Contenu de la décision
TRADUCTION
Référence : 2010 COMC 028
DANS L’AFFAIRE DE QUATRE OPPOSITIONS
d’Anheuser-Busch, Incorporated aux demandes
nos 1257441, 1257440, 1257439 et 1252736 produites
par Molson Canada 2005 en vue de l’enregistrement
des marques de commerce SUPER COLD,
EXTRA COLD, EXTRA CHILLED et COLD PACK,
respectivement
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Demande no 1257441 pour la marque SUPER COLD
Le dossier
[1] Le 12 mai 2005, Molson Canada 2005 a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce SUPER COLD, fondée sur l’emploi projeté au Canada en liaison avec les marchandises suivantes :
Boissons alcoolisées brassées, nommément bière.
La demande, qui renferme un désistement au droit à l’usage exclusif du mot SUPER en dehors de la marque, a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 28 décembre 2005 et Anheuser-Busch, Incorporated s’y est opposée le 20 juin 2006.
[2] Le registraire a fait parvenir une copie de la déclaration d’opposition à la requérante le 15 août 2006, comme l’exige le paragraphe 38(5) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13. La requérante a répondu en produisant et en signifiant une contre‑déclaration, dans laquelle elle niait en général les allégations contenues dans la déclaration d’opposition. L’opposante a obtenu subséquemment l’autorisation de modifier sa déclaration d’opposition : voir la décision de la Commission datée du 30 août 2007.
[3] La preuve de l’opposante est constituée des affidavits de Nick Gatehouse, de Megan Langley‑Grainger et de Robert White. La requérante a demandé la permission de procéder à un contre‑interrogatoire relativement à la preuve de l’opposante avant de produire sa propre preuve. Elle a toutefois retiré sa demande et a finalement choisi de ne pas produire de preuve au soutien de la demande d’enregistrement. Seule l’opposante a produit un plaidoyer écrit et était représentée à l’audience tenue le 23 février 2010.
La déclaration d’opposition
[4] Le premier motif d’opposition est fondé sur l’alinéa 30i) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13. Suivant ce motif, la requérante ne pouvait pas être convaincue qu’elle avait droit d’employer l’expression SUPER COLD à titre de marque de commerce en liaison avec la bière spécifiée dans l’état déclaratif des marchandises puisque cette expression [traduction] « n’est pas une marque de commerce au sens de la Loi » en raison de son [traduction] « caractère descriptif et de l’absence de caractère distinctif ».
[5] Suivant le deuxième motif, qui est fondé sur l’alinéa 12(1)b) de la Loi, la marque SUPER COLD faisant l’objet de la demande n’est pas enregistrable parce qu’elle donne une description claire ou une description fausse et trompeuse (i) de la bière spécifiée dans l’état déclaratif des marchandises ou (ii) des conditions de sa production. À cet égard, l’opposante fait valoir que le procédé appelé [traduction] « filtrage à froid » peut servir à fabriquer la bière. Elle fait valoir également que l’expression SUPER COLD indique une version extrême du [traduction] « filtrage à froid » et les conditions extrêmes dans lesquelles les marchandises sont produites, ainsi qu’une catégorie de bière devant être servie très froide.
[6] Selon le troisième motif, qui est fondé sur l’alinéa 38(2)d), la marque faisant l’objet de la demande ne distingue pas véritablement la bière de la requérante de la bière d’autres propriétaires et n’est pas adaptée à la distinguer ainsi pour les raisons suivantes : a) l’expression SUPER COLD évoque un type ou une catégorie de bière (i) qui est produite par un processus de brassage exigeant de basses températures, (ii) qui est conservée très froide ou (iii) qui doit être servie très froide; b) l’expression SUPER COLD, ou des variantes de celle‑ci, sont formées de mots qui sont employés régulièrement dans le commerce et que tout brasseur pourrait vouloir utiliser pour décrire ses marchandises.
La preuve de l’opposante
Nick Gatehouse
[7] Le témoignage de M. Gatehouse peut être résumé de la manière suivante. M. Gatehouse est au service d’Anheuser‑Busch International Inc. depuis 1994. Il est le gestionnaire chargé des activités au Canada depuis 2004. Anheuser‑Busch International Inc. et l’opposante, Anheuser‑Busch Incorporated, sont des filiales en propriété exclusive d’Anheuser‑Busch Companies Inc. (collectivement, Anheuser‑Busch). M. Gatehouse a travaillé au Royaume‑Uni et en Irlande pendant dix ans avant d’occuper son poste actuel. Ses responsabilités consistent principalement à superviser les ventes et la commercialisation, au Canada, des marques de bière d’Anheuser‑Busch, notamment les marques BUDWEISER et BUD LIGHT.
