Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2015 COMC 56

Date de la décision : 2015-03-27

TRADUCTION

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION produite par Heather Ruth McDowell à l'encontre de la demande d'enregistrement no 1,478,507 pour la marque de commerce HONEY MOMENTS au nom de Laverana GmbH & Co. KG

[1]               Le 26 avril 2010, Laverana GmbH & Co. KG (la Requérante) a produit une demande d'enregistrement pour la marque de commerce HONEY MOMENTS (la Marque) pour emploi en liaison avec de nombreux produits de soins personnels et produits pharmaceutiques et cosmétiques. La demande était fondée sur l'emploi projeté par la Requérante au Canada et sur son enregistrement dans l'Union européenne et l'emploi en Allemagne. La demande a par la suite été modifiée pour supprimer la mention de l'emploi et de l'enregistrement à l'étranger et plusieurs produits dont les produits cosmétiques esthétiques et pharmaceutiques qui y étaient énumérés. Les Produits (dans leur version modifiée) sont énoncés ci-dessous :

(1) Produits de parfumerie, nommément parfums liquides, huiles parfumées, eau de parfum, extraits de parfum pour papiers-mouchoirs et parfums, parfums sous forme solide; huiles essentielles, nommément pour l'aromathérapie, pour le traitement de l'acné et des cicatrices en application topique, pour la fabrication de produits parfumés; cosmétiques, nommément crèmes et lotions pour le visage, lotions et crèmes nettoyantes pour la peau, lotions et crèmes pour les mains et le corps; produits solaires; produits de soins des pieds; crèmes et lotions pour les pieds; exfoliants pour le corps, le visage, les pieds ou la peau; produits exfoliants, nommément pierres ponces; poudres et lotions non médicamenteuses pour les bains de pieds; produits de soins du corps, nommément produits parfumés pour le corps en vaporisateur à usage cosmétique, produits rafraîchissants pour le corps en vaporisateur à usage cosmétique, gels et lotions pour les soins de la peau; gels douches, produits de soins capillaires, nommément gels capillaires; shampooings et lotions capillaires, produits de rinçage (revitalisants) pour les cheveux, shampooing et revitalisant deux-en-un, fixatifs, mousse coiffante; teintures capillaires; produits de soins pour bébés et nourrissons, nommément huiles pour bébés, crèmes et lotions pour le corps pour bébés; huiles de bain, huiles et crèmes pour la peau; crèmes antirides; huiles de massage; produits de toilette pour hommes, nommément crèmes et lotions pour le visage, lotions capillaires, crèmes pour les mains et le corps, lotions et crèmes nettoyantes pour la peau; déodorants pour les soins du corps; produits pour l'hygiène buccale (non conçus pour un usage médical), nommément rince-bouche; préparations pour la bouche et pour le nettoyage de la bouche, nommément poudre dentifrice, produits pour rafraîchir l'haleine et la bouche, produits pour la bouche en vaporisateur, rince-bouches, dentifrices; pâte dentifrice; antisudorifiques.

La demande revendique la date de priorité du 15 avril 2010.

[2]               La demande a été annoncée aux fins d'opposition dans le Journal des marques de commerce du 13 juillet 2011.

[3]               Le 13 décembre 2012, Heather Ruth McDowell (l'Opposante) a produit une déclaration d'opposition invoquant les motifs résumés ci-dessous :

(a)     la Requérante n'a pas droit à l'enregistrement de la Marque, en vertu de l'article 16 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch. T-13 (la Loi), parce que l'emploi de la Marque risque de créer de la confusion avec les marques de commerce HONEY et HONEY & Dessin de l'Opposante;

(b)   la Marque n'est pas enregistrable en vertu de l'article 12(1)d) de la Loi, parce qu'elle crée de la confusion avec les enregistrements suivants de l'Opposante :

No d'enregistrement

Marque de commerce

LMC767,134

LMC767,075

HONEY

(c)     la Marque n'est pas distinctive des Produits de la Requérante ni ne peut les distinguer;

