canada qui portent la Marque. Depuis sa création, l'IPM Canada n'a cessé d'offrir des conférences dans le cadre de ses services; la déposante produit les statistiques annuelles d'assistance à ces conférences de 1984 à 2007. La pièce F est constituée d'exemples de brochures d'inscription et de promotion où figure la Marque, ainsi que de fiches d'inscription aux programmes et groupes, qui portent toutes la Marque.

[30]                       Mme Bunbury déclare explicitement que, à tous les moments pertinents, le Dr Coll savait que l'IPM Canada employait la Marque; la déposante et le Dr Coll étaient tous deux inscrits comme administrateurs de l'IPM Canada dans les sommaires annuels communiqués à Industrie Canada (pièce H). Mme Bunbury ajoute que le Dr Coll jouait un rôle dans la direction de l'IPM Canada; elle joint à son affidavit le procès-verbal d'une réunion du conseil d'administration de cette organisation, qui tend à établir qu'il participait au processus de prise de décisions de celle‑ci (pièce I).

[31]                       Le 20 novembre 2001, l'IPM Canada a obtenu de la Cour du Banc de la Reine de l'Alberta une injonction interlocutoire interdisant à l'American Leadership College (ALC Canada), entre autres choses, d'employer la Marque; une copie de cette décision est présentée sous la cote J. Je note que ladite décision est brève et n'expose pas les faits qui la motivent. Je constate aussi que le demandeur dénommé dans cette instance est l'Inner Peace Movement of Canada (sans élément juridique tel que « Limited » [Limitée] ou « Ltd. » [Ltée]). Je ne dispose pas d'autres renseignements sur cette procédure judiciaire.

Analyse des motifs d'opposition

L'absence de droit à l'enregistrement et l'alinéa 16(1)a) de la Loi

[32]                       La ou les dates pertinentes pour une décision à rendre sous le régime des alinéas 38(2)c) et 16(1)a) sont la ou les dates de premier emploi revendiquées, soit en l'occurrence le 27 septembre 1977 pour les marchandises et janvier 1976 pour les services [voir le paragraphe 16(1)]. Or, selon le paragraphe 16(1), le requérant doit comme condition préalable établir que lui-même ou son prédécesseur en titre a employé (ou révélé) la marque en question au Canada à la date de premier emploi revendiquée; une fois cette condition remplie, le requérant a droit à l'enregistrement si cette marque ne crée pas de confusion (pour le cas qui nous occupe) avec une marque de commerce antérieurement employée ou révélée au Canada [alinéa 16(1)a)].

[33]                       Il me paraît établi que l'IPM Canada a commencé ses activités au Canada en 1976 en tant que membre de la famille d'organisations du Dr Coll, employant des marques de commerce (y compris la Marque, avec ou sans la partie « of Canada »), des noms commerciaux et du matériel didactique en vertu d'une autorisation verbale de l'ALC Inc., contrôlée et dirigée par son actionnaire unique, le Dr Coll. La preuve démontre que la Marque a été employée pour la première fois au Canada par l'entité dénommée « IPM Canada » en vertu d'un accord verbal avec l'ALC Inc. et le Dr Coll, actionnaire unique de cette société. L'IPM Canada a été créé en tant que membre du groupe d'organisations contrôlé par le Dr Coll pour fournir des services religieux et spirituels et le matériel y afférent en conformité avec sa doctrine. Cette preuve n'est pas contestée par le Requérant. Selon les faits exposés dans la présente procédure, il apparaît que l'emploi d'INNER PEACE MOVEMENT et/ou d'INNER PEACE MOVEMENT OF CANADA a commencé au moment de la constitution en personne morale à but non lucratif de l'organisation ainsi dénommée, en vertu d'une autorisation verbale du Dr Coll et sous son contrôle, exercé directement ou par l'intermédiaire de l'ALC Inc.