[8] Divers fabricants de bière ont employé des expressions comme « extra cold » et « super chilled » au Canada, au Royaume‑Uni et en Irlande pour décrire de la bière pression servie à une température plus froide que les autres bières en général. Guinness a commencé à vendre de la bière GUINNESS Draught Extra Cold à la fin des années 1990. L’expression « extra cold » était inscrite sur la poignée des distributeurs de la bière pression GUINNESS vendue dans les pubs au Royaume‑Uni et en Irlande. L’expression « serve extra cold » apparaît sur les canettes de bière GUINNESS et KILKENNY vendues au Canada depuis au moins avril 2005. Les bières suivantes peuvent être achetées dans des pubs ou des magasins au Royaume‑Uni ou en Irlande : BELHAVEN BEST Extra Cold, TETLEY Extra Cold Draught, FOSTER’S Super Chilled Draught, CARLING Extra Cold Draught et JOHN SMITH’S Extra Cold Draught. Au Canada, la bière MILLER Genuine Draught Cold‑Filtered est vendue dans les pubs, les bars et au Beer Store depuis au moins 2004. En 2005 et 2006, Labatt a commercialisé la canette de bière CHILL CHECK. Des encres sensibles à la température devenaient clairement visibles et faisaient apparaître une image sur l’extérieur de la canette lorsque le contenu de celle‑ci atteignait 3º C. Depuis au moins 2004, le Beer Store publie un magazine appelé CHILL qu’il distribue dans ses magasins.
[9] Le réchauffement et le refroidissement sont requis à différentes étapes du processus de brassage de la bière. Différents styles et catégories de bière sont fabriqués selon que des températures basses sont utilisées ou non au cours du processus, selon les étapes auxquelles elles sont utilisées et selon la durée de leur utilisation. L’industrie emploie différents termes et expressions pour décrire les divers processus ou étapes de brassage, notamment refroidissement, vieilli à basse température, fermentation à basse température, entreposage à basse température et fermentation basse. Des unités de réfrigération sont utilisées pour garder la bière froide à chaque étape, du brassage à la distribution, puis à l’entreposage. La stabilité de la bière et sa durée de conservation dépendent de sa conservation à basse température. Il y a, dans le Beer Store, une enseigne ICE COLD EXPRESS au‑dessus des présentoirs de bière. Depuis environ 1999, un dispositif permet de servir dans les bars toutes les variétés de bière « extra cold », « super cold », « super chilled » ou « extra chilled ». La mention « sub zero » peut figurer aussi sur le dispositif. La température à laquelle une bière devrait être servie dépend du type de bière. De nombreuses bières foncées et les stouts sont habituellement servies chaudes. Des pièces jointes à l’affidavit de M. Gatehouse corroborent son témoignage.
Megan Langley Grainger
[10] Mme Grainger est une stagiaire en droit au service du cabinet qui représente l’opposante. Elle a visité des sites Web, des bibliothèques et des magasins dans le but de savoir comment des mots et des expressions comme « cold », « extra cold », « extra chilled » et « super cold » sont employés en liaison avec de la bière et le processus de brassage de bière. Les résultats de ses recherches sont réunis dans sept classeurs volumineux qui sont joints à son affidavit. Il ressort de mon examen de ces pièces qu’en date du 12 mai 2005 des expressions comme « super cold » et « super chilled » étaient entrées dans le vocabulaire anglais pour décrire un type particulier de bière. De plus, ces expressions étaient employées comme suffixe descriptif pour désigner des marques de bière de ce type, par exemple CARLING Extra Cold et BELHAVEN BEST Extra Cold. Le témoignage de Mme Grainger indique également qu’en date du 12 mai 2005 le public connaissait bien les expressions « ice beer » et « cold filtering » employées en liaison avec une nouvelle catégorie de bières devant être conservées et servies à basse température.
Robert W. White
[11] M. White est le premier vice-président pour le Canada de l’Audit Bureau of Circulations. Il est donc en mesure de fournir des relevés véridiques de la distribution des journaux quotidiens et hebdomadaires au Canada. M. White a fourni des chiffres pour les diverses publications mentionnées dans l’affidavit de Mme Grainger, notamment The Economist, Maclean’s, Forbes, Toronto Life et Canadian Business. Comme l’opposante l’a souligné dans son plaidoyer écrit, je peux aussi prendre connaissance d’office du fait que les principaux journaux du Canada et des États‑Unis sont distribués au Canada : voir, par exemple, Northern Telecom c. Nortel Communications Inc. (1987), 15 C.P.R. (3d) 540 (C.O.M.C.), à la page 543. Parmi ces journaux, Mme Grainger a notamment mentionné The Toronto Star, The Ottawa Citizen et The Globe and Mail dans son affidavit.