(d)    la Requérante ne pouvait pas être convaincue, au titre de l'article 30i) de la Loi, de son droit à l'emploi de la Marque, puisqu'une recherche effectuée dans le Registre ou une recherche reconnue en common law aurait permis de repérer les marques de commerce HONEY et HONEY & Dessin de l'Opposante;

(e)     la Requérante n'a pas employé la Marque en Allemagne comme il est allégué ou, si la Marque a été ou est employée en Allemagne, cet emploi est celui d'un tiers et n'est pas conforme aux exigences de l'article 50 de la Loi.

[4]               La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle nie les allégations de l'Opposante. Si la contre-déclaration fait mention d'un motif d'opposition fondé sur l'article 30e), aucun motif de cette nature n'est énoncé dans la déclaration d'opposition.

[5]               L'Opposante a produit en preuve l'affidavit d'Elenita Anastacio. Mme Anastacio a été contre-interrogée et une transcription a été produite. La Requérante a produit en preuve l'affidavit de Sazia Aftab et une copie certifiée de seize enregistrements.

[6]               La Requérante a produit un plaidoyer écrit et les parties étaient toutes deux présentes à l'audience qui a été tenue le 21 novembre 2014.

Dates pertinentes

[7]               Les dates pertinentes qui s'appliquent aux motifs d'opposition sont les suivantes :

article 38(2)a)/article 30 – la date de production de la demande [Georgia-Pacific Corp c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC), p. 475];

article 38(2)b)/article 12(1)d) – la date de ma décision [Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd et le Registraire des marques de commerce (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF), p. 424];

articles 38(2)c)/16(2) et 16(3) – la date de priorité de production de la demande;

article 38(2)d)/article 2 – la date de production de la déclaration d'opposition [Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc (2004), 2004 CF 1185 (CanLII), 34 CPR (4th) 317 (CF)].

Fardeaux de preuve

[8]               J'estime nécessaire d'examiner certaines exigences techniques relatives i) au fardeau de preuve initial imposé à un opposant au soutien des allégations figurant dans la déclaration d'opposition et ii) au fardeau ultime imposé à un requérant pour établir sa preuve.

[9]               En ce qui concerne le point i) susmentionné, l'opposant doit s'acquitter du fardeau de prouver les faits sur lesquels il fonde les allégations formulées dans sa déclaration d'opposition : John Labatt Limited c The Molson Companies Limited (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst), p. 298. La présence d'un fardeau de preuve imposé à un opposant à l'égard d'une question donnée signifie que, pour que la question soit considérée, la preuve doit être suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l'existence des faits allégués à l'appui de ladite question. Quant au point ii) susmentionné, c'est au requérant qu'incombe le fardeau ultime de démontrer que la demande d'enregistrement ne contrevient pas aux dispositions de la Loi invoquées par un opposant (pour les allégations pour lesquelles l'opposant s'est acquitté du fardeau de preuve qui lui incombait). Le fait que le fardeau ultime incombe au requérant signifie que, s'il est impossible de parvenir à une conclusion déterminante une fois que toute la preuve a été présentée, la question doit être tranchée à l'encontre du requérant.

Motifs pouvant être sommairement rejetés

[10]           Pour le motif d'opposition fondé sur l'article 30i), il est allégué que la Requérante ne pouvait pas être convaincue d'avoir droit d'employer la Marque au Canada. Lorsqu'un requérant a fourni la déclaration exigée par l'article 30i), un motif d'opposition fondé sur l'article 30i) ne devrait être accueilli que dans des circonstances exceptionnelles, comme lorsqu'il existe une preuve que le requérant est de mauvaise foi [Sapodilla Co Ltd c Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC), p. 155]. Comme la demande renferme la déclaration exigée et qu'il n'y a en l'espèce ni allégation ni preuve de mauvaise foi ou d'autres circonstances exceptionnelles, le motif d'opposition fondé sur l'article 30i) est rejeté.

