Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

 

Référence : 2014 COMC 88

Date de la décision : 2014-04-25
TRADUCTION

 

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION produite par Jacques Vert PLC. à l'encontre de la demande d'enregistrement no 1,457,444 pour la marque de commerce SHOE PLANET, au nom de YM Inc. (Sales)

 

[1]   Jacques Vert PLC (l'Opposante), s'oppose à l'enregistrement de la marque de commerce SHOE PLANET (la Marque), qui est l'objet de la demande no 1,457,444 produite par YM Inc. (Sales) (la Requérante).

[2]   Produite le 30 octobre 2009, la demande est fondée sur un emploi projeté au Canada en liaison avec divers types d'articles chaussants, ainsi qu'avec des [traduction] « services de magasin de vente au détail d'articles chaussants ». L'état déclaratif des marchandises et services visés par la demande est reproduit intégralement à l'Annexe « A » de la présente décision.

[3]   L'Opposante allègue que : (i) la demande n'est pas conformes aux exigences de l'article 30 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch. T-13 (la Loi); (ii) la Marque n'est pas enregistrable suivant l'article 12(1)d) de la Loi; (iii) la Requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque suivant l'article 16 de la Loi; et (iii) la Marque n'est pas distinctive au sens de l'article 2 de la Loi. Les trois derniers motifs d'opposition sont liés à la probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce déposée PLANET (enregistrement no LMC387,969) de l'Opposante et/ou ses marques de commerce PLANET faisant l'objet de demandes d'enregistrement (demandes nos 641,981(1)) et 1,475,332), dont les détails sont reproduits à l'Annexe « B » de la présente décision.

Le dossier

[4]   La demande d'enregistrement de la Marque a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 28 avril 2010.

[5]   La déclaration d'opposition a été produite par l'Opposante le 28 juin 2010. Les motifs d'opposition soulevés ont été contestés par la Requérante dans une contre-déclaration en date du 22 octobre 2010.

[6]   Au soutien de son opposition, l'Opposante a produit des copies certifiées des marques de commerce suivantes : PLANET (LMC387,969), PLANET (demande no 641,981(1)), et PLANET (demande no 1,475,332).

[7]   Au soutien de sa demande, la Requérante a produit l'affidavit de Michael Godwin, souscrit le 19 octobre 2011, l'affidavit de Hugh Eric Grundy, également souscrit le 19 octobre 2011, et une copie certifiée de son enregistrement de la marque URBAN PLANET (LMC653,892). Aucun contre-interrogatoire n'a été mené.

[8]   Les parties ont toutes deux produit un plaidoyer écrit et étaient toutes deux présentes à l'audience qui a été tenue.

Le fardeau de preuve incombant à chacune des parties

[9]   C'est à la Requérante qu'incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. L’Opposante a toutefois le fardeau de preuve initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition [voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst.), p. 298; Dion Neckwear Ltd c. Christian Dior, SA et al (2002), 20 CPR (4th) 155 (CAF)].

Motifs d'opposition rejetés sommairement

Motifs fondés sur l'article 30

[10]                       Les motifs d'opposition fondés sur la non-conformité à l'article 30 de la Loi sont au nombre de trois. À cet égard, l'Opposante allègue que la demande n'est pas conforme à l'article 30a) de la Loi en ce que l'état déclaratif des services est vague et ambigu, et n'est pas dressé dans les termes ordinaires du commerce. L'Opposante allègue également que la demande n'est pas conforme à l'article 30e) de la Loi en ce que la Requérante n'avait pas l'intention d'employer la Marque, tel qu'il est allégué dans la demande ou n'avait pas du tout l'intention d'employer la Marque. Enfin, l'Opposante allègue que la demande n'est pas conforme à l'article 30i) de la Loi en ce que la Requérante ne pouvait pas être convaincue d'avoir droit d'employer ou de faire enregistrer la Marque au vu des marques de commerce antérieurement employées et/ou enregistrées de l'Opposante.

