Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2012 COMC 128

Date de la décision : 2012-07-18

TRADUCTION

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Cirrus Systems, LLC à l’encontre de la demande no 1432726 pour la marque de commerce CIRRIUS au nom de Karen Filice

 

Le dossier

[1]               Le 27 mars 2009, Karen Filice (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce CIRRIUS (la Marque) en liaison avec les services décrits comme suit : « vente, administration et financement des biens immobiliers » (les Services). La demande est fondée sur l’emploi de la Marque depuis le 3 mars 2006.

[2]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 25 novembre 2009.

[3]               Le 27 avril 2010, Cirrus System, LLC (Cirrus) a produit une déclaration d’opposition qui a été transmise par le registraire à la Requérante le 20 mai 2010. Les motifs d’opposition peuvent être résumés comme suit :

  1. La demande ne satisfait pas aux exigences de l’alinéa 30a) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T‑13 (la Loi) parce qu’elle ne contient pas un état, dressé dans les termes ordinaires du commerce, des services spécifiques en liaison avec lesquels la marque aurait été employée. Les mots « administration » et « financement » ne sont pas suffisamment décrits;
  2. La demande ne satisfait pas aux exigences de l’alinéa 30b) de la Loi, du fait que la Requérante n’a pas employé la Marque à compter de la date de premier emploi revendiquée, soit le 3 mars 2006;
  3. La demande ne satisfait pas aux exigences de l’alinéa 30i) de la Loi, du fait que la demande ne renferme pas une déclaration portant que la Requérante est la propriétaire de la Marque et que celle‑ci ne peut affirmer qu’elle est convaincue d’avoir le droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Services, compte tenu de sa relation avec Cirrius Realty Inc;
  4. La demande n’est pas enregistrable au sens de l’alinéa 12(1)d) de la Loi parce qu’elle crée de la confusion avec la marque de commerce déposée CIRRUS de l’Opposante (décrite ci‑après), certificat d’enregistrement LMC310087;
  5. La Requérante n’a pas droit à l’enregistrement de la Marque suivant l’alinéa 16(1)a) de la Loi, du fait qu’à la date de premier emploi alléguée et à la date de la production de la demande, la Marque créait de la confusion avec la marque de commerce CIRRUS de l’Opposante, qui avait été antérieurement employée au Canada en liaison avec « cartes d’accès aux guichets automatiques (GA), cartes bancaires magnétiques encodées et cartes de guichet automatique et cartes de débit, services bancaires, services financiers fournis au moyen de guichets automatiques et d’autres terminaux électroniques, services de carte de débit et services de guichet automatique »;
  6. Suivant l’alinéa 38(2)d), la Marque de la Requérante n’est pas distinctive, parce qu’elle ne distingue pas, et n’est pas adaptée à distinguer les Services des marchandises et services d’autres entités, plus précisément des marchandises et des services de l’Opposante.

[4]               Dans sa contre‑déclaration produite le 20 juillet 2010, la Requérante niait tous les motifs d’opposition.

[5]               L’Opposante a produit en preuve des copies certifiées de l’enregistrement no LMC310087 et de la demande no 1447030 ainsi que les affidavits de Dane Penney, de Roy Gonzalez et de James Hinton. La Requérante a produit les affidavits de Karen Filice et de Karen Lau Cardinell.

[6]               Les deux parties ont produit des plaidoyers écrits, et il n’a pas été demandé d’audience.

Le fardeau de la preuve

[7]               Le fardeau de preuve d’établir que sa demande satisfait aux exigences de la Loi incombe à la Requérante. Toutefois, l’Opposante a le fardeau initial de produire une preuve suffisante pour établir la véracité des faits sur lesquels elle appuie chacun de ses motifs d’opposition. Une fois que l’Opposante s’est acquittée de ce fardeau initial, il incombe à la Requérante d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs d’opposition particuliers ne devraient pas empêcher l’enregistrement de la Marque [voir Joseph E Seagram & Sons Ltd et al c Seagram Real Estate Ltd (1984), 3 CPR (3d) 325 (COMC); John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst.), et Wrangler Apparel Corp c The Timberland Company [2005] CF 722].

