Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2013 COMC 129

Date de la décision : 2013-07-31 TRADUCTION

 

 

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Lutron Electronics Co., Inc. à l’encontre de la demande d’enregistrement nº 1,461,401 pour la marque de commerce LITRON au nom de Litron Distributors Ltd.

 

[1]               Lutron Electronics Co., Inc. (l’Opposant) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce LITRON (la Marque) qui fait l’objet de la demande nº1,461,401 déposée par Litron Distributors Ltd. (le Requérant).

[2]               La demande a été produite le 3 décembre 2009, et elle est fondée sur l’emploi projeté de la Marque au Canada en liaison avec les marchandises et services suivants, tels que révisés par le Requérant le 14 septembre 2010 :

[TRADUCTION] Éclairage commercial et industriel, nommément ampoules, appareils d’éclairage, ballasts, lentilles, louvres et déflecteurs.

Services d’éclairage de gros et de détail.

[3]               L’Opposant allègue que la Marque n’est pas enregistrable en vertu de l’alinéa 12(1)(d) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi), qu’elle n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi et que le Requérant n’est pas la personne ayant le droit d’enregistrer la Marque eu égard au paragraphe 16(3) de la Loi, parce que la Marque crée de la confusion, entre autres, avec la marque de commerce enregistrée LUTRON de l’Opposant, qui a déjà été employée au Canada par l’Opposant en liaison avec des produits d’éclairage. L’Opposant allègue également que la demande pour l’enregistrement de la Marque n’est pas conforme aux termes de l’article 30 de la Loi pour plusieurs raisons, l’une d’elles étant que la Marque n’est pas une marque de commerce projetée puisque le Requérant avait déjà commencé d’utiliser la Marque avant la date de dépôt de la demande.

[4]               Je considère que le point à déterminer dans la présente procédure est de savoir si la Marque crée de la confusion avec la marque de commerce LUTRON de l’Opposant, telle qu’elle est enregistrée ou employée.

[5]               Pour les motifs exposés ci-après, j’estime qu’il existe une probabilité de confusion.

Le dossier

[6]        Le 22 février 2011, l’Opposant a produit une déclaration d’opposition qui a été contestée par le Requérant dans une contre-déclaration.

[7]        À titre de preuve, l’Opposant a produit les affidavits de Peter Saccomanno, vice-président des ventes pour le Canada de l’Opposant, souscrit le 6 septembre 2011, et de Dane Penney, chercheur de marques de commerce, employé par les agents de l’Opposant, souscrit le 1er septembre 2011, ainsi que les copies certifiées conformes des enregistrements no TMA194,151 et TMA347,577 pour sa marque nominale LUTRON et sa marque dessin Sun Design (reproduite ci-dessous) :

SUN DESIGN

[8]        Aucun des déposants n’a été contre-interrogé. Le Requérant a choisi de ne pas présenter de preuve.

[9]        Les deux parties ont produit un plaidoyer écrit et étaient représentées à l'audience. Comme l’a objecté l’Opposant lors de l’audience, des parties du plaidoyer écrit du Requérant devraient être écartées, car elles font référence à de la preuve qui n’a pas été dûment produite et signifiée dans cette procédure, à savoir :

  • l’annexe « A », jointe au plaidoyer écrit du Requérant, qui consiste en un imprimé d’une recherche sur Internet avec Google du terme « litron dimmers » [gradateurs litron] prétendant contredire la preuve de l’Opposant présentée par le biais de l’affidavit de M. Saccomanno;
  • les références à des enregistrements par une tierce partie des marques de commerce LEVITON et LEVITON & Dessin;
  • les références à une recherche censément effectuée sur le site Web de l’Opposant, www.lutron.com, sous « lighting fixtures » [appareils d’éclairage].

[10]      Par conséquent, ces pièces seront écartées.

Fardeau respectif des parties

[11]     Il incombe à l’Opposant de s’acquitter du fardeau de preuve initial en établissant les faits sur lesquels il appuie ses motifs d’opposition. Une fois qu’il a satisfait à ce fardeau initial, c’est au Requérant qu’incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque est enregistrable [voir John Labatt Ltd c. Molson Companies Ltd (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (CF 1ère inst.); et Dion Neckwear Ltd c. Christian Dior, SA et al (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (CAF)].