Le fardeau ultime et le fardeau de preuve initial
[12] C’est à la requérante qu’incombe le fardeau ultime de démontrer que sa demande d’enregistrement ne contrevient pas aux dispositions de la Loi sur les marques de commerce comme l’allègue l’opposante dans sa déclaration d’opposition. Le fardeau imposé à la requérante signifie que, en l’absence d’une conclusion décisive au terme de la production de l’ensemble des éléments de preuve, la question doit être tranchée à son encontre. L’opposante a cependant aussi, en vertu des règles habituelles de preuve, le fardeau de prouver les faits inhérents aux allégations contenues dans sa déclaration d’opposition : voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited, 30 C.P.R. (3d) 293, à la page 298. L’existence d’un fardeau de la preuve incombant à l’opposante relativement à une question en particulier signifie que cette question ne pourra être prise en considération que s’il existe des éléments de preuve suffisants à partir desquels on pourrait raisonnablement conclure à l’existence des faits allégués à l’appui de cette question.
Le deuxième motif d’opposition
[13] Le deuxième motif d’opposition est fondé sur l’alinéa 12(1)b) :
12. (1) Sous réserve de l’article 13, une marque de commerce est enregistrable sauf dans l’un ou l’autre des cas suivants :
[...]
b) qu’elle soit sous forme graphique, écrite ou sonore, elle donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse [...] de la nature ou de la qualité des marchandises [...] en liaison avec lesquels elle est employée [...], ou des conditions de leur production, ou des personnes qui les produisent, ou du lieu d’origine de ces marchandises [...];
(Non souligné dans l’original.)
Ainsi, l’alinéa 12(1)b) interdit les marques qui donnent une description claire ou une description fausse et trompeuse (1) de la nature ou de la qualité des marchandises elles‑mêmes, (2) des conditions de leur production, (3) du type de personnes qui les produisent ou (4) du lieu d’origine des marchandises.
[14] Il me semble que, à tout le moins dans les circonstances de l’espèce, les deux volets de la question soulevée par le deuxième motif d’opposition, à savoir si la marque SUPER COLD faisant l’objet de la demande donne une description claire ou une description fausse et trompeuse (i) des conditions de production de la bière et (ii) d’une catégorie ou d’un type de bière, sont étroitement liés. Si l’opposante peut démontrer que la marque décrit un procédé de fabrication de bière, il faudra conclure que la marque décrit la nature ou la qualité de la bière, c’est‑à‑dire que la bière a une certaine nature ou une certaine qualité en raison du procédé qui sert à sa fabrication : voir, par exemple, l’extrait de Staffordshire Potteries Ltd. c. Registrar of Trade Marks (1976), 26 C.P.R. (2d) 134 (C.F. 1re inst.), reproduit au paragraphe [20] ci‑dessous. La date à laquelle il faut évaluer le deuxième motif d’opposition est la date de production de la demande, soit le 12 mai 2005 : voir Fiesta Barbecues Ltd. c. General Housewares Corp. (2003), 28 C.P.R. (4th) 60 (C.F. 1re inst.), au paragraphe 26.
[15] La question de savoir si la marque SUPER COLD faisant l’objet de la demande donne une description claire de la bière dépend de la première impression du consommateur moyen de bière. Une marque donne une description claire si elle décrit une caractéristique ou une particularité des marchandises d’une façon qui est « facile à comprendre, évident[e] ou simple » : voir Wool Bureau of Canada Ltd. c. Registrar of Trade Marks, 40 C.P.R. (2d) 25, aux pages 27 et 28; Atlantic Promotions Inc. c. Registrar of Trade Marks, 2 C.P.R. (3d) 183, à la page 186; Drackett Co. of Canada Ltd. c. American Home Products Corp. (1968), 55 C.P.R. 29, à la page 34.
[16] J’accepte l’argument formulé par l’opposante au paragraphe 24 de son plaidoyer écrit :
[traduction] L’interdiction prévue à l’alinéa 12(1)b) vise à empêcher un commerçant de s’approprier des mots qui seraient habituellement employés par les commerçants pour décrire des marchandises particulières et, ainsi, de placer des concurrents légitimes dans une position indûment avantageuse (General Motors Corp c. Bellows (1949), 10 C.P.R. 101 (CSC), aux pages 112 et 113).