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b)

[8]               En ce qui concerne le deuxième motif d’opposition, l’Opposante doit satisfaire à un fardeau initial relativement à son allégation que la Requérante n’a pas employé la Marque à la date de premier emploi alléguée et revendiquée dans la demande en liaison avec chacun des Services. Ce fardeau a été qualifié de léger. De plus, l’Opposante peut s’appuyer sur la preuve produite par la Requérante elle‑même [voir York Barbell Holdings Ltd c ICON Health & Fitness, Inc (2001), 13 CPR (4th) 156]. Dans ce cas, cette preuve doit soulever de sérieux doutes quant à l’exactitude des déclarations faites par la Requérante dans sa demande [Voir Tune Masters c Mr P’s Mastertune Ignition Services Ltd (1986) 10 CPR (3d) 84 (COMC), Labatt Brewing Co c Molson Breweries, a Partnership (1996), 68 CPR (3d) 216 (CF 1re inst.), et Williams Telecommunications Corp c William Tell Ltd, (1999) 4 CPR (4th) 107 (COMC)]. J’examinerai maintenant la preuve pertinente à l’égard de ce motif d’opposition.

[9]               M. Penney est un recherchiste employé par l’agent de l’Opposante. Il a effectué une recherche dans la base de données d’ONCORP DIRECT qui fournit de l’information sur les entreprises de l’Ontario et sur leur raison sociale. Il a produit les résultats d’une recherche concernant Cirrius Realty Inc. qui indique que cette entité a été constituée en société le 6 mars 2006 et que la Requérante en est l’un des administrateurs. Il a également effectué une recherche auprès de l’Autorité canadienne pour les enregistrements Internet au sujet du nom du domaine cirriusrealty.ca. Ce nom a été enregistré le 14 mars 2006.

[10]           Mme Cardinell travaille comme secrétaire juridique pour l’agent de la Requérante. Elle a produit une copie du rapport sur le profil de la société Cirrius Finance Corp. obtenu le 2 mars 2011 du ministère des Services aux consommateurs et aux entreprises de l’Ontario, qui révèle que l’entité en question a été constituée en société le 20 juin 2006.

[11]           Mme Filice est la Requérante. Elle déclare au paragraphe 2 de son affidavit que [traduction] « Cirrius Finance Corp. et Cirrius Realty Inc., sous licence, emploient la marque CIRRIUS depuis le 3 mars 2006 sous licence [sic] ». Le mot « emploi » est un terme juridique défini à l’article 4 de la Loi. Il convient de se pencher sur la preuve produite pour déterminer s’il y a eu réellement emploi d’une marque de commerce en liaison avec les marchandises et les services au sens de l’article 4. Une simple allégation d’« emploi » ne suffit pas.

[12]           Ni Cirrius Realty Inc. ni Cirrius Finance Corp. n’existaient le 3 mars 2006, soit la date de premier emploi alléguée de la Marque et revendiquée par la Requérante dans sa demande. Ce fait soulève de sérieux doutes quant à l’exactitude de la date de premier emploi alléguée dans la demande. L’Opposante s’est donc acquittée de son fardeau de preuve initial. Par conséquent, la Requérante doit démontrer qu’elle utilisait la Marque au Canada en liaison avec les Services en date du 3 mars 2006.

[13]           Mme Filice ne formule aucune allégation dans son affidavit portant qu’elle a personnellement employé la Marque au Canada avant la constitution en société de Cirrius Finance Corp. et de Cirrius Realty Inc. Elle s’appuie simplement sur l’emploi de la Marque par ces entités conformément aux modalités énoncées dans le contrat de licence conclu avec elles. Aucun des éléments de preuve documentaire visant à établir l’emploi de la Marque, comme des cartes professionnelles, annonces publicitaires et descriptions de propriétés, ne remonte au 3 mars 2006. En fait, la date la plus rapprochée qui est mentionnée dans son affidavit remonte à novembre 2006 (voir paragraphe 7 de son affidavit).

[14]           En conséquence, je conclus que la Requérante n’a pas établi qu’elle employait la Marque au Canada en liaison avec les Services en date du 3 mars 2006. J’accueille donc le deuxième motif d’opposition.

Enregistrabilité au sens de l’alinéa 12(1)d) de la Loi

[15]           La date pertinente est la date de la décision du registraire [voir Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd (1991), 37 CPR (3d) 413, à la page 424 (CAF)].

[16]           L’Opposante a produit un certificat d’authenticité de l’enregistrement no LMC310087 pour la marque de commerce CIRRUS en liaison avec cartes d’accès aux guichets automatiques, services bancaires et services financiers fournis au moyen de guichets automatiques et d’autres terminaux électroniques. J’ai vérifié le registre, et cet enregistrement est encore existant [voir Quaker Oats of Canada Ltd/La Compagnie Quaker Oats Ltée c Menu Foods Ltd, 11CPR (3d) 410].