Analyse des motifs d’opposition

Motif d'opposition fondé sur la non-enregistrabilité

[12]      L’Opposant a plaidé que la Marque n’était pas enregistrable eu égard aux dispositions de l’alinéa 12(1)(d) de la Loi en ce que la Marque crée de la confusion avec la marque de commerce LUTRON de l’Opposant enregistrée sous le numéro TMA194,151 en liaison avec les marchandises :

[TRADUCTION] « Commandes de température et de vitesse de moteur électrique, commandes de tension, gradateurs pour lampes, ballasts pour lampes à décharge de gaz. »

[13]      J’ai exercé le pouvoir discrétionnaire du registraire de confirmer que cet enregistrement, délivré le 21 septembre 1973, est en règle à la date d’aujourd’hui, qui est la date pertinente pour l'examen d’un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)(d) [voir Park Avenue Furniture Corp c. Wickers/Simmons Bedding Ltd (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (CAF)].

[14]      L’Opposant s’étant acquitté de son fardeau initial, il incombe maintenant au Requérant d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce enregistrée de l’Opposant.

Critère de la confusion

[15]        Le paragraphe 6(2) de la Loi indique que :

L'emploi d'une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l'emploi des deux marques dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[16]        Ainsi, ce paragraphe ne vise pas la confusion entre les marques elles-mêmes, mais une confusion qui porterait à croire que les produits ou des services issus d'une source proviennent d'une autre source.

[17]           Le critère relatif à la confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Comme l’a souligné le juge Denault dans l’arrêt Pernod Ricard c. Molson Breweries (1992), 44 C.P.R. (3d), p. 359 à 369 :

[TRADUCTION] Les marques de commerce devraient être examinées du point de vue du consommateur ordinaire ayant un souvenir général, et non un souvenir précis, de la marque précédente. Par conséquent, les marques ne devraient pas être disséquées ou soumises à un examen microscopique en vue d’examiner de près leurs ressemblances et leurs différences. Elles devraient plutôt être examinées dans leur totalité et pour l’effet qu’elles produisent sur le consommateur moyen.

[18]           En appliquant le critère relatif à la confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris celles énumérées au paragraphe 6 (5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce, et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive et tous les facteurs pertinents doivent être pris en considération. En outre, le poids qu’il convient d’accorder à chacun des facteurs n’est pas nécessairement le même puisqu’il dépend des circonstances [voir Mattel, Inc c. 3894207 Canada Inc (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.); Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot ltée (2006), 49 C.P.R. (4th) 401 (C.S.C.); et Masterpiece Inc c. Alavida Lifestyles Inc (2011), 92 C.P.R. (4th) 361 (C.S.C.) pour un examen approfondi des principes généraux qui régissent le critère relatif à la confusion].

 

Examen des facteurs énoncés au paragraphe 6(5)

Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[19]           Les marques de commerce en cause sont toutes deux des mots inventés qui présentent un caractère distinctif dans le contexte des marchandises et/ou des services en liaison avec lesquels elles sont employées.

[20]           Rien n’indique que la Marque projetée du Requérant a été employée au Canada au sens de l’article 4 de la Loi ou qu’elle est devenue connue dans une quelconque mesure au Canada. Je reviendrai sur l’absence de preuve d’emploi de la Marque, plus tard dans ma décision, en examinant le motif d’opposition en vertu des paragraphes 30(b) et (e).

[21]           Par contre, l’affidavit de M. Saccomanno démontre que la marque de commerce LUTRON de l’Opposant a été employée au Canada par l’Opposant et qu’elle est devenue connue, du moins dans une certaine mesure, ainsi qu’il appert de mon examen des points saillants de l’affidavit Saccomanno ci-après.

