Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION

 

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2013 COMC 31

Date de la décision : 20-02-2013

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION de PomWonderful LLC à la demande no 1 389 758 visant l’enregistrement de la marque de commerce POMEPURE et Dessin au nom de Rash Nagar

 

 

[1]         Le 2 avril 2008, Pomepure ltée a produit à l’égard de la marque de commerce POMEPURE et Dessin (reproduite ci-dessous) (la Marque) une demande d’enregistrement fondée sur un emploi projeté de la Marque au Canada en liaison avec les marchandises suivantes (selon l’état déclaratif modifié) :

POMEPURE AND DESIGN

thés aromatisés aux fruits, glaces, mélasse; boissons non alcoolisées, nommément eaux minérales et gazeuses, boissons aux fruits et jus de fruits, concentré de jus de fruits, nectars, boissons énergisantes; boissons alcoolisées, nommément cocktails, vodka, gin, champagne, vin mousseux ou non (les Marchandises).

[2]         La demande est également fondée sur l’emploi et l’enregistrement de la Marque au Royaume-Uni en liaison avec les Marchandises.

[3]         La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 4 février 2009.

[4]         Je précise d’entrée de jeu que, suivant une lettre en date du 19 juillet 2010, le registraire a pris acte d’un changement concernant la propriété de la demande d’enregistrement de la Marque; cette dernière ayant été cédée à Rash Nagar par Pomepure ltée. J’emploierai donc le terme « Requérant » pour désigner indifféremment Pomepure ltée et M. Nagar.

[5]         Le 30 juin 2009, PomWonderful LLC (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition à l’égard de la demande. Les motifs d’opposition soulevés peuvent être résumés comme suit :

1.      le Requérant n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque suivant les alinéas 16(2)a) et 16(3)a) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi), car, à la date de production de la demande, la Marque créait de la confusion avec les marques de commerce POM WONDERFUL et POM WONDERFUL et Dessin, antérieurement employées au Canada par l’Opposante en liaison avec des fruits frais, nommément des grenades, depuis au moins octobre 2001, et en liaison avec des boissons aux fruits depuis au moins mars 2004;

2.      le Requérant n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque suivant les alinéas 16(2)b) et (3)b) de la Loi, car, à la date de production de la demande, la Marque créait de la confusion avec les marques de commerce énumérées à l’Annexe A de la présente décision, et à l’égard desquelles des demandes d’enregistrement avaient déjà été produites au Canada par l’Opposante (ci-après parfois collectivement appelées les Marques POM en instance);

3.      la Marque n’est pas distinctive des Marchandises du Requérant au sens de l’article 2 de la Loi, car la Marque n’est pas adaptée à distinguer les Marchandises du Requérant des marchandises de tiers, y compris les marchandises de l’Opposante, compte tenu de l’emploi par l’Opposante des marques de commerce POM WONDERFUL et POM WONDERFUL et Dessin, du nom commercial PomWonderful LLC et des autres marques de l’Opposante, tel que mentionné ci-dessus, depuis au moins octobre 2001 en liaison avec des fruits frais, et depuis au moins mars 2004 en liaison avec des jus.

[6]             Le Requérant a produit une contre-déclaration dans laquelle il nie les allégations de l’Opposante.

[7]             Au soutien de son opposition, l’Opposante a produit un certificat d’authenticité à l’égard de chacune des demandes de marque de commerce invoquées dans sa déclaration d’opposition, ainsi que l’affidavit de Sarah Hemmati, chef de la direction financière de l’Opposante, souscrit le 14 décembre 2009. Au soutien de sa demande, le Requérant a produit l’affidavit de Rash Nagar, requérant désigné et administrateur-gérant de Pomepure Ltée antérieurement inscrite comme requérante, souscrit le 11 avril 2010; l’affidavit de Simone Ndiaye, technicienne juridique au cabinet représentant le Requérant dans la présente procédure, souscrit le 12 avril 2010; et l’affidavit d’Émilie Bureau, également technicienne juridique au cabinet représentant le Requérant, souscrit le 16 avril 2010. Le 13 janvier 2011, M. Nagar a été contre-interrogé relativement à son affidavit et la transcription de son contre-interrogatoire a été versée au dossier. Je souligne que, dans une lettre en date du 9 mars 2011, le Requérant a informé le registraire qu’il n’entendait [TRADUCTION] « pas fournir de réponse aux engagements » pris lors de ce contre-interrogatoire.

[8]             Aucune des parties n’a présenté d’observations écrites. Seule l’Opposante a sollicité la tenue d’une audience et était représentée par un avocat lors de ladite audience; l’agent du Requérant ayant informé le registraire que :

[TRADUCTION]
[...] le [R]equérant a épuisé les ressources dont il disposait pour cette affaire, [il] ne présentera pas d’observations écrites ni ne sollicitera la tenue d’une audience [...].

Le [R]equérant demeure convaincu que [la Marque] ne crée aucune confusion avec les marques de l’Opposante et s’en remet, à cet égard, à la juste appréciation de la Commission.

Fardeau

[9]             Le Requérant a le fardeau ultime d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Il incombe toutefois à l’Opposante de s’acquitter du fardeau initial consistant à présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition [voir John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.); et Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior, SA et al (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.)].

Aperçu de la preuve des parties

La preuve de l’Opposante

Les certificats d’authenticité

[10]         Les certificats d’authenticité indiquent qu’à la date à laquelle ils ont été délivrés, soit le 11 décembre 2009, les demandes concernant les Marques POM en instance étaient inscrites au nom de Pom Bakery Limitée, après avoir été initialement inscrites au nom de l’Opposante. J’ai exercé le pouvoir discrétionnaire du registraire de consulter le registre afin d’examiner chaque demande [voir Royal Appliance Mfg Co. c. Iona Appliances Inc. (1990), 32 C.P.R. (3d) 525 (C.O.M.C.)]. Je souligne que la propriété de ces demandes a par la suite été transférée à Canada Bread Limited. Ces changements de titre n’ont toutefois aucune incidence sur la présente procédure d’opposition, car aux dates pertinentes (mentionnées ci-après) qui s’appliquent aux différents motifs d’opposition, chacune des demandes était encore inscrite au nom de l’Opposante.

L’affidavit de Mme Hemmati

[11]         Mme Hemmati affirme que l’Opposante, conjointement avec ses affiliées, est le plus important producteur et commerçant de grenades fraîches aux États-Unis. Mme Hemmati explique que le fruit est cultivé par les affiliées de l’Opposante dans des vergers de la vallée de San Joaquin, en Californie. Elle affirme également que l’affiliée de l’Opposante détient une part importante du marché de la grenade aux États-Unis et qu’elle exporte des grenades fraîches dans le monde entier, y compris au Canada.