[11]           Pour le motif d'opposition fondé sur l'article 30d), il est allégué que la Requérante n'avait pas employé la Marque en Allemagne. Comme les Produits visés par la demande produite au titre de l'article 16(2) de la Loi ont été supprimés, le motif d'opposition fondé sur l'article 30d) de la Loi ne s'applique plus et est rejeté.

[12]           Les motifs fondés sur l'article 16 et sur l'article 2 sont rejetés, parce que l'Opposante ne s'est pas acquittée de son fardeau de preuve initial. L'Opposante n'a pas établi que ses marques de commerce HONEY étaient employées ou révélées au Canada aux dates pertinentes applicables. Bien que les enregistrements des marques de commerce de l'Opposante comportent des revendications d'emploi, ces dernières ne sont pas suffisantes pour permettre à l'Opposante de s'acquitter de son fardeau de preuve à l'égard de ces motifs d'opposition [Rooxs, Inc c Edit-SRL (2002), 23 CPR (4th) 265 (COMC), p. 268].

Motifs d'opposition restants

Motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d)

[13]           L'Opposante allègue que la Marque n'est pas enregistrable en vertu de l'article 12(1)d) de la Loi, parce qu'elle crée de la confusion avec les enregistrements nos LMC767,075 et LMC767,134 des marques HONEY et HONEY & Dessin. J'estime que la plus pertinente d'entre elles est la marque de commerce HONEY de l'Opposante, dont les détails sont énoncés ci-dessous. L'examen de la question de la confusion entre la marque visée par cet enregistrement et la Marque me permettra de me prononcer concrètement sur ce motif d'opposition.

No d'enregistrement

Marque de commerce

Marchandises et services

[Traduction]

LMC767,075

HONEY

MARCHANDISES :

(1) Vêtements, nommément pantalons, jeans, pantalons d'entraînement, pantalons de yoga, vêtements d'exercice, pantalons, chandails, pulls d'entraînement, polos, chemises, jupes, chemisiers, robes, bonneterie, vestes, blazers, manteaux, vestes de ski, vestes en duvet, vestes de fourrure, manteaux de laine, shorts, maillots de bain, vêtements de détente; lingerie; articles chaussants, nommément chaussures, sandales, bottes, pantoufles; chaussures pour hommes, femmes et enfants en cuir, en suède ou en soie, nommément escarpins, chaussures à talons hauts, chaussures habillées de toutes sortes, espadrilles, chaussures de course, chaussures de basketball, chaussures de golf, chaussures d'entraînement, escarpins, chaussures de piste, chaussures de plage, nommément sandales, tongs; couvre-chefs, nommément chapeaux, casquettes, bandanas, bandeaux, visières; bijoux; accessoires de mode, nommément foulards, châles, sacs à main, gants, montres; accessoires pour cheveux, nommément peignes, brosses, bandeaux pour cheveux en tissu ou en plastique, barrettes, chouchous, attaches de queue de cheval, pinces pour cheveux, épingles à cheveux et parures pour cheveux; ceintures, lunettes de soleil; cosmétiques, nommément fond de teint liquide ou en poudre, crèmes pour le visage, fard à joues, ombre à paupières, traceur pour les yeux, mascara, rouge à lèvres, brillant à lèvres, crayon à lèvres, sacs à cosmétiques vendus vides; articles-cadeaux, nommément lampes, plateaux, vases; ornements et figurines en céramique, en porcelaine, en verre; bonbonnières.

 

SERVICES :

(1) Services de magasin de détail, nommément exploitation d'un magasin de vêtements, d'articles chaussants, de couvre-chefs, d'accessoires de mode et d'articles-cadeaux.

[14]           J'ai exercé mon pouvoir discrétionnaire et j'ai consulté le registre pour confirmer que cet enregistrement est en vigueur [Quaker Oats Co of Canada c Menu Foods Ltd (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC)]. L'Opposante s'est donc acquittée de son fardeau de preuve initial à l'égard de ce motif.