[17] L’opposante se fonde en outre sur Home Juice Co. et. al. c. Orange Maison Limitée (1970), 1 C.P.R. (2d) 14 (CSC), à la page 16, pour faire valoir que la marque SUPER COLD décrit une catégorie de bière :
L’intimée a soutenu qu’il ne fallait pas tenir compte du sens courant en France mais uniquement de celui qui est courant au Canada et qu’en l’absence de toute preuve, par dictionnaires ou autrement, que le sens dont il s’agit était courant au Canada à la date de l’enregistrement, il fallait ne tenir aucun compte d’une signification nouvelle ayant cours en France seulement. Cette prétention aurait des conséquences graves si elle était accueillie. Il en découlerait qu’un commerçant astucieux pourrait monopoliser une expression française nouvelle en l’enregistrant comme marque de commerce dès qu’elle commence à avoir cours en France ou dans un autre pays francophone et avant qu’on puisse démontrer qu’elle a commencé à avoir cours au Canada.
À mon avis, le texte de l’article 12 ne permet pas une telle distinction. Il parle d’une description « en langue anglaise ou française ». Chacune de ces deux langues est internationale. Quand on en parle en langage courant on les considère dans leur totalité et non pas sous l’aspect particulier du seul vocabulaire ayant cours au pays, vocabulaire qui est d’ailleurs extrêmement difficile à définir surtout à une époque où les moyens de communication ne connaissent plus de frontières.
[18] À mon avis, l’opposante a satisfait au fardeau de preuve qui lui incombait d’établir si la marque SUPER COLD faisant l’objet de la demande donne une description claire des conditions de production des marchandises de la requérante. En effet, la preuve est suffisante pour étayer la prétention de l’opposante selon laquelle, à la date pertinente, le public était au courant de la présence d’un type relativement nouveau de bière sur le marché et le processus de brassage du nouveau produit exigeait de basses températures. En d’autres termes, le public savait, lorsqu’il achetait la bière SUPER COLD de la requérante, qu’il achetait une bière brassée au moyen d’un processus particulier ou il connaissait, selon les termes de l’alinéa 12(1)b), les « conditions de [sa] production ». Comme la requérante n’a produit aucune preuve au soutien de sa demande ni aucun argument juridique pour réfuter les arguments de l’opposante, je conclus qu’elle ne s’est pas acquittée du fardeau ultime qui lui incombait de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la marque SUPER COLD faisant l’objet de la demande n’est pas interdite par l’alinéa 12(1)b).
[19] De plus, j’estime que la preuve produite par l’opposante est suffisante pour établir si l’expression « super cold » avait été adoptée, en particulier au Royaume‑Uni, pour décrire un type relativement nouveau de bière. Dans ce cas également, la requérante n’a produit aucune preuve au soutien de sa demande, ni aucun argument juridique pour contrer les arguments de l’opposante. En conséquence, je conclus à nouveau que la requérante ne s’est pas acquittée du fardeau ultime qui lui incombait de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme à l’alinéa 12(1)b).
[20] Il existe un certain parallèle entre la présente affaire et Staffordshire Potteries, dont il a été question au paragraphe [14], où la Cour a conclu, aux pages 135 et 136, que le mot KILNCRAFT, employé en liaison avec des articles de cuisine, contrevenait à l’alinéa 12(1)b) :
Le mot « Kilncraft » est une combinaison de deux mots courants en anglais : kiln et craft; ces deux mots contribuent , selon moi, à la signification du mot composé. Lorsqu’il est employé à l’égard ou dans le domaine des articles de cuisine, il n’a pas, autant que je sache, de signification reconnue, mais, dans mon esprit, il suggère fortement que les marchandises qu’il désigne ou à l’égard desquelles il peut être employé ont été spécialement traitées par un procédé de cuisson. Je pense que c’est l’idée que le mot pourrait transmettre, comme première impression, à celui qui le verrait écrit sur les articles de cuisine ou sur les boîtes qui les contiennent, ou qui l’entendrait prononcer en rapport avec les mêmes articles, par un commis de magasin ou un vendeur.
Je pense aussi que la personne qui verrait ou entendrait le mot [KILNCRAFT] dans pareilles circonstances serait certaine que les marchandises en question ont été fabriquées par un procédé de cuisson et qu’elles sont de bonne qualité. Pour moi, ceux qui verraient ou entendraient ce mot auraient l’impression que les articles ont été produits de cette façon et qu’ils sont de cette qualité, et c’est pourquoi il constitue une description claire, au sens de l’alinéa 12(1)b), des conditions de production des articles à l’égard desquels il serait employé ainsi que de la qualité de ces articles, si ce n’est pas aussi de leur nature.