Affidavit de M. Saccomanno

[22]           M. Saccomanno présente d’abord le contexte des activités de l’Opposant. L’Opposant, fondé il y a plus de 45 ans, est un chef de file mondial dans le domaine des systèmes de contrôle de l’éclairage et des produits d’éclairage, y compris au Canada. Le premier produit de l’Opposant a été appelé un gradateur et il représentait le premier commutateur à rhéostat, commercialement satisfaisant, permettant le réglage progressif de l’intensité lumineuse d’un appareil d’éclairage. L’Opposant a également créé le premier ballast de gradation électronique pour lampes fluorescentes et le premier système de commande intégrée d’éclairage programmé [paragraphes 4 et 5 de son affidavit].

[23]           M. Saccomanno indique que l’Opposant offre actuellement plus de 15 000 produits, entre autres, des commutateurs et gradateurs d’éclairage, des commandes de ventilateur, ballasts, minuteries, détecteurs de mouvement et détecteurs sans fil (incluant le contrôle de vitesse, température et tension), des commandes de température, plaques murales et accessoires, des systèmes pour gérer une seule pièce, des systèmes de gradation d’éclairage pour domiciles et bâtiments, des systèmes de commande de stores, des pilotes à DEL et des appareils d’éclairage. M. Saccomanno désigne collectivement ces produits par les « Produits Lutron » et je ferai de même [paragraphe 5 de son affidavit].

[24]           M. Saccomanno aborde ensuite plus particulièrement la question de l’emploi de la marque de commerce LUTRON au Canada. Il affirme que la marque de commerce LUTRON est employée au Canada depuis au moins aussi tôt que 1971 en liaison avec des commutateurs et gradateurs d’éclairage. Au fil des années, divers autres produits ont été commercialisés au Canada en liaison avec la marque de commerce LUTRON, comme les ballasts (1997), les plaques murales et accessoires (1997), les systèmes de commande de stores (2000), les minuteries (2005), les détecteurs de mouvement sans fil (2010) et les appareils d’éclairage (2010) [paragraphe 11 de son affidavit].

[25]           M. Saccomanno affirme que la marque de commerce LUTRON figure bien en vue sur l’emballage des Produits Lutron vendus au Canada. Il joint à cet effet, respectivement à titre de pièces C et D, des échantillons de maquette d’emballage actuel et des échantillons de l’emballage réel des Produits Lutron vendus actuellement au Canada. Après examen de ces pièces, je remarque qu’elles concernent seulement les gradateurs et plaques murales de l’Opposant. Toutefois, M. Saccomanno affirme que ces échantillons sont représentatifs de la façon dont la marque de commerce LUTRON apparaît sur la majorité des Produits Lutron vendus au Canada, et qu’elle apparaît ainsi depuis de nombreuses années.

[26]           Il ressort des explications de M. Saccomanno, que la marque dessin Sun Design de l’Opposant mentionnée ci-dessus apparaît aussi sur l’emballage, en plus de la marque de commerce LUTRON, telle que reproduite ci-dessous :

[27]           Je suis convaincue que l’emploi de la marque de commerce LUTRON, en combinaison avec la marque dessin Sun Design telle que reproduite ci-dessus, constitue l’emploi de la marque nominale enregistrée LUTRON. La marque de commerce LUTRON, telle qu’elle est employée, conserve son identité et reste reconnaissable en tant que marque de commerce enregistrée per se [voir Canada (Registraire des marques de commerce) c. Cie Internationale pour l’informatique CII Honeywell Bull (1985), 4 C.P.R. (3d) 523 (CAF); et Nightingale Interloc Ltd c. Prodesign Ltd (1984), 2 C.P.R. (3d) 535 (COMC)]. En outre, rien n’empêche l’Opposant d’employer sa marque nominale LUTRON avec sa marque dessin Sun Design [voir Georgia-Pacific Corporation c. Scott Paper Ltd (1984), 3 C.P.R. (3d) 469; et Cie Internationale pour l’informatique CII Honeywell Bull, société anonyme c. Herridge, Tolmie et Registraire des marques de commerce (1983), 4 C.P.R. (3d) 523 (CF 1ère inst.), rév. pour d’autres motifs dans l’arrêt Cie Internationale pour l’informatique CII Honeywell Bull, précité (CAF)].