[15]           Le test à appliquer pour déterminer la probabilité de confusion est énoncé à l'article 6(2) de la Loi, qui porte que l'emploi d'une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l'emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale. Aux fins de cette appréciation, je dois tenir compte de toutes les circonstances pertinentes de l'espèce, y compris celles énumérées à l'article 6(5) : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; le genre de produits, services ou entreprises; la nature du commerce; et le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent. Dans Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, [2006] 1 RCS 824, au para. 20, la Cour suprême du Canada a indiqué de quelle façon le test doit être appliqué :

[Traduction]
Le critère applicable est celui de la première impression que laisse dans l'esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue [de la marque] alors qu'il n'a qu'un vague souvenir des marques de commerce [précédentes] et qu'il ne s'arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques.

Les critères énoncés à l'article 6(5) ne sont pas exhaustifs et le poids qu'il convient d'accorder à chacun varie selon les circonstances de l'espèce [Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, [2006] 1 RCS 772 (CSC), para. 54]. Je m'appuie également sur l'affirmation de la Cour suprême du Canada dans Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC), au para. 49, selon laquelle le critère énoncé à l'article 6(5)e), la ressemblance entre les marques, est souvent celui qui revêt le plus d'importance dans l'analyse relative à la confusion.

Le caractère distinctif inhérent

[16]           À l'audience, les deux parties ont fait valoir que les marques de commerce HONEY et HONEY MOMENTS possédaient un caractère distinctif inhérent, comme il n'existe aucune preuve que le miel est un ingrédient présent dans les produits de l'une ou l'autre des parties. Cela étant, je refuse tout de même de conclure que l'une ou l'autre des marques de commerce HONEY et HONEY MOMENTS possède un caractère distinctif inhérent très marqué, comme le mot « honey » (miel; chéri) a une connotation élogieuse, étant un terme d'affection et/ou un terme signalant quelque chose de doux ou la douceur [voir, par exemple, la définition de « honey » dans le dictionnaire Canadian Oxford Dictionary (éd. de 1998); voir Tradall SA c Devil’s Martini Inc (2011), 92 CPR (4th) 408 (COMC), para. 29, qui confirme que je peux prendre connaissance d'office des définitions du dictionnaire]. Les marques de commerce ayant une connotation élogieuse sont généralement considérées comme des marques de commerce faibles [Perfection Foods Ltd c Hiram Walker & Sons Ltd (1998), 21 CPR (3d) 136, p. 138 (COMC)].

Le degré de ressemblance

[17]           La première partie d'une marque de commerce est généralement considérée comme la plus importante au moment d'évaluer la probabilité de confusion [voir Conde Nast Publications Inc c Union Des Editions Modernes (1979), 46 CPR (2d) 183, p. 188 (CF 1re inst)]. Dans Masterpiece, précité, la Cour suprême du Canada fait observer qu'il est préférable, lorsqu'il s'agit de comparer des marques de commerce, de se demander d'abord si les marques présentent un aspect particulièrement frappant ou unique [para. 64]. Dans cette affaire, la question en litige portait sur le nom commercial employé par Masterpiece, Inc, MASTERPIECE, et ses marques de commerce MASTERPIECE THE ART OF LIVING et MASTERPIECE THE ART OF RETIREMENT LIVING, par rapport à la marque de commerce d'Alavida, MASTERPIECE LIVING. Le juge Rothstein a conclu que MASTERPIECE était l'aspect frappant ou unique du nom commercial et de chacune des marques de commerce, ce qui l'a mené à conclure qu'il existait une probabilité de confusion. Il convient de souligner, cependant, que dans ces marques de commerce, il n'existe aucun élément frappant autre que MASTERPIECE; les autres mots évoquent plutôt des résidences pour personnes âgées. En l'espèce, j'estime que ni l'un ni l'autre des éléments HONEY ou MOMENTS n'est particulièrement frappant, comme ces éléments sont des mots anglais d'usage courant. L'aspect frappant et unique de la Marque est plutôt le fait qu'elle est formée de l'expression indissociable HONEY MOMENTS, qui se compose de deux éléments qui n'apparaissent généralement pas ensemble.