[12]         Mme Hemmati soutient que, depuis 2003, l’Opposante commercialise des boissons aux fruits sous l’étiquette POM WONDERFUL qu’elle vend dans des bouteilles uniques qui évoquent deux grenades superposées.

[13]         Mme Hemmati affirme que l’Opposante vend des grenades fraîches et des boissons aux fruits (collectivement désignées par Mme Hemmati comme les produits POM WONDERFUL) sous les marques POM WONDERFUL (demande no 1 118 804) et POM WONDERFUL et Dessin (demande no 1 176 267) au Canada depuis au moins septembre 2003.

[14]         Plus particulièrement, Mme Hemmati affirme que les produits POM WONDERFUL sont vendus dans des chaînes de supermarchés et d’épiceries de premier plan, telles que Costco Canada, Overwaitea, Safeway, Sobey’s, Western Grocers, Thrifty’s, et A & P.

[15]         Mme Hemmati soutient que, depuis le lancement des produits en 2003, les ventes de boissons aux fruits au Canada ont augmenté chaque année. Elle affirme que plus de 750 000 caisses de boissons aux fruits avaient été vendues au Canada à la date de souscription de son affidavit. Les ventes brutes de boissons aux fruits POM WONDERFUL au Canada s’élevaient à plus de 10 millions de dollars à la date de souscription de son affidavit alors que celles de grenades fraîches POM WONDERFUL étaient supérieures à 11 millions de dollars.

[16]         Mme Hemmati affirme que l’Opposante exploite un site Web accessible aux internautes du monde entier, y compris du Canada, aux adresses www.pomwonderful.com et www.pomwonderful.ca. Mme Hemmati explique que ce site Web a, entre autres, pour fonction de présenter et de décrire les produits et les marques de l’Opposante. Elle a joint, à titre de pièce A, des extraits du site Web de l’Opposante montrant certains des produits de l’Opposante. J’ai examiné cette pièce et je souligne qu’elle comprend des photographies des bouteilles POM WONDERFUL dans lesquelles l’Opposante vend ses jus de grenade purs à 100 %, et de grenade et bleuet, et que la marque de commerce POM WONDERFUL et Dessin qui est l’objet de la demande no 1 176 267 figure bien en vue sur ces bouteilles.

[17]         Mme Hemmati affirme en outre que, depuis au moins 2003, année où l’Opposante a commencé à vendre ses produits au Canada, toutes les activités de l’Opposante mentionnées précédemment (promotion des ventes, marketing, facturation, communication avec les grossistes, les détaillants et d’autres) ont été exercées sous la dénomination sociale PomWonderful LLC de l’Opposante.

[18]         Elle termine son affidavit en affirmant qu’elle estime que les produits POM WONDERFUL et les marques de commerce POM WONDERFUL et POM WONDERFUL et Dessin ont acquis un caractère distinctif au Canada du fait de l’importance du volume des ventes, de l’ampleur des activités de promotion et de publicité, et de la disponibilité et du succès des produits POM WONDERFUL. Je n’accorderai aucun poids à cette dernière affirmation de Mme Hemmati. Premièrement, l’allégation de Mme Hemmati concernant la publicité et la promotion à grande échelle des produits POM WONDERFUL n’est corroborée par aucun élément de preuve probant et Mme Hemmati ne fournit aucune explication supplémentaire. Certes, l’Opposante possède un site Web, mais il m’est impossible de conclure de la simple existence de ce site Web et des pages extraites de ce site Web décrites ci-dessus (pièce A) que des Canadiens ont consulté ce site Web. Deuxièmement, on ne saurait, en l’espèce, reconnaître à Mme Hemmati la qualité d’expert. Il me semble, en effet, que la reconnaissance de la qualité d’expert suppose nécessairement une indépendance par rapport aux parties quant à l’issue du litige [voir Black Entertainment Television, Inc. c. CTV Limited (2008), 66 C.P.R. (4th) 212 (C.O.M.C.)]. Troisièmement, la question du caractère distinctif implique des questions de fait et de droit que seul le registraire peut trancher.

La preuve du Requérant

L’affidavit de M. Nagar

[19]         M. Nagar commence son affidavit par un survol de ses compétences et de son expérience à titre de concepteur d’emballage et d’image de marque au Royaume-Uni. M. Nagar affirme qu’en raison de sa connaissance de la profession et de la vaste expérience que lui confèrent ses 40 années de pratique, il comprend parfaitement les implications de l’opposition de l’Opposante à la demande d’enregistrement de la Marque produite par le Requérant et s’y oppose parce qu’il estime que la Marque n’est aucunement de nature à confondre ou à induire en erreur les consommateurs sur le marché mondial. Je n’accorderai aucun poids à cette affirmation de M. Nagar. Premièrement, comme dans le cas de Mme Hemmati, on ne saurait reconnaître à M. Nagar la qualité d’expert dans la présente procédure. Deuxièmement, le test en matière confusion implique des questions de fait et de droit que seul le registraire peut trancher.

[20]         M. Nagar traite ensuite de l’emploi de la Marque par le Requérant. Il affirme que le Requérant a été l’une des premières entreprises à lancer un jus de grenade pur à 100 % non fait de concentré et exempt de tout additif. À cet égard, il a joint, à titre de pièce RN-1, des extraits du site Web du Requérant montrant une bouteille de jus de grenade pur sur laquelle la Marque figure bien en vue. Il a joint également, à titre de pièce RN-2, les images de deux bouteilles de jus de grenade pur et d’une étiquette arborant la Marque.

[21]         M. Nagar affirme que les produits en liaison avec lesquels la Marque est employée ont été lancés au Royaume-Uni en 2006 et sont depuis [TRADUCTION] « vendus dans les principales chaînes de supermarchés du pays, nommément MORRISON, CO-OP, WAITROSE et SAINSBURY’S ». Plus particulièrement, il affirme que les produits POMEPURE commercialisés sous la Marque sont actuellement distribués dans les pays suivants : Bandar Seri Begawan, Grèce, Hong Kong, Indonésie, Italie, Japon, Malaisie, Philippines, Singapour, Suède, Suisse, Thaïlande, Royaume-Uni, États-Unis et Vietnam. Il précise qu’à l’heure actuelle, les produits en liaison avec lesquels la Marque est employée sont également offerts en ligne par l’intermédiaire du site Web du Requérant au www.pomepure.com et ont fait l’objet de livraisons au Royaume-Uni, en Europe, aux États-Unis et en Asie. Il a joint, à titre de pièce RN-4, des extraits du site Web du Requérant montrant les pays et les zones à partir desquels il est possible pour les consommateurs de commander des produits commercialisés sous la Marque. J’ai examiné cette pièce et il semblerait qu’elle concerne uniquement le jus de grenade et les jus de fruits du Requérant. Je souligne, en outre, que M. Nagar a admis en contre-interrogatoire que les seuls produits que le Requérant aurait vendus en liaison avec la Marque sont des jus de fruits et des boissons aux fruits. En d’autres termes, le Requérant n’a vendu aucune des autres Marchandises, ni au Royaume-Uni ni ailleurs [voir les réponses aux questions 238 à 259, pp. 54 à 56]. Relativement aux jus de fruits et aux boissons aux fruits du Requérant qui auraient été vendus en liaison avec la Marque dans les pays susmentionnés, M. Nagar n’a fourni aucune réponse aux divers engagements, pris lors de son contre-interrogatoire, visant à déterminer l’ampleur de l’emploi de la Marque dans chacun de ces pays.

