Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT LOPPOSITION

de Mattel U.S.A. , Inc. à la demande no 736,898

produite par 3894207 Canada Inc. (autrefois 2858029

Canada Inc.) en vue de lenregistrement de la marque

de commerce BARBIES & Dessin

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Le 14 septembre 1993, la requérante, 3894207 Canada Inc., a produit une demande d’enregistrement de la marque de commerce BARBIE’S & Dessin, illustrée ci-dessous, fondée sur son emploi de la marque au Canada en liaison avec :

des services de restaurant, des services de mets à emporter, des services de traiteur et de banquet

 

depuis au moins octobre 1992.

                                                                                                                                                           

 

 

 

 

 

 

 

 

La demande en question a été annoncée aux fins de toute opposition éventuelle dans le Journal des marques de commerce du 10 août 1994 et a fait l’objet d’une opposition par Mattel U.S.A., Inc., le 23 juin 1995. Une copie de la déclaration d’opposition a été transmise à la requérante le 8 août 1995. Celle-ci a par la suite produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle niait de façon générale les allégations de l’opposante. 

 


Les motifs d’opposition sont exposés brièvement et sont reproduits intégralement ci‑dessous :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


L’enregistrement no 133,544, susmentionné, concerne des poupées, des accessoires de poupées et un certain nombre d’articles pour enfants; l’enreg. no 157,719 se rapporte à des produits de beauté et d’hygiène personnelle; l’enreg. no 148,824 concerne des bicyclettes; l’enreg. no 386,191 vise des articles scolaires comme des sacs à déjeuner, des trousses à crayons, des albums de découpures et autres articles semblables; et l’enreg. no 201,201 se rapporte à des poupées, des accessoires de poupées et autres jouets. Pour plus de commodité, les marques susmentionnées sont collectivement désignées comme étant la marque BARBIE de l’opposante.

La preuve de l’opposante consiste en l’affidavit de Ian Bradley, président de Mattel Canada Inc., filiale de l’opposante. La preuve de la requérante se compose des affidavits de Spiro Christopoulos (daté du 5 septembre 1997), président de la compagnie requérante, de Maral Hassessian, recherchiste en marques de commerce et de Carolle Vaudry, assistante juridique. M. Christopoulos a été contre-interrogé relativement à son affidavit. La transcription de son contre-interrogatoire, les pièces s’y rapportant et les réponses aux engagements pris lors du contre-interrogatoire font partie de la preuve versée au dossier.

 

La preuve de l’opposante en réponse se compose des affidavits de Mary di Pierro, assistante juridique, de Rita Collins et de Christine de Lint (daté du 11 décembre 1998), techniciennes juridiques. La requérante a demandé et obtenu l’autorisation de produire les affidavits de Spiro Christopoulos (daté du 26 février 1999) et de Pina Arcamone à titre de preuve supplémentaire. De même, l’opposante a déposé l’affidavit de Christine De Lint (daté du 31 mai 1999) à titre de preuve supplémentaire : voir la décision de la Commission en date du 29 avril 1999.  Les deux parties ont présenté des observations écrites et elles étaient toutes deux bien représentées à l’audience.

 


En ce qui concerne le premier motif d’opposition, l’affidavit de M. Christopoulos, ainsi que son témoignage lors du contre‑interrogatoire, établissent clairement que la requérante emploie la marque BARBIE’S & Dessin depuis au moins octobre 1992, comme elle le prétend dans sa demande. Le premier motif d’opposition est donc rejeté.

 

Les autres motifs d’opposition soulèvent la question de la confusion entre la marque visée par la demande d’enregistrement et la marque BARBIE de l’opposante. La date pertinente la plus hâtive à laquelle l’existence d’une telle confusion, le cas échéant, doit être appréciée est la date de premier emploi alléguée par la requérante dans la demande en question, soit le 31 octobre 1992, alors que la date la plus tardive est la date à laquelle je rends ma décision. Pour une analyse de la jurisprudence en matière de dates pertinentes dans le cadre d’une instance en opposition, on peut consulter la décision American Retired Persons c. Canadian Retired Persons (1998), 84 C.P.R.(3d) 198, aux pages 206 à 209 (C.F. 1re inst.). Quoi qu’il en soit, la question de l’appréciation de l’existence d’une confusion à une date en particulier n’est pas en litige en l’espèce.

