Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2012 COMC 136

Date de la décision : 2012-07-12

TRADUCTION

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45 engagée à la demande de Johnston Wassenaar LLP, visant l’enregistrement no LMC 662 480 de la marque de commerce BUDDHA-BAR au nom de George V Eatertainment

[1]               À la demande de Johnston Wassenaar LLP (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi) à George V Eatertainment, propriétaire inscrite de l’enregistrement no LMC 662 480 visant la marque de commerce BUDDHA-BAR (la Marque).

[2]               La marque est enregistrée pour emploi en liaison avec les marchandises et services suivants :

(1) Parfums, savons, huiles essentielles, nommément parfums destinés à une utilisation personnelle, lotions pour les cheveux, dentifrices.
(2) Joaillerie, bijouterie, horlogerie, instruments chronométriques, nommément montres, chronomètres, pendules, réveils matins, vaisselle en métaux précieux; journaux, magazines, livres, papeterie, nommément cartes postales, photographie, stylos, crayons; ustensiles et récipients pour le ménage ou la cuisine, nommément spatules, fourchettes, couteaux, cuillères, casseroles, baguettes; vaisselle non en métaux précieux, nommément assiettes, plats, vases, seaux à champagne, verres à boire.
(les Marchandises)


(1) Services de restauration (alimentation).

(les Services).

[3]               L’article 45 de la Loi oblige le propriétaire inscrit de la marque de commerce à indiquer si la marque a été employée au Canada en liaison avec chacune des marchandises et chacun des services que spécifie l’enregistrement à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l’avis et, dans la négative, la date où elle a été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. En l’espèce, la période pertinente au cours de laquelle l’emploi doit être établi se situe entre le 4 novembre 2006 et le 4 novembre 2009 (la Période pertinente).

[4]               L’« emploi » est défini ainsi à l’article 4 de la Loi :

4. (1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

(3) Une marque de commerce mise au Canada sur des marchandises ou sur les colis qui les contiennent est réputée, quand ces marchandises sont exportées du Canada, être employée dans ce pays en liaison avec ces marchandises.

 

[5]               En vertu du paragraphe 45(3) de la Loi, à défaut d’emploi selon la définition ci-dessus, la marque de commerce est susceptible de radiation, à moins que le défaut d’emploi soit attribuable à des circonstances spéciales qui le justifient.

[6]               En réponse à l’avis du registraire, l’Inscrivante a produit l’affidavit de Mme Tarja Visan, auquel étaient annexées les pièces TV‑1 à TV‑8 (l’Affidavit Visan). Les deux parties ont produit des représentations écrites; et les deux parties ont pris part à l’audience.

[7]               L’examen de l’affidavit de Mme Visan révèle clairement qu’il n’existe aucune preuve d’emploi de la Marque par l’Inscrivante au Canada au cours de la Période pertinente. En effet, il ressort clairement de l’Affidavit Visan que la Marque n’a jamais été employée au Canada. Par ailleurs, l’ensemble de l’affidavit de Mme Visan et de la preuve documentaire porte sur les circonstances entourant les efforts déployés par l’Inscrivante pour pénétrer le marché canadien et commencer à employer la Marque au Canada. Par conséquent la seule question à trancher en l’espèce est de savoir si l’Inscrivante a établi l’existence de circonstances spéciales qui justifieraient le défaut d’emploi de la Marque, permettant ainsi le maintien de l’enregistrement.

[8]               Une décision concernant l’existence de circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi se fonde sur l’examen de trois critères, énoncés dans l’arrêt Canada (Registraire des marques de commerce) c. Harris Knitting Mills Ltd. (1985), 4 CPR (3d) 488 (CAF) : le premier est la durée de la période de non‑emploi, et les deuxième et troisième posent respectivement la question de savoir si les raisons du non‑emploi étaient indépendantes de la volonté du propriétaire inscrit et si ce dernier a l’intention sérieuse de recommencer à employer la marque dans un bref délai.