[22]         M. Nagar affirme que les produits de l’Opposante sont été offerts en vente à proximité immédiate de produits commercialisés sous la Marque, comme en fait foi la pièce RN-3, sans que cela ne crée quelque confusion que ce soit chez consommateurs. Il soutient que les trois marques de jus de grenade pur à 100 % non fait de concentré les plus populaires dans le monde, soit POMEGREAT, POM WONDERFUL et POMEPURE, sont en réalité, exposées côte à côte dans de nombreux pays et qu’il n’a eu connaissance, à ce jour, d’aucun cas de confusion. J’ai examiné la pièce RN-3, qui est formée d’une photo que M. Nagar a prise, semble-t-il, dans un supermarché Sainsbury du Royaume-Uni [voir les réponses aux questions 275 à 279, p. 58], et, effectivement, cette pièce montre des bouteilles de jus de grenade pur commercialisées par le Requérant, telles celles figurant à la pièce RN-2, à proximité immédiate de bouteilles de jus de grenade pur commercialisées par l’Opposante, identiques à celles apparaissant à la pièce A de l’affidavit de Mme Hemmati. Aucun produit POMEGREAT ne figure toutefois sur cette photo, ni sur les autres pièces fournies par M. Nagar, d’ailleurs. Plus important encore, une telle photo ne fournit, en soi, aucune information quant à la mesure dans laquelle les marques des parties auraient coexisté au Royaume-Uni.

[23]         M. Nagar fournit une liste des pays où la Marque est enregistrée, de même qu’une liste des pays où des demandes visant à faire enregistrer la Marque ont été produites. Or, le fait que la Marque soit enregistrée dans divers pays étrangers ne constitue pas une circonstance pertinente en l’espèce. En effet, de tels renseignements n’établissent pas que les marques des parties coexistent dans les registres de marques de commerce d’autres pays.

[24]         M. Nagar termine son affidavit en affirmant que [TRADUCTION] « les produits en liaison avec lesquels [la Marque] est employée sont destinés aux consommateurs qui recherchent des produits de première qualité et des services personnalisés » et que [TRADUCTION] « [l]a marque POMEPURE est distinctive et, à l’instar de nos clients actuels, nos clients potentiels seront en mesure de distinguer facilement ces produits, en particulier s’ils les comparent à des produits différents ». M. Nagar ajoute qu’étant donné la notoriété considérable dont elle bénéficie dans le monde, la Marque a acquis un caractère distinctif et devrait pouvoir être enregistrée au Canada. Ces dernières affirmations de M. Nagar n’étant ni plus ni moins que des opinions, je ne leur accorderai aucun poids.

L’affidavit de Mme Ndiaye

[25]         L’affidavit de Mme Ndiaye avait apparemment pour but de produire une partie de l’historique du dossier d’une procédure d’opposition engagée par Multi-Marques Inc. et Pom Bakery Ltd. à l’encontre de la demande no 1 118 804 produite par l’Opposante en vue de l’enregistrement de la marque POM WONDERFUL. Mme Ndiaye a joint à son affidavit, à titre de pièce SN-1, une copie d’un affidavit (sans les pièces) de M. Matthew Tupper, président et chef de l’exploitation de l’Opposante, souscrit le 22 novembre 2006.

[26]         Je vois mal en quoi l’affidavit de Mme Ndiaye est pertinent en l’espèce. La question du ouï-dire mise à part, je me bornerai à dire qu’aucune des parties n’a présenté d’observations relativement à cette partie de la preuve du Requérant.

L’affidavit de Mme Bureau

[27]         L’affidavit de Mme Bureau visait à produire les résultats d’une recherche sur l’état du registre effectuée par Mme Bureau le 15 avril 2010. Je reviendrai plus loin sur cet affidavit lorsque j’examinerai les autres circonstances de l’espèce dans le contexte du test en matière de confusion.

Analyse des motifs d’opposition

Motifs d’opposition fondés sur les alinéas 16(2)a) et 16(3)a)

[28]         Pour s’acquitter de son fardeau initial à l’égard d’un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(2)a) ou 16(3)a), un opposant doit démontrer que sa marque de commerce avait déjà été employée au Canada à la date de production de la demande du requérant, et qu’elle n’avait pas été abandonnée à la date d’annonce de la demande du requérant [paragraphe 16(5) de la Loi]. Tel qu’il appert de mon examen de l’affidavit de Mme Hemmati ci-dessus, l’Opposante s’est acquittée de ce fardeau initial pour ce qui est de l’emploi de la marque nominale POM WONDERFUL et de la marque figurative POM WONDERFUL et Dessin, telle qu’elle figure dans la demande no 1 176 267, en liaison avec des boissons aux fruits, nommément du jus de grenade. Toutefois, elle ne s’est pas acquittée de son fardeau initial en ce qui concerne les fruits frais, nommément les grenades.

[29]         En effet, bien que Mme Hemmati affirme que l’Opposante vend de tels fruits frais au Canada depuis au moins 2003, son affidavit n’établit pas comment les marques de commerce POM WONDERFUL et POM WONDERFUL et Dessin auraient été employées en liaison avec de tels produits au sens de l’article 4 de la Loi. Mme Hemmati n’a fourni aucun exemple d’étiquette ou d’emballage.

[30]         Mon analyse portera donc uniquement sur les produits de l’Opposante qui consistent en des boissons aux fruits. De plus, sauf indication contraire, je bornerai mon analyse à la marque nominale POM WONDERFUL de l’Opposante, qui constitue, en l’espèce, l’argument le plus solide de l’Opposante. Si cette marque de commerce ne permet pas à l’Opposante d’obtenir gain de cause, il va sans dire que la marque de commerce POM WONDERFUL et Dessin ne le lui permettrait pas davantage.

