Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2013 COMC 46

Date de la décision : 22-03-2013

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45 engagée à la demande de MJB Marketing Inc. visant l’enregistrement no LMC688 149 de la marque de commerce BOX DESIGN au nom de Provide Gifts Inc.

[1]               Le 23 décembre 2010, à la demande de MJB Marketing Inc. (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi) à Provide Gifts Inc. (l’Inscrivante), la propriétaire inscrite de l’enregistrement no LMC688 149 de la marque de commerce BOX DESIGN (la Marque) reproduite ci-dessous :

BOX DESIGN

[2]               La description de la Marque qui figure dans l’enregistrement est ainsi libellée : [TRADUCTION] « La marque de commerce est de couleurs rouge et ivoire, telles qu’appliquées à la surface de l’objet montré dans le dessin. La partie de la marque qui représente la boîte est de couleur rouge, et celles qui représentent le ruban et l’arc sont de couleur ivoire. »

[3]               La Marque est enregistrée pour emploi en liaison avec les services suivants : [TRADUCTION] « services informatisés en ligne de vente au détail et de vente par correspondance dans le domaine des cadeaux » (les Services).

[4]               L’article 45 de la Loi exige que la propriétaire inscrite d’une marque de commerce indique si la marque de commerce a été employée au Canada en liaison avec chacune des marchandises et chacun des services visés par l’enregistrement à un moment quelconque au cours des trois années précédant la date de l'avis et, dans la négative, qu’elle précise la date où la marque a été employée pour la dernière fois et la raison de son défaut d'emploi depuis cette date. En l’espèce, la période pertinente pour établir l’emploi de la Marque s'étend du 23 décembre 2007 au 23 décembre 2010 (la Période pertinente).

[5]               La définition d’« emploi » en liaison avec des services est énoncée au paragraphe 4(2) de la Loi :

4(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

[6]               Il est bien établi que, dans le contexte de la procédure prévue à l’article 45, de simples affirmations d’emploi ne suffisent pas à prouver qu’il y a eu emploi [Plough (Canada) Ltd c. Aerosol Fillers Inc (1980), 53 C.P.R. (2d) 62 (C.A.F.)]. Bien que les exigences en matière de preuve d’emploi dans le cadre de cette procédure ne soient pas très élevées [Woods Canada Ltd c. Lang Michener et al (1996), 71 C.P.R. (3d) 477 (C.F. 1re inst.)], et qu’il ne soit pas nécessaire de produire une surabondance de preuve [Union Electric Supply Co c. le Registraire des marques de commerce (1982), 63 C.P.R. (2d) 56 (C.F. 1re inst.)], il n’en faut pas moins présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec chacune des marchandises et chacun des services visés par l’enregistrement au cours de la Période pertinente.

[7]               Lorsqu'il s'agit de services, l’emploi de la marque de commerce dans l’annonce des services est réputé satisfaire aux exigences du paragraphe 4(2) si la propriétaire de la marque de commerce offre les services au Canada et est prête à les exécuter [voir Wenward (Canada) Ltd c. Dynaturf Co (1976), 28 C.P.R. (2d) 20 (R.M.C.) [Wenward]]. En d’autres termes, le simple fait que des services soient annoncés au Canada n’est pas suffisant pour établir l’emploi; pour pouvoir être exécutés au Canada, les services doivent, à tout le moins, être offerts au Canada. À titre d’exemple, l’emploi d’une marque de commerce dans l’annonce au Canada de services qui ne sont offerts qu’aux États-Unis ne satisfait pas aux exigences du paragraphe 4(2) [Porter c. Don the Beachcomber (1966), 48 C.P.R. 280 (C. É.)].

[8]               En réponse à l’avis transmis par le registraire, l’Inscrivante a produit l’affidavit de Rick Sliter, premier vice-président, Services de marketing, Développement corporatif chez l’Inscrivante, souscrit le 21 juillet 2011. Les parties ont toutes deux présenté des observations écrites; aucune audience n’a été tenue.

