Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

DANS LAFFAIRE DE LOPPOSITION

de The Procter & Gamble Company à la demande

n° 1,211,359 produite par 2797836 Canada Inc.

en vue de lenregistrement de la marque de

commerce COVER GIRL                                         

 

 

   Le 23avril2004, la requérante, 2797836 Canada Inc., a produit une demande denregistrement pour la marque de commerce COVER GIRL en liaison avec « gants de caoutchouc en latex ». La demande fondée sur lemploi projeté de la marque au Canada a été annoncée aux fins dopposition le 13octobre2004.

 

Le 14mars2005, lopposante, The Procter & Gamble Company, a produit une déclaration dopposition dont copie a été transmise à la requérante le 5avril2005. Selon le premier motif dopposition, la demande de la requérante nest pas conforme aux exigences de lalinéa30i) de la Loi sur les marques de commerce compte tenu de lusage que lopposante a fait antérieurement de ses marques déposées COVER GIRL.

 


Selon le deuxième motif dopposition, la marque de commerce faisant lobjet de la demande nest pas enregistrable aux termes de lalinéa12(1)d) de la Loi parce quelle crée de la confusion avec plus de trente des enregistrements de marques de commerce de lopposante comprenant ou incluant les mots COVER GIRL, essentiellement en liaison avec divers produits de maquillage, de soins personnels et cosmétiques. Certains enregistrements visent dautres marchandises comme des articles de lunetterie, des lentilles cornéennes et des accessoires pour les cheveux. Le plus ancien enregistrement de lopposante porte le numero118,851 et vise la marque de commerce COVER GIRL en liaison avec les marchandises suivantes:

 

[traduction]

(1) Fond de teint liquide.

(2) Produits cosmétiques, notamment poudre compacte.

(3) Crème pour la peau.

(4) Produits de beauté, notamment fond de teint liquide, poudre compacte, poudre en capsules, fard à joues compact, fard à joues en crème, crème et bâton cache-cernes; maquillage pour les ongles, notamment vernis à ongles, renforçateur pour les ongles, crème revitalisante pour les ongles et dissolvant de vernis à ongles; maquillage pour les yeux, notamment fard à cils, crayon à sourcils, eyeliner, ombre à paupières en poudre, ombre à paupières en crème, crayon de couleur pour les yeux et démaquillant pour les yeux; et maquillage pour les lèvres, notamment fard à lèvres et rouge à lèvres.

(5) Produits dhygiène et de beauté, notamment lotions pour la peau.

(6) Produits de toilette notamment fragrances, parfums, eaux de Cologne et déodorants à usage personnel; et produits dhygiène et de beauté, notamment crèmes pour la peau.

 

 


Selon le troisième motif dopposition, la requérante nest pas la personne admise à lenregistrement aux termes de lalinéa 16(3)a) de la Loi parce que, à la date de production de sa demande, la marque faisant lobjet de la demande créait de la confusion avec les diverses marques déposées COVER GIRL de lopposante antérieurement employées ou révélées au Canada par lopposante. Selon le quatrième motif dopposition, la requérante nest pas la personne admise à lenregistrement aux termes de lalinéa 16(3)b) de la Loi parce que, à la date de production de sa demande, la marque faisant lobjet de la demande créait de la confusion les diverses marques déposées COVER GIRL de lopposante à légard desquelles des demandes denregistrement avaient été antérieurement produites. Selon le cinquième motif dopposition, la marque de commerce de la requérante nest pas distinctive parce quelle crée de la confusion avec les marques que lopposante a antérieurement employées et parce que la requérante a autorisé des tiers à employer sa marque contrairement aux dispositions en matière de licence prévues à larticle50 de la Loi.

 

La requérante a produit et signifié une contre-déclaration. À titre de preuve, lopposante a présenté les affidavits de Saquib Vali, Harry Lake et Lorraine Devitt. La preuve de la requérante consiste en deux affidavits de Danny Pascal, deux affidavits de Tara-Starr McConnell et les affidavits de Richard Pascal, Harold Schiff et Lawrence Schiff. Les deux parties ont produit des plaidoyers écrits et seule lopposante était représentée à laudience.

 

La preuve de lopposante

Dans son affidavit, M.Vali déclare être le chef de marque responsable de la commercialisation des produits de marque COVER GIRL de lopposante. Selon lui, les cosmétiques COVER GIRL sont vendus au Canada depuis 1960. Lopposante vend des produits comme des rouges à lèvres, du maquillage pour les yeux, des vernis à ongle, des crèmes pour la peau, des fards à joues, des fonds de teint et des lotions de même que des accessoires connexes comme des brosses, bigoudis, éponges et taille-crayons.