[11]                       Le fardeau de preuve initial qui incombe à l’Opposante à l'égard de l'article 30a) est léger. En effet, pour s’en acquitter, la partie opposante n’a généralement qu’à présenter des arguments suffisants [voir McDonald’s Corporation et McDonald’s Restaurants of Canada Ltd c. MA Comacho-Saldana International Trading Ltd faisant affaire sous le nom Macs International (1984), 1 CPR (3d) 101, p. 104 (COMC)].

[12]                       En l'espèce, l'Opposante n'a présenté ni éléments de preuve ni arguments pour appuyer la conclusion que les services de la Requérante sont décrits autrement que dans les termes ordinaires du commerce. L'Opposante ne s'est donc pas acquittée de son fardeau de preuve et, en conséquence, je rejette le motif d'opposition fondé sur l'article 30a) de la Loi.

[13]                       S'agissant du motif d'opposition fondé sur l'article 30e), le fardeau de preuve initial qui incombe à un opposant à l'égard de ce motif est relativement léger et l'opposant peut s'en acquitter en se reportant à la preuve produite par le requérant [voir Molson Canada c. Anheuser-Busch Inc (2003), 29 CPR (4th) 315 (CF)].

[14]                       La demande renferme une déclaration portant que la Requérante a l’intention d’employer la marque visée par la demande au Canada, elle-même et/ou par l’entremise d’une licenciée. La demande est donc conforme aux exigences de l’article 30e) de la Loi, quant à la forme. Par conséquent, la question qui se pose est de savoir si la demande était conforme à l’alinéa 30e) de la Loi, quant au fond; en d’autres termes : la déclaration de la Requérante portant que la Requérante avait l’intention d’employer la Marque était-elle véridique?

[15]                       En l'espèce, l'Opposante appuie sa prétention voulant qu'il y ait non-conformité à l'article 30e) de la Loi sur la preuve que la Requérante a elle-même produite. Plus particulièrement, l'Opposante se reporte à la preuve de la Requérante concernant l'emploi de sa marque URBAN PLANET (affidavit de M. Grundy). L'Opposante soutient que cette preuve démontre clairement que la Requérante exploite des magasins de détail, mais qu'elle est muette quant à la question de savoir si la Requérante emploie ses marques de commerce en liaison avec de quelconques marchandises. L'Opposante soutient que la preuve ne démontre pas que la Requérante fabrique ou à l'intention de fabriquer des vêtements ou des articles chaussants. L'Opposante soutient, en outre, que l'affidavit ne contient aucune indication donnant à penser que les activités commerciales de la Requérante engloberaient désormais des marchandises, et non simplement des services. Partant, l'Opposante soutient que l'affidavit de M. Grundy laisse entendre que la Requérante à l'intention de faire de la Marque un emploi similaire à celui qu'elle fait de la marque de commerce URBAN PLANET.

[16]                       Le fait que la Requérante emploie sa marque de commerce URBAN PLANET en liaison avec des services ne permet pas d'affirmer que la Requérante n'avait pas, en date du 30 octobre 2009, l'intention d'employer la Marque en liaison avec des marchandises. En tout état de cause, la Requérante n'était pas tenue de fournir une preuve de l'emploi de sa marque de commerce en liaison avec des marchandises plutôt qu'avec des services. La demande d'enregistrement de la Marque est fondée sur un emploi projeté, et il est évidemment loisible à un requérant d'adopter un modèle d'entreprise différent du modèle en place antérieurement, y compris un modèle qui comprend des services de vente au détail de produits arborant sa propre marque de commerce.

[17]                       Compte tenu de ce qui précède, je rejette le motif d'opposition fondé sur l'article 30e) de la Loi, car l'Opposante ne s'est pas acquittée de son fardeau de preuve initial.

[18]                       Enfin, s'agissant du troisième motif d'opposition fondé sur la non-conformité à l'article 30 de la Loi, l'article 30i) de la Loi exige simplement que le requérant, dans sa demande, se déclare convaincu d'avoir droit à l'enregistrement de sa marque de commerce. Lorsque le requérant a fourni la déclaration exigée, ce motif d'opposition ne devrait être accueilli que dans des cas exceptionnels, comme lorsqu'il existe une preuve que le requérant est de mauvaise foi (voir Sapodilla Co Ltd c. Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC), p. 155).

[19]                       La Requérante a fourni la déclaration requise et rien dans la preuve dont je dispose ne donne à penser que la présente espèce est un cas exceptionnel. L'Opposante ne s'est donc pas acquittée de son fardeau de preuve et, en conséquence, je rejette le motif d'opposition fondé sur l'article 30i).

Motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d)

[20]     La date pertinente pour l'examen d'un motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d) est la date de ma décision [Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd et le Registraire des marques de commerce (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)].

[21]     Un opposant s'acquitte de son fardeau de preuve initial à l'égard d'un motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d) si l'enregistrement qu'il invoque est en règle. Le registraire a le pouvoir discrétionnaire de consulter le registre pour confirmer l’existence de l'enregistrement invoqué par un opposant [voir Quaker Oats of Canada Ltd./La Compagnie Quaker Oats du Canada Ltée c. Menu Foods Ltd. (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC)]. J'ai exercé ce pouvoir discrétionnaire et je confirme que l'enregistrement de l'Opposante invoqué au soutien de ce motif d'opposition est en règle en date de ma décision. L’Opposante s’est donc acquittée de son fardeau de preuve.

[22]     Par conséquent, je dois maintenant déterminer, selon la prépondérance des probabilités, si la Marque est susceptible de créer de la confusion avec la marque de commerce déposée PLANET (LMC387,969) de l'Opposante.

Le test en matière de confusion

[23]     Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. L'article 6(2) de la Loi porte que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[24]     Lorsqu'il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris celles expressément énoncées à l'article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle chaque marque a été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent.

[25]     Ces critères ne forment pas une liste exhaustive et le poids qu'il convient d'accorder à chacun d'eux varie en fonction du contexte propre à chaque affaire [voir Mattel, Inc c. 3894207 Canada Inc, [2006] 1 RCS 772 (CSC), para. 54]. Je m’appuie également sur l’arrêt Masterpiece Inc c. Alavida Lifestyles Inc (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC), dans lequel la Cour suprême du Canada a indiqué, au paragraphe 49, que la ressemblance entre les marques (article 6(5)e)) est souvent le facteur qui revêt le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion. J'analyserai donc ce facteur en premier lieu.

Article 6(5)e) – le degré de ressemblance dans la présentation ou le son, ou dans les idées suggérées

[26]      Il est bien établi en droit que, lorsqu’il s’agit de déterminer le degré de ressemblance entre des marques, il faille considérer les marques dans leur ensemble, et éviter de placer les marques côte à côte dans le but de les comparer et de relever les similitudes ou les différences entre leurs éléments constitutifs. En outre, bien que la première partie d'une marque soit généralement la plus importante lorsqu'il s'agit de distinguer des marques entre elles (voir Conde Nast Publications Inc c. Union des Editions Modernes (1979), 46 CPR (2d), 183 (CF 1re inst.), p. 188), dans Masterpiece, la Cour suprême a fait observer qu’il est préférable, au moment de comparer des marques de commerce, de se demander d’abord si les marques présentent un aspect particulièrement frappant ou unique. Pour les raisons exposées ci-dessous, j’estime qu’il existe un degré de ressemblance important entre les marques dans la présentation, dans le son et dans les idées qu’elles suggèrent.

[27]     La Requérante soutient que lorsqu'on compare les marques des parties dans leur ensemble, ces dernières se révèlent différentes sur les plans visuel et sonore. S'appuyant sur Conde Nast, précitée, la Requérante accorde une importance relativement plus grande à la première partie de sa Marque. Plus particulièrement, la Requérante soutient que les premières parties de chacune des marques sont visuellement et phonétiquement différentes, et que la présence du mot SHOE dans la Marque évoque l'idée d'une [traduction] « planète de chaussures », ce qui, sur le plan conceptuel, est différent d'une simple [traduction] « planète ».

[28]     J'estime cependant que le mot SHOE n'a rien de particulièrement frappant ou unique. Le mot SHOE est descriptif des marchandises et services de la Requérante et, par conséquent, ne contribue en rien à atténuer la ressemblance entre les marques des parties [Reno-Dépôt Inc c. Homer TLC Inc (2009), 84 CPR (4th) 58 (COMC), para. 58]. M'appuyant sur la démarche établie dans Masterpiece, j'estime que la partie la plus frappante des marques des parties est plutôt le mot « PLANET ». Le mot « PLANET » ne revêt aucune signification précise par rapport aux marchandises ou aux services des parties. Sur les plans visuel et phonétique, cet élément est identique dans les marques des deux parties; en effet, la Marque de la Requérante incorpore, comme l'un de ses éléments, la totalité de la marque déposée PLANET de l'Opposante.

[29]           Par conséquent, j'estime que ce facteur favorise l'Opposante.

Article 6(5)a) – le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[30]           La marque de l'Opposante est formée du mot PLANET. Bien que ce mot soit un mot du dictionnaire d'usage courant, il n'est ni descriptif ni suggestif des marchandises et services de l'Opposante.

[31]            La Marque de la Requérante comprend, elle aussi, le mot PLANET. Ainsi, du fait de la présence du mot PLANET dans chacune d'elles, les marques des parties possèdent toutes deux un certain caractère distinctif inhérent. Toutefois, la Marque de la Requérante n'est pas aussi intrinsèquement forte que la marque de l'Opposante, car elle comprend le mot descriptif SHOE.

[32]           Il est vrai qu'une marque de commerce peut acquérir une force accrue en devenant connue au Canada par l'emploi ou la promotion, cependant, ni l'une ni l'autre des parties n'a produit une preuve d'emploi ou de promotion de ses marques respectives.

Article 6(5)b) – la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[33]           Comme indiqué ci-dessus, ni l'une ni l'autre des parties n'a produit une preuve d'emploi de ses marques respectives.

[34]           Bien que l'Opposante ait fourni une copie certifiée de l'enregistrement de sa marque de commerce PLANET, le registraire, sur la base de cette seule preuve, ne peut présumer que d'un emploi minimal [voir Entre Computer Centers, Inc c. Global Upholstery Co (1991), 40 CPR (3d) 427 (COMC)]. La simple existence de l'enregistrement établissant tout au plus un emploi minimal, elle ne permet pas de conclure à un emploi significatif et continu.

[35]           Compte tenu de ce qui précède, le facteur énoncé à l'article 6(5)b) favorise l'Opposante, mais seulement dans une faible mesure.

Article 6(5)c) et d) – le genre de marchandises, services et entreprises, et la nature du commerce

[36]           Pour évaluer ce facteur, je dois comparer l'état déclaratif des marchandises qui figure dans la demande de la Requérante avec les marchandises visées par l'enregistrement de l'Opposante [voir Esprit International c. Alcohol Countermeasure Systems Corp. (1997), 84 CPR (3d) 89 (COMC)].

[37]           Les marchandises visées par l'enregistrement de l'Opposante comprennent divers vêtements et accessoires. Les marchandises de la Requérante comprennent des articles chaussants et les services visés par la demande de la Requérante concernent la vente au détail de telles marchandises. Comme je l'ai mentionné précédemment, des listes complètes des marchandises et services en liaison avec lesquels les parties emploient leurs marques respectives sont présentées aux Annexes A et B de la présente décision.

[38]           Bien que les marchandises des parties ne soient pas identiques, je conviens avec l'Opposante qu'elles sont apparentées. La Requérante soutient que ni l'une ni l'autre des parties n'a produit de preuve à cet égard; or, des marchandises similaires ont été jugées apparentées dans de nombreuses affaires antérieures, qu'une preuve à cet égard ait ou non été produite [voir, à titre d'exemple, I. Hignell & Associates Ltd c. HH Brown Shoe Co (Canada) Ltd – Chaussures HH Brown (Canada) Ltée (1991), 34 CPR (3d) 569 (COMC); Salamandar Aktiengesellschaft c. Pacific Clothing Exchange Ltd (1988), 19 CPR (3d) 349, p. 351 (COMC); Eber San Francisco c. Iramaos Pedro Ltda (1986), 9 CPR (3d) 141, p. 144 (COMC)]. En tout état de cause, la preuve que la Requérante a elle-même produite par la voie de l'affidavit de M. Grundy appuie cette conclusion, car les publicités pour les magasins de détail URBAN PLANET de la Requérante montrent que ses magasins de détail offrent en vente aussi bien des vêtements que des articles chaussants (pièce C).

[39]           Compte tenu de ce qui précède, on peut présumer que les voies de commercialisation des parties se recouperaient également. Par conséquent, je considère que ces facteurs favorisent l'Opposante.

Autres circonstances de l'espèce

État du registre

[40]           La preuve de l’état du registre n’est pertinente que dans la mesure où elle permet de tirer des conclusions quant à l'état du marché [voir Ports International Ltd c. Dunlopo Ltd (1992), 41 CPR (3d) 432 (COMC); Del Monte Corporation c. Welch Foods Inc (1992), 44 CPR (3d) 205 (CF 1re inst.)]. De plus, de telles conclusions quant à l’état du marché ne peuvent être tirées de la preuve de l’état du registre que lorsqu'un nombre important d'enregistrements pertinents a été repéré [Kellogg Salada Canada Inc c. Maximum Nutrition Ltd (1992), 43 CPR (3d) 349 (CAF)].

[41]           La Requérante a soumis une preuve de l'état du registre concernant l'emploi du mot PLANET par la voie de l'affidavit de M. Godwin. À cet égard, M. Godwin a effectué une recherche dans le registre canadien des marques de commerce à l'aide du système CDNameSearch en vue de repérer des marques de commerce comprenant le mot PLANET et étant employées en liaison avec des vêtements, des articles chaussants et des marchandises connexes, ainsi qu'avec des services concernant la vente au détail de vêtement, d'articles chaussants et de marchandises connexes. Il présente les résultats de sa recherche aux pièces B et C de son affidavit. La recherche effectuée par M. Godwin a permis de repérer 55 marques de commerce répondant à ces critères.

[42]           L'Opposante met en doute la fiabilité du système CDNameSearch utilisé par M. Godwin, et soutient que cette preuve est, dans le meilleur des cas, une preuve par ouï-dire inadmissible. J'accepte cependant cette preuve comme admissible et fiable. M. Godwin est un recherchiste en marques de commerce d'expérience et a très bien expliqué les paramètres de sa recherche. Je souligne, en outre, tel qu'il est indiqué dans l'affidavit de M. Godwin, que la source de l'information utilisée par le système de recherche offert par un tiers que M. Godwin a employé pour effectuer sa recherche concernant l'état du registre n'est nul autre que le Bureau des marques de commerce [voir Sleep Products International Inc c. Park Avenue Furniture Corp (2002), 25 CPR (4th) 263, p. 270 (COMC); Canadian Council of Professional Engineers c. John Brooks Co (2001), 21 CPR (4th) 397 (COMC)].

[43]           Comme je l'ai mentionné précédemment, la recherche de M. Godwin a permis de repérer 55 marques de commerce. L'Opposante conteste une part importante de la preuve de l'état du registre au motif qu'elle est non pertinente. Plus particulièrement, l'Opposante soutient que, mis à part la marque de l'Opposante, toutes sauf cinq des marques de commerce repérées lors de la recherche comprennent au moins un autre mot non descriptif en plus du mot PLANET, y compris des marques dans lesquelles le mot PLANET est employé comme élément constitutif d'une phrase ou d'un titre. L'Opposante soutient, en outre, que dans bon nombre des enregistrements repérés, les vêtements et/ou articles chaussant énumérés sont identifiés comme secondaires ou accessoires par rapport aux marchandises et services principaux.

[44]           La Requérante soutient que la recherche de M. Godwin démontre qu'il existe un nombre suffisant de marques de commerce « PLANET » pertinentes pour que des conclusions quant à l'état du marché puissent être tirées de la preuve de l'état du registre [elle cite Polo Ralph Lauren Corp c. United States Polo Assn, 9 CPR (4th) 51; et International Clothiers Inc c. Dorna Sports SL 2012 COMC 43]. La Requérante insiste sur 13 des marques de commerce repérées dans le cadre de la recherche de M. Godwin, qu'elle décrit comme particulièrement [traduction] « dignes de mention ».

[45]           Après examen de la preuve de l'état du registre, je conviens avec l'Opposante qu'il y a trop peu de marques incorporant le mot PLANET à titre d'élément dominant qui sont employées en liaison avec des vêtements et des articles chaussants et des marchandises et/ou des services connexes. Même parmi les marques que la Requérante décrit comme « dignes de mention », bon nombre comprennent des mots supplémentaires qui modifient l'idée générale suggérée par ces marques dans une mesure telle qu'il est facile de comprendre qu'elles puissent coexister.

[46]            En somme, il y a tout simplement trop peu de marques pertinentes pour que je puisse tirer de la preuve de l'état du registre qui a été produite quelque conclusion que ce soit quant à l'état du marché.

Coexistence avec la marque de commerce Urban Planet de la Requérante

[47]           Outre la preuve de l'état du registre, la Requérante fait valoir, à titre de circonstance additionnelle de l'espèce, la coexistence de la marque de commerce URBAN PLANET de la Requérante et de la marque de commerce PLANET de l'Opposante.

[48]           Si, d'une part, la preuve confirme que la marque de commerce URBAN PLANET de la Requérante a été employée à grande échelle au Canada (affidavit de M. Grundy), je tiens compte, d'autre part, du fait que l'Opposante n'a produit aucune preuve de l'emploi de sa marque de commerce PLANET. En effet, l'Opposante a seulement produit une copie certifiée de l'enregistrement de sa marque PLANET. Comme je l'ai mentionné précédemment, en l'absence d'une preuve d'emploi, le registraire, sur la base de cette seule preuve, ne peut présumer que d'un emploi minimal de la marque de commerce [voir Entre Computer Centers, Inc c. Global Upholstery Co (1991), 40 CPR (3d) 427 (COMC)]. Étant donné que le registraire peut présumer uniquement d'un emploi minimal, aucune conclusion significative ne peut être tirée de la coexistence des marques sur le marché.

[49]           En tout état de cause, le fait que la Requérante soit propriétaire d'un enregistrement de la marque URBAN PLANET ne lui confère pas automatiquement le droit d'obtenir l'enregistrement d'une autre marque, même si celle-ci est étroitement apparentée à la marque déposée [voir Coronet-Werke Heinrich Schlerf GmbH c. Produits Menagers Coronet Inc (1984), 4 CPR (3d) 108, p. 115 (COMC)].

Conclusion

[50]           Dans l'application du test en matière de confusion, j'ai considéré que ce dernier tenait de la première impression et du souvenir imparfait. Dans Masterpiece Inc c. Alavida Lifestyles (2011), 92 CPR (4th) 361, la Cour suprême du Canada a insisté sur l'importance que revêt le facteur énoncé à l'article 6(5)e) dans l'analyse de la probabilité de confusion. En l'espèce, j'ai conclu qu'il existe une forte ressemblance entre les marques des parties du fait que la Requérante a repris la marque de l'Opposante dans sa totalité et y a simplement ajouté un mot donnant une description claire des marchandises et services auxquels elle est associée. De plus, les marchandises et services des parties sont apparentés et, en l'absence d'une preuve indiquant le contraire, pourraient être vendus par les mêmes voies de commercialisation. Enfin, la preuve de l'état du registre n'est tout simplement pas suffisante pour qu'on puisse en tirer quelque conclusion significative que ce soit quant à l'état du marché.

[51]           Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas convaincue que la Requérante s'est acquittée de son fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de l'Opposante. En conséquence, le motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d) est accueilli.

Absence de droit à l'enregistrement aux termes de l'article 16(3)b) de la Loi

[52]                       Pour s’acquitter de son fardeau de preuve initial à l'égard de l'article 16(3)b) de la Loi, l'Opposante doit établir qu'au moins une de ses demandes d'enregistrement pour la marque PLANET a été produite avant la date de production de la demande de la Requérante (le 30 octobre 2009) et n’avait pas été abandonnée à la date d'annonce de la demande d’enregistrement pour la Marque (le 28 avril 2010) [article 16(4)].

[53]                       Comme indiqué précédemment, l'Opposante a produit, dans le cadre de sa preuve au titre de l'article 41 du Règlement, des copies certifiées de ses demandes d'enregistrement pour la marque PLANET (demandes nos 641,981(1) et 1,475,332). L'Opposante s'est acquittée de son fardeau de preuve initial à l'égard de ce motif d'opposition uniquement en ce qui concerne la demande no 641,981(1), car la demande no 1,475,332 a été produite après la date de production de la demande de la Requérante.