 


C’est à la requérante qu’il incombe de démontrer l’absence de risque raisonnable de confusion, au sens du paragraphe 6(2) de la Loi sur les marques de commerce, entre la marque  BARBIE’S & Dessin visée par la demande d’enregistrement (portant sur des services de restaurant et des services connexes) et la marque BARBIE de l’opposante, se rapportant à des poupées et autres marchandises vendues en liaison avec la marque. Le fait que la preuve incombe sur ce point à la requérante signifie que si une conclusion déterminée ne peut être tirée une fois tous les éléments de preuve présentés, alors la question doit être tranchée en faveur de l’opposante : voir John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd. (1990) 30 C.P.R.(3d) 293, aux p. 297 et 298 (C.F. 1re inst.). Le critère applicable en matière de confusion est celui de la première impression et du vague souvenir. Les facteurs dont il faut tenir compte pour déterminer si deux marques portent à confusion sont énoncés au paragraphe 6(5) de la Loi : le caractère distinctif inhérent des marques et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle chacune des marques a été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance dans la présentation ou le son des marques, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive; tous les facteurs pertinents doivent être pris en considération.  Les facteurs n’ont pas nécessairement tous la même importance. L’importance qu’on doit leur accorder dépend des circonstances : voir Gainers Inc. c. Tammy L. Marchildon et le registraire des marques de commerce (1996), 66 C.P.R.(3d) 308 (C.F. 1re inst.). 

 


La marque BARBIE de l’opposante possède un caractère distinctif inhérent relativement peu élevé puisqu’elle peut être perçue comme un surnom ou comme un diminutif du nom Barbara. Il en est de même de la marque BARBIE’S & Dessin de la requérante parce qu’elle consiste en la forme possessive d’un surnom et que les caractéristiques nominales de la marque ne sont pas vraiment distinctives. L’affidavit de M. Bradley établit que la marque BARBIE de l’opposante était très connue au Canada, pour ne pas dire renommée, à toutes les dates pertinentes lorsqu’elle a été employée en liaison avec des poupées et des accessoires de poupées. La marque BARBIE’S & Dessin dont l’enregistrement est demandé a été employée pour la première fois au Canada le 1er juin 1992 (page 16 de la transcription du contre‑interrogatoire de M. Christopoulos) et s’était forgée, à la date pertinente la plus tardive, une certaine réputation dans la région de Montréal fondée sur l’emploi et la publicité de la marque en liaison avec des services de restaurant. À cet égard, un restaurant a ouvert ses portes le 1er juin 1992 à Dorval, un second en 1994 à Brossard et un troisième en mars 1995 à Pierrefonds, mais ce dernier a fermé ses portes en janvier 1998. Chaque restaurant était exploité et décoré essentiellement de la même manière; chacun était muni d’un bar et offrait un menu composé de charcuterie et de grillades. Selon la preuve au dossier, il semblerait que ces restaurants offrent des prix abordables et qu’ils visent une clientèle adulte. La marque BARBIE’S & Dessin de la requérante est écrite en gros sur la partie extérieure des restaurants et on peut la voir à l’intérieur des restaurants sur les menus, les serviettes de table, les cartons d’allumettes, les reçus, les bons de commande et les cartes d’affaires. Le chiffre d’affaires global s’est élevé à environ 11 millions de dollars pour la période de 1992 à 1997 inclusivement. Les dépenses liées à la publicité, y compris celle faite à la télévision, à la radio et dans les journaux, se sont élevées à environ 616 000 $ pour la même période.    

 

La période pendant laquelle les marques en question ont été en usage favorise l’opposante puisqu’elle emploie sa marque BARBIE au Canada depuis le début des années 1960. Les marchandises de l’opposante et les services de la requérante sont très différents. À cet égard, l’opposante a établi que sa marque est très connue au Canada, pour ne pas dire renommée, en liaison avec des poupées et des accessoires de poupées. Les enfants et, dans une certaine mesure, les adultes collectionneurs constituent le marché cible de l’opposante. La requérante, par contre, exerce ses activités dans la restauration et son marché cible se compose d’adultes. Les marques sont essentiellement les mêmes sur le plan du son et des idées qu’elles suggèrent, et il en est de même des impressions visuelles globales qu’elles laissent si l’on ne tient pas compte des caractéristiques nominales passablement non distinctives de la marque dont l’enregistrement est demandé.


 

Dans la récente affaire Pink Panther, la requérante a présenté une demande denregistrement de la marque de commerce PINK PANTHER afin de lemployer en liaison avec des produits de beauté : voir United Artists c. Pink Panther Beauty Corp., 80 C.P.R.(3d) 247 (C.A.F.). Lopposante a allégué que la marque de commerce créait de la confusion avec sa marque de commerce THE PINK PANTHER, qui a acquis une haute renommée dans une série de films produits à Hollywood. En concluant que les marques ne portaient pas à confusion, la Cour a souligné ce qui suit, aux p. 267 et 268 :

Quelle que soit la notoriété de la marque, elle ne peut servir à créer un lien qui n'existe pas.

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Dans la décision Playboy Enterprises, Inc. c. Germain (1978), 39 C.P.R. (2d) 32 (C.F. 1re inst.), le requérant Germain voulait enregistrer la marque PLAYBOY MENS HAIR STYLIST pour des services définis comme étant un « salon de coiffure pour homme ». Le juge Marceau a confirmé la décision du registraire portant que la marque projetée ne créait pas de confusion avec la marque PLAYBOY que lopposante employait en liaison avec des magazines. Il a précisé :

Le Registraire na trouvé ni dans ces faits en particulier ni dans la preuve prise dans son ensemble, rien qui permettrait détablir lexistence dune renommée ou dune activité de lappelante, relativement à des services analogues ou connexes à ceux fournis par lintimé. Il ny avait absolument aucune preuve dune utilisation par lappelante ou dune publication par elle de la marque de commerce PLAYBOY, en liaison avec des services de coiffure pour hommes, à quelque époque antérieure à ladoption par le requérant de sa marque de commerce.

La renommée mondiale de la marque de commerce de lopposante ne pouvait constituer un facteur si important quil rende non pertinentes les différences entre les marchandises et les services. Dans une autre affaire la concernant, soit Playboy Enterprises, Inc. c. Astro Tire & Rubber Co. of Canada Ltd. (1978), C.P.R. (2d) 87 (C.O.M.C.), Playboy Enterprises na pas réussi à empêcher que la marque de commerce PLAYBOY soit employée en liaison avec des pneus dautomobile. La célébrité nest pas tout, semble‑t‑il. Il est possible demployer une marque célèbre pour un produit différent, dans un contexte différent, sans commettre de violation.

 


Dans la présente affaire, l’opposante a tenté d’établir un lien entre la nourriture et les produits alimentaires vendus sous la marque BARBIE de l’opposante et les services de restaurant offerts par la requérante. Par exemple, l’opposante a montré qu’il était possible de se procurer des figurines BARBIE dans les restaurants McDONALD’S, que sa marque BARBIE a été employée en liaison avec des assiettes, des verres et des serviettes jetables (probablement pour des fêtes d’enfants) et que les ventes au Canada de produits alimentaires sous la marque BARBIE de l’opposante se sont élevées à environ 600 000 $ par année pour la période de 1994 à 1996. Lesdits produits alimentaires comprenaient des collations au fruit, de la gomme à bulles, des bonbons et autres articles semblables. Le chiffre de 600 000 $ provenant des ventes annuelles d’articles de confiserie doit être comparé avec un chiffre de ventes annuelles moyen d’environ 41 millions de dollars au Canada en ce qui concerne les poupées et les accessoires de poupées de l’opposante pour la période de 1990 à 1995 inclusivement. De plus, il semblerait que les dépenses publicitaires annuelles d’environ 3,5 millions de dollars de l’opposante pour la même période ont été entièrement consacrées aux poupées et accessoires de poupées. Contrairement à l’opposante, je ne pense pas qu’il existe vraiment un lien entre ses marchandises et les services de la requérante. Selon moi, les liens qu’elle allègue sont si ténus qu’on ne peut faire autrement que de les qualifier de théoriques.    

 

De même, dans Lexus Foods Inc. c. Toyota Jidosha Kabushiki Kaisha, 9 C.P.R. (4th) 297 (C.A.F.), la Cour d’appel fédérale a estimé que la célébrité d’une marque, même si elle peut constituer un facteur important à considérer dans l’examen de la  question de la confusion, n’est pas déterminante (p. 301) :


La célébrité à elle seule ne protège pas une marque de commerce de façon absolue. Il sagit simplement dun facteur qui doit être apprécié en liaison avec tous les autres facteurs. Si la célébrité dun nom pouvait empêcher toute autre utilisation de ce nom, le concept fondamental de loctroi d'une marque de commerce en liaison avec certaines marchandises perdrait toute sa signification.