[9]               Dans son affidavit, M. Sliter affirme que l’Inscrivante se spécialise dans la vente au détail, en ligne et par correspondance, de bijoux et de cadeaux de grande qualité [TRADUCTION] « pour toutes les occasions », et exerce ses activités sous la dénomination commerciale RedEnvelope. Il explique que l’Inscrivante offre des services de détail qui permettent aux clients d’acheter des articles-cadeaux qui sont ensuite livrés soit au client, soit au destinataire désigné par le client. Les clients peuvent commander en ligne sur le site Web de l’Inscrivante ou par téléphone. En plus de ses articles-cadeaux, l’Inscrivante offre à ses clients divers autres articles et services, tels des cartes-cadeaux et des services d’inscription de monogrammes et de personnalisation de cadeaux, d’emballage de cadeaux, de suivi des commandes et de retour; ces derniers peuvent également choisir parmi différentes options d’expédition et de livraison, dont une livraison dans la boîte rouge ornée d’un ruban ivoire caractéristique de l’Inscrivante.

[10]           Il ressort toutefois clairement de l’affidavit que l’Inscrivante assure la livraison des produits commandés uniquement lorsque les destinataires se trouvent aux États-Unis; elle ne livre pas au Canada.

Preuve d’emploi au cours de la Période pertinente

[11]           Dans son affidavit, M. Sliter fournit des renseignements sur des ventes effectuées de 2008 à 2010 auprès de clients canadiens situés en Colombie-Britannique, en Ontario et au Québec qui ont acheté des articles-cadeaux offerts par l’Inscrivante et les ont fait livrer à un destinataire se trouvant aux États-Unis. À la pièce B de son affidavit, M. Sliter a fourni, sous forme de tableau, un résumé des renseignements concernant les articles commandés par des clients canadiens, y compris les noms des produits, les dates de livraison, et les adresses des clients et des destinataires. M. Sliter atteste que le montant total des ventes effectuées auprès de clients canadiens de 2008 à 2010 s’élève à près de 1 000 $US.

[12]           M. Sliter affirme, en outre, qu’au cours de la Période pertinente, l’Inscrivante a exercé l’essentiel de ses activités commerciales par l’intermédiaire de son site Web, www.redenvelope.com (le Site Web), lequel était [TRADUCTION] « accessible aux Canadiens et pouvait être utilisé par ces derniers ». Au paragraphe 8 de son affidavit, M. Sliter a inséré un graphique qui montre, pour chaque année, le nombre de visites sur le Site Web et les pages consultées à partir d'ordinateurs ayant une adresse IP canadienne. Il atteste que, de novembre 2008 au 14 juillet 2011, [TRADUCTION] « 345 111 visites sur le Site Web ont été effectuées à partir d’adresses de protocole Internet (IP) canadiennes ».

[13]           M. Sliter a également fourni, à la pièce C de son affidavit, des copies de pages extraites du Site Web, qui, atteste-t-il, sont représentatives de la présentation générale du Site Web et de la façon dont les services informatisés de vente au détail en ligne et par correspondance de l’Inscrivante ont été annoncés et fournis au Canada pendant la Période pertinente. M. Sliter affirme que [TRADUCTION] « la marque de commerce RED BOX DESIGN est omniprésente dans l’expérience de magasinage en ligne des clients, aussi bien lorsqu’ils naviguent d’une page à l’autre qu’au moment de passer à la caisse ou de choisir une option de livraison ». Je souligne qu’une image de la boîte rouge ornée d’un ruban ivoire caractéristique de l’Inscrivante figure dans le coin supérieur gauche de certaines pages.

[14]           M. Sliter affirme également que l’Inscrivante annonçait et continue d’annoncer les Services auprès des consommateurs canadiens par le truchement de son Site Web, et au moyen de bulletins promotionnels transmis par courriel aux utilisateurs inscrits et de catalogues imprimés visualisables à partir du Site Web. M. Sliter ne précise pas si ces catalogues étaient également expédiés par courrier à des consommateurs canadiens; il dit simplement que, ces catalogues étant disponibles sur le Site Web, les Canadiens y avaient accès et pouvaient les télécharger. Des extraits de ces catalogues imprimés sont fournis à la pièce D de l’affidavit. Je souligne que l’image de boîte rouge ornée d’un ruban ivoire qui caractérise l’Inscrivante et qui est affichée sur le Site Web de cette dernière figure également dans différentes pages du catalogue. Je souligne, en outre, que bon nombre des photos comprises dans le catalogue montrent des personnes qui tiennent dans leurs mains une boîte rouge ornée d’un ruban ivoire ou se trouvent à proximité d’une telle boîte – les dimensions des boîtes varient d’une photo à l’autre.