[17]           En conséquence, l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial. Par conséquent, il appartient à la Requérante de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que l’emploi de la Marque en liaison avec les Services n’est pas susceptible d’entraîner une confusion avec la marque déposée CIRRUS de l’Opposante. Le test à appliquer pour trancher cette question est énoncé au paragraphe 6(2) de la Loi. Je dois prendre en compte toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles qui sont énumérées au paragraphe 6(5) : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; enfin le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent.

[18]           Cette liste n’est pas exhaustive et il n’est pas nécessaire de donner à chacun de ces facteurs le même poids [voir Clorox Co. c Sears Canada Inc. (1992), 41 C.P.R. (3d) 483 (CF 1re inst.), et Gainers Inc c Marchildon (1996), 66 C.P.R. (3d) 308 (CF 1re inst.)]. Je renvoie également aux deux arrêts de la Cour suprême du Canada, Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée et al (2006), 49 CPR (4th) 401, et Mattel Inc c 3894207 Canada inc (2006), 49 CPR (4th) 321, où le juge Binnie s’est exprimé sur la manière d’apprécier les facteurs énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi pour savoir s’il existe une probabilité de confusion entre deux marques de commerce.

Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[19]           Le mot « cirrus » (cirrus) est défini dans le Canadian Oxford Dictionary comme [traduction] « nuages formés à haute altitude en délicates volutes blanches ». Je conviens avec l’Opposante qu’il n’y a aucun lien entre ce mot et les services décrits ci‑dessus. Par conséquent, la marque CIRRUS est distinctive lorsqu’elle est employée en liaison avec les services de l’Opposante.

[20]           La Marque est un mot inventé. Elle possède donc un caractère distinctif inhérent. Le caractère distinctif d’une marque de commerce peut être accru par l’emploi ou la promotion qui en est faite au Canada.

[21]           M. Gonzalez est l’avocat‑conseil pour le Canada de MasterCard International Incorporated (MasterCard), auparavant appelée Cirrus. Il dit que, le 1er octobre 2010, Cirrus a fusionné avec MasterCard. J’emploierai ci‑après indifféremment Cirrus ou MasterCard pour désigner l’Opposante, à moins d’indication contraire.

[22]           M. Gonzalez explique que l’Opposante exploite, en liaison avec la marque de commerce CIRRUS, un réseau interbancaire mondial qui relie des cartes de crédit MasterCard, des cartes de débit MasterCard, des cartes de débit Maestro de MasterCard ainsi que les cartes de crédit, les cartes de débit et les cartes prépayées de nombreux tiers à un réseau de plus de 1 000 000 de guichets automatiques dans plus de 93 pays. Au Canada, le réseau CIRRUS comprend plus de 57 000 guichets automatiques. M. Gonzalez dit qu’il y a environ 9 millions de détenteurs de cartes CIRRUS au Canada. Il affirme que les institutions financières canadiennes qui font partie du réseau CIRRUS comprennent notamment la Banque nationale du Canada, la Banque de Montréal et MBNA. Les institutions financières membres du réseau CIRRUS emploient la marque CIRRUS conformément à une licence accordée par MasterCard. M. Gonzales a produit un échantillon d’un tel contrat de licence. Les cartes de débit et de crédit de marque CIRRUS peuvent servir à retirer de l’argent à partir de tout guichet automatique qui fait partie du réseau CIRRUS. Les détenteurs de cartes peuvent également utiliser leur carte pour des avances d’argent, des dépôts, des paiements hypothécaires et des paiements de factures.

[23]           M. Gonzalez explique que toutes les cartes de débit et de crédit émises par les membres du réseau CIRRUS affichent bien en vue la marque de commerce CIRRUS. De plus, tous les guichets automatiques qui font partie du réseau CIRRUS affichent la marque CIRRUS. Il a produit des photographies illustrant une carte de crédit, une carte de débit et un guichet automatique sur lesquels est apposée la marque CIRRUS. Il soutient que la marque de commerce CIRRUS est employée au Canada en liaison avec cartes d’accès aux guichets automatiques et services bancaires depuis aussi tôt que le 4 novembre 1985 et avec services financiers fournis au moyen de guichets automatiques et d’autres terminaux électroniques depuis aussi tôt que le 26 avril 1988.