Lopposante a également voulu renforcer sa position en signalant quune seconde demande denregistrement a été déposée en même temps que la demande faisant lobjet de la présente opposition. Cette demande, portant le no 736,896, concernait la marque BARBIES & Dessin de femme, illustrée ci-dessous, et visait les mêmes services que la demande no 736,898.

 

 

 

 

 

 

Lopposante prétend que les caractéristiques nominales du dessin de femme faisant partie intégrante de la demande susmentionnée montrent que la requérante désirait être associée à la poupée BARBIE de lopposante. Dabord, je tiens à souligner que la théorie de la mens rea ne sapplique dans le cadre de lexamen de la question de la confusion entre marques : voir Lexus Foods, susmentionné, à la p. 302, par. [11]. Ensuite, lemploi par la requérante de la marque BARBIES & Dessin de femme n’a pas duré longtemps et la demande a été abandonnée. Par conséquent, l’existence de la deuxième demande (maintenant abandonnée) ne m’amène pas à faire des inférences préjudiciables à la requérante.

 


À l’audience, l’opposante a fait valoir pour la première fois que la marque BARBIE’S & Dessin n’était pas distinctive des services offerts par la requérante en raison de l’octroi incorrect de la licence d’emploi de la marque. Comme l’a fait remarquer l’avocat de la requérante, la question de l’octroi incorrect de la licence n’a pas été soulevée dans la déclaration d’opposition et l’opposante n’a pas demandé l’autorisation de modifier sa déclaration d’opposition, comme elle aurait dû le faire selon l’article 40 du Règlement sur les marques de commerce, afin d’y inclure ladite question. Il ressort clairement de la déclaration d’opposition dans son ensemble que l’allégation relative à l’absence de caractère distinctif de l’opposante est fondée sur la confusion entre les marques et sur aucun autre motif. Je conviens avec l’avocat de la requérante que je ne peux tenir compte d’un motif d’opposition qui n’a pas été allégué dans la déclaration d’opposition : voir Imperial Developments Ltd. c. Imperial Oil Limited (1984), 79 C.P.R. (2d) 12, aux p. 19 à 21 (C.F. 1re inst.). Quoi qu’il en soit, le témoignage de M. Christopoulos en contre-interrogatoire me convainc que le contrôle exercé par la requérante sur les caractéristiques et la qualité des services de restaurant offerts par ses licenciés était suffisant pour satisfaire aux exigences du paragraphe 50(1) de la Loi sur les marques de commerce.

 


La requérante a, quant à elle, déposé certains éléments de preuve de l’emploi par des tiers de marques de commerce contenant le mot BARBIE ou son équivalent phonétique. Cependant, puisque rien dans la preuve n’indique dans quelle mesure ces marques ont été employés par des tiers, la preuve de la requérante à l’égard de cette « circonstance de l’espèce » a peu de valeur probante. La requérante a également fait remarquer que l’opposante n’a pas fourni de preuve de confusion réelle. Évidemment, l’opposante n’a pas l’obligation de le faire et l’absence d’une telle preuve ne donne pas nécessairement naissance à des présomptions qui lui sont défavorables, pas plus qu’elle n’a d’importance déterminante dans l’examen de la question de la confusion. Par exemple, dans Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3d) 3 (C.A.F.), la Cour a conclu que les marques MR. SUBS’N PIZZA et MR. 29 MIN. SUBS’N PIZZA de la défenderesse créaient de la confusion avec la marque MR. SUBMARINE de la demanderesse, et ce, même si rien n’indiquait une réelle confusion après 10 ans d’emploi simultané dans la région de Dartmouth. L’absence de preuve de confusion réelle constitue, évidemment, une circonstance pertinente parmi tant d’autres : voir aussi l’arrêt récent de la Cour d’appel fédérale Dion Neckwear Ltd c. Christian Dior, S.A. (23 janvier 2002, non encore publié, au par. [19]).

 

Compte tenu de ce qui précède, et plus particulièrement de la protection limitée dont jouissent les marques renommées lorsque les marques en litige se rapportent à des marchandises ou à des services différents, je conclus que la marque BARBIE’S & Dessin, dont l’enregistrement est demandé en vue de son emploi en liaison avec des services de restaurant et services connexes, ne crée pas de confusion avec les marques BARBIE de l’opposante à l’une ou l’autre des dates pertinentes. Par conséquent, la présente opposition est rejetée.    

 

FAIT À HULL (QUÉBEC), CE  5ème  JOUR DE   Mars  2002.

 

 

 

 

Myer Herzig,

Commissaire,

Commission des oppositions des marques de commerce

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