[28]           Les Produits Lutron sont largement utilisés dans de nombreux secteurs, notamment résidentiel, commercial et industriel. M. Saccomanno explique que l’Opposant vend les Produits Lutron dans le monde entier, y compris au Canada, à la fois aux consommateurs individuels par l’intermédiaire de points de vente au détail tiers, et directement à des distributeurs de produits électriques et à des spécialistes en éclairage [paragraphes 7 et 8 de son affidavit]. Je reviendrai aux voies commerciales de l’Opposant lorsque j’examinerai la nature du commerce.

[29]           M. Saccomanno aborde ensuite la question d’Internet. Il déclare que l’Opposant possède le nom de domaine www.lutron.com et que la marque de commerce LUTRON est apparue continuellement sur ce site Web depuis au moins aussi tôt que février 1996. Il explique que le site Web de l’Opposant fournit un répertoire en ligne indiquant où acheter les Produits Lutron dans divers pays, y compris au Canada. Les consommateurs canadiens, les distributeurs de produits électriques, les installateurs et les détaillants, entre autres, ont accès à des brochures (feuilles de ventes) et à des guides techniques sur les Produits Lutron. Sur ce point, il joint à titre de pièces E et F, des échantillons représentatifs de brochures pour des gradateurs, datées de juillet 2009 et d’avril 2011, ainsi que les premières pages de trois guides techniques pour des gradateurs et des plaques murales [paragraphes 18 à 20 de son affidavit].

[30]           M. Saccomanno précise également, qu’entre le 16 mai 2010 et le 1er septembre 2011, le site Web a reçu approximativement 194 579 visiteurs de partout au Canada, comme en témoigne la pièce G qui consiste en un document montrant les données sur la fréquentation du site Web de l’Opposant durant cette période [paragraphe 21 de son affidavit].

[31]           M. Saccomanno passe ensuite aux ventes de produits portant la marque de commerce LUTRON. Il affirme qu’entre l’année 2000 et la date de son affidavit, l’Opposant a enregistré un chiffre d’affaires total provenant des ventes de Produits Lutron à des clients au Canada, en liaison avec la marque de commerce LUTRON, de près de 300 millions de dollars US. Il précise qu’il y a eu des ventes au Canada pour chaque année durant cette période. Toutefois, aucune ventilation des ventes annuelles pour chacun des Produits Lutron n’est fournie.

[32]           M. Saccomanno poursuit en expliquant les activités de promotion et de publicité des Produits Lutron au Canada.

[33]           La publicité et la promotion des Produits Lutron au Canada se font principalement au moyen de présentoirs dans les établissements de détail, du site Web de l’Opposant, de brochures, de fiches techniques des produits et de publications professionnelles [paragraphe 23 de son affidavit].

[34]           Plus particulièrement, M. Saccomanno explique que la marque de commerce LUTRON apparaît sur les présentoirs disposés dans plus de 330 magasins tiers au Canada. Les dépenses de publicité liées à ces présentoirs dépassaient 400 000 dollars US jusqu’en 2009 [paragraphe 24 de son affidavit, pièce H qui consiste en des présentoirs échantillons représentatifs, remontant à 2009].

[35]           La promotion des Produits Lutron se fait aussi par le biais de publications professionnelles destinées principalement aux entrepreneurs-électriciens et aux consommateurs de produits de décoration et de rénovation domiciliaire. Les coûts de publicité identifiables dans les publications imprimées ont dépassé les 4 millions de dollars US, pour l’ensemble de l’Amérique du Nord [paragraphes 25 et 26 de son affidavit, la pièce I consiste en des échantillons représentatifs de publicités remontant à 2006].

[36]           En résumé, l’examen de ce premier facteur, qui est une combinaison de caractère distinctif inhérent et de caractère distinctif acquis, favorise l’Opposant, sans équivoque.

La période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[37]           Compte tenu de mes remarques ci-dessus, ce facteur favorise aussi l’Opