Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION formulée par Allergan Inc. à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1176432 concernant la marque de commerce BELLATOX produite par Camille Toutounghi

 

 

Le 12 mai 2003, Camille Toutounghi (le « Requérant ») a produit une demande d'enregistrement concernant la marque de commerce BELLATOX (la « Marque ») pour emploi projeté au Canada en liaison avec les marchandises et services suivants, tels qu’amendés le 18 mars 2004 :

 

« Produit cosmétique nommément une crème topique anti-rides et un patch topique anti-rides. Vente au détail et vente en gros de crème topique anti-rides, vente au détail et vente en gros de patch topique anti-rides. » (les « Marchandises et Services »)

 

La demande a été annoncée le 12 mai 2004 dans le Journal des marques de commerce.

 

Allergan Inc. (l' « Opposante ») a produit une déclaration d'opposition à l’encontre de cette demande en date du 28 juin 2004. Dans le paragraphe 4 introductif de cette déclaration d’opposition, l’Opposante allègue détenir plusieurs marques de commerce au Canada, incluant les marques de commerce enregistrées ci-après listées de même qu’une demande d’enregistrement en instance, employées de façon continue depuis au moins aussi tôt que les dates mentionnées dans ces enregistrements et demande, à savoir :

 

  1. BOTOX faisant l’objet de l’enregistrement LMC576,141 obtenu le 21 février 2003 en liaison avec les marchandises suivantes : (1) Pharmaceutical preparations for the treatment of smooth muscle disorders, headaches, wrinkles; hyperhydrosis, sports injuries, namely, injured or torn skin, muscle, ligaments or bone; tremors, namely, spasmodic smooth, striated or cardiac muscles; and pain, namely, smooth muscle pain, striated muscle pain, cardiac muscle pain, neuropathic pain, inflammatory pain, visceral pain, chronic pain, acute pain, traumatic injury pain, referred pain, growing pain, hunger pain, intractable pain, labour pain, organic pain, phantom limb pain, postprandial pain, psychogenic pain, back pain, post-stroke pain, cancer pain, nociceptive pain, headache pain, prostatic pain, and bladder pain (2) Pharmaceutical preparations for the treatment of neurological disorders, muscle dystonias, nerve disorders, spasmodic striated, smooth or cardiac muscles (3) Pharmaceutical preparations for the treatment of cerebral palsy. Cet enregistrement allègue que la marque a été employée au Canada depuis au moins aussi tôt que le 5 mai 1992 en liaison avec les marchandises (2) et le 7 juillet 1999 en liaison avec les marchandises (3). Une déclaration d’emploi de la marque au Canada en liaison avec les marchandises (1) a été produite le 13 février 2003;

 

  1. BOTOX faisant l’objet de l’enregistrement LMC415,382 obtenu le 13 août 1993 en liaison avec les marchandises suivantes : Pharmaceuticals for the therapeutic treatment of neurologic disorders and muscle dystonias. Une déclaration d’emploi de la marque au Canada en liaison avec les marchandises a été produite le 24 février 1993;

 

  1. ALLERGAN BOTOX faisant l’objet de l’enregistrement LMC427,565 obtenu le 20 mai 1994 en liaison avec les marchandises suivantes : Pharmaceuticals for the therapeutic treatment of neurological disorders and muscle dystonias; transportable battery operated electromyogram machine and amplifiers for same; fluid injection needles for medical use; medical kits containing fluid injection needles. Une déclaration d’emploi de la marque au Canada en liaison avec les marchandises a été produite le 28 février 1994;

 

  1. BOTOX COSMETIC faisant l’objet de l’enregistrement LMC572,207 obtenu le 12 décembre 2002 en liaison avec les marchandises suivantes : Pharmaceutical preparations for alleviating wrinkles and sweating. Une déclaration d’emploi de la marque au Canada en liaison avec les marchandises a été produite le 4 décembre 2002. Cet enregistrement comprend un désistement du droit à l’usage exclusif du mot « cosmetic » en dehors de la marque de commerce;

 

  1. BOTOX COSMÉTIQUE faisant l’objet de l’enregistrement LMC576,177 obtenu le 21 février 2003 en liaison avec les marchandises suivantes : Pharmaceutical preparations for alleviating wrinkles and sweating. Une déclaration d’emploi de la marque au Canada en liaison avec les marchandises a été produite le 13 février 2003. Cet enregistrement comprend un désistement du droit à l’usage exclusif du mot « cosmétique » en dehors de la marque de commerce;

 

  1. BOTOX COSMETIC & Dessin (reproduite ci-après) faisant l’objet de l’enregistrement LMC572,616 obtenu le 18 décembre 2002 en liaison avec les marchandises suivantes : Pharmaceutical preparations for alleviating wrinkles and sweating. Une déclaration d’emploi de la marque au Canada en liaison avec les marchandises a été produite le 12 décembre 2002. Cet enregistrement comprend un désistement du droit à l’usage exclusif du mot « cosmetic » en dehors de la marque de commerce;

BOTOX COSMETIC & Design

 

  1. BOTOX COSMÉTIQUE & Dessin (reproduite ci-après) faisant l’objet de l’enregistrement LMC576,267 obtenu le 24 février 2003 en liaison avec les marchandises suivantes : Pharmaceutical preparations for alleviating wrinkles and sweating. Une déclaration d’emploi de la marque au Canada en liaison avec les marchandises a été produite le 13 février 2003. Cet enregistrement comprend un désistement du droit à l’usage exclusif du mot « cosmétique » en dehors de la marque de commerce;

BOTOX COSMÉTIQUE & Design

 

  1. IT’S NOT MAGIC, IT’S BOTOX & Dessin (reproduite ci-après) faisant l’objet de l’enregistrement LMC579,977 obtenu le 28 avril 2003 en liaison avec les marchandises suivantes : Pharmaceutical preparations for the treatment of neurological disorders, muscle dystonias, smooth muscle disorders, autonomic nerve disorders, headaches, wrinkles; hyperhydrosis; cerebral palsy, sports injuries, namely, injured or torn skin, muscle, ligaments or bone; tremors namely, spasmodic striated, smooth or cardiac muscles; and pain, namely, smooth muscle pain, striated muscle pain, cardiac muscle pain, neuropathic pain, inflammatory pain, visceral pain, chronic pain, acute pain, traumatic injury pain, referred pain, growing pain, hunger pain, intractable pain, labour pain, organic pain, phantom limb pain, postprandial pain, psychogenic pain, back pain, post-stroke pain, cancer pain, nociceptive pain, headache pain, prostatic pain, and bladder pain. Une déclaration d’emploi de la marque au Canada en liaison avec les marchandises a été produite le 8 avril 2003;

IT'S NOT MAGIC, IT'S BOTOX & Design

 

  1. BOTOX BOTULINUM TOXIN TYPE A PURIFIED NEUROTOXIN COMPLEX & Dessin (reproduite ci-après) faisant l’objet de l’enregistrement LMC576,151 obtenu le 21 février 2003 en liaison avec les marchandises suivantes : (1) Printed educational materials, namely books, brochures, pamphlets, guides, outlines, charts and manuals(2) Pharmaceutical preparations for the treatment of neurological disorders, muscle dystonias, smooth muscle disorders, autonomic nerve disorders, headaches, wrinkles; hyperhydrosis; cerebral palsy, tremors, namely spasmodic striated, smooth or cardiac muscles; and pain, namely, smooth muscle pain, striated muscle pain, cardiac muscle pain, neuropathic pain, inflammatory pain, visceral pain, chronic pain, acute pain, traumatic injury pain, referred pain, growing pain, hunger pain, intractable pain, labour pain, organic pain, phantom limb pain, postprandial pain, psychogenic pain, back pain, post-stroke pain, cancer pain, nociceptive pain, headache pain, prostatic pain, and bladder pain. Cet enregistrement allègue que la marque a été employée au Canada depuis au moins aussi tôt que le 29 juin 2000 en liaison avec les marchandises (1). Une déclaration d’emploi de la marque au Canada en liaison avec les marchandises (2) a été produite le 13 février 2003. Cet enregistrement comprend un désistement du droit à l’usage exclusif des mots « BOTULINUM TOXIN TYPE A  » et « PURIFIED NEUROTOXIN COMPLEX » en dehors de la marque de commerce;

BOTOX BOTULINUM TOXIN TYPE A PURIFIED NEUROTOXIN COMPLEX & Design

 

  1. BOTOX & Dessin (reproduite ci-après) faisant l’objet de l’enregistrement LMC605,687 obtenu le 18 mars 2004 en liaison avec les marchandises suivantes : Pharmaceutical preparations for the treatment of neurological disorders, muscle dystonias, smooth muscle disorders, autonomic nerve disorders, headaches, wrinkles; hyperhydrosis; cerebral palsy, sports injuries, namely, injured or torn skin, muscle, ligaments or bone; tremors, namely, spasmodic smooth, striated or cardiac muscles; and pain, namely, smooth muscle pain, striated muscle pain, cardiac muscle pain, neuropathic pain, inflammatory pain, visceral pain, chronic pain, acute pain, traumatic injury pain, referred pain, growing pain, hunger pain, intractable pain, labour pain, organic pain, phantom limb pain, postprandial pain, psychogenic pain, back pain, post-stroke pain, cancer pain, nociceptive pain, headache pain, prostatic pain, and bladder pain. Une déclaration d’emploi de la marque au Canada en liaison avec les marchandises a été produite le 27 février 2004;

BOTOX & Design

 

  1. BOTOX faisant l’objet de la demande d’enregistrement no 1,208,906 produite le 9 mars 2004 en liaison avec les marchandises suivantes : Cosmetics; namely, face creams and lotions, skin creams and lotions. Cette demande est basée sur l’emploi allégué de la marque au Canada depuis au moins aussi tôt que le 13 février 2003. Je note que cette demande a depuis été admise à l’enregistrement et de fait, enregistrée le 19 avril 2005 sous le no LMC637,689.

 

Les motifs d’opposition peuvent se résumer ainsi :

 

  1. La demande ne satisfait pas aux exigences de l’article 30(i) de la Loi sur les marques de commerce (L.R.C. 1985, ch. T-13 telle qu’amendée) (la Loi) en ce que le Requérant ne peut être convaincu en toute bonne foi qu’il a le droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Marchandises et Services en raison de sa connaissance des marques de l’Opposante énumérées plus haut et antérieurement employées au Canada par l’Opposante;

 

  1. Eu égard aux dispositions de l’article 12(1)(d) de la Loi, la Marque n’est pas enregistrable en ce qu’elle crée de la confusion avec les marques enregistrées de l’Opposante;

 

  1. Le Requérant n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque eu égard aux dispositions de l’article 16(3)(a) de la Loi en ce que la Marque crée de la confusion avec les marques de l’Opposante faisant l’objet des enregistrements et de la demande d’enregistrement énumérés plus haut et ayant été employées antérieurement à la date de production de la demande; et

 

  1. La Marque n’est pas distinctive des Marchandises et Services du Requérant au sens de l’article 2 de la Loi en ce que la Marque n’est pas adaptée à distinguer et ne distingue véritablement pas les Marchandises et Services du Requérant des marchandises de l’Opposante en liaison avec lesquelles les marques de l’Opposante sont employées.

 

Le Requérant a produit le 9 novembre 2004 une contre-déclaration déniant tous les motifs d’opposition.

 

La preuve de l’Opposante consiste en ce qui suit :

 

Preuve en chef produite le 9 juin 2005 :

  • Affidavit du Dr Kevin Smith (dermatologue pratiquant dans la ville de Niagara Falls, au Canada), assermenté le 27 mai 2005, et ses pièces jointes « A » et « B »;
  • Affidavit d’Alan Chan (Directeur marketing (« Marketing Manager ») des produits BOTOX COSMETIC au sein de l’Opposante au Canada), assermenté le 6 juin 2005, et ses pièces jointes « A » à « E »;
  • Affidavit de Jason Herod (Chef de produit (« Product Manager ») pour la toxine botulinique de type A « BOTOX » au sein de l’Opposante au Canada), assermenté le 27 mai 2005, et ses pièces jointes « A » et « B »;
  • Affidavit de Tonia Morgan (assistante juridique (« Law Clerk ») au sein du cabinet représentant l’Opposante dans le cadre de la présente opposition), assermentée le 9 juin 2005, et ses pièces jointes « A » à « D »;
  • Affidavit d’Amy McFeely (recherchiste en marques de commerce (« Trade-mark Searcher ») au sein du cabinet représentant l’Opposante dans le cadre de la présente opposition), assermentée le 6 juin 2005, et ses pièces jointes « A » et « B ».