[18]           L'Opposante soutient qu'il y a un degré de ressemblance significatif entre les marques de commerce, parce que la Marque intègre l'ensemble de sa marque de commerce HONEY comme premier élément. De plus, l'Opposante soutient que les consommateurs comprendraient que l'élément MOMENTS évoque le moment où les produits de marque HONEY sont employés ou la période suivant ce moment.

[19]           Je conviens avec la Requérante que, lorsque la Marque est considérée dans son ensemble, le suffixe MOMENTS diminue le degré de ressemblance entre les marques de commerce respectives des parties dans la présentation et le son. De plus, je conviens avec la Requérante que les marques de commerce se distinguent dans les idées qu'elles suggèrent. La Marque évoque un moment doux ou merveilleux, une idée qui n'est pas suggérée par la marque de commerce de l'Opposante. En ce qui concerne les observations de l'Opposante selon lesquelles les consommateurs sont susceptibles de croire que HONEY MOMENTS indique le moment auquel un produit de marque HONEY est employé, en l'absence de preuve d'emploi de la marque de commerce de l'Opposante, j'estime qu'il est peu probable que les consommateurs canadiens croient ceci, puisqu'il n'existe aucune preuve que les consommateurs ont été exposés à la marque HONEY de l'Opposante.

La mesure dans laquelle les marques sont devenues connues et la période pendant laquelle elles ont été en usage

[20]           En l'absence de preuve d'emploi des marques de commerce de l'une ou l'autre des parties, ces facteurs ne favorisent ni l'une ni l'autre des parties. Bien qu'une déclaration d'emploi ait été produite en ce qui concerne l'enregistrement de la marque de commerce HONEY de l'Opposante, cela ne me permet que de supposer un emploi de minimis [Entre Computer Centers Inc c Global Upholstery Co (1991), 40 CPR (3d) 427 (COMC), p. 430]. Une conclusion selon laquelle les marques sont devenues connues dans une mesure significative ou les marques ont nécessairement été employées de façon ininterrompue depuis la date revendiquée ne peut pas être fondée sur un emploi de minimis.

Le genre de produits et services et la nature du commerce

[21]            Au moment d'examiner les articles 6(5)c) et d) de la Loi, ce sont les états déclaratifs des produits et services, tels qu'ils figurent dans la demande relative à la Marque et l'enregistrement de l'Opposante, qui régissent l'appréciation de la probabilité de confusion [voir Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF); Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF)].

[22]           Les produits visés par l'enregistrement de l'Opposante comprennent des vêtements, articles chaussants, couvre-chefs, bijoux, accessoires de mode, accessoires pour les cheveux, cosmétiques, articles-cadeaux et l'exploitation d'un magasin de vêtements, d'articles chaussants, de couvre-chefs, d'accessoires de mode et d'articles-cadeaux. Les Produits comprennent des produits de parfumerie, huiles essentielles, produits de soins du corps, cosmétiques, nommément lotions et crèmes pour le visage, produits de soins capillaires, teintures capillaires, produits de soins pour bébés et nourrissons et produits pour l'hygiène buccale. Ce facteur favorise l'Opposante, parce que, comme pour ses produits cosmétiques, bon nombre des Produits semblent viser des consommateurs semblables (ceux qui sont intéressés à améliorer leur apparence). Comme le genre de produits est le même, en l'absence de preuve pertinente de la Requérante, j'estime raisonnable de conclure que les voies de commercialisation seraient identiques ou très semblables.

