Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

PROCÉDURE PRÉVUE À L’ARTICLE 45

MARQUE DE COMMERCE : COHIBA et dessin y afférent

ENREGISTREMENT Nº 373,446

 

 

 

Le 13 octobre 2000, à la demande de Shapiro Cohen, le registraire a envoyé un avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce à Empresa Cubana Del Tabaco Trading, aussi appelée Cubatabaco, propriétaire inscrite de la marque de commerce citée en rubrique pendant la période pertinente (la titulaire de l’enregistrement). La marque de commerce a été cédée à Corporacion Habanos, S.A. le 26 décembre 2005. La cession a été inscrite au registre des marques de commerce le 5 avril 2006.

 

La marque de commerce COHIBA et dessin y afférent (représentée ci-dessous) est enregistrée pour un emploi en liaison avec les marchandises suivantes :

[traduction] « Tabac brut, cigares, cigarillos, cigarettes, tabac haché, tabac râpé, tabac manufacturé de tout genre, allumettes, pipes à tabac, porte-pipes, cendriers, boîtes d’allumettes, étuis à cigares et boîtes à cigares ».

 

 

                                                                             

 

 


Larticle 45 de la Loi sur les marques de commerce oblige le propriétaire inscrit de la marque de commerce à indiquer si la marque de commerce a été employée au Canada en liaison avec chacune des marchandises et/ou chacun des services énumérés dans lenregistrement à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de lavis et, dans la négative, la date où elle a été employée en dernier lieu et la raison de son défaut demploi depuis cette date. La période pertinente en lespèce va du l3 octobre 1997 au 13 octobre 2000.

 

En réponse à l’avis, l’affidavit d’Abel Gonzalez Ortego, accompagné de pièces, a été produit. La partie à la demande de qui l’avis a été donné a produit un plaidoyer écrit. La titulaire de l’enregistrement a demandé et obtenu une prorogation rétroactive en vertu du paragraphe 47(2) de la Loi pour produire comme élément de preuve supplémentaire l’affidavit d’Adargelio Garrido De La Grana, souscrit le 19 février 2002, accompagné de la pièce A, constituée d’une entente de licence. Un plaidoyer écrit de la titulaire de l’enregistrement accompagnait aussi la preuve supplémentaire. La partie à la demande de qui l’avis a été donné a produit un plaidoyer écrit supplémentaire concernant la preuve supplémentaire. Les deux parties ont assisté à l’audience.

 


Avant l’audience, la titulaire de l’enregistrement a cherché à obtenir une autre prorogation rétroactive en vertu du paragraphe 47(2) de la Loi pour déposer comme élément de preuve supplémentaire l’affidavit d’Adargelio Garrido de La Grana, souscrit le 9 mai 2007, auquel étaient jointes une copie de l’entente de licence en espagnol et la traduction certifiée conforme de cette entente de licence. Cependant, pour les raisons indiquées dans une lettre officielle du 30 mai 2007, la demande de la titulaire de l’enregistrement a été refusée. Par conséquent, l’affidavit souscrit le 9 mai 2007 et la traduction certifiée conforme de l’entente de licence ne font pas partie du dossier de la présente procédure.

 

Abel Gonzalez Ortego est le directeur commercial de Havana House Cigar & Tobacco Merchants Ltd., importatrice en gros exclusive et distributrice pour le Canada de la titulaire de l’enregistrement. Il soutient qu’il a examiné les dossiers pertinents de sa société et qu’il est personnellement au courant des faits dont il témoigne dans son affidavit.