 


Les produits de marque COVER GIRL sont vendus au Canada aux détaillants de masse tels que Wal-Mart, Zellers, Shoppers Drug Mart, Pharma Plus et Jean Coutu. Les ventes annuelles au Canada se sont chiffrées à plusieurs millions de dollars pendant plusieurs années. Les ventes totales pour la période allant de 2003 à 2005 ont dépassé 234 millions de dollars. Les coûts de marketing pour les huit années précédant la signature de laffidavit de M. Vali (cest-à-dire le 3mai2006) sélevaient à plus de 80millions de dollars. M.Vali déclare que depuis plusieurs années, les efforts de vente comprennent la participation de mannequins célèbres et de vedettes de cinéma aux annonces des produits.

 

Laffidavit de Mme Devitt présente en preuve des photocopies des renseignements afférents aux divers enregistrements de marque de commerce COVER GIRL de lopposante. Mme Devitt présente également des photocopies dannonces COVER GIRL tirées dun grand nombre de magazines qui corroborent la déclaration de M.Vali selon laquelle lopposante fait appel à des mannequins célèbres et des vedettes de cinéma pour ses publicités. Bien quaucun tirage canadien de ces magazines nait été fourni, je peux admettre doffice que des magazines connus tels que Vogue et Cosmopolitan sont offerts dans ce pays. Mme Devitt présente en outre des copies de feuillets publicitaires de Zellers et de Shoppers Drug Mart du printemps2006 où figurent des publicités pour des produits COVER GIRL. 

 


Le reste de laffidavit de Mme Devitt traite de ses recherches effectuées dans divers magasins de la région de Toronto. Elle a parcouru les pharmacies et les grand magasins où elle a acheté des produits COVER GIRL dans les rayons reservés aux cosmétiques ou aux produits de beauté de chaque magasin. Mme Devitt a acheté des gants de vinyle de marque PRO FACTOR dans le rayon des cosmétiques dun Shoppers Drug Mart. Dans le rayon des cosmétiques dun point de vente Pharma Plus, elle a trouvé des gants de latex de marque PLAYTEX sur une étagère de commerce amovible. Elle a acheté des gants de latex, des gants adoucissants ou des gants de coton pour soins esthétiques dans plusieurs grands magasins ou pharmacies.

 

Dans son affidavit, M. Lake se présente comme un détective privé qualifié. Le 18 avril 2006, il sest rendu aux locaux de 2797836 Canada Inc. qui exerçe son activité sous la dénomination de Compagnie Carrys Company à Montréal. Il a rencontré Danny Pascal qui la emmené dans une petite salle de démonstration où se trouvaient divers produits à vendre, y compris des piles, bas, tablettes de chocolat, crèmes à raser, savons pour les mains, crèmes pour la peau et produits pour le soin des cheveux.           

 

La preuve de la requérante

Dans son affidavit, Harold Schiff se présente comme le président de la requérante. Des photocopies des documents promotionnels suggérés pour les gants de latex visés par la demande sont jointes à son affidavit comme pièce 1. Ces documents montrent un modèle féminin dont lapparence et les poses sont semblables à celles du modèle apparaissant dans les publicités de la requérante  pour la marque COVER GIRL. Le libellé [traduction] « pour une meilleure prise sur les articles les plus fragiles » figure sur la deuxième page de la pièce 1.

 


Dans son premier affidavit, Danny Pascal se présente comme le président de Jenvali Holdings Inc. qui, selon lui, fait affaire avec la requérante à loccasion. M. Pascal décrit une visite quil a reçue dun certain Harry St-Jean dans les locaux de la requérante à Montréal, le 18 avril 2006. Il a emmené M. St-Jean dans un bureau comprenant une petite salle de démonstration où se trouvaient toute une gamme de produits. Selon M. Pascal, M. St-Jean na, à aucun moment, manifesté un intérêt pour les gants. On peut supposer que Harry St-Jean était le pseudonyme utilisé par le détective privé Harry Lake lorsquil a visité les locaux de la requérante.

 

Dans son premier affidavit, Mme McConnell déclare avoir visité le site Web de lopposante dans le but de consulter la gamme des produits COVER GIRL et la pièce 1 de son affidavit consiste en une copie imprimée de tous les produits affichés sur le site. Elle remarque que le site ne présente aucun type de gants ou produits nécessitant des gants.