Preuve de l'état du registre

[23]           La Requérante a produit en preuve un affidavit de Sazia Aftab, une technicienne juridique employée par l'agent de la Requérante. Les résultats d'une recherche qu'elle a effectuée pour repérer les marques de commerce déposées actives comprenant l'élément HONEY ainsi que les détails liés aux marques repérées sont joints à l'affidavit de Mme Aftab (Pièces A et B). La Requérante a aussi produit une copie certifiée de nombreux enregistrements comprenant l'élément HONEY. Parmi les enregistrements de marque de commerce présentés dans la preuve de la Requérante, les marques de commerce suivantes renferment l'élément HONEY comme élément dominant et sont enregistrées pour emploi en liaison avec des produits cosmétiques, des produits de soins personnels, des produits de soins capillaires et ainsi de suite :

Marque de commerce

Propriétaire

Produits et services

[Traduction]

A TOUCH OF HONEY

(LMC595,003)

Thentiz International Inc.

Produits cosmétiques, nommément lotion pour les pieds, crème revitalisante, crème hydratante, nettoyant, tonifiant pour le visage et la peau, toniques et produits rafraîchissants, crème de beauté, crème protectrice pour la peau, fond de teint et crème de base, crème pour la peau, shampoing.

SPRING HONEY

(LMC170,342)

The Procter & Gamble Company

Produits cosmétiques et produits de toilette.

HONEY I’M STRONG

(LMC841,182)

The Procter & Gamble Company

Produits de soins capillaires.

BEELINE HONEY

(LMC748,751)

The Procter & Gamble Company

Colorant capillaire.

HAPPY HONEY
(LMC143,976)

The Procter & Gamble Company

Teinture, produits de coloration et de teinture.

HONEY DO

(LMC766,763)

Victoria’s Secret Stores Brand Management, Inc.

Produits de soins personnels, nommément brillant à lèvres; maquillage; lotions pour le corps; crèmes pour le corps; produits pour le corps en vaporisateur; savons liquides pour le corps; produit parfumé pour le corps en vaporisateur; brillant pour le corps.

NATURAL HONEY
(LMC329,528)

The Colomer Group Spain, S.L.

Produits de soins corporels et produits de beauté, nommément hydratant pour la peau et le visage.

NATURAL HONEY
(LMC249,122)

The Colomer Group Spain, S.L.

Lotions d'ondulation permanente et neutralisants et shampooing.

TOASTED HONEY

(LMC547,379)

California Tan, Inc.

Produits de soins de la peau, nommément : gels de bain, lotions, et huiles pour le bain et huiles parfumées, vaporisateurs corporels parfumés, mousse pour le bain, nettoyants pour la peau; hydratants; filtres solaires; produits pour le bain/corps, nommément : crèmes de bronzage et produits de bronzage sous forme de mousses, de gels, de lotions, d’huiles, de mousses, de nettoyants, de vaporisateurs, d’atomisateurs et de crèmes; et gels crèmes de bronzage.

HONEY DIPP
(LMC796,527)

 

Honey Dipp Inc.

PRODUITS :
(1) Produits de soins du corps, nommément produits de soins de la peau, produits de soins des lèvres et savons.
(2) Éponges, nommément éponges de bain; pierres ponces; gants en louffa, houppettes de bain, porte-savons, pochettes de savon et pantoufles de bain.
(3) Bougies.
(4) Brosses, nommément brosses de bain, brosses à manucure, brosses pour les pieds et brosses de nettoyage pour le corps.

SERVICES :
(1) Vente, nommément vente en gros, vente au détail et vente en ligne de pierres ponces, de mitaines en louffa, de houppettes de douche, de porte-savons, de sacs à savons, d'éponges de bain, de pantoufles de bain et de bougies ainsi que de produits de soins du corps, nommément produits de soins de la peau, produits de soins des lèvres et savons.
(2) Vente, nommément vente en gros, vente au détail et vente en ligne de brosses, nommément de brosses de bain, de brosses à manucure, de brosses pour les pieds et de brosses de nettoyage pour le corps.

HONEY BUNNY BUZZ BALM
(LMC741,331)

Wolfe Honey Company Inc.