[31]         L’Opposante s’étant acquittée de son fardeau initial, il incombe maintenant au Requérant d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque nominale POM WONDERFUL de l’Opposante.

[32]         Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du vague souvenir. Le paragraphe 6(2) de la Loi porte que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[33]         Dans l’application du test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles énoncées au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; bla période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; dla nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste pas exhaustive; tous les facteurs pertinents doivent être pris en considération et le poids qu’il convient d’accorder à chacun d’eux n’est pas nécessairement le même [voir Mattel, Inc c. 3894207 Canada Inc (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.); Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée (2006), 49 C.P.R. (4th) 401 (C.S.C.); et Masterpiece Inc c. Alavida Lifestyles Inc (2011), 92 C.P.R. (4th) 361 (C.S.C.) pour un examen approfondi des principes généraux qui régissent le test en matière de confusion].

Alinéa 6(5)a) – le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[34]         La Marque du Requérant et la marque nominale POM WONDERFUL de l’Opposante possèdent toutes deux un caractère distinctif inhérent relativement faible. Dans le contexte des Marchandises, en particulier les jus de fruits et les boissons aux fruits du Requérant, la Marque peut, à juste titre, être considérée comme évocatrice de boissons faites de jus de grenade [pomegranate] ou de pomme pur. Les caractéristiques graphiques de la Marque ne contribuent guère à accroître le caractère distinctif inhérent de cette dernière, car la graphie et la police stylisées employées sont indissociables de la partie nominale qui forme l’essentiel de la Marque [voir Canadian Jewish Review Ltd c.The Registrar of Trade Marks (1961), 37 C.P.R. 89 (C. de l’Éch.)]. De même, dans le contexte des jus de fruits offerts par l’Opposante, on peut, à bon droit, considérer que la marque de commerce POM WONDERFUL de l’Opposante évoque des boissons faites de jus de grenade ou de pomme ayant un goût exquis ou formidable.

[35]          Il est possible d’accroître la force d’une marque de commerce en la faisant connaître par la promotion ou l’emploi. Or, rien n’indique que la Marque projetée du Requérant a été employée au Canada au sens de l’article 4 de la Loi ou qu’elle est devenue connue dans une quelconque mesure au Canada, ainsi qu’il appert de mon examen de l’affidavit de M. Nagar ci-dessus.

[36]         En revanche, l’Opposante a démontré que sa marque est employée au Canada en liaison avec des boissons aux fruits depuis 2003, tel qu’il appert de mon examen de l’affidavit de Mme Hemmati ci-dessus. Bien que Mme Hemmati ne fournisse, dans son affidavit, aucun élément de preuve concluant en ce qui concerne la publicité et la promotion au Canada des boissons aux fruits POM WONDERFUL, on peut raisonnablement conclure des renseignements sur les ventes brutes fournis par Mme Hemmati que les boissons aux fruits POM WONDERFUL sont devenues connues dans une certaine mesure au Canada.

[37]         Par conséquent, le premier facteur, qui concerne à la fois le caractère distinctif inhérent et le caractère distinctif acquis, joue en faveur de l’Opposante.

Alinéa 6(5)b) – la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[38]         Compte tenu de mes remarques précédentes, ce facteur avantage également l’Opposante.

Alinéas 6(5)c) et d) – le genre de marchandises, services ou entreprises; et la nature du commerce

[39]         Exception faite des Marchandises du Requérant qui entrent dans la catégorie des boissons alcoolisées, les marchandises des parties sont identiques ou se recoupent. Je ne dispose d’aucun élément de preuve quant aux voies de commercialisation du Requérant au Canada. Néanmoins, j’estime raisonnable d’inférer qu’elles seraient semblables aux voies de commercialisation empruntées au Royaume-Uni. Par conséquent, je conclus que les voies de commercialisation des parties seraient les mêmes ou se recouperaient.

Alinéa 6(5)e) – le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[40]         L’Opposante soutient qu’il existe une forte ressemblance entre les marques des parties du fait que les marques comprennent toutes deux l’élément POM, qui serait également, selon elle, l’élément dominant de chacune des marques. Je ne suis pas d’accord. Bien que l’élément POME soit un élément important de la Marque, il est orthographié différemment de l’élément POM compris dans la marque de l’Opposante, et employé en liaison avec l’élément PURE. Les marques, considérées dans leur ensemble, sont différentes, aussi bien dans la présentation et dans le son que dans les idées qu’elles suggèrent. Comme il a été mentionné précédemment, on peut, à juste titre, considérer que la Marque évoque des boissons faites de jus de grenade [pomegranate] ou de pomme pur. En revanche, bien que la marque de l’Opposante puisse également être considérée, dans le contexte des boissons aux fruits offertes par l’Opposante, comme évocatrice de boissons faites de jus de grenade ou de pomme, l’idée générale qui s’en dégage est celle de boissons ayant un goût exquis ou formidable, du fait de la présence du superlatif WONDERFUL [formidable].

[41]         Cela m’amène à examiner, à titre de circonstance additionnelle de l’espèce, la preuve relative à l’état du registre qu’a produit le Requérant par le biais de l’affidavit de Mme Bureau.

Preuve relative à l’état du registre

[42]         La preuve relative à l’état du registre a pour but de démontrer le caractère commun ou, à l’inverse, le caractère distinctif d’une marque de commerce ou d’une partie de marque de commerce par rapport à l’ensemble des marques figurant dans le registre. La preuve relative à l’état du registre n’est pertinente que dans la mesure où l’on peut en tirer des conclusions quant à l’état du marché. Or, de telles conclusions sur l’état du marché ne peuvent être tirées que lorsqu’un nombre important d’enregistrements pertinents a été repéré [voir Ports International Ltd. c. Dunlop Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 432 (C.O.M.C.); Welch Foods Inc. c. Del Monte Corp. (1992), 44 C.P.R. (3d) 205 (C.F. 1re inst.); et Maximum Nutrition Ltd. c. Kellogg Salada Canada Inc. (1992), 43 C.P.R. (3d) 349 (C.A.F.)].