 

Preuve en réplique produite le 30 mars 2006 :

  • Affidavit d’Angela Hiscock (recherchiste en marques de commerce (« Trade-mark Searcher ») au sein du cabinet représentant l’Opposante dans le cadre de la présente opposition), assermentée le 27 mars 2006, et ses pièces jointes « A » et « B ».

 

La preuve en chef du Requérant consiste en l’affidavit du Requérant lui-même, assermenté le 16 décembre 2005, et ses pièces jointes « A » à « Q » (ci-après référé le « premier affidavit du Requérant »). Le Requérant a également obtenu la permission de produire, à titre de preuve additionnelle, un second affidavit du Requérant lui-même, assermenté le 28 décembre 2005, incluant la pièce « A ». Dans la mesure où la preuve de l’une ou l’autre des parties relève de l’argumentation plutôt que d’éléments factuels pertinents au présent dossier, j’ai concentré mon analyse sur cesdits éléments pertinents.

 

Les deux parties ont produit des plaidoyers écrits et participé à la tenue d’une audience.

 

Analyse

 

Principes généraux et dates pertinentes :

 

Il incombe au Requérant de démontrer que la demande est conforme aux exigences de la Loi. Il incombe toutefois à l’Opposante de faire en sorte que chacun de ses motifs d’opposition soit dûment plaidé et de s’acquitter du fardeau de preuve initial en établissant les faits sur lesquels elle appuie ses motifs d’opposition, sans quoi il est possible qu’un motif d’opposition ne soit pas pris en considération. Une fois ce fardeau de preuve initial rencontré, il incombe au Requérant d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’aucun de ces motifs d’opposition ne fait obstacle à l’enregistrement de la Marque [voir à cet effet Massimo De Berardinis c. Decaria Hair Studio (1984), 2 C.P.R. (3d) 319 (C.O.M.C.); John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F.); Joseph E. Seagram & Sons Ltd. et al c. Seagram Real Estate Ltd., (1984) 3 C.P.R. (3d) 325; Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior, S.A. et al, (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.F.A.); et Wrangler Apparel Corp. c. The Timberland Company, [2005] C.F. 722].

 

Les dates pertinentes pour l’appréciation des circonstances relatives à chacun des motifs d’opposition en l’espèce sont les suivantes :

 

  • Motif fondé sur l’article 30 de la Loi : la date de production de la demande [voir à cet effet Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C.)];
  • Motif fondé sur l’article 12(1)(d) de la Loi : la date de ma décision [voir à cet effet Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.F.A.)];
  • Motif fondé sur l’article 16(3)(a) de la Loi : la date de production de la demande; et

         Motif fondé sur l’absence de caractère distinctif de la Marque : généralement acceptée comme étant la date de production de la déclaration d’opposition [voir à cet effet Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F.)].

 

J’analyserai maintenant les motifs d’opposition en regard de la preuve versée dans le présent dossier sans nécessairement respecter l’ordre dans lequel ils ont été invoqués dans la déclaration d’opposition.

 

i)          Motif fondé sur l’article 12(1)(d) de la Loi :

 

L’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial en produisant, au soutien de l’affidavit de Tonia Morgan, des certificats d’authenticité à l’égard de chacun des dix (10) enregistrements allégués dans la déclaration d’opposition.

 

Je concentrerai mon analyse en regard des marques BOTOX (versions nominale et figurative) et BOTOX COSMETIC (versions nominale et figurative en français et en anglais) de l’Opposante (ci-après référées collectivement « marques BOTOX et BOTOX COSMETIC »), lesquelles m’apparaissent être les plus pertinentes dans le présent dossier. Aussi, sauf lorsque autrement mentionné, je n’accorderai aucune importance aux marques BOTOX BOTULINUM TOXIN TYPE A PURIFIED NEUROTOXIN COMPLEX & Dessin, IT’S NOT MAGIC, IT’S BOTOX & Dessin, et ALLERGAN BOTOX, lesquelles m’apparaissent être les moins pertinentes et au surplus non nécessaires dans l’appréciation du risque de confusion dans le présent dossier.

 

En raison de cette preuve de l’Opposante, il incombe au Requérant de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de risque de confusion entre la Marque et les marques de l’Opposante.

 

Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Selon l’article 6(2) de la Loi, l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou que les services liés à ces marques de commerce sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

 

En décidant si des marques de commerce créent de la confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, notamment de celles énumérées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive et un poids différent sera accordé à différents facteurs selon le contexte [voir à cet effet la décision Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321; et Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée et al (2006), 49 C.P.R. (4th) 401, [2006] 1 R.C.S. 824].

 

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

 

La Marque consiste en un mot inventé ne possédant aucune signification particulière quoique le mot « BELLATOX » soit dérivé de la contraction des mots « BELLADONNA TOXIN », soit le nom de la toxine à partir de laquelle les Marchandises associées à la Marque du Requérant sont fabriquées tel qu’il sera expliqué plus loin. En cela, je suis d’avis que la Marque possède un certain caractère distinctif inhérent.

 

En raison de l’absence totale de preuve d’emploi ou de promotion de la Marque, je ne peux conclure que la Marque est devenue connue de quelque manière que ce soit au Canada ce qui ne saurait de ce fait accroître le caractère distinctif de la Marque.

 

Considérant maintenant les marques de l’Opposante, elles consistent toutes en le mot inventé « BOTOX », ne possédant également aucune signification particulière (quoique le mot « BOTOX » semble dérivé de la contraction des mots « BOTULINUM TOXIN », soit le nom de la toxine produite par la bactérie Clostridium botulinum à partir de laquelle les produits associés aux marques de l’Opposante sont fabriqués tel qu’il sera expliqué plus loin), employé seul ou en combinaison avec d’autres éléments graphiques et/ou le mot « COSMETIC » (ou « COSMÉTIQUE »). En cela, je suis d’avis que les marques de l’Opposante possèdent un caractère distinctif inhérent équivalent à celui de la Marque du Requérant.

 

Les marques BOTOX et BOTOX COSMETIC de l’Opposante sont en revanche devenues connues, voir très connues, au Canada ce qui, dans les circonstances, accroît le caractère distinctif des marques de l’Opposante et favorise l’Opposante dans l’appréciation de ce premier facteur.

 

Il ressort en effet de l’affidavit d’Alan Chan et de ses pièces jointes, que l’Opposante (et ses filiales) est une société pharmaceutique spécialisée dans le développement et la commercialisation de produits pharmaceutiques en ophtalmologie, troubles du mouvement et dermatologie.