(Non souligné dans l’original.)
[21] J’ajouterais que l’opposante a porté à mon attention Registrar of Trade-marks c. Provenzano (1978), 40 C.P.R. (2d) 288 (C.A.F.); conf. 37 C.P.R. (2d) 189 (C.F. 1re inst.), où la Cour a accueilli l’appel interjeté à l’encontre de la décision de la Commission. Celle‑ci avait rejeté une demande d’enregistrement de la marque de commerce KOLD ONE en liaison avec de la bière au motif que la marque donnait une description claire ou une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité de la bière. La ratio decidendi de la décision de la Section de première instance se trouve à la page 190 :
L’adjectif « cold », lorsqu’il qualifie le mot « beer », ne constitue d’aucune façon une description de la nature ou de la qualité intrinsèques du produit. Contrairement à certains produits alimentaires comme la crème glacée, les aliments congelés, les glaces et les jus, ou à certains appareils comme les réfrigérateurs, les poêles et les grille‑pains, la température à laquelle ils peuvent ou ne peuvent pas être livrés, vendus ou utilisés n’a rien à voir avec la nature ou la qualité du produit lui‑même. (Voir, par exemple, le mot « frigidaire », dans General Motors Corporation c. Norman William Bellows, (1949) R.C.S. 678, et les mots « Tastee Freeze », dans Tastee Freeze International Ltd., 1960 R.P.C. 255). Bien que la majorité des gens doivent préférer boire leur bière froide, d’autres peuvent l’aimer mieux à la température de la pièce. En pareil cas, le mot « cold » ne peut se rapporter qu’à l’état dans lequel le produit, c’est‑à‑dire la bière, peut ou ne peut pas être vendu ou consommé, et non pas à la qualité ou à la nature intrinsèques du produit. Il ne constitue donc pas une description de la bière elle‑même.
[22] Je suis d’accord avec l’opposante lorsqu’elle dit que Provenzano est différente de la présente affaire parce que (i) l’interdiction de décrire les conditions de production qui est prévue à l’alinéa 12(1)b) n’était pas en cause dans Provenzano et (ii) la méthode du filtrage à froid n’était pas très répandue dans l’industrie de la bière à l’époque où l’affaire a été entendue. En outre, Provenzano a peu d’utilité en l’espèce car la Cour n’y analyse pas la preuve produite par les parties (si preuve il y avait).
Demandes nos 1257440, 1257439 et 1252736 pour les marques de commerce EXTRA COLD, EXTRA CHILLED et COLD PACK, respectivement
[23] Ces demandes d’enregistrement sont également fondées sur l’emploi projeté au Canada en liaison avec de la bière. Les demandes relatives à EXTRA COLD et à EXTRA CHILLED ont été produites le même jour que la demande concernant SUPER COLD (le 12 mai 2005), alors que la demande relative à COLD PACK a été produite peu de temps auparavant, le 4 avril 2005. La preuve de l’opposante dans ces trois affaires est constituée des mêmes affidavits de Nick Gatehouse, de Megan Langley‑Grainger et de Robert White qui ont été produits relativement à SUPER COLD. La preuve produite par la requérante est constituée de l’affidavit d’Adam Marcus Tracey qu’elle a déposé à l’appui de sa demande concernant COLD PACK. L’opposante a produit un plaidoyer écrit dans chacune de ces trois affaires, alors que la requérante a choisi de ne pas en produire un. Les actes de procédure, les questions en litige et les dates pertinentes sont identiques à ceux qui ont été analysés relativement à l’opposition visant SUPER COLD.
[24] Appliquant les mêmes considérations et le même raisonnement que dans l’opposition visant SUPER COLD, je conclus que la requérante ne s’est pas acquittée du fardeau ultime qui lui incombait de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que les marques mentionnées ci‑dessus ne contreviennent pas à l’alinéa 12(1)b) comme l’allègue l’opposante.
Décision
[25] Compte tenu de ce qui précède, les demandes nos 1257441, 1257440, 1257439 et 1252736 sont repoussées. Cette décision est rendue en vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués conformément au paragraphe 63(3) de la Loi sur les marques de commerce.
FAIT À GATINEAU (QUÉBEC), LE 15 MARS 2010.
Myer Herzig
Membre
Commission des oppositions des marques de commerce
Traduction certifiée conforme
Linda Brisebois, LL.B.