[9]               La pertinence du premier critère est manifeste, car les raisons pouvant justifier une brève période de non-emploi pourraient ne pas justifier une période de non-emploi qui se prolonge [Harris Knitting, précité; Re : Goldwell (1974), 29 C.P.R. (2d) 110 (R.M.C.)]. Pour déterminer si les raisons du non-emploi étaient indépendantes de la volonté du propriétaire inscrit, il faut pouvoir conclure à l’existence de [traduction] « circonstances inhabituelles, peu courantes ou exceptionnelles » [John Labatt Ltd. c. Cotton Club Bottling Co. (1976), 25 CPR (2d) 115 (CF 1re inst), à la page 123]. De plus, il doit être satisfait au deuxième critère du test énoncé dans l’arrêt Harris Knitting Mills pour que l’on puisse conclure à l’existence de circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi d’une marque (Smart & Biggar c. Scott Paper Ltd. (2008), 65 CPR (4th) 303 (CAF). Enfin, l’intention de reprendre l’emploi doit être étayée par la preuve [Arrowhead Spring Water Ltd. c. Arrowhead Water Corp. (1993), 47 CPR (3d) 217 (CF 1re inst); NTD Apparel Inc. c. Ryan (2003), 27 CPR (4th) 73 (CF 1re inst)].

[10]           Ayant appliqué le test susmentionné, je constate que la Marque, qui a fait l’objet d’une demande en 2002 et a été enregistrée au Canada le 11 avril 2006, n’a jamais été employée au Canada. Madame Visan affirme dans son affidavit que, pendant la Période pertinente, l’Inscrivante a essayé de trouver des licenciés de la Marque et des endroits propices pour des restaurants et hôtels BUDDHA-BAR au Canada. À cet égard, elle atteste que l’Inscrivante a entamé des négociations et a signé un protocole d’entente avec Creative Design FZ LLC et Washington Restaurants, LLC en septembre 2008 afin que les parties poursuivent les négociations et concluent un contrat de licence dans un délai de 90 jours pour un restaurant BUDDHA-BAR à Toronto. Madame Visan atteste également que, en raison du contexte économique difficile, il n’a pas été possible pour Washington Restaurants, LLC de conclure un contrat de licence avec l’Inscrivante relativement à l’ouverture d’un restaurant BUDDHA-BAR à Toronto. Madame Visan affirme que ce projet est néanmoins toujours en cours et n’a pas été abandonné. Cependant, aucun autre détail n’a été fourni à propos des mesures prises depuis 2008 pour faire avancer ce projet.

[11]           Madame Visan atteste également que l’Inscrivante a négocié un contrat de licence pendant la Période pertinente avec 9172-0912 Québec Inc. pour l’emploi de la Marque en liaison avec l’ouverture d’un restaurant-bar à Montréal, au Québec. Les pièces jointes consistent en une proposition concernant l’hôtel, restaurant et spa BUDDHA-BAR datée de novembre 2006, des documents préliminaires préparés par un cabinet d’architectes en date du 13 février 2007 pour les travaux de restauration et de rénovation à l’emplacement prévu et une demande d’autorisation pour des travaux de construction et de rénovation sur ce site datée du 5 octobre 2007. En janvier 2008, le gouvernement du Québec a refusé que 9172-0912 Québec Inc. procède aux travaux projetés de restauration et de rénovation à l’emplacement choisi et cette lettre, qui est annexée comme pièce, précise les modifications qu’il faudrait apporter au projet afin qu’il puisse avancer sur le site. Madame Visan affirme que, malgré cela, le projet est toujours en cours et que l’Inscrivante est sûre que le projet va progresser à court terme. Cependant, aucun autre détail n’a été fourni au sujet de l’évolution du projet depuis janvier 2008.

[12]           Il ressort clairement de la Loi que lorsqu’une marque est enregistrée au Canada, elle doit être employée. Quant à la durée du défaut d’emploi, tel que souligné dans la décision Ridout & Maybee c. Sealy Canada Ltd./Ltée (1999), 87 C.P.R. (3d) 307 (C.F. 1re inst.), il est précisé au paragraphe 45(1) de la Loi que le propriétaire inscrit doit indiquer la date où la marque de commerce a été employée en dernier lieu. En l’espèce, l’Inscrivante n’a pas fourni la date où la marque de commerce a été employée en dernier lieu. Or, cette omission n’est pas fatale; en règle générale, c’est la date d’enregistrement qui servira de date du dernier emploi ou, si la marque a fait l’objet d’une cession, c’est la date de la cession qui sera utilisée [GPS (U.K.) Ltd. c. Rainbow Jean Co. (1994), 58 C.P.R. (3d) 535 (C.O.M.C.). En l’espèce, la date qu’il convient d’accepter en tant que date du dernier emploi est la date d’enregistrement, soit le 11 avril 2006. En conséquence, il y a eu une période assez longue pendant laquelle la Marque n’a pas été employée au Canada.

[13]           Dans ses représentations écrites, la Partie requérante soutient que la seule raison que donne l’Inscrivante pour expliquer le défaut d’emploi est que le propriétaire avait besoin de plus de temps pour lancer sa Marque et commencer à l’employer au Canada. Plus précisément, les raisons justifiant le défaut d’emploi de la Marque au Canada constituaient toutes des circonstances qui dépendaient nettement de la volonté de l’Inscrivante, notamment le choix des licenciés et des emplacements où elle offrirait ses Services et vendrait ses Marchandises. Autrement dit, l’Inscrivante a pris des décisions d’affaires réfléchies au sujet de la commercialisation de la Marque au Canada qui ont conduit au non-emploi de la Marque au Canada. Je suis d’accord avec cette explication et, conformément à l’arrêt Harris Knitting Mills, précité, à la page 493, je ne vois pas bien pourquoi on excuserait le défaut d’emploi attribuable à la seule volonté du propriétaire de la marque de commerce de trouver des licenciés et des emplacements convenables pour ses établissements. Le commentaire suivant formulé par le juge Thurlow dans l’arrêt Plough (Canada) Ltd. c. Aerosol Fillers Inc. (1980), 53 CPR (2d) 62 (C.A.F.), au paragraphe 10, me paraît à cet égard pertinent :

Il n’est pas permis à un propriétaire inscrit de garder sa marque s’il ne l’emploie pas, c’est‑à‑dire s’il ne l’emploie pas du tout ou s’il ne l’emploie pas à l’égard de certaines des marchandises pour lesquelles cette marque a été enregistrée.

[14]           En l’absence d’autres renseignements, il semble que le défaut d’emploi de la Marque au Canada ne soit pas imputable à des facteurs indépendants de la volonté de l’Inscrivante mais bien à des décisions d’affaires réfléchies. Étant donné que le fardeau de la preuve repose entièrement sur les épaules de l’Inscrivante, je suis d’avis que celle-ci n’a pas réussi à démontrer au registraire que le défaut d’emploi de la Marque au Canada était imputable à des facteurs indépendants de sa volonté.

[15]           Toutefois, dans l’éventualité où j’aurais tort de tirer cette conclusion, l’Inscrivante doit néanmoins satisfaire au troisième critère du test établi dans l’arrêt Harris Knitting Mills, c’est‑à‑dire qu’elle doit démontrer une intention sérieuse de reprendre l’emploi de la Marque dans un court délai [voir Arrowhead Spring Water Ltd., précitée; NTD Apparel Inc, précitée]. Je tiens à souligner que l’Inscrivante ne donne aucun détail à propos des mesures prises pour faire progresser ses projets, pour compléter l’octroi de licences ou pour commencer à employer sa Marque de toute autre manière au Canada. Madame Visan insiste plutôt sur le fait que l’Inscrivante a pris toutes les mesures possibles pour commencer à employer la Marque au Canada en liaison avec les Services. Au sujet de son intention de reprendre l’emploi de la Marque au Canada, l’Inscrivante déclare que le projet BUDDHA-BAR à Toronto est en voie de se concrétiser et n’a pas été abandonné. De même, Mme Visan affirme que, malgré tout, le projet de Montréal est toujours en cours et que l’Inscrivante est sûre de le faire avancer à court terme. Ces déclarations sont vagues et insuffisantes; aucun autre échéancier n’a été fourni et aucune preuve n’a été produite pour démontrer que des mesures concrètes ont été prises pour commencer à employer la Marque en liaison avec les Marchandises et les Services. Faute de détails concernant les mesures prises par l’Inscrivante pour commencer à employer la Marque, je ne puis conclure que l’Inscrivante a prouvé de façon satisfaisante une intention sérieuse de reprendre l’emploi de la Marque ou, dans le cas présent, de commencer à l’employer au Canada.

[16]           Vu ces conclusions, il me faut conclure que l’Inscrivante n’a pas démontré l’existence de circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi de la Marque pendant la Période pertinente au sens du paragraphe 45(3) de la Loi. Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas convaincue que la Marque a été employée en liaison avec l’une des marchandises ou l’un des services visés par l’enregistrement au sens de l’article 45 et de l’article 4 de la Loi, étant donné qu’il n’existe aucune circonstance spéciale justifiant ce défaut d’emploi.

[17]           Par conséquent, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions du paragraphe 63(3) de la Loi, l’enregistrement sera radié conformément aux dispositions de l’article 45 de la Loi.

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Darlene H. Carreau

Présidente

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jenny Kourakos, LL.L.

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