 

Plus particulièrement, Alan Chan allègue que l’Opposante occupe la position de chef de file mondial en matière de thérapie à la toxine botulinique de type A et qu’elle détient à cet égard la première position en termes de parts de marché au Canada.

 

La toxine botulinique de type A bloque la libération d’acétylcholine au niveau de la jonction neuromusculaire et empêche ou réduit ainsi la contraction des muscles trouvant application dans différents types de traitements cosmétiques ou thérapeutiques.

 

Alan Chan explique dans son affidavit que l’Opposante commercialise la toxine botulinique de type A sous deux marques, soit les marques BOTOX et BOTOX COSMETIC. La marque BOTOX est commercialisée pour les produits à usage thérapeutique alors que la marque BOTOX COSMETIC l’est pour les produits à usage cosmétique.

 

Toujours selon les dires d’Alan Chan, les produits BOTOX ont été homologués par Santé Canada pour différents usages thérapeutiques incluant le traitement du strabisme (depuis 1990), du blépharospasme (depuis 1990), de la dystonie cervicale (depuis 1995), du pied bot équin chez les enfants atteints de paralysie cérébrale (depuis 1999), de l’hyperhidrose (sudation excessive) des aisselles (depuis 2001) et de la spasticité focale (depuis 2001).

 

Les produits BOTOX COSMETIC ont quant à eux été homologués par Santé Canada en 2001 pour le traitement des sillons intersourcilliers. Selon l’affidavit d’Alan Chan, d’autres indications esthétiques sont à l’étude pour le traitement des rides frontales et des pattes d’oies. Les produits pour usage cosmétique sont commercialisés principalement auprès des dermatologues, des chirurgiens esthétiques et autres médecins œuvrant dans le domaine de la médecine esthétique.

 

Je reviendrai plus loin sur la nature des produits et du commerce de l’Opposante dans l’appréciation des troisième et quatrième facteurs.

 

Considérant toujours l’affidavit d’Alan Chan, les ventes des produits BOTOX COSMETIC au Canada ont dépassé les 44 millions de dollars canadiens pour la période comprise entre l’année 2001 et mai 2005, soit 4 millions en 2001, 8 millions en 2002, 11 millions en 2003, 15 millions en 2004 et 6 millions jusqu’en mai 2005 (les montants fournis à cet égard étant en dessous de la vérité pour en préserver la confidentialité). Durant cette même période, l’Opposante a dépensé plus de 13 millions de dollars en publicité et promotion au Canada pour ces mêmes produits, les montants alloués à cette publicité et cette promotion étant également fournis pour chaque année et en dessous de la vérité pour en préserver la confidentialité. L’Opposante a produit à cet égard un échantillonnage varié et considérable de matériel promotionnel, publicités, reportages et articles de journaux et de magazines en français ou en anglais ayant circulé au Canada pendant cette même période, en plus de produire des extraits de son site Internet « allergan.ca ». Ce matériel se retrouve en grande partie produit au soutien de l’affidavit d’Alan Chan, l’autre partie étant produite au soutien de l’affidavit de Tonia Morgan.

 

Il convient de souligner à cet égard qu’Alan Chan allègue que l’Opposante a acheté des espaces publicitaires dans différents médias tels, radio, télévision, revues de consommateurs, panneaux-réclames et abribus et qu’elle a commandité différents évènements destinés à un public féminin pour faire la promotion de ses marques BOTOX et BOTOX COSMETIC. Alan Chan a produit à cet effet quelques spécimens de publicités imprimées faisant voir la marque BOTOX COSMETIC & Dessin (ou sa version française) dont celles diffusées en février 2004 dans les magazines « Toronto Life » et « Canadian House & Home » (pour lesquels les chiffres de diffusion au Canada ont été fournis par Tonia Morgan qui les a obtenus de l’« Audit Bureau of Circulation » - je reviendrai plus loin sur ce point ), un spécimen non daté de publicité dans un abribus faisant voir la marque BOTOX COSMETIC & Dessin, de même qu’un CD-ROM contenant trois spécimens de publicités télévisées dans lesquelles figurent les vedettes Ben Stiller, Kim Katrall et Nathalie Cole. Concernant plus particulièrement ces trois publicités télévisées, elles font voir et entendre les marques BOTOX COSMETIC et IT’S NOT MAGIC, IT’S BOTOX COSMETIC & Dessin et auraient été diffusées entre les mois de février et avril 2002 sur les ondes de City TV au cours de l’émission « Fashion Television » animée par Jeanne Beker. La diffusion de ces publicités télévisées n’est corroborée par aucune preuve. Aussi, ne suis-je pas prête à accorder de poids à cet élément de preuve de l’Opposante. Il convient de plus de noter qu’aucun exemplaire de publicité par le biais de panneaux-réclames, publicité radio ou lors d’évènements destinés à un public féminin n’a été produit en preuve et que certains des spécimens de matériel promotionnel et publicités produits par l’Opposante sont non datés.

 

Alan Chan a également produit une copie d’un rapport préparé par la firme « National Public Relations » daté du 31 mai 2002 et intitulé « BOTOX Cosmetic ™ 2002 Second Interim Media Coverage Report ». Ce rapport fournit, entre autres données, les noms des médias (imprimés, radio, télé, et en ligne) dans lesquels aurait été mentionnée la marque BOTOX COSMETIC de l’Opposante au cours des mois de mars à mai 2002. J’ai quelque difficulté à admettre ce rapport en preuve étant donné que celui-ci aurait dû être produit par l’auteur de celui-ci plutôt que par M. Chan. Ce rapport contient de plus des imprécisions quant à la façon dont la marque BOTOX COSMETIC aurait été mentionnée. Je n’accorderai donc aucun poids à cet élément de preuve de l’Opposante.