[43]         Mme Bureau affirme avoir personnellement consulté le site Web www.trademark.com et effectué une recherche dans les catégories 5, 29, 30, 31, 32 et 33 de la classification de Nice en liaison avec des marques de commerce canadiennes actives contenant le terme « POM ». À titre de pièce EB-2, elle a joint à son affidavit le rapport généré par le site Web www.trademark.com exposant les détails de quelques 197 demandes et enregistrements de marques de commerce, mais sans ajouter la moindre explication. Je n’ai pas l’intention de me livrer à un examen approfondi de ce rapport pour voir si, parmi les quelque 147 pages qui le composent, figurent bien les marques de commerce données comme pertinentes. À titre d’exemple, je souligne que bon nombre des marques de commerce repérées dans le cadre de cette recherche comprennent le mot anglais « pomegranate » ou le mot français « pomme » – qui peut renvoyer, selon le cas, aussi bien à des pommes qu’à des pommes de terre – comme élément constitutif de la marque ou en tant que mot descriptif figurant sur l’étiquette des marchandises associées à la marque, mais non le préfixe « POM » en soi. On trouve également dans le rapport de recherche les Marques POM en instance de l’Opposante. Or, la présence de ces marques ne suffit pas, à elle seule, à corroborer les arguments du Requérant, qui n’aident pas davantage la cause du Requérant. C’est, en effet, au Requérant qu’il appartient d’étayer ces arguments à cet égard [voir Novalab Inc. c. Lidl Stiftung & Co. Kg (2008), 73 C.P.R. (4th) 470 (TMOB)].

[44]          Cela dit, je précise que le Requérant cite dans sa contre-déclaration des exemples de marques [TRADUCTION] « en instance ou enregistrées auprès du Bureau des marques de commerce du Canada » qui comprennent le mot « POM », exemples que le Requérant juge pertinents et qui figurent, en outre, parmi les résultats de la recherche effectuée par Mme Bureau. Plus particulièrement, je souligne que les marques de commerce comprenant le préfixe « POM » énumérées ci-dessous ont été enregistrées ou admises à l’enregistrement en liaison avec, selon le cas, des boissons alcoolisées ou non alcoolisées.

-               POM DE VIE (TMA572 346) pour « eau-de-vie distillée, eau-de-vie de pomme »; enregistrement qui comprend, en outre, une renonciation au droit à l’usage exclusif du mot « POM » en dehors de la marque de commerce;

-               POMAGNE (TMA177 560) pour du cidre;

-               POME GRANDE (TMA691 908) pour du jus de grenade;

-               POMITO (TMA173 678) pour des jus de fruits et d’autres produits alimentaires;

-               POMMALEFUN et Dessin (TMA574 423) pour des jus de fruits et d’autres produits alimentaires;

-               POMMERY (TMA281 357), POMMERY et Dessin (TMA302 581) et POMMERY & GRENO et Dessin (TMA130 197) pour des vins;

-               POMMUM (demande admise no 1 318 373) pour des spiritueux et des cidres;

-               POMONA (TMA761 102) pour du cidre;

-               POM’OR TRADITION (TMA556 557) pour du cidre;

-               POMTINI (TMA693 310) pour des boissons aux fruits alcoolisées; etc.

[45]         Bien que l’affidavit de Mme Bureau ait été souscrit après la date pertinente qui s’applique aux motifs d’opposition fondés sur les alinéas 16(2)a) et 16(3)a), les 11 enregistrements et la demande admise en liaison avec des boissons alcoolisées ou non alcoolisées, énumérées ci-dessus ont tous été accordés avant la date de production de la demande du Requérant, à l’exception de POMONA.

[46]         À l’audience, l’Opposante a fait valoir que le nombre d’enregistrements repérés lors de la recherche n’était pas suffisant pour permettre de tirer des conclusions quant à l’état du marché. Plus particulièrement, l’Opposante soutient qu’il importe de faire une distinction entre les enregistrements visant des boissons non alcoolisées et ceux visant des boissons alcoolisées. L’Opposante soutient que, parmi les trois enregistrements visant des jus de fruits énumérés ci-dessus, seul l’enregistrement de la marque POME GRANDE est pertinent, car, selon elle, les marques de commerce POMMALEFUN et Dessin et POMITO différent de manière importante des marques de commerce en cause. Relativement aux enregistrements visant des boissons alcoolisées, l’Opposante prétend que seuls ceux qui ne sont pas associés à des cidres ou d’autres boissons à base de jus de pomme devraient être pris en considération compte tenu du caractère suggestif ou descriptif du préfixe POM dans le contexte de ces marchandises.

[47]         En toute déférence, le point de vue de l’Opposante me semble contestable. S’il est vrai que les boissons alcoolisées et les boissons non alcoolisées ne relèvent pas de la même industrie, elles n’en demeurent pas moins apparentées, car elles appartiennent toutes deux à la même catégorie générale de marchandises, à savoir les boissons. En outre, je vois mal en quoi l’argument de l’Opposante concernant le caractère descriptif du préfixe POM dans le contexte des cidres et autres boissons alcoolisées à base de jus de pomme pourrait soutenir sa cause. En effet, cet argument a trait au caractère distinctif inhérent des marques de commerce; il a peu à voir avec la preuve relative à l’état du registre. Je ne vois pas non plus pourquoi l’argument de l’Opposante ne s’appliquerait pas aux boissons aux fruits non alcoolisées, tels les jus de grenade que l’Opposante commercialise sous la marque POM WONDERFUL. J’estime que l’argument de l’Opposante appuie ma conclusion, énoncée précédemment, que les marques des parties évoquent des boissons faites de jus de pomme ou de grenade [pomegranate]. De plus, comme l’a souligné le juge de Montigny dans Hawke & Company Outfitters LLC c. Retail Royalty Company and American Eagle Outfitters, Inc 2012 CF 1539, au paragraphe 44 : [TRADUCTION] « Le nombre exact de marques similaires requis pour établir qu’un élément était, à la date pertinente, couramment utilisé en tant que composante de marques de commerce employées en liaison avec des marchandises ou des services pertinents n’est pas fixé et dépend généralement des faits en cause dans chaque affaire ». En l’espèce, j’estime que l’on peut raisonnablement inférer du nombre de marques déposées, y compris la demande admise, repérées par Mme Bureau, qu’au moins certaines de ces marques sont en usage. Il s’ensuit que l’on peut également conclure que les consommateurs sont dans une certaine mesure accoutumés à être exposés à des marques qui comprennent le préfixe « POM » et sont employées en liaison avec des boissons alcoolisées et/ou non alcoolisées. Conséquemment, on peut présumer que les consommateurs sont en mesure de distinguer entre elles de telles marques, en fonction des autres éléments qui les composent.


Conclusion quant à la probabilité de confusion

[48]         Comme il a été mentionné précédemment, la question est de savoir si un consommateur, qui n’a qu’un souvenir général et imprécis de la marque de commerce POM WONDERFUL de l’Opposante, pourrait croire, à la vue de la Marque, que les marchandises associées à chacune des marques proviennent d’une seule et même source. Le paragraphe 6(2) de la Loi ne porte pas sur la confusion entre les marques elles-mêmes, mais sur la confusion quant à la source des marchandises.