 

Les autres affidavits se rapportent tous à des visites effectuées par leurs auteurs dans différents magasins de Montréal, Toronto ou Vancouver, dont Zellers, Wal-Mart, Canadian Tire, Pharmaprix, Jean Coutu, Shoppers Drug Mart, London Drugs et Safeway.  Les auteurs des affidavits prétendent, de façon constante, que dans les magasins où il y avait une section des cosmétiques, il ny avait pas de gants de latex.  Ces produits étaient vendus dans la section des objets ménagers. Si des gants étaient vendus dans la section des cosmétiques, ils étaient en vinyle ou en coton.

 

Les motifs dopposition


Le premier motif invoqué ne constitue pas véritablement un motif dopposition. Le simple fait que lopposante ait employé ses marques de commerce COVER GIRL au Canada nempêche en rien la requérante de faire en toute honnêteté la déclaration visée à lalinéa 30i) dans sa demande. Par conséquent, le premier motif dopposition est rejeté.

 

De même, le quatrième motif invoqué ne constitue pas véritablement un motif dopposition. Toutes les demandes de lopposante à lorigine des plus de trente enregistrements invoqués ont été produites avant la date de production de la demande de la requérante, mais aucune de ces demandes nétait pendante à la date de lannonce comme lexige le paragraphe16(4) de la Loi. Par conséquent, le quatrième motif est également rejeté.

 


Quant au deuxième motif dopposition, la date pertinente pour examiner les circonstances se rapportant à la question de la confusion avec une marque de commerce déposée est la date de ma décision : voir Conde Nast Publications Inc. c. Canadian Federation of Independent Grocers (1991), 37C.P.R. (3d) 538, p. 541 et 542 (C.O.M.C.). Il incombe à la requérante de démontrer quil nexiste aucun risque raisonnable de confusion entre les marques en cause. De plus, pour appliquer le test en matière de confusion prévu au paragraphe 6(2) de la Loi, je dois tenir compte de toutes les circonstances de lespèce, y compris celles expressément prévues au paragraphe 6(5) de la Loi. Enfin, le plus pertinent des enregistrements de lopposante étant lenregistrement n°118,851 à légard de la marque de commerce COVER GIRL, lissue du deuxième motif dopposition dépendra de lanalyse de la question de la confusion entre cette marque et la marque projetée de la requérante.

 

En ce qui concerne lalinéa 6(5)a) de la Loi, la marque déposée COVER GIRL de lopposante a un caractère distinctif à légard du maquillage, des cosmétiques et autres produits semblables. Toutefois, elle évoque quelque peu ces marchandises ou en fait léloge et par conséquent, ce nest pas une marque intrinsèquement forte. Compte tenu de lemploi largement répandu et de la publicité de cette marque pendant plusieurs années, je me permets de conclure quelle est devenue très connue partout au Canada.

 

La marque COVER GIRL de la requérante a un caractère distinctif à légard des gants de latex et, étant donné que, de toute évidence, elle na aucune connotation suggestive à légard de ces marchandises, elle est intrinsèquement plus forte que la marque déposée de lopposante. Vu labsence de preuve demploi ou de publicité de la requérante, je dois conclure que sa marque nest pas devenue connue au Canada.

                 


Pour ce qui est de lalinéa 6(5)b) de la Loi, la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage milite en faveur de lopposante et pour ce qui est des alinéas 6(5)c) et 6(5)d) de la Loi, ce sont létat des marchandises de la requérante et létat des marchandises figurant dans lenregistrement de lopposante qui sont déterminants : voir Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3d) 3, p. 10 et 11 (C.A.F.), Henkel Kommanditgesellschaft c. Super Dragon (1986), 12 C.P.R. (3d) 110, p. 112 (C.A.F.), et MissUniverse, Inc. c. Dale Bohna (1994), 58 C.P.R. (3d) 381, p. 390 à 392 (C.A.F.). Ces états doivent néanmoins être interprétés afin de déterminer le genre probable dactivités commerciales envisagées par les parties plutôt que lensemble des activités commerciales que le libellé est susceptible denglober. À cet égard, une preuve de la nature véritable des activités commerciales des parties est utile : voir la décision McDonalds Corporation c. Coffee Hut Stores Ltd. (1996), 68 C.P.R. (3d) 168, p. 169 (C.A.F.).

 

     Les marchandises des parties sont différentes. Lopposante vend du maquillage, des cosmétiques, des produits dhygiène et de beauté ainsi que des accessoires connexes alors que la requérante veut vendre des gants de latex. Cependant, les marchandises vendues par les deux parties sont, la plupart du temps, vendues dans les mêmes magasins, en particulier les magasins ayant un rayon des cosmétiques. De plus, il est évident que certains types de gants sont vendus dans les rayons des cosmétiques même si lopposante na pu prouver quun seul cas où des gants de latex étaient vendus dans cette section dun magasin. Par conséquent, il y a un certain chevauchement du commerce des parties.

 

En ce qui concerne lalinéa 6(5)e) de la Loi, les marques en question sont identiques à tous égards.

 


En ce qui concerne les circonstances de lespèce, jai examiné la façon dont la requérante entend commercialiser et publiciser ses marchandises comme le montre la pièce 1 de laffidavit de Harold Schiff. En ayant recours à un mannequin pour faire la publicité des gants de latex et en insistant sur le fait quils peuvent être utilisés avec des « articles fragiles », la requérante a signalé lexistence possible dun lien entre sa marque et la marque COVER GIRL de lopposante. 

 

Dans son plaidoyer écrit, la requérante a cherché à sappuyer sur deux enregistrements de tierces parties pour la marque COVER GIRL en liaison avec des articles chaussants.  Toutefois, ces enregistrements nont pas été produits en preuve. De toute façon, la preuve relative à létat du registre nest pertinente que dans la mesure où il est possible den tirer des inférences à propos de la situation du marché : voir la décision en matière dopposition Ports International Ltd. c. Dunlop Ltd. (1992), 41 C.P.R.(3d) 432, et Del Monte Corporation c. Welch Foods Inc. (1992), 44 C.P.R.(3d) 205 (C.F. 1re inst.). Il y a également lieu de signaler la décision Kellogg Salada Canada Inc. c. Maximum Nutrition Ltd. (1992), 43 C.P.R.(3d) 349 (C.A.F.), qui appuie la thèse selon laquelle les inférences à propos de la situation du marché  ne peuvent être tirées de la preuve relative à létat du registre que sil sy trouve un grand nombre denregistrements pertinents. Par conséquent, même si les deux enregistrements avaient été régulièrement produits en preuve, la simple existence de deux enregistrements appartenant à une compagnie ne permet pas de faire des inférences valables en ce qui concerne la possibilité dune adoption commune de la marque COVER GIRL par des tiers.

                


Pour appliquer le test en matière de confusion, jai considéré quil sagissait dune question de première impression et de souvenir incomplet. Il incombe à la requérante détablir, suivant la prépondérance des probabilités, quil ny a aucune probabilité raisonnable de confusion. Cela signifie que si les probabilités sont égales, je dois me prononcer contre la requérante. Compte tenu des conclusions déjà tirées et compte tenu en particulier de la ressemblance entre les marques, de la réputation associée à la marque de lopposante, de lexistence dun certain chevauchement du commerce des parties et de la démarche apparente de la requérante visant à établir un lien entre sa marque et celle de lopposante, jestime que la requérante na pas réussi à établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa marque projetée COVER GIRL ne crée pas de confusion avec la marque déposée COVER GIRL de lopposante. À tout le moins, le consommateur moyen présumera vraisemblablement que lopposante a accordé une licence, approuvé ou parrainé lemploi fait par la requérante de sa marque COVER GIRL pour des gants de latex.  Par conséquent, le deuxième motif dopposition est accueilli.

 


              Quant au cinquième motif dopposition, il incombe à la requérante détablir que sa marque est adaptée à distinguer ou distingue véritablement ses marchandises des marchandises dautres propriétaires au Canada : voir Muffin Houses Incorporated c. The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 C.P.R. (3d) 272 (C.O.M.C.). En outre, la date pertinente pour apprécier les circonstances relatives à cette question est la date de production de lopposition (c.‑à‑d. le 14 mars 2005) : voir Re Andres Wines Ltd. and E. & J. Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126, p. 130, (C.A.F.), et Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 412 , p. 424 (C.A.F.). Enfin, il incombe à lopposante détablir les faits quelle allègue à lappui de son motif dopposition fondé sur le caractère non distinctif.

 

Le cinquième motif dopposition repose fondamentalement sur la question de la confusion entre la marque projetée de la requérante et la marque COVER GIRL de lopposante. Les conclusions auxquelles je suis arrivé à légard du deuxième motif dopposition sont généralement applicables au cinquième motif dopposition. Jestime ainsi, selon la prépondérance des probabilités, que la requérante na pas réussi à démontrer que sa marque projetée ne créait pas de confusion avec la marque déposée de lopposante au moment de la production de lopposition. Par conséquent, jaccueille également le cinquième motif dopposition et il ne mest pas nécessaire de trancher le troisième motif dopposition

 

Compte tenu de ce qui précède et en vertu des pouvoirs qui mont été délégués en application du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande de la requérante.

 

FAIT À GATINEAU (QUÉBEC), LE 21FÉVRIER2008.

David J. Martin,

Membre,

Commission des oppositions des marques de commerce.

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