 

Il convient de souligner le nombre important d’articles de magazines et de journaux publiés au cours des années 2001 et 2002 traitant des produits BOTOX de l’Opposante, principalement de ceux à usage cosmétique et incidemment de ceux à usage thérapeutique, produits en preuve par l’Opposante dont des articles dans «Newsweek », « The Globe and Mail », « The Toronto Star », « The Toronto Sun », « Ottawa Citizen », « The Windsor Star»,  « The Gazette », « Le Journal de Montréal », « Le Journal de Québec », « The Vancouver Sun », « The Calgary Sun », « The Calgary Herald », « The Edmonton Journal », « The Leader Post » (Regina , SK), « Cap Breton Post », « The Telegram » (St-John’s, NF), et « Elle Canada », pour ne nommer que ceux-là. Les chiffres de diffusion de plusieurs de ces journaux et magazines ont été fournis par Alan Chan ou Tonia Morgan. Tels que produits, ces chiffres doivent être tenus pour de simples ouï-dire (il en est de même des chiffres discutés plus haut en ce qui a trait aux magazines « Toronto Life » et « Canadian House & Home »). Néanmoins, je n’ai aucune difficulté à prendre connaissance d’office du fait que la majorité de ces journaux et magazines bénéficient d’une certaine diffusion au Canada [voir à cet effet Northern Telecom Ltd. c. Nortel Communications Inc. (1987), 15 C.P.R. (3d) 540 (C.O.M.C.)]. J’ajouterai en terminant sur cet aspect de la preuve que la plupart de ces articles de magazines et de journaux corroborent dans une certaine mesure les allégations d’Alan Chan concernant la popularité croissante et le succès commercial des produits BOTOX au Canada depuis leur lancement à des fins cosmétiques en 2001.

 

Toujours selon les allégations d’Alan Chan, il n’existait, en mai 2005, aucun autre produit à base de toxine botulinique sur le marché canadien. Alan Chan estime à cet égard le nombre de canadiens ayant essayé un traitement aux produits BOTOX COSMETIC être de l’ordre de 120 000 canadiens.

 

L’Opposante a également produit l’affidavit du Dr Kevin Smith, lequel a donné plusieurs conférences sur la toxine botulinique de type A et les produits de l’Opposante. Le Dr Smith a commencé à traiter des patients à des fins thérapeutiques ou cosmétiques avec les produits BOTOX et BOTOX COSMETIC en juin 2001. Il a ainsi effectué plus de 4 000 traitements. Il traite généralement de 20 à 40 patients par semaine avec ces produits. Il estime à cet égard le nombre de fioles de produits BOTOX et BOTOX COSMETIC achetées auprès de l’Opposante depuis 2001 à 2 900 fioles (le tout d’une valeur approximative de 1 million de dollars).

 

Ajoutons à cela l’affidavit de Jason Herod, lequel allègue également que l’Opposante détient la première position en termes de parts de marché au Canada en matière de thérapie à la toxine botulinique et fournit à cet égard les chiffres de vente en dollars canadiens des produits BOTOX (à des fins thérapeutiques) pour la période comprise entre les années 2000 et 2004, soit 8 millions en 2000, 11 millions en 2001, 15 millions en 2002, 19 millions en 2003 et 24 millions en 2004 (ce dernier montant étant estimé en fonction des ventes projetées et tous les montants fournis étant en dessous de la vérité pour en préserver la confidentialité) de même que des échantillons représentatifs de brochures et dépliants promotionnels en français ou en anglais décrivant les produits BOTOX pour usage thérapeutique.

 

L’Opposante a également produit au soutien de l’affidavit d’Alan Chan, des extraits d’un sondage réalisé par la firme « IFOP Canada Market Research » afin de démontrer la progression de la sensibilisation du public canadien à l’égard de la marque BOTOX de juin 2000 à décembre 2002. Je ne suis pas prête à accorder de poids à ce sondage étant donné que celui-ci n’a pas été introduit en preuve par un expert compétent et qu’il m’est impossible d’estimer si ce sondage a été bien conçu et effectué avec impartialité [voir à cet effet l’affaire Mattel précitée discutant également de l’admissibilité de la preuve par sondage]. À titre d’exemple, aucune des questions posées lors des interviews téléphoniques réalisés dans le cadre de ce sondage n’est annexée à celui-ci.

 

Quoi qu’il en soit, même sans ce sondage, je suis d’avis que l’Opposante a établi que ses marques BOTOX et BOTOX COSMETIC sont connues, voire très connues, au Canada. J’ajouterai sur ce point que le Requérant a reconnu lui-même la notoriété des marques BOTOX de l’Opposante dans son plaidoyer écrit (cf. « widespread consumer awareness of the BOTOX marks also diminishes the possibility of confusion between BOTOX and BELLATOX ») et lors de l’audience en qualifiant notamment celles-ci de « extremely well-known ».

 

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

 

Ce facteur favorise l’Opposante étant donné l’absence totale de preuve d’emploi de la Marque au Canada.

 

c) le genre de marchandises, services ou entreprises; et d) la nature du commerce

 

En considérant le genre de marchandises et/ou services et la nature du commerce, je dois comparer le libellé des Marchandises et Services de la demande d’enregistrement avec le libellé des marchandises des enregistrements cités par l’Opposante [voir à cet effet Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c. Super Dragon Import Export Inc. (1986), 12 C.P.R. (3d) 110 (C.F.A.); Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3d) 3 (C.F.A.)]. Ces libellés doivent toutefois être lus de manière à déterminer le type probable de commerce des parties plutôt que toutes les possibilités de commerce pouvant être comprises dans ceux-ci. La preuve du commerce véritable des parties s’avère utile à cet égard [voir à cet effet McDonald’s Corp. c. Coffee Hut Stores Ltd. (1996), 68 C.P.R. (3d) 168 (C.F.A.); Procter & Gamble Inc. c. Hunter Packaging Ltd. (1999), 2 C.P.R. (4th) 266 (C.O.M.C.); American Optional Corp. c. Alcon Pharmaceuticals Ltd. (2000), 5 C.P.R. (4th) 110 (C.O.M.C.)].

 

Le volet « cosmétique » des produits de l’Opposante discutés plus haut est libellé de l’une ou l’autre des manières suivantes : « Pharmaceutical preparations for alleviating wrinkles and sweating » ou « Pharmaceutical preparations for the treatment of […] wrinkles ». Le volet « thérapeutique » des produits de l’Opposante discutés plus haut est libellé de différentes manières, comprenant « Pharmaceuticals for the therapeutic treatment of neurological disorders and muscle dystonias » et « (1) Pharmaceutical preparations for the treatment of smooth muscle disorders, headaches, wrinkles; hyperhydrosis, sports injuries, namely, injured or torn skin, muscle, ligaments or bone; tremors, namely, spasmodic smooth, striated or cardiac muscles; and pain, namely, smooth muscle pain, striated muscle pain, cardiac muscle pain, neuropathic pain, inflammatory pain, visceral pain, chronic pain, acute pain, traumatic injury pain, referred pain, growing pain, hunger pain, intractable pain, labour pain, organic pain, phantom limb pain, postprandial pain, psychogenic pain, back pain, post-stroke pain, cancer pain, nociceptive pain, headache pain, prostatic pain, and bladder pain (2) Pharmaceutical preparations for the treatment of neurological disorders, muscle dystonias, nerve disorders, spasmodic striated, smooth or cardiac muscles (3) Pharmaceutical preparations ». Ces libellés incluent les traitements discutés dans les affidavits d’Alan Chan et de Jason Herod.