 

Il indique que la titulaire de l’enregistrement vend au Canada depuis au moins 10 ans des cigares et des cigarillos, sous le dessin-marque COHIBA; que le tabac à fumer, sous forme de cigares et de cigarillos, est manufacturé par la titulaire de l’enregistrement et est distribué dans le monde par l’entremise de Habanos S.A., exportatrice sous licence exclusive de la titulaire de l’enregistrement, qui fournit à sa société les cigares et les cigarillos destinés au marché canadien en vue de leur revente à des détaillants au Canada. Il précise qu’au moment de la vente, les cigares et les boîtes dans lesquelles les cigares sont vendus portent soit une inscription, soit une étiquette sur laquelle la marque de commerce COHIBA et ses composantes graphiques sont affichées bien en vue. Il fournit un certain nombre de cigares qui étaient vendus dans les années 1997, 1998, 1999 et 2000. À titre de pièce A, il joint des reçus relatifs à des ventes au Canada de cigares et de cigarillos, notamment de ceux portant le dessin-marque COHIBA; à titre de pièce B, il fournit la liste des prix de gros des cigares et des cigarillos COHIBA facturés aux clients canadiens; à titre de pièce C, il fournit deux étiquettes originales portant le dessin-marque COHIBA qui sont appliquées sur des boîtes de cigares et de cigarillos de la marque COHIBA.


Adargelio Garrido De La Grana est identifié comme le directeur juridique et le secrétaire général de la Corporacion Habanos S.A., exerçant son activité sous la dénomination de Habanos S.A. Il déclare que Habanos S.A. a obtenu en 1994 une licence d’Empresa Cubana Del Tabaco, exerçant son activité sous la dénomination de Cubatabaco, pour l’emploi de ses marques de commerce et l’exportation de ses produits du tabac. À titre de pièce A, il joint ce qu’il désigne comme une copie certifiée conforme d’une entente de licence passée entre Habanos S.A. et la titulaire de l’enregistrement. Je note ici que, tout en étant d’accord avec la partie à la demande de qui l’avis a été donné sur le fait que le document annexé est une traduction de l’entente de licence et non une copie certifiée conforme de celle-ci, je conclus que la question est sans importance pour l’issue de l’affaire.

 

S’agissant de la preuve produite, je note que la titulaire de l’enregistrement a concédé au dernier paragraphe de son plaidoyer écrit que la marque n’a pas été employée en liaison avec les marchandises suivantes : « tabac brut, cigarettes, tabac haché, tabac râpé, tabac manufacturé de tout genre, allumettes, pipes à tabac, porte-pipes, cendriers, boîtes d’allumettes, étuis à cigares et boîtes à cigares ». Par conséquent, ces marchandises seront supprimées de l’enregistrement de la marque de commerce.

 

S’agissant des « cigares et cigarillos », j’accepte que les éléments de preuve établissent l’emploi fait par Habanos S.A., à titre de licenciée.

 

À mon avis, les questions principales sont les suivantes :


L’emploi de la marque par Habanos S.A. autorise-t-il la titulaire de l’enregistrement à invoquer l’emploi de la marque en vertu de l’article 50 de la Loi?

 

L’emploi de la marque de commerce qui a été établi constitue-t-il un emploi de la marque de commerce déposée?

 

 

 

En ce qui concerne la marque de commerce dont l’emploi a été établi, je conclus qu’il constitue un emploi de la marque de commerce déposée, car les différences entre les marques sont peu importantes et la marque de commerce n’a pas perdu son identité, elle demeure reconnaissable (Promafil Canada Ltée c. Munsingwear, 44 C.P.R. (3d) à la page 59).

 

 

 

S’agissant de l’emploi sous licence de la marque, l’article 50 de la Loi prévoit :

 

50(1). Pour l’application de la présente loi, si une licence d’emploi d’une marque de commerce est octroyée, pour un pays, à une entité par le propriétaire de la marque, ou avec son autorisation, et que celui-ci, aux termes de la licence, contrôle directement ou indirectement, les caractéristiques ou la qualité des marchandises et services, l’emploi, la publicité ou l’exposition de la marque, dans ce pays, par cette entité comme marque de commerce, nom commercial – ou partie de ceux-ci – ou autrement ont le même effet et sont réputés avoir toujours eu le même effet que s’il s’agissait de ceux du propriétaire.

 

50(2). Pour l’application de la présente loi, dans la mesure où un avis public a été donné quant à l’identité du propriétaire et au fait que l’emploi d’une marque de commerce fait l’objet d’une licence, cet emploi est réputé, sauf preuve contraire, avoir fait l’objet d’une licence du propriétaire, et le contrôle des caractéristiques ou de la qualité des marchandises et services est réputé, sauf preuve contraire, être celui du propriétaire.

 

 

 


La partie à la demande de qui l’avis a été donné fait valoir que l’emploi établi ne répond pas aux conditions prévues à l’article 50 de la Loi. Elle soutient que les conditions du paragraphe 50(1) de la Loi relatives au contrôle de la qualité ne sont pas remplies. En outre, elle prétend que rien n’établit qu’un avis public a été donné de l’emploi sous licence de la marque commerce et de l’identité du propriétaire, et que la présomption prévue au paragraphe 50(2) de la Loi ne s’applique pas.

 

De son côté, la titulaire de l’enregistrement fait valoir que l’emploi établi répond aux conditions exigées à l’article 50 de la Loi. Elle soutient que la déclaration qui figure dans l’affidavit Ortego, portant que les cigares et les cigarillos sont manufacturés par la titulaire de l’enregistrement et sont distribués dans le monde par Habanos S.A., exportatrice sous licence exclusive, et la déclaration figurant dans l’affidavit De La Grana, portant que [traduction] « Habanos S.A. a obtenu en 1994 une licence d’Empresa Cubana Del Tabaco, exerçant son activité sous la dénomination de Cubatabaco, pour l’emploi de ses marques de commerce et l’exportation de ses produits du tabac » conduisent à conclure que la titulaire de l’enregistrement est la seule entité engagée dans la production des cigares et des cigarillos et que Habanos S.A. agit seulement à titre d’agent d’exportation. Dans les circonstances, elle fait valoir qu’il ne peut y avoir aucun doute sur le fait que la titulaire de l’enregistrement contrôle les caractéristiques et la qualité des marchandises qu’elle produit. La titulaire de l’enregistrement s’appuie aussi sur la décision Havana House Cigar & Tobacco Merchants Ltd. et al c. Skyway Cigar Store, 81 C.P.R. (3d) 203, pour faire valoir qu’elle est le fabricant des marchandises.

 


S’agissant de la décision Havana House c. Skyway Cigar, j’ai indiqué à l’audience que la titulaire de l’enregistrement peut invoquer la jurisprudence à l’égard des principes de droit qui y sont exposés, mais non à des fins de preuve. Par conséquent, la décision invoquée est sans utilité pour la titulaire de l’enregistrement dans la présente procédure.

 

S’agissant de l’allégation de M. Ortego, je conviens avec la partie à la demande de qui l’avis a été donné qu’elle constitue une preuve par ouï-dire irrecevable à l’égard de la fabrication des marchandises. M. Ortego n’est ni un dirigeant ni un administrateur de la titulaire de l’enregistrement et il n’est indiqué nulle part que sa déclaration repose sur une « connaissance personnelle ». De plus, aucune raison n’a été donnée pour expliquer pourquoi une personne ayant une connaissance directe de la fabrication des marchandises ne pouvait pas fournir de renseignements sur cette question.

 

S’agissant de la déclaration de M. De La Grana portant qu’une licence avait été conférée à Habanos S.A. pour l’exportation des produits de la titulaire de l’enregistrement et de l’argumentation selon laquelle Habanos S.A. n’agissait qu’à titre d’agent d’exportation de la  titulaire de l’enregistrement, je suis d’avis, à la lumière des termes de l’entente de licence, que le licencié est plus qu’un simple exportateur. Je reproduis ci-dessous certaines affirmations figurant dans l’entente de licence :

[traduction]

 DÉCLARATION

I.  - CUBATABACO détient tous les droits de propriété industrielle sur toutes les marques de commerce déposées, faisant l’objet d’une demande ou disponibles à Cuba et dans d’autres pays du monde, dans la classe 34 et dans d’autres classes de la Classification internationale des produits et services.