 

Baume pour les lèvres.

[24]           La preuve de l'état du registre n'est pertinente que dans la mesure où l'on peut en dégager des conclusions sur l'état du marché, et l'on ne peut tirer de conclusions sur l'état du marché que si l'on relève un nombre significatif d'enregistrements pertinents [voir Ports International Ltd c Dunlop Ltd (1992), 41 CPR (3d) 432 (COMC); Welch Foods Inc c Del Monte Corp (1992), 44 CPR (3d) 205 (CF 1re inst); Maximum Nutrition Ltd c Kellogg Salada Canada Inc (1992), 43 CPR (3d) 349 (CAF)]. Les recherches de Mme Aftab ont permis de relever 10 marques de commerce au nom de sept propriétaires qui comprennent l'élément HONEY comme élément dominant. Si je conviens avec l'Opposante que la preuve de l'état du registre n'est pas suffisante pour me permettre de conclure que les marques ayant comme préfixe l'élément HONEY sont couramment adoptées, je suis disposée à admettre que la preuve permet de conclure que l'Opposante n'a pas le monopole de l'emploi de l'élément HONEY dans le secteur des produits de soins personnels. Par conséquent, ce facteur favorise légèrement la Requérante.

Protection étendue accordée aux marques nominales

[25]           L'Opposante soutient que son enregistrement de la marque de commerce HONEY a droit à une protection étendue, comme il s'agit d'une marque nominale, et que si l'on accorde à la Requérante un enregistrement pour la Marque, rien n'empêcherait la Requérante d'employer la Marque de manière à créer de la confusion (c.-à-d., en insistant fortement sur le mot HONEY).

[26]           L'Opposante attire mon attention sur les décisions Masterpiece, précitée et Mr Submarine, précitée à l'appui de ses arguments. J'ai également pris connaissance de la décision Les Restaurants La Pizzaiolle Inc c Pizzaziolo Restaurants Inc, 2015 FC 240 (FC) rendue récemment, qui expose comment les affaires Masterpiece et Mr Submarine orientent l'appréciation de la confusion entre deux marques de commerce. Au paragraphe 61, le juge LeBlanc énonce les principes suivants :

[Traduction]

                           i.            La marque de commerce figurant sur une demande d'enregistrement peut consister soit en un mot ou groupe de mots servant de marque, soit en un dessin ou soit en un mot ou groupe de mots accompagnés d'un dessin; le requérant peut, mais n'est pas tenu, de revendiquer une couleur comme caractéristique de la marque qu'il souhaite faire enregistrer (Masterpiece, précitée au para. 54);

                         ii.            L'expression « degré de ressemblance » de l'alinéa 6(5)e) signifie qu'il peut y avoir probabilité de confusion non seulement en présence de marques concurrentes identiques, mais également lorsque ces marques comportent un certain nombre de différences (Masterpiece, précitée, au para. 62);

                       iii.            Le dépôt d'une marque de commerce conférant, du fait de l'article 19 de la Loi, des droits exclusifs à son propriétaire, la question de savoir si la marque de commerce dont on cherche à obtenir l'enregistrement crée de la confusion avec une marque nominale déposée doit être examinée en tenant compte non seulement de l'emploi actuel de la marque déposée, mais aussi de la possibilité de confusion résultant de l'emploi de cette marque de toute manière permise par l'enregistrement; l'emploi actuel de la marque nominale déposée ne limite donc pas les droits de son propriétaire puisque l'enregistrement de la marque lui confère le droit d'employer les mots constituant la marque dans la taille, le style de lettres, la couleur ou le motif de son choix; (Masterpiece, précitée, aux para. 55-57; Mr Submarine Ltd c Amandista Investment Ltd, [1988] 3 CF 91 (CAF), [1987] ACF, no 1123 (QL) aux pages 102-103));

                       iv.            C'est ainsi qu'est erronée en droit l'analyse de la probabilité de confusion qui ne tient compte que de l'emploi limité d'une marque nominale déposée, laquelle ne doit pas remplacer l'examen d'autres emplois qui pourraient être faits en conformité avec l'enregistrement; ainsi, l'emploi ultérieur, dans le champ d'application de l'enregistrement, d'une marque nominale déposée identique ou très semblable à la marque concurrente montrera comment la marque déposée peut être utilisée d'une manière qui crée de la confusion avec celle-ci (Masterpiece, précitée, aux para. 58-59).

[27]           Si je conviens avec l'Opposante que les marques nominales ont droit à une protection très étendue et qu'il n'y pas de restriction inhérente quant à la manière dont la Marque peut être employée une fois enregistrée (par exemple, en ce qui concerne la taille, le style de lettres, les couleurs ou le motif) (Masterpiece, para. 55, Pizzaiolo, para. 66), ce principe ne va pas jusqu'à entraîner automatiquement une probabilité de confusion. La preuve de l'état du registre confirme que l'Opposante n'a pas le monopole de l'élément HONEY.

[28]           L'accent mis sur les emplois potentiels de la Marque dans lesquels on insiste davantage sur l'élément HONEY que sur l'élément MOMENTS suggère une analyse qui est axée sur les éléments distincts de la marque de commerce plutôt que sur la marque de commerce dans son ensemble [Compagnie Générale des Établissements Michelin c Sailun Co, Ltd, 2014 COMC 32 (CanLII), para. 27-31]. De plus, cette approche ne tient pas compte du fait qu'un tel accent n'aurait aucune incidence sur le degré de ressemblance dans le son ou dans l'idée suggérée. Enfin, contrairement à l'affaire Masterpiece, le deuxième élément de la Marque, MOMENTS, n'évoque pas les Produits.

[29]           Ainsi, le fait que les marques nominales ont droit à une protection très étendue ne favorise que légèrement l'Opposante.

La possibilité d'extension de la marque n'est pas une circonstance pertinente en l'espèce

[30]           À l'audience, l'Opposante a invoqué son enregistrement de la marque HONEY Dessin et sa demande relative à la marque PINK & HONEY pour emploi en liaison avec des vêtements, des articles chaussants, des couvre-chefs, des produits cosmétiques et des services de magasin de détail et a laissé entendre que l'extension de la marque peut être une circonstance pertinente de la présente espèce (affidavit de Mme Anastacio, Pièce B). Comme l'Opposante n'a produit aucune preuve de notoriété de ses marques de commerce, il ne s'agit pas d'une circonstance pertinente en l'espèce.

La suppression de Produits ne mène pas à une conclusion défavorable

[31]           La modification de la demande en vue de supprimer les produits cosmétiques esthétiques qui y étaient énumérés n'a aucune incidence sur mon appréciation de la probabilité de confusion en ce qui concerne la demande actuelle. L'existence de la suppression n'est pas une circonstance pertinente en l'espèce.

Conclusion

[32]           Compte tenu de tous les facteurs pertinents, je conclus que la Requérante s'est acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait d'établir, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'existe pas de probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce HONEY de l'Opposante. Si les produits des parties se recoupent et si leurs voies de commercialisation peuvent être les mêmes, compte tenu de la protection limitée accordée à la marque de commerce élogieuse de l'Opposante, de la preuve de l'état du registre et du fait qu'il n'existe aucune preuve d'emploi de la marque de commerce HONEY de l'Opposante, les différences entre les marques de commerce des parties dans la présentation, le son et l'idée suggérée sont suffisantes pour me permettre de conclure en faveur de la Requérante. Le motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d) est rejeté.

Décision

[33]           Dans l'exercice des pouvoirs qui me sont délégués en vertu des dispositions de l'article 63(3) de la Loi, je rejette l'opposition, conformément aux dispositions de l'article 38(8) de la Loi.

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Natalie de Paulsen

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce
Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Marie-Pierre Hétu, trad.

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