 

Tel que mentionné plus haut, il ressort de l’affidavit d’Alan Chan que les produits BOTOX COSMETIC ont été homologués par Santé Canada en 2001 pour le traitement des sillons intersourcilliers et que d’autres indications esthétiques sont à l’étude pour le traitement des rides frontales et des pattes d’oies. Alan Chan précise que les produits pour usage cosmétique sont commercialisés principalement auprès des dermatologues, des chirurgiens esthétiques et autres médecins œuvrant dans le domaine de la médecine esthétique.

 

Les produits BOTOX pour usage thérapeutique ont quant à eux été homologués par Santé Canada pour différents usages incluant le traitement du strabisme, du blépharospasme, de la dystonie cervicale, du pied bot équin chez les enfants atteints de paralysie cérébrale, de l’hyperhidrose des aisselles et de la spasticité focale. Il ressort de l’affidavit de Jason Herod que la promotion des produits pour usage thérapeutique est faite par le biais d’éducation à travers des brochures et dépliants remis aux patients et médecins de même que par le biais de programmes de formation, évènements spéciaux dans le domaine de l’éducation médicale, conférences, symposiums et kiosques d’informations lors de conférences.

 

Les produits BOTOX et BOTOX COSMETIC sont vendus dans des fioles, elles-mêmes emballées dans des boîtes individuelles, telles celles représentées par les photographies produites au soutien de l’affidavit d’Alan Chan. Les fioles et les boîtes arborent les versions figuratives des marques BOTOX et BOTOX COSMETIC. S’agissant d’une toxine dont la prise en grande quantité est surtout connue comme une cause d’empoisonnement alimentaire (botulisme), la toxine botulinique de type A BOTOX est fabriquée en laboratoire sous contrôle très strict et est administrée en très petites doses, le tout tel qu’expliqué dans les brochures et dépliants promotionnels produits au soutien des affidavits d’Alan Chan ou de Jason Herod.

 

Plus particulièrement, la toxine BOTOX (ou BOTOX COSMETIC) est administrée aux patients par un praticien en médecine sous forme d’injections avec une aiguille dans les muscles. Le praticien doit repérer et piquer les bons muscles. En bloquant la libération d’acétylcholine, la toxine empêche que le signal électrique en partance du cerveau soit transmis aux muscles. Par conséquent, les muscles ne reçoivent pas le message de se contracter (le jeu musculaire qui engendre les rides est affaibli ou bloqué selon la dose administrée). Il s’ensuit une paralysie temporaire dont l’effet dure quelques mois, puis se dissipe graduellement.

 

Par comparaison, les Marchandises et Services associés à la Marque BELLATOX consistent en des produits cosmétiques, nommément une crème topique antirides et un patch topique antirides de même qu’en la vente au détail et vente en gros de crème topique antirides et de patch topique antirides. Tel que mentionné plus haut, les Marchandises associées à la Marque BELLATOX sont fabriquées à partir d’une toxine. Le Requérant explique dans son premier affidavit que cette toxine origine d’une plante dénommée « Atropa belladona » et que cette toxine, tout comme la toxine botulinique de l’Opposante, agit au niveau de la jonction neuromusculaire. Le Requérant ajoute toutefois dans son premier affidavit que ces deux toxines et leurs mécanismes d’action respectifs sont complètement différents. Tel que souligné plus haut, aucune preuve d’emploi de la Marque en liaison avec les Marchandises et Services n’a été produite. Typiquement, l’on pourrait s’attendre à ce que ce genre de marchandises soient vendues dans les départements ou comptoirs cosmétiques de magasins ou de pharmacies. Quant aux services de vente en gros, l’on pourrait s’attendre à ce qu’ils soient commercialisés, entre autres, auprès de ces mêmes départements ou comptoirs cosmétiques de même qu’auprès de cliniques d’esthétique, quoique je note que le requérant allègue uniquement dans son plaidoyer écrit que les produits BELLATOX « are to be sold exclusively through retail outlets ».

 

Bien que les produits BOTOX consistent en des produits « pharmaceutiques » (devant être administrés par des praticiens de la médecine à des patients bien informés) plutôt qu’en des produits « cosmétiques » à proprement parler, il n’en demeure pas moins que ceux-ci ont en commun avec les Marchandises du Requérant de viser entre autres expressément à atténuer les rides à des fins esthétiques et de viser tous deux, dans une certaine mesure, le même type de clientèle (à savoir des femmes et des hommes préoccupés par les signes de l’âge), sans compter le fait que tous deux sont dérivés de toxines agissant sur la jonction neuromusculaire. Aussi, le fait que le volet « cosmétique » des produits BOTOX et les Marchandises BELLATOX puissent potentiellement tous deux trouver application au niveau du visage à des fins cosmétiques et être annoncés dans des magazines semblables à ceux « Canadian House & Home » et « Elle Canada » mentionnés plus haut, milite en faveur d’un certain chevauchement potentiel des produits des parties.

 

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

 

Tel que mentionné plus haut, le critère de la confusion tient de la première impression. Il convient de reproduire ici les propos de M. le juge Deneault dans l’affaire Pernod Ricard c. Molson Breweries (1992), 44 C.P.R. (3d) 359 (C.F.) :

 

[TRADUCTION] « Le critère de la confusion tient de la première impression. Les marques de commerce devraient être examinées dans l'optique du consommateur moyen qui a un souvenir non pas précis mais général de la marque précédente. En conséquence, les marques ne devraient pas être disséquées ni soumises à une analyse microscopique en vue d'apprécier leurs ressemblances et leurs différences. Au contraire, elles devraient être regardées globalement et évaluées selon leur effet sur l'ensemble des consommateurs moyens: Ultravite Laboratories Ltd. c. Whitehall Laboratories Ltd., [1965] R.C.S. 734, à la p. 737; Oshawa Group Ltd. c. Creative Resources Co. (1982), 61 C.P.R. (2d) 29 à la p. 35, (C.A.F.); Cantine Torresella s.r.l. c. Carbo (1987), 16 C.P.R. (3d) 137 à la p. 146, (C.F. 1re inst.).