[49]         La décision à rendre n’est pas dictée par le nombre de facteurs favorables à une partie, elle dépend plutôt du poids qu’il convient d’accorder aux différents facteurs. Je reconnais que la marque POM WONDERFUL de l’Opposante a fait l’objet d’un certain emploi au Canada depuis 2003 et que cet emploi a sans doute contribué à accroître le caractère distinctif de la marque. Néanmoins, j’estime que les différences entre les marques des parties dans la présentation et dans le son, ainsi que dans les idées suggérées, sont suffisantes pour écarter toute probabilité de confusion, à plus forte raison, encore, si je tiens compte de la preuve relative à l’état du registre décrite précédemment. En effet, comme l’a souligné la Cour suprême dans l’arrêt Masterpiece, précité, au paragraphe 49, « il arrive souvent que le degré de ressemblance soit le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion, et ce même s’il est mentionné en dernier lieu au paragraphe 6(5) [de la Loi] […] si les marques ou les noms ne se ressemblent pas, il est peu probable que l’analyse amène à conclure à la probabilité de confusion même si les autres facteurs tendent fortement à indiquer le contraire ». Je m’appuie également sur les observations du juge Décarie dans l’arrêt Dion, précité :

Le registraire doit donc être raisonnablement convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que l'enregistrement n'est pas susceptible de créer de la confusion. Il n'est pas nécessaire qu'il soit convaincu hors de tout doute qu'il n'y a aucun risque de confusion. Si la norme de preuve « hors de tout doute » s'appliquait, les requérants seraient, dans la plupart des cas, confrontés à un fardeau insurmontable parce qu'en matière de risque de confusion, la certitude est une denrée rare. Dans le meilleur des scénarios, ce n'est que lorsque les probabilités sont égales qu'on peut dire qu'il existe une sorte de doute, lequel doute doit être résolu en faveur de l'opposant. Mais la notion de doute est un concept trompeur et déroutant en matière civile et le registraire devrait éviter d'y recourir.

[50]         Compte tenu de ce qui précède, les motifs d’opposition fondés sur les alinéas 16(2)a) et 16(3)a) sont rejetés.

Motifs d’opposition fondés sur les alinéas 16(2)b) et 16(3)b)

[51]         Pour s’acquitter du fardeau de preuve initial qui lui incombe à l’égard d’un motif fondé sur l’alinéa 16(2)b) ou 16(3)b), un opposant doit démontrer que sa demande a été produite avant la date de production de la demande du requérant et qu’elle était pendante à la date d’annonce de la demande du requérant [paragraphe 16(4) de la Loi]. Le Requérant s’est acquitté de son fardeau initial à l’égard de toutes les Marques POM en instance. Par conséquent, ces motifs d’opposition doivent être tranchés en fonction de la probabilité de confusion qui existait entre les marques à la date de production de la demande du Requérant.

[52]         Sauf indication contraire, j’axerai mon analyse la marque figurative POM et Dessin (reproduite ci-dessous) qui est l’objet de la demande d’enregistrement no 1 278 747, et qui constitue l’argument le plus solide de l’Opposante. Si cette marque ne permet pas à l’Opposante d’obtenir gain de cause, il va sans dire que les autres marques faisant l’objet de demandes d’enregistrement ne le lui permettraient pas davantage.

[53]         Selon les renseignements qui figurent à l’Annexe A, la demande no 1 278 747 est fondée sur un emploi projeté et vise une longue liste de marchandises. J’axerai mon analyse sur les plus pertinentes de ces marchandises, soit les suivantes :

boissons enrichies, nommément boissons énergisantes contenant des suppléments vitaminiques et minéraux; sirop de garniture, nommément sirop de grenade; thé glacé et boissons non alcoolisées à base de thé aromatisés aux fruits; extraits de fruits non alcoolisés pour la préparation de boissons; préparation pour boissons aux fruits; boissons aromatisées aux fruits non alcoolisées; boissons non alcoolisées contenant des jus de fruits; boissons fouettées; eau embouteillée; boissons au jus de fruits non alcoolisées et aromatisées au thé; boissons hypocaloriques non alcoolisées et aromatisées aux fruits; boissons hypocaloriques non alcoolisées à base de jus de fruits; boissons hypocaloriques non alcoolisées et aromatisées au thé.

[54]         Ainsi qu’il appert de mon examen de l’affidavit de Mme Hemmati ci-dessus, la preuve de l’Opposante concerne uniquement la marque nominale POM WONDERFUL et la marque figurative POM WONDERFUL et Dessin de l’Opposante, telle qu’elle figure dans la demande no 1 176 267. Autrement dit, et comme l’Opposante l’a reconnu à l’audience, la preuve de l’Opposante est muette en ce qui concerne l’emploi de chacune des autres Marques POM en instance. À cet égard, l’Opposante soutient que cette situation ne devrait pas être interprétée en sa défaveur dans mon évaluation de la probabilité de confusion, car, selon elle, une interprétation défavorable équivaudrait à adopter une approche de type « deux poids deux mesures », selon que la demande est fondée sur un emploi antérieur ou sur un emploi projeté. Je ne suis pas d’accord. Premièrement, l’Opposante n’a pas été en mesure de citer quelque décision antérieure que ce soit à l’appui de ses arguments. Deuxièmement, comme je l’ai mentionné à l’Opposante à l’audience, je ne vois aucune raison de ne pas tenir compte de l’ensemble des facteurs énoncés au paragraphe 6(5) de la Loi dans mon évaluation de la probabilité de confusion au titre d’un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(2)b) ou 16(3)b). Certes, l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial à l’égard de ces motifs d’opposition – en démontrant que sa demande d’enregistrement de la marque figurative POM et Dessin a été produite avant la demande du Requérant et était pendante à la date d’annonce de la demande du Requérant – de sorte qu’il est justifié d’appliquer le test en matière de confusion, mais cela ne signifie en rien qu’il faille appliquer des critères différents pour évaluer la probabilité de confusion.