[15]           M. Sliter affirme que l’Inscrivante fournissait et continue de fournir un service de rappel aux utilisateurs, y compris les utilisateurs se trouvant au Canada, qui prend la forme de courriels et de messages promotionnels concernant l’achat de cadeaux pour des occasions spéciales à venir. La pièce E de l’affidavit de M. Sliter est formée d’une page extraite du Site Web dans laquelle on explique le fonctionnement du service de rappel. L’image de la boîte rouge ornée d’un ruban ivoire qui caractérise l’Inscrivante figure dans le coin supérieur gauche de cette page.

[16]           Enfin, j’ajouterai qu’il est fait mention, dans les petits caractères du catalogue annexé comme pièce D, d’une option de livraison appelée « Wrap it up » [emballage] qui permet aux clients de faire livrer leur cadeau dans la boîte rouge caractéristique de l’Inscrivante. En outre, le texte extrait du Site Web qui est reproduit à la page 5 de la pièce C comprend le passage suivant : [TRADUCTION] « la plupart des produits [de l’Inscrivante] peuvent être offerts dans [sa] fameuse boîte rouge ornée d’un ruban ivoire noué à la main ».  

Analyse – La marque de commerce telle qu’elle est enregistrée

[17]           Dans ces observations écrites, la Partie requérante soutient que la marque de commerce qui figure sur le Site Web, telle qu’elle est reproduite à la pièce C de l’affidavit, est substantiellement différente du dessin qui est enregistré. Plus précisément, la Partie requérante soutient que :

         la boîte n’est pas placée/présentée dans le même angle, ce qui a pour effet de modifier de façon importante l’image projetée;

         les bouts de ruban qui retombent sous la boucle dans le dessin enregistré sont beaucoup plus longs que ceux qu’on peut voir sur l’image qui figure sur le Site Web;

         la boucle n’est pas nouée de la même façon;

         la boîte qui figure sur le Site Web ne présente pas de lignes pointillées contrairement au dessin qui est enregistré.

[18]           Je ferai observer que l’enregistrement et la description qu’il contient, y compris les « lignes pointillées » qui caractérisent le dessin de la Marque, est en conformité avec l’Énoncé de pratique du Bureau des marques de commerce intitulé « Marques à trois dimensions », qui a été publié le 6 décembre 2000 et dans lequel on trouve le passage suivant :

Les demandes d'enregistrement de marques de commerce qui ne sont pas des signes distinctifs, qui ne sont pas à deux dimensions et qui consistent en, ou incluent, une ou plusieurs couleurs appliquées à la surface d'un objet à trois dimensions doivent contenir i) un ou des dessins démontrant les aspects visibles de l'objet en pointillé, et ii) une description indiquant que la marque de commerce consiste en la couleur ou en les couleurs particulières appliquées à l'objet montré dans le dessin. [l’italique est de moi]

[19]           Pour ce qui est des autres différences relevées, je considère, partant des principes énoncés dans Canada (Registraire des marques de commerce) c. Compagnie Internationale pour l’Informatique CII Honeywell Bull, SA (1985), 4 C.P.R. (3d) 523 (C.A.F.) et dans Promafil Canada Ltée c. Munsingwear Inc (1992), 44 C.P.R. (3d) 59 (C.A.F.), qu’il s’agit de variantes mineures par rapport à la Marque. J’estime que les caractéristiques dominantes de la Marque sont les couleurs rouge et ivoire telles qu’appliquées à la surface de la boîte; la boîte étant rouge et le ruban et la boucle ivoire. Étant donné que les caractéristiques dominantes de la Marque sont présentes dans l’image de boîte rouge ornée d’une boucle ivoire caractéristique de l’Inscrivante qui figure sur certaines pages du Site Web et des catalogues de l’Inscrivante, j’estime que l’identité de la Marque est préservée et que les variantes observées n’auraient pas, à mon avis, pour effet d’induire en erreur un acheteur non averti [d’après Nightingale Interloc Ltd c. Prodesign Ltd, (1984) 2 C.P.R. (3d) 535 (C.O.M.C.)].