 

La Marque BELLATOX et les marques BOTOX (versions nominale et figurative) et BOTOX COSMETIC (versions nominale et figurative en français et en anglais) de l’Opposante possèdent en commun la première lettre « B » et le suffixe « TOX ». L’Opposante fait également valoir que la portion « BELL » ou « BELLA » n’est pas sans rappeler en français l’adjectif « bel »/« belle », lequel trouverait écho dans la portion « BO » des marques BOTOX s’apparentant au niveau phonétique à l’idée de « beau »/« beauté ».

 

Qui plus est, bien que les marques BELLATOX et BOTOX consistent toutes deux, à première vue, en des mots inventés ne suggérant aucune idée particulière pour le consommateur moyen, chacune de ces marques dérive de la contraction du nom de la toxine à partir de laquelle les produits respectifs des parties sont fabriqués, le tout tel que discuté plus haut et tel que le Requérant en convient dans son plaidoyer écrit (cf. « The BELLATOX mark is simply a contraction of the words BELLAdonna and TOXin, as BOtulinum and TOXin were contracted to create the BOTOX marks. Both names simply intend to convey the message that they include toxins in their formulation. BOTOX and BELLATOX share the same derivative nomenclature only because they are both toxins, and only because they both affect nerve-to-muscle transmission. That is the full extent of their similarity as their respective toxins and individual mechanisms of action are completely different. ») et dans son premier affidavit (cf. « …both BOTOX and BELLATOX intend to convey the idea that they include toxins in their formulation, and they share the same « tox » suffix only because they are both toxins. »).

 

J’estime dans les circonstances que les marques de commerce en cause possèdent un certain degré de ressemblance.

 

Autres circonstances de l’espèce

 

            - État du registre

Les parties ont toutes deux fait valoir l’état du registre des marques de commerce en ce qui a trait au suffixe « TOX ».

 

Je retiens, après analyse des différents relevés et/ou arguments produits par les parties, que bien que le registre des marques de commerce compte passablement de marques de commerce composées du suffixe « TOX », aucune de ces marques ne vise de produits pharmaceutiques ou cosmétiques s’apparentant à ceux des parties. En fait, à l’exception des marques DERMOTOX et MYOTOX ayant été opposées avec succès par l’Opposante (cf. Allergan Inc. c. Lancôme Parfums & Beauté & Cie, société en nom collectif (2007), 64 C.P.R. (4th) 147 et Allergan Inc. c. Lancôme Parfums & Beauté & Cie, société en nom collectif 2007 CarswellNat 4030), aucune des marques de commerce relevées par les parties ne s’avère pertinente étant donné les marchandises et/ou services totalement différents auxquels chacune de ces marques de commerce se rattache. En cela, je suis d’avis que la preuve de l’état du registre n’assiste, de façon significative, aucune des parties.

 

            Marque MIRABOTEX et autres marques relevées sur Internet

 

Le Requérant a produit au soutien de son premier affidavit, une copie d’un jugement par défaut (par ailleurs également produit au soutien de l’affidavit d’Alan Chan) obtenu aux États-Unis par l’Opposante en regard de la marque MIRABOTEX en faisant valoir les différences existant entre ce dossier et le présent dossier. Je suis d’accord avec l’Opposante pour dire que pareil argument n’est pas pertinent et n’assiste aucunement le Requérant dans le présent dossier d’autant plus que l’Opposante a eu gain de cause dans ledit dossier américain.

 

Le Requérant a également produit au soutien de son premier affidavit, des extraits tirés de sites Web concernant des produits soi-disant commercialisés sous les marques NEUTOX, INSTA-TOX, DERMATOX et NO-TOX. Tel que produits, ces extraits doivent être tenus pour de simples ouï-dire. Tel qu’argumenté par l’Opposante, ces extraits n’établissent aucune vente, pas plus qu’ils n’indiquent par qui, où, quand et comment ces produits sont soi-disant commercialisés. Ces extraits n’assistent aucunement le Requérant d’autant plus que certains des produits y décrits allèguent expressément être une « alternative » aux produits BOTOX de l’Opposante.

 

            - Notoriété et « famille » de marques de commerce

L’Opposante invoque la notoriété de ses marques de commerce BOTOX et le fait que celles-ci consistent en une « famille » de marques de commerce comme autres circonstances devant résulter en une conclusion de confusion entre les marques de commerce en cause.

 

Tel que mentionné plus haut, les marques de commerce de l’Opposante qui m’apparaissent les plus pertinentes dans l’appréciation du risque de confusion dans le présent dossier consistent en les marques BOTOX (versions nominale et figurative) et BOTOX COSMETIC (versions nominale et figurative en français et en anglais) pour lesquelles une preuve relativement abondante d’emploi a été produite par l’Opposante.

 

Bien que l’Opposante ait produit des certificats d’authenticité à l’égard des enregistrements concernant les marques « ALLERGAN BOTOX », « IT’S NOT MAGIC, IT’S BOTOX & Dessin » et « BOTOX BOTULINUM TOXIN TYPE A PURIFIED NEUROTOXIN COMPLEX & Dessin », elle n’a produit aucune preuve d’emploi détaillée les concernant alors qu’il lui incombait de le faire afin de prétendre à l’existence d’une « famille » de marques de commerce [voir à cet effet Techniquip Ltd. c. C.O.A. (1998), 3 C.P.R. (4th) 298 (C.F.A.)]. Aucun des témoins de l’Opposante ne fournit en effet de données précises en regard de chacune de ces trois marques de commerce. Tout au plus retrouve-t-on parmi les extraits du site Internet de l’Opposante produits par celle-ci, une référence isolée à la marque BOTOX BOTULINUM TOXIN TYPE A PURIFIED NEUROTOXIN COMPLEX & Dessin telle qu’enregistrée. Les seules autres références à l’une ou l’autre de ces trois marques de commerce dans l’ensemble de la preuve de l’Opposante consistent en des variantes de la marque BOTOX BOTULINUM TOXIN TYPE A PURIFIED NEUROTOXIN COMPLEX & Dessin retrouvées dans certaines des brochures et certains des dépliants promotionnels de l’Opposante nommément les variantes « BOTOX BOTULINUM TOXIN TYPE A HELPING RESTORE FORM AND FUNCTION & Dessin » ou « BOTOX BOTULINUM TOXIN TYPE A THE STRENGHT OF EXPERIENCE & Dessin » ou « BOTOX TOXINE BOTULINIQUE DU TYPE A AIDE À RÉTABLIR LA FORME ET LA FONCTION & Dessin » ou encore « BOTOX COSMETIC BOTULINUM TOXIN TYPE A & Dessin » retrouvée dans une publicité ou encore les termes « (Botulinum Toxin Type A For Injection) Purified Neurotoxin Complex » retrouvés comme termes génériques sur les boîtes et les fioles contenant les produits BOTOX et BOTOX COSMETIC (les marques BOTOX et BOTOX COSMETIC étant identifiées comme telles) et les spécimens de publicités télévisées décrits plus haut (et non admis en preuve) pour la marque « IT’S NOT MAGIC, IT’S BOTOX COSMETIC & Dessin », laquelle diffère également de la marque telle qu’enregistrée.

 

En raison de la preuve d’emploi des marques, je suis d’avis de reconnaître que l’Opposante détient une famille de marques de commerce constituées des marques BOTOX (versions nominale et figurative) et BOTOX COSMETIC (versions nominale et figurative en français et en anglais) plutôt qu’une famille de marques constituées du suffixe « OTOX » ou « TOX ».

 

Revenant sur la notoriété des marques de commerce BOTOX de l’Opposante, je suis d’avis de reconnaître, tel qu’indiqué plus haut, que celles-ci sont devenues très connues au Canada.

 

            Conclusion – probabilité de confusion

 

Considérant d’une part, la notoriété des marques de l’Opposante et particulièrement le fait que la réputation de celles-ci va au-delà d’un « produit pharmaceutique » et s’entend davantage d’un « traitement cosmétique » à la popularité croissante au sein de la population canadienne en général tel que démontré par le succès commercial rencontré par les produits de l’Opposante, et considérant d’autre part, le chevauchement potentiel des produits des parties et le certain degré de ressemblance existant entre les marques en cause notamment sur le plan des idées, j’arrive à la conclusion que le Requérant n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’un consommateur ayant un souvenir imparfait des marques BOTOX et BOTOX COSMETIC de l’Opposante ne serait pas susceptible de conclure que les Marchandises et Services BELLATOX proviennent de la même source ou sont autrement reliés ou associés aux produits de l’Opposante. Je suis en effet d’avis que les différences existant entre les marques en cause et leurs produits respectifs ne sont pas suffisantes pour faire contrepoids aux arguments qui précèdent et qu’au mieux pour le Requérant, la balance des probabilités ne favorise aucune des parties. Comme le fardeau de preuve ultime repose sur le Requérant, je me dois de conclure en faveur de l’Opposante. Conséquemment, j’accueille le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)(d) de la Loi.

 

ii)   Motif fondé sur l’article 16(3)(a) la Loi:

 

L’Opposante peut s’acquitter de son fardeau de preuve initial en ce qui a trait à l’article 16(3)(a) en démontrant que ses marques de commerce ont été employées ou révélées au Canada antérieurement à la date de production de la demande et qu’elle n’en avait pas abandonné l’emploi à la date de publication de la demande [article 16(5)].

 

Pour les raisons expliquées plus haut, je suis d’avis que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial en ce qui a trait aux enregistrements de marques BOTOX (versions nominale et figurative) et BOTOX COSMETIC (versions nominale et figurative en français et en anglais). L’Opposante ne s’est cependant pas acquittée de son fardeau initial en ce qui a trait à la marque BOTOX faisant l’objet de la demande d’enregistrement no 1,208,906 listée comme dernier item au paragraphe 4 introductif de sa déclaration d’opposition puisque aucune preuve d’emploi en liaison avec les marchandises énumérées dans cette demande n’a été produite.

 

La différence entre les dates pertinentes pour les motifs d’opposition fondés sur les articles 12(1)(d) et 16(3)(a) n’a pas vraiment d’incidence sur mes conclusions précédentes. Conséquemment, je suis d’avis d’accueillir également le motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)(a) en ce qui a trait aux enregistrements précités.

 

iii)  Motif fondé sur l’absence de caractère distinctif de la Marque:

 

Tel qu’indiqué plus haut, la date pertinente pour ce motif d’opposition, lequel repose également sur la question de confusion entre la Marque et les marques de commerce de l’Opposante, est généralement acceptée comme étant la date de production de la déclaration d’opposition.

 

L’Opposante peut s’acquitter de son fardeau de preuve initial en ce qui a trait à l’absence de caractère distinctif de la Marque en démontrant que ses marques de commerce étaient devenues suffisamment connues au Canada à la date de la déclaration d’opposition de manière à nier le caractère distinctif de la Marque [voir à cet effet Motel 6, Inc. c. No.6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 44 (C.F.)].

 

En raison de la preuve au dossier et du fait que la différence entre les dates pertinentes n’a pas vraiment d’incidence sur mes conclusions précédentes, je suis d’avis d’accueillir également le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif.

 

iv)        Motif fondé sur l’article 30(i) de la Loi:

 

Tel que plaidé, le motif d’opposition fondé sur l’article 30(i) est incomplet en ce qu’il allègue seulement que le Requérant ne pouvait être convaincu en toute bonne foi qu’il avait le droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Marchandises et Services en raison de sa connaissance des marques de l’Opposante listées au paragraphe 4 de la déclaration d’opposition antérieurement employées au Canada. La soi-disant connaissance en elle-même des marques de l’Opposante ne constitue pas un motif d’opposition valable en soi.

 

J’ajouterais au surplus qu’il n’y a aucune preuve au dossier pour conclure que le Requérant ne pouvait être convaincu qu’il avait le droit d’employer la Marque.

 

Conséquemment, je suis d’avis que le motif d’opposition fondé sur l’article 30(i) doit être rejeté.

 

Conclusion

 

Compte tenu de ce qui précède et dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués par le Registraire des marques de commerce en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d’enregistrement de la Marque, le tout selon les dispositions de l’article 38(8) de la Loi.

 

DATÉ À MONTRÉAL, QUÉBEC, LE 22 JANVIER 2009.

 

 

Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

 

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