[55]         Comme je ne dispose d’aucun élément de preuve quant à l’emploi de la marque figurative POM et Dessin à la date pertinente sur lesquels m’appuyer pour évaluer les motifs d’opposition fondés sur les alinéas 16(2)b) et 16(3)b), mon analyse des facteurs énoncés aux alinéas 6(5)a) et b) diffère, ici, de celle exposée ci-dessus, de telle sorte que ces facteurs ne jouent en faveur d’aucune des parties en particulier. En effet, j’estime que les marques des parties ont un caractère distinctif inhérent similaire et relativement faible. Mon analyse des facteurs énoncés aux alinéas 6(5)c) et d) diffère également de celle exposée ci-dessus du fait que je dois tenir compte, ici, de la totalité des marchandises comprises dans l’état déclaratif de la demande no 1 278 747, alors que dans le cas des motifs d’opposition fondés sur les alinéas 16(2)a) et 16(3)a), seules importaient les marchandises relativement auxquelles une preuve d’emploi à la date pertinente avait été fournie. Cela dit, ma conclusion finale relativement aux facteurs énoncés aux alinéas 6(5)c) et d) demeure la même. Quant au facteur énoncé à l’alinéa 6(5)e), mon analyse diffère également de celle exposée ci-dessus, du fait que l’examen porte, ici, sur la marque figurative POM et Dessin de l’Opposante. Bien que cette marque ressemble davantage à la Marque du Requérant sur le plan sonore que la marque POM WONDERFUL de l’Opposante, les marques des parties diffèrent de manière importante sur le plan de la présentation. J’estime que le dessin de cœur qui remplace la lettre « O » dans la marque figurative POM et Dessin de l’Opposante constitue un élément aussi prépondérant que le mot POM lui-même. Ce dessin véhicule, en outre, une idée différente de celle suggérée par la Marque, c’est-à-dire que, dans le contexte des boissons aux fruits et autres boissons similaires offertes par l’Opposante, la marque de l’Opposante évoque l’idée de boissons faites de jus de pomme ou de grenade que les gens aimeront déguster.

[56]         M’appuyant sur le principe voulant que, dans le cas de marques faibles, de petites différences suffisent généralement à distinguer les marques l’une de l’autre [voir GSW Ltd. v Great West Steel Industries Ltd. (1975), 22 CPR (2d) 154 (FCTD)], j’estime que les différences entre la Marque du Requérant et la marque figurative POM et Dessin de l’Opposante devraient être suffisantes pour prévenir la confusion. J’ajouterai que la preuve relative à l’état du registre présentée par le biais de l’affidavit de Mme Bureau tend à appuyer ma conclusion.

[57]         En conséquence, les motifs d’opposition fondés sur les alinéas 16(2)b) et 16(3)b) sont rejetés.

Motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif

[58]         Pour s’acquitter de son fardeau initial à l’égard d’un motif fondé sur l’absence de caractère distinctif, un opposant doit démontrer qu’à la date de production de la déclaration d’opposition, sa marque de commerce avait acquis au Canada une notoriété substantielle ou considérable, ou, à tout le moins, suffisante pour annuler le caractère distinctif de la marque visée par la demande [voir Bojangles’ International LLC c. Bojangles Café Ltd., (2006), 48 C.P.R. (4th) 427 (C.F.)]. Tel qu’il appert de mon examen de l’affidavit de Mme Hemmati ci-dessus, l’Opposante s’est acquittée de ce fardeau initial uniquement en ce qui concerne l’emploi des marques POM WONDERFUL et POM WONDERFUL et Dessin en liaison avec des boissons aux fruits, nommément du jus de grenade. Elle ne s’est pas acquittée de ce fardeau initial à l’égard des autres Marques POM en instance.

[59]         Conséquemment, il incombe au Requérant de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe pas de probabilité de confusion entre la Marque et les marques POM WONDERFUL et POM WONDERFUL et Dessin de l’Opposante.

[60]         Ce motif d’opposition doit donc être tranché en fonction de la probabilité de confusion qui existait entre les marques à la date de production de la déclaration d’opposition. Le fait que les dates pertinentes diffèrent n’a pas d’incidence substantielle sur mon analyse des motifs d’opposition fondés sur les alinéas 16(2)a) et 16(3)a), exposée ci-dessus. Ainsi, j’estime que le Requérant s’est acquitté de son fardeau ultime de démontrer qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre les marques des parties. En conséquence, le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif est rejeté.

Décision

[61]         Compte tenu de ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition en application du paragraphe 38(8) de la Loi.

______________________________

Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme
Judith Lemire


 

Annexe A

 

Marque de commerce

No de demande

Marchandises (toutes les demandes sont fondées sur l’emploi projeté de la marque de commerce au Canada)

POM WONDERFUL

1 118 804

(1) Fruits frais, à l’exclusion des pommes.

POMWONDERFUL & Design

1 176 267

(1) Jus de fruits et concentrés de jus de fruits, sauf le jus de pomme et le concentré de jus de pomme.

POM SPORT

1 261 684

(1) Jus de fruits; boissons alcoolisées aux fruits et boissons aux fruits non alcoolisées pour utilisation comme allongeurs pour les boissons alcoolisées; concentré de jus de fruits; yogourts fouettés aux fruits; eau aromatisée aux fruits; boissons pour sportifs; boissons énergisantes; boissons non gazéifiées

POMx

1 275 312

(1) Extraits de plantes, nommément extraits de grenade, pour la préparation de produits et de préparations pharmaceutiques; extraits de plantes, nommément extraits de grenade, pour la préparation de produits cosmétiques et de soins de la peau; suppléments alimentaires, diététiques et nutritifs, nommément [...]; nutraceutiques pour utilisation comme supplément diététique, à base d’extraits de grenade et d’extraits de plantes et contenant de tels extraits, nommément [...]; additifs nutritifs pour aliments, nommément additifs antioxydants et additifs à base d’extraits de grenade et d’extraits de plantes et contenant de tels extraits, nommément [...]; boissons non alcoolisées avec éléments nutritifs ajoutés à base d’extraits de grenade et d’extraits de plantes et contenant de tels extraits, pour le traitement du cancer et des infections; eau nutritive; eau vitaminique; extraits de grenade pour utilisation comme ingrédient dans les produits alimentaires; extraits de fruits non alcoolisés utilisés dans la préparation de boissons; préparations pour boissons aux fruits; boissons aromatisées aux fruits; boissons non alcoolisées contenant des jus de fruits; boissons fouettées; eau embouteillée; boissons non alcoolisées à base de thé; boissons aromatisées aux fruits à faible teneur en calories; boissons au jus de fruits à faible teneur en calories; boissons aromatisées au thé à faible teneur en calories; boissons pour sportifs; boissons énergisantes; extraits de grenade pour utilisation comme ingrédient dans les boissons

POMx & Design

1 275 319

(1) Extraits de plantes, nommément extraits de grenade, pour la préparation de produits et de préparations pharmaceutiques; extraits de plantes, nommément extraits de grenade, pour la préparation de produits cosmétiques et de soins de la peau; suppléments alimentaires, diététiques et nutritifs, nommément suppléments antioxydants et suppléments à base d’extraits de grenade et d’extraits de plantes et contenant de tels extraits, nommément [...]; nutraceutiques pour utilisation comme supplément diététique, à base d’extraits de grenade et d’extraits de plantes et contenant de tels extraits, nommément [...]; additifs nutritifs pour aliments, nommément additifs antioxydants et additifs à base d’extraits de grenade et d’extraits de plantes et contenant de tels extraits, nommément [...]; boissons non alcoolisées avec éléments nutritifs ajoutés à base d’extraits de grenade et d’extraits de plantes et contenant de tels extraits; produits et préparations pharmaceutiques, nommément préparations à base d’extraits de grenade et d’extraits de plantes et contenant de tels extraits, pour le traitement du cancer et des infections; eau nutritive; eau vitaminique; extraits de grenade pour utilisation comme ingrédient dans les produits alimentaires; extraits de fruits non alcoolisés utilisés dans la préparation de boissons; préparations pour boissons aux fruits; boissons aromatisées aux fruits; boissons non alcoolisées contenant des jus de fruits; boissons fouettées; eau embouteillée; boissons non alcoolisées à base de thé; boissons aromatisées aux fruits à faible teneur en calories; boissons au jus de fruits à faible teneur en calories; boissons aromatisées au thé à faible teneur en calories; boissons pour sportifs; boissons énergisantes; extraits de grenade pour utilisation comme ingrédient dans les boissons.

POM & Design

1 278 747

(1) Extraits de plante, nommément extraits de grenade, pour utilisation dans la préparation de produits et de préparations pharmaceutiques; suppléments alimentaires, diététiques et nutritifs nommément suppléments à base d’extraits de grenade et d’extraits de plantes et contenant de tels extraits; nutraceutiques, nommément suppléments alimentaires à base de vitamines, de minéraux et d'herbes, additifs alimentaires pour utilisation dans des aliments, contenant des extraits de grenade et des extraits de plantes; boissons enrichies, nommément boissons énergisantes contenant des suppléments vitaminiques et minéraux; préparations pharmaceutiques anticancéreuses; préparations pharmaceutiques à base d'extraits de grenade et d'extraits de plantes et contenant de tels extraits, pour le traitement du cancer, des cardiopathies, du cancer de la prostate, de l'hypertension artérielle, du dysfonctionnement érectile; agents d'administration de médicaments composés d'eau énergisante; fruits congelés; sirop de garniture, nommément sirop de grenade; thé glacé et boissons non alcoolisées à base de thé aromatisés aux fruits; sauce à salade; extraits de fruits non alcoolisés pour la préparation de boissons; préparation pour boissons aux fruits; boissons aromatisées aux fruits non alcoolisées; boissons non alcoolisées contenant des jus de fruits; boissons fouettées; eau embouteillée; boissons au jus de fruits non alcoolisées et aromatisées au thé; boissons hypocaloriques non alcoolisées et aromatisées aux fruits; boissons hypocaloriques non alcoolisées à base de jus de fruits; boissons hypocaloriques non alcoolisées et aromatisées au thé.

POM TEA POMEGRANATE TEA & Design

1 278 745

(1) Thés glacés et boissons non alcoolisées à base de thé et aromatisées à la grenade; extraits de fruits sans alcool utilisés dans la préparation de boissons, préparations pour boissons aux fruits, boissons non alcoolisées aromatisées aux fruits, boissons non alcoolisées contenant du jus de fruits, boissons fouettées, boissons non alcoolisées aromatisées au thé, boissons non alcoolisées aromatisées aux fruits à faible teneur en calories, boissons non alcoolisées à base de jus de fruits à faible teneur en calories, boissons non alcoolisées aromatisées au thé à faible teneur en calories, boissons pour sportifs et boissons énergisantes faites entièrement ou principalement de jus de grenade.

POMx SHOTS

1 306 695

(1) Nutraceutiques, nommément boissons nutraceutiques sous forme liquide et en poudre pour utilisation comme supplément alimentaire, nommément boissons énergétiques et jus de fruits non alcoolisés à base d'extraits de grenade et d'extraits de plantes, utilisés pour promouvoir la santé du coeur, la santé cardiovasculaire et la santé de la prostate ainsi que pour traiter le dysfonctionnement érectile; boissons enrichies, nommément boissons gazeuses, thé, café et jus à base de fruits; eau additionnée de nutriments; eau enrichie de vitamines; extraits de fruits sans alcool utilisés dans la préparation de boissons, nommément de boissons gazeuses, de thé, de café et de jus à base de fruits; boissons non alcoolisées, nommément boissons gazeuses, thé, café et jus à base de fruits; eau potable, eau aromatisée; boissons pour sportifs; boissons non alcoolisées, nommément boissons énergisantes; extraits de grenade pour utilisation comme ingrédient dans la fabrication de boissons non alcoolisées, nommément boissons gazeuses, thé, café et jus.

POM SHOTS

1 306 694

[TRADUCTION] (1) Nutraceutiques pour utilisation comme suppléments alimentaires, nommément poudres, liquides, capsules et pilules à base d'extraits de fruits et d'extraits de plantes; boissons à base de fruits sans alcool enrichies de vitamines et de minéraux; eau additionnée de nutriments; eau enrichie de vitamines; préparations pour la fabrication de boissons aux fruits, nommément extraits de fruits et sirops pour la fabrication de boissons aux fruits non alcoolisées, de boissons aromatisées aux fruits non alcoolisées, de boissons aromatisées aux fruits non alcoolisés, extraits de fruits non alcoolisés pour la préparation de boissons; boissons non alcoolisées aromatisées aux fruits et boissons aromatisées aux fruits non alcoolisés, boissons non alcoolisées contenant des jus de fruits; eau potable, eau aromatisée; boissons pour sportifs; boissons énergisantes non alcoolisées; extraits de grenade pour la fabrication de boissons aux fruits non alcoolisées, de boissons aromatisées aux fruits non alcoolisées et de boissons aromatisées aux fruits non alcoolisés.

POM COFFEE

1 320 701

[TRADUCTION] (1) Café; café préparé prêt à boire; préparation à base de café pour la fabrication de boissons; café glacé; espresso; boissons à base de café aromatisées aux fruits et boissons faites de café; boissons gazeuses aromatisées au café, boissons énergisantes; boissons non alcoolisées hypocaloriques aromatisées au café; boissons non alcoolisées contenant du café; et boissons fouettées contenant du café.

POM BREW

1,320,700

[TRADUCTION] (1) Café; café préparé prêt à boire; préparation à base de café pour la fabrication de boissons; café glacé; espresso; boissons à base de café aromatisées aux fruits et boissons faites de café; boissons gazeuses aromatisées au café, boissons énergisantes; boissons non alcoolisées hypocaloriques aromatisées au café; boissons non alcoolisées contenant du café; et boissons fouettées contenant du café.

 


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