Analyse – Services de vente au détail par l’intermédiaire d’un site Web

[20]           La véritable question en l’espèce est celle de savoir si l’on peut, à juste titre, affirmer que l’Inscrivante était prête à exécuter les Services au Canada pendant la Période pertinente [d’après Wenward, précitée]. À cet égard, il ressort d’un examen de la jurisprudence concernant des services de vente au détail en ligne – comme les Services en l’espèce – que l’existence d’éléments de preuve démontrant que des livraisons ont été effectuées au Canada constitue l’un des principaux facteurs à prendre en considération aux fins de toute analyse effectuée dans le contexte des articles 4 et 45 de la Loi.

[21]           Il a été déterminé, dans d’autres affaires, comme je l’explique plus en détail ci-dessous, qu’en l’absence d’un magasin « traditionnel » au Canada, l’affichage d’une marque de commerce sur un site Web en liaison avec les services d’une inscrivante pouvait constituer un emploi au sens des articles 4 et 45 de la Loi. De manière générale, les décisions rendues dans ces affaires ont été fonction de l’existence d’une preuve démontrant que l’inscrivante livrait ou était en mesure de livrer ses produits au Canada pendant la période pertinente.

[22]           À titre d’exemple, dans Law Office of Philip B Kerr c. Face Stockholm Ltd (2001), 16 C.P.R. (4th) 105 (C.O.M.C.) [Face Stockholm], le registraire a conclu que l’inscrivante offrait ses produits par le truchement de son site Web et les consommateurs canadiens pouvaient commander les produits en question à partir du Canada. L’élément clé qui a permis, dans cette affaire, de confirmer que les [TRADUCTION] « services de magasin de vente au détail de cosmétiques et de produits de beauté » de l’inscrivante étaient exécutés au Canada est l’existence de factures portant le nom de l’inscrivante et attestant que des produits de l’inscrivante avaient été livrés au Canada.

[23]           De même, dans Grafton-Fraser Inc c. Harvey Nichols and Company Limited (2010), 89 C.P.R. (4th) 394 (C.O.M.C.) [Harvey Nichols], malgré l’existence d’éléments de preuve confirmant que des Canadiens avaient consulté le site Web de vente au détail de l’inscrivante au cours de la période pertinente, la marque de commerce a été radiée en partie parce qu’il n’existait aucune preuve que des produits offerts par l’intermédiaire du site Web de l’inscrivante avaient été achetés à partir du Canada ou livrés au Canada pendant la période pertinente. Le registraire a également fait observer, dans cette affaire, que les copies d’écran produites en preuve ne contenaient aucune indication – tels des prix affichés en dollars canadiens, des coordonnées au Canada ou pour les Canadiens, ou de l’information ou une politique sur la livraison de produits au Canada – qui auraient pu donner à penser que les services étaient offerts aux consommateurs du Canada.

[24]           En l’espèce, il est évident, au vu de la preuve dont je dispose, que l’Inscrivante n’a pas livré ses produits à l’extérieur des États-Unis et qu’elle n’était pas en mesure de le faire. Par exemple, au paragraphe 6 de son affidavit, M. Sliter affirme que [TRADUCTION] « pendant la Période pertinente, RedEnvelope a fourni […] des services de vente au détail à des consommateurs du Canada en liaison avec [la Marque], y compris la vente de cadeaux et la livraison de cadeaux à des destinataires se trouvant aux États-Unis » [l’italique est de moi]. De plus, il est dit dans le texte extrait du Site Web qui est reproduit à la page 5 de la pièce C que [TRADUCTION] « Grâce à RedEnvelope donner un cadeau n’aura jamais été aussi facile […] nous livrons partout aux États-Unis » [l’italique est de moi].