 


II.  - La société cubaine CORPORACION HABANOS, S.A. (HABANOS, S.A.) est habilitée, dans le cadre de l’objet social, à commercialiser les produits du tabac cubains à Cuba et à l’étranger.

 

III.  - Il a été convenu, pour que HABANOS, S.A. puisse commercialiser les marques de commerce de tabac cubaines dans tous les pays où elles sont déposées, faisant l’objet d’une demande ou disponibles par l’entremise de CUBATABACO, que l’organisation confère une licence d’emploi de ces marques à HABANOS, S.A., ce qui est l’objet du présent contrat, conformément aux conditions suivantes :

 

 

CONDITIONS

 

ARTICLE PREMIER  - LE DONNEUR DE LICENCE confère au LICENCIÉ, qui l’accepte, une licence d’emploi exclusive, sans aucune restriction, à l’égard de toutes les marques de commerce de tabac cubaines déposées, faisant l’objet d’une demande ou disponibles à Cuba ou dans d’autres pays, qui sera utilisée pour la production, la vente et la commercialisation des produits visés à la classe 34 et dans d’autres classes de la Classification internationale des produits et des services.

(Non souligné dans l’original.)

 

 

ARTICLE CINQUIÈME  - Le LICENCIÉ est le seul responsable direct de la production, de la vente et de la distribution des projets visés par la licence. (Non souligné dans l’original.)

 

ARTICLE SIXIÈME  - Le LICENCIÉ peut conférer des sous-licences pour la production et la distribution des produits visés par la présente licence, avec l’autorisation du DONNEUR DE LICENCE.  Les sous-licences de production de produits de tabac tressé ne peuvent être conférées qu’à des sociétés cubaines pour la production à Cuba de cigares Havane et la production dans d’autres pays d’autres produits de la classe 34 ou d’autres classes de la Classification internationale des produits et des services.

(Non souligné dans l’original.)

 

 

Il se peut que le licencié n’ait été autorisé qu’à vendre et commercialiser les marchandises, mais compte tenu de la formulation du contrat de licence, on peut penser que le licencié pouvait exercer les trois activités, soit « la production, la vente et la commercialisation » des marchandises.

 


En outre, comme la preuve établit que les étiquettes apposées sur l’emballage des marchandises portent la dénomination Habanos S.A. et ne portent pas le nom de la titulaire de l’enregistrement, il semble plus vraisemblable que ce soit la licenciée qui produisait les marchandises.

 

Par conséquent, à défaut d’une preuve recevable établissant que la titulaire de l’enregistrement était le fabricant des marchandises vendues au Canada pendant la période pertinente, je ne suis pas disposée à conclure que la titulaire de l’enregistrement fabriquait les marchandises exportées au Canada par Habanos S.A. et en contrôlait les caractéristiques et la qualité selon les dispositions du paragraphe 50(1) de la Loi. En outre, comme l’a signalé la partie à la demande de qui l’avis a été donné, la présomption prévue au paragraphe 50(2) ne s’applique pas en l’espèce en l’absence d’une preuve établissant qu’un avis public a été donné de l’emploi sous licence et de l’identité du propriétaire.

 

Compte tenu de ce qui précède, je conclus que l’emploi établi par la preuve n’en est pas un que la titulaire de l’enregistrement peut invoquer et que la marque de commerce doit être radiée.

 

L’enregistrement nº 373,446 sera radié conformément aux dispositions du paragraphe 45(5) de la Loi.

 

FAIT À GATINEAU, (QUÉBEC), LE 13 SEPTEMBRE 2007.

 

D. Savard

Agente d’audience principale

Section de l’article 45


 

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