[34]                       En conséquence, et en vertu du paragraphe 50(1) de la Loi, étant donné que l'emploi de la Marque aux dates pertinentes doit être attribué au donneur de licence et non au Requérant, je conclus que celui‑ci ne peut invoquer cet emploi pour faire valoir un droit à l'enregistrement de ladite Marque sous le régime de l'alinéa 16(1)a) de la Loi. 

[35]                       Il existe des précédents à l'appui du principe que, lorsque l'opposant réussit à infirmer la date de premier emploi revendiquée par le requérant, la date pertinente pour l'examen du droit à l'enregistrement peut devenir la date de production de la demande sous le régime de l'alinéa 16(3)a), qui est en l'occurrence le 10 mai 2005 [voir American Cyanamid Co. c. Record Chemical Co. Inc. (1972), 6 C.P.R. (2d) 278 (C.O.M.C.); et Everything for a Dollar Store (Canada) Inc. c. Dollar Plus Bargain Centre Ltd. (1998), 86 C.P.R. (3d) 269 (C.O.M.C.)].

[36]                       Même si l'on décide d'analyser la question sous le régime de l'alinéa 16(3)a), le Requérant tel que dénommé dans la demande n'a pas droit à l'enregistrement de la Marque puisqu'il est évident qu'une ou plusieurs personnes autres que ledit Requérant ainsi dénommé avaient employé en premier lieu la même Marque au Canada en liaison avec des services identiques (et des marchandises y afférentes), et l'employaient toujours à la date de production de la demande et à la date de son annonce. Comme on l'a vu plus haut dans la récapitulation de la preuve, aucun des services ni aucun matériel y afférent fournis sous la Marque, tels qu'annoncés dans les prospectus de programmes ou de camp d'été ou les brochures publicitaires, ou décrits par les déposants, ne sont présentés comme provenant du Requérant dénommé dans la demande. De même, aucun élément de la correspondance avec Corporations Canada ne mentionne le Requérant : l'Inner Peace Movement of Canada Limited. Il faut donc en conclure que le Requérant tel que dénommé dans la demande n'avait pas droit à l'enregistrement de la Marque à la date de production de ladite demande, au motif qu'elle créait de la confusion, sous le régime du paragraphe 6(5), avec la même Marque déjà employée par d'autres.

[37]                       À ce propos, j'ai pris connaissance d'office de la partie II de la Loi sur les corporations canadiennes (1970, ch. C‑32) et du paragraphe 8.1.4 de l'Énoncé d'octroi des dénominations, qui régit l'emploi des éléments juridiques dans les dénominations des personnes morales à but non lucratif. Ce paragraphe porte que les seuls éléments juridiques dont l'emploi est autorisé dans les dénominations de telles personnes morales sont « Incorporated » [Incorporée], « Inc. », « Corporation » et « Corp. ». [Voir Kightley c. Canada (Registraire des marques de commerce (1982), 65 C.P.R. (2d) (C.F. 1re inst.), Marks & Clerk c. Sparkles Photo Ltd. (2005), 41 C.P.R. (4th) 236 (C.F. 1re inst.), et Crush International Ltd. c. Canada Dry Ltd. (1979), 59 C.P.R. (2d) 82 (C.O.M.C.), où la Cour fédérale et la C.O.M.C. ont pris connaissance d'office de règlements provinciaux et fédéraux.] En l'absence de toute explication ou preuve concernant l'existence de la personne morale dénommée dans la demande – l'Inner Peace Movement of Canada Limited –, force m'est de conclure, pour les raisons exposées plus haut, que le Requérant ne peut être la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque sous le régime des alinéas 16(1)a) ou 16(3)a de la Loi.

[38]                       En conséquence, les motifs d'opposition en question sont accueillis.

Les autres motifs d'opposition

[39]                       Au vu de tout ce qui précède, il n'est pas nécessaire de me prononcer sur les motifs d'opposition restants.

Décision

[40]                       En vertu des pouvoirs qui me sont délégués sous le régime du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande, relativement à l'ensemble des marchandises et des services, en application du paragraphe 38(8) de la Loi.

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P. Heidi Sprung

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 

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