[25]           La Partie requérante soutient, en outre, que le Site Web de l’Inscrivante semble s’adresser uniquement aux consommateurs des États-Unis et qu’apparemment aucun service n’est fourni au Canada. J’ai examiné les copies d’écran tirées du Site Web et je conviens que ces dernières ne contiennent pas d’indications qui pourraient donner à penser que les Services s’adressaient également aux consommateurs du Canada. Par exemple, bien que cela ne constitue pas un élément déterminant, la Partie requérante fait remarquer que dans la liste intitulée « Upcoming Holidays » (jours de fête à venir), il est uniquement fait mention de l’Action de grâces américaine; la fête de l’Action de grâces canadienne étant absente de cette liste. De même, tous les prix affichés sur les « pages de cadeaux » sont en dollars américains et rien n’indique que le paiement puisse être effectué en dollars canadiens.

[26]           La question de savoir quels éléments de preuve sont nécessaires pour établir que des services de vente au détail offerts depuis les États-Unis ont été exécutés ou annoncés au Canada a été examinée dans Cassels, Brock & Blackwell c. Sharper Image Corp (1990), 33 C.P.R. (3d) 198 (C.O.M.C.), à la page 199 [Sharper Image]. Dans cette affaire, les facteurs pertinents étaient les suivants :

(1) le détaillant a répondu à des commandes postales et téléphoniques provenant du Canada; 
(2) le détaillant a annoncé des marchandises au Canada en faisant parvenir des catalogues à des clients canadiens;
(3) il y avait un numéro sans frais permettant aux Canadiens d’acheter les marchandises par téléphone;
(4) les marchandises et services du détaillant ont été annoncés au Canada à intervalles réguliers au moyen de magazines largement distribués au Canada;
(5) le détaillant a lui-même veillé à assurer la livraison au Canada des articles commandés.

[27]            Ces facteurs étaient tirés en partie de la décision rendue par la Cour fédérale dans Saks & Co c. Canada (Registraire des marques de commerce) (1989), 24 C.P.R. (3d) 49 (C.F. 1re inst.) [Saks]. Toutefois, comme aucune de ces affaires ne portait sur un site Web de vente au détail, certains de ces facteurs sont dénués de pertinence dans le contexte du site Web de vente au détail qui caractérise la présente espèce. De plus, eu égard aux décisions Face Stockholm et Harvey Nichols précitées, il semblerait que, même si les autres facteurs peuvent être pertinents, le facteur clé réside dans la question de savoir si « le détaillant a lui-même veillé à assurer la livraison au Canada des articles commandés ».

[28]           Il importe, par ailleurs, de souligner que dans TSA Stores, Inc c. Canada (Registraire des marques de commerce) (2011), 91 C.P.R. (4th) 324 (C.F. 1re inst.) [TSA], infirmant 2010 CarswellNat 581 (C.O.M.C.), la Cour fédérale a infirmé en partie la décision du registraire de radier diverses marques de commerce de SPORTS AUTHORITY qui étaient enregistrées en liaison avec des services de magasins de détail. L’inscrivante, dans cette affaire, exploitait un site Web de vente au détail, mais il n’existait, comme dans les affaires précitées, aucun élément de preuve confirmant qu’elle livrait ses produits au Canada. La Cour a néanmoins conclu que des Canadiens utilisaient le site Web et, plus particulièrement, profitaient des services « Help Me Choose Gear », « Shoe Finder » et « Store Locator », ainsi que du glossaire détaillé de termes propres au domaine des vêtements sport, offerts sur le site. Ainsi, parce que les marques de commerce en question étaient affichées sur le site Web en liaison avec ces [TRADUCTION] « services accessoires de magasins de détail », la Cour a conclu qu’il existait dans cette affaire une preuve d’emploi en liaison avec les services de magasins de détail au Canada au cours de la période pertinente [au paragraphe 21].

[29]           En l’espèce, considérant que l’Inscrivante n’offrait pas de service de livraison à l’extérieur des États-Unis, je peux difficilement conclure qu’elle a exécuté les Services au Canada pendant la Période pertinente. Bien que l’on puisse interpréter le terme « services » de façon large, le bon sens n’en doit pas moins prévaloir. L’un des aspects fondamentaux des « services de vente au détail » réside, me semble-t-il, dans la possibilité pour les consommateurs d’acheter des produits et d’en prendre livraison ou possession. En effet, on pourrait difficilement soutenir que le consommateur qui entre dans un magasin « traditionnel » au Canada où différentes marchandises sont exposées à sa vue et où il peut faire un choix avec l’aide du personnel sur place, sans toutefois pouvoir, au final, prendre possession du produit acheté ou, à tout le moins, le faire livrer chez lui, a fait affaire avec un détaillant. Dans le même ordre d’idées, exception faite de la décision rendue dans TSA, il appert de la jurisprudence qu’un détaillant qui exploite un site Web de vente au détail, mais n’offre pas de service de livraison au Canada ne peut pas être considéré comme un détaillant qui fournit des services de vente au détail au Canada [voir également Lapointe Rosenstein LLP c. The West Seal, Inc (2012), 103 C.P.R. (4th) 136 (C.O.M.C.) [West Seal] au paragraphe 26]. J’estime qu’en l’espèce, cette logique s’applique également aux « services de vente par correspondance » de l’Inscrivante.

[30]           Il a cependant été admis dans TSA, comme dans Saks et Sharper Image, que la combinaison de certains facteurs pouvait, dans certains cas, être suffisante pour maintenir un enregistrement visant des services de magasin de détail, même en l’absence de magasins traditionnels au Canada. Conformément au raisonnement suivi dans West Seal, précitée, ces facteurs doivent démontrer que l’inscrivante interagit avec des clients canadiens potentiels dans une mesure suffisante pour procurer aux Canadiens un avantage justifiant de maintenir l’enregistrement. Par exemple, il semblerait que l’on puisse conclure à l’existence d’une telle interaction lorsqu’une inscrivante exploite un site Web de vente au détail et expédie au Canada les produits achetés par l’intermédiaire de son site Web [Face Stockholm, précitée]. L’affichage de prix en dollars canadiens ou d’autres renseignements indiquant que le site Web est destiné aux consommateurs canadiens peut également satisfaire aux exigences des articles 4 et 45 en l’absence d’éléments de preuve établissant l’expédition de marchandises au Canada [Harvey Nichols, précitée]. En revanche, le simple fait d’offrir des remboursements est insuffisant en soi [Boutique Limitée Inc c. Limco Investments, Inc (1998), 84 C.P.R. (3d) 164 (C.A.F.) [Boutique]]. Enfin, dans TSA, le fait d’offrir sur un site Web plusieurs services accessoires équivalant à ceux qui seraient offerts dans un magasin traditionnel a été jugé suffisant, à la lumière des faits particuliers exposés dans cette affaire.

[31]           En l’espèce, le seul service accessoire digne de mention est le service « Email Reminder » [rappel par courriel] offert par l’Inscrivante et que M. Sliter décrit comme [TRADUCTION] « un service qui permet aux utilisateurs de fournir une adresse courriel […] de préciser les dates d’occasions spéciales les concernant, tels des anniversaires, et de recevoir des courriels de rappel et des messages promotionnels concernant l’achat de cadeaux pour ces occasions spéciales ». Je soulignerai, à cet égard, que bien que l’on puisse raisonnablement inférer que des Canadiens se prévalent de ce service de rappel, M. Sliter n’a fourni aucun élément de preuve directe en ce sens. Dans tous les cas, conformément au raisonnement suivi dans Boutique, mais à la différence de la conclusion à laquelle la Cour est arrivée dans TSA en ce qui concerne les services « Help Me Choose Gear » et « Shoe Finder », j’estime que le service de rappel par courriel de l'Inscrivante est insuffisant pour justifier le maintien de l’enregistrement en liaison avec les Services tels qu’ils sont décrits.

[32]           Compte tenu de tout ce qui précède, je ne peux conclure qu’il y a eu emploi de la Marque au Canada en liaison avec les Services au cours de la Période pertinente, au sens des articles 4 et 45 de la Loi. En outre, l’Inscrivante n’a fourni aucune preuve de l’existence de circonstances spéciales qui auraient pu justifier un tel défaut d’emploi.

Décision 

[33]           Conséquemment, en vertu des pouvoirs qui me sont délégués au titre du paragraphe 63(3) de la Loi, l’enregistrement sera radié conformément aux dispositions de l’article 45 de la Loi.

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Andrew Bene

Agent d’audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

Traduction certifiée conforme
Judith Lemire

 

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