[24]           M. Gonzalez mentionne un autre enregistrement, à savoir l’enregistrement no LMC782725 pour la marque de commerce CIRRUS & Dessin qui aurait été employée depuis juin 1992 en liaison avec cartes de guichet automatique et cartes bancaires magnétiques codées, et cartes de débit; services financiers, nommément services de cartes de débit et services de guichet automatique. Toutefois, cet enregistrement n’a pas été invoqué à l’appui du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) de la Loi. L’Opposante n’a pas modifié sa déclaration d’opposition pour inclure l’enregistrement en question. Quoi qu’il en soit, j’estime que l’emploi de la marque de commerce CIRRUS & Dessin constitue une preuve de l’emploi de la marque de commerce CIRRUS [voir Promafil Canada Ltd c Munsingwear Inc (1992), 44 CPR (3d) 59].

[25]           Je conclus de l’ensemble de cette preuve que la marque de commerce CIRRUS est connue au Canada, mais en liaison avec cartes de débit, cartes de crédit, et guichets automatiques. Il n’y a aucune preuve de l’emploi au Canada, au sens du paragraphe 4(2) de la Loi, de la marque de commerce CIRRUS en liaison avec des services.

[26]           Mme Filice a produit des descriptions de propriétés où elle est présentée comme courtier dûment mandaté auprès de Cirrius Realty Inc. Ces descriptions de propriétés portent sur la période allant de novembre 2006 à décembre 2010. Elles ne comprennent cependant aucune mention de la Marque.

[27]           Mme Filice a produit des cartes professionnelles utilisées depuis 2006 sur lesquelles, figurerait la Marque. Je voudrais souligner que je ne considère que la carte professionnelle de M. Joseph Filice comme preuve d’emploi de la Marque. Même si la carte renvoie à la licenciée  de la Requérante, Cirrius Finance Corp., le nom CIRRIUS est imprimé en caractères gras, plus gros que l’élément « Finance Corp. ». Toutefois, sur la carte professionnelle de Mme Filice le nom « Cirrius Realty Inc. » n’est pas imprimé en caractères de même traille et police. Cette indication porte sur la raison sociale de l’entreprise et ne constitue pas une preuve d’emploi de la Marque.

[28]           Enfin, Mme Filice a produit des échantillons d’annonces publicitaires publiées dans les journaux locaux depuis 2006. Toutefois,  nous n’avons pas les noms, les chiffres relatifs au tirage de ces journaux ni la date exacte de publication.

[29]           Il est difficile, compte tenu de ces éléments de preuve, de déterminer dans quelle mesure, le cas échéant, la Marque est devenue connue au Canada depuis 2006. Par conséquent, ce facteur favorise l’Opposante.

La période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[30]           Compte tenu des éléments de preuve décrits ci‑dessus, ce facteur favorise l’Opposante lorsqu’il est question de l’emploi de la marque CIRRUS en liaison avec cartes de débit, cartes de crédit et guichets automatiques.

Le genre de marchandises et services et leurs voies de commercialisation

[31]           Une partie importante de l’argumentation porte sur cette question. L’Opposante soutient qu’il existe un recoupement, ce qui accroît la probabilité de confusion, alors que la Requérante adopte un point de vue contraire. Dans le cadre de l’analyse du motif d’opposition relatif à l’enregistrabilité, il faut comparer les Services décrits dans demande avec les services décrits dans le certificat d’enregistrement de l’Opposante.

[32]           À l’égard du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30a) de la Loi, l’Opposante soutient que les Services ne sont pas décrits dans les termes ordinaires du commerce. Pour les besoins du présent motif d’opposition, j’interpréterai les Services comme suit : Ventes de biens immobiliers, services des biens immobiliers et financement des biens immobiliers. L’enregistrement de la marque de commerce CIRRUS de l’Opposante vise, entre autres, des services bancaires.

[33]           Lorsqu’il a signé son affidavit, M. Hinton était un étudiant employé par l’agent de l’Opposante. Il a produit des extraits du site Web de la Banque nationale du Canada qui contiennent des renseignements sur les solutions hypothécaires ainsi que des extraits du site Web de la Banque de Montréal qui comprennent une section intitulée « options hypothécaires ». Dans la décision ITV Technologies Inc c Wic Television Ltd, 2003 CF 1056, la juge Tremblay‑Lamer a dit ce qui suit :

17 Pour ce qui concerne la fiabilité d’Internet, je souscris à l’idée que, en général, les sites Web officiels, c’est‑à‑dire ceux qui sont créés et tenus à jour par l’organisme même, fournissent des renseignements plus fiables que les sites Web non officiels, c’est‑à‑dire ceux qui contiennent de l’information sur l’organisme mais sont offerts par des personnes physiques ou des entreprises.
18 À mon avis, les sites Web officiels d’organismes connus peuvent fournir des renseignements fiables qui seraient admissibles en preuve, de la même façon que la Cour peut se fier à Carswell ou à C.C.C. pour ce qui concerne la publication des décisions judiciaires, sans avoir à exiger une copie certifiée conforme du texte publié par l’arrêtiste. Par exemple, il est évident que le site Web officiel de la Cour suprême du Canada propose une version exacte des arrêts de ce tribunal.
19 Pour ce qui concerne les sites Web non officiels, je souscris à l’opinion de M. Carroll, selon laquelle la fiabilité de l’information provenant de tels sites dépend de divers facteurs, notamment une appréciation soigneuse de ses sources, la corroboration indépendante, le point de savoir si le contenu d’origine a pu être modifié et l’objectivité de la personne qui a mis cette information en ligne. Lorsque ces éléments ne peuvent être établis avec certitude, on ne devrait donner que peu de poids, voire aucun, à l’information provenant d’un site Web non officiel.

On ne fait aucun autre commentaire sur ce qui constitue un site Web officiel. J’estime que les sites Web de deux banques canadiennes Canadian sont conformes au concept de « site Web officiel ». Quoi qu’il en soit, il n’est pas contesté que les banques canadiennes offrent des prêts hypothécaires et des services financiers.

[34]            Je voudrais toutefois souligner que, comme l’a fait remarquer la Requérante dans son plaidoyer écrit, ces extraits ne comprennent aucune référence à la marque CIRRUS. Ils ne constituent pas une preuve d’emploi de la marque de commerce CIRRUS en liaison avec services bancaires ou financiers. J’estime que cette partie de la preuve de l’Opposante montre simplement le type de services offerts par une banque canadienne.

[35]           Mme Filice a produit une annonce publicitaire (pièce C-3 à son affidavit) où on peut lire ce qui suit :

[traduction] Non seulement nous vendons des maisons et aidons les gens à en acheter, mais aussi nous offrons des services de mise en valeur, des services de préinscription, des dépliants, des photographies, des services de préqualification pour une hypothèque, par l’entremise de notre société sœur, Cirrius Finance Corp, première et deuxième hypothèque, consolidation des dettes, financement d’investissement, prêts de rénovation et financement pour la construction. Vraiment un guichet unique!! (Non souligné dans l’original.)

[36]           De toute évidence, les prêts hypothécaires et les services financiers font partie des services bancaires. Selon la Requérante, les services bancaires fournis par l’Opposante en liaison avec la marque CIRRUS sont offerts seulement au moyen de guichets automatiques, alors qu’elle offre les Services par l’intermédiaire d’entreprises privées. Il semble donc exister une distinction entre les voies de commercialisation véritables. Toutefois, l’enregistrement de l’Opposante et la présente demande ne contiennent pas de restrictions quant aux voies de commercialisation des parties.

[37]           J’estime qu’il y a un recoupement quant au genre de services des parties. Les clients potentiels des deux parties comprennent les personnes qui cherchent des crédits hypothécaires.

Degré de ressemblance

[38]           Dans sont arrêt récent, Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc et al, 2011 CSC 27, la Cour suprême du Canada écrivait sans ambiguïté que le facteur le plus important parmi ceux énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi est souvent le degré de ressemblance entre les marques.

[39]           La preuve de la Requérante porte sur cette question. Tout d’abord, Mme Filice soutient que le nom de la Marque est prononcé comme le mot « serious » en anglais (« sérieux », en français). Mme Filice n’a présenté aucun élément de preuve quant à la façon dont le consommateur canadien moyen prononcerait le nom de la Marque. Elle n’a pas allégué être linguiste. Il est difficile d’établir de quelle manière serait prononcé un mot inventé. Toutefois, en l’espèce, il est possible que le nom de la Marque soit prononcé « se-rius » en anglais, alors que le nom de la marque de l’Opposante est prononcé « se-rus ». Malgré une légère différence, il existe encore une certaine ressemblance dans la prononciation des marques en cause. Les idées qu’elles suggèrent sont différentes. Enfin, il existe une ressemblance visuelle assez étroite entre la Marque et CIRRUS. C’est toujours la première impression qui compte (voir Masterpiece, précité).

Autres circonstances de l’espèce

[40]           Mme Cardinell a également joint à son affidavit les résultats d’une recherche menée à l’aide du moteur de recherche ONSCOPE qui comprend la base de données du Bureau canadien des marques de commerce. Elle a repéré toutes les marques de commerce actives renfermant les mots « cirrius », « cirrus » et « serious », y compris quelques variantes orthographiques. Elle a repéré 80 de marques actives. Ni son affidavit ni le plaidoyer écrit de la Requérante ne comportent d’analyse approfondie de ces résultats, à l’exception d’une remarque voulant qu’il existe un grand nombre d’enregistrements relatifs à des marques identiques à la marque de commerce CIRRUS de l’Opposante, qui visent des marchandises différentes et qui appartiennent à différents propriétaires. Selon la Requérante, cela donne à penser que la marque CIRRUS n’a droit qu’à une très faible protection. À mon avis, il n’appartient pas au registraire d’examiner la preuve de l’état du registre et de tenter de déterminer sur lequel des 80 enregistrements devrait s’appuyer la Requérante. Une partie peut présenter un argument fondé sur la preuve produite, mais le registraire n’est pas tenu de vérifier indépendamment s’il est possible d’avancer un argument en faveur d’une partie à partir des résultats d’une recherche dans le registre.

[41]           Même si je me trompe, je tiens à dire que j’ai examiné la pièce A jointe à l’affidavit de Mme Cardinell, et que, sans tenir compte des marques de commerce déposées susmentionnées appartenant à l’Opposante, il n’existe que 6 enregistrements pour une marque identique, qui visent cependant des marchandises et services complètement distincts. Je ne considère pas que ces résultats viennent étayer la prétention de la Requérante.

[42]           La Requérante mentionne également la déclaration formulée par Mme Filice dans son affidavit, selon laquelle elle n’a pas connaissance d’aucun cas de confusion, malgré l’emploi simultané des marques des parties. Compte tenu de la preuve décrite ci‑dessus, il m’est impossible d’estimer l’importance de l’emploi par la Requérante de la Marque au Canada. L’absence de cas de confusion peut s’expliquer pas l’usage limité de la Marque dans une zone restreinte, soit à Hamilton, en Ontario.

 

 

Conclusion

[43]           Il s’agit d’une affaire où les critères favorisant la Requérante (caractère distinctif inhérent de la Marque, la différence entre les voies de commercialisation, la différence dans les idées que les marques de commerce suggèrent) et les critères favorisant l’Opposante (la marque CIRRUS est plus connue que la Marque et est en usage depuis plus longtemps, les Services se recoupent et les marques se ressemblent visuellement) revêtent au mieux, en ce qui concerne la Requérante, un poids égal. La différence de prononciation quant aux noms des marques n’entre pas en ligne de compte; elle est si faible qu’elle ne favorise pas la Requérante. Je dois prendre en considération le consommateur occasionnel plutôt pressé ayant un souvenir imparfait de la marque de l’Opposante qui pourrait tomber sur la Marque employée en liaison avec les Services [voir Mattel, précité].

[44]           Comme il incombe à la Requérante d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe pas de probabilité de confusion entre les marques en cause, je conclus qu’elle ne s’est pas acquittée de son fardeau. Il existe, selon la prépondérance des probabilités, la possibilité que le consommateur moyen ayant un vague souvenir de la marque CIRRUS de l’Opposante, en apercevant les Services offerts en liaison avec la Marque, croie qu’ils proviennent de la même source ou que l’Opposante a accordé une licence d’emploi de la Marque en liaison avec les Services.

[45]           En conséquence, j’accueille le quatrième motif d’opposition.

Autres motifs d’opposition

[46]           L’Opposante ayant eu gain de cause à l’égard de deux motifs, il n’est pas nécessaire que je me prononce sur les autres motifs d’opposition (droit à l’enregistrement, caractère distinctif et conformité aux dispositions de l’alinéa 30a) de la Loi).

 

 

 

 

Conclusion

[47]           En vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués en application du par. 63(3) de la Loi, je repousse la demande conformément au par. 38(8) de la Loi.

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Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

Semra Denise Omer

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