[54]                       La différence de date pertinente n'a pas d'incidence sur mes constatations à l'égard de ce motif et, par conséquent, mes conclusions quant à la confusion entre la Marque et la marque de commerce PLANET de l'Opposante sont essentiellement les mêmes. J'ajouterai, toutefois, qu'un recoupement plus marqué entre les marchandises et les services des parties rend la confusion, aux termes de ce motif, encore plus probable.

Absence de droit à l'enregistrement aux termes de l'article 16(3)a) de la Loi

[55]                       L'Opposante n'a produit aucune preuve d'emploi de sa marque PLANET déposée ou de sa marque PLANET faisant l'objet de demandes d'enregistrement. Je souligne, en outre, que toute référence à un emploi dans l'enregistrement de l’Opposante n'est pas suffisante pour permettre à l'Opposante de s'acquitter de son fardeau de preuve à l'égard de l'article 16(3)a) de la Loi [voir Rooxs, Inc c. Edit-SRL (2002), 23 CPR (4th) 265 (COMC)]. Il en va de même pour le motif fondé sur l'absence de caractère distinctif. En conséquence, j’estime que l'Opposante ne s'est pas acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait à l’égard des motifs d'opposition fondés respectivement sur l'absence de droit à l'enregistrement aux termes de l'article 16(3)a) et sur l'absence de caractère distinctif.

[56]           Compte tenu de ce qui précède, je rejette ces motifs d'opposition.

Décision

[57]           Dans l'exercice des pouvoirs qui m'ont été délégués en vertu des dispositions de l'article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d'enregistrement conformément aux dispositions de l'article 38(8) de la Loi.

 

 

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Kathryn Barnett

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada



Traduction certifiée conforme
Judith Lemire, trad.

 

 


Annexe « A »

No de demande

Marque de commerce

Marchandises/Services

1,457,444

 

SHOE PLANET

[traduction]
Marchandises :

(1) Articles chaussants, nommément chaussures, bottes, pantoufles, sandales, semelles, articles chaussants d'entraînement, articles chaussants de plage, articles chaussants pour enfants, articles chaussants imperméables, articles chaussants de soirée.

Services :

(1) Services de magasin de vente au détail d'articles chaussants.

 


 

Annexe « B »

No d'enregistrement ou de demande

Marque de commerce

Marchandises/Services

LMC387,969

 

PLANET

(1)   Manteaux, imperméables, blazers, pantalons, chemisiers, jupes, tailleurs, vestes, gilets en tricot, cardigans, chandails, pull-overs, foulards et ceintures, pour femmes et fillettes.

641,981 (01)

PLANET

[traduction]
Marchandises :

(1)   Bijoux et montres; sacs à main, sacs-pochettes, sacs de soirée, bourses, portefeuilles, parapluies.

(2)   Bijoux et montres.

(3)   Sacs à main et parapluies.

Services :

(1)   Vente au détail de bijoux, montres, sacs à main, sacs-pochettes, sacs de soirée, porte-monnaie, portefeuilles, parapluies, tenues de cérémonie, complets, articles vestimentaires haute couture et vêtements prêts-à-porter, costumes, gilets, manteaux, imperméables, blazers, vestes, pantalons, jupes, chemises, chemisiers, gilets de corps, tee-shirts, cardigans, chandails, chasubles, pull-overs, foulards, châles, ceintures, chapeaux, chaussures de cérémonie, chaussures de soirée, chaussures de plage, chaussures tout-aller, pantoufles.

1,475,332

PLANET

(1)   Manteaux, imperméables, blazers, pantalons, chemises, jupes, tailleurs, vestes, cardigans, chandails, hauts, nommément tee-shirts à manches courtes ou à manches longues, débardeurs, jerseys en tricot, gilets; chemisiers, robes, foulards et ceintures; vêtements tout-aller pour femmes; lingerie et vêtements de dessous; pyjamas; articles chaussants, nommément sandales, bottes, pantoufles, chaussures; culottes, chaussettes, collants, pantalons-collants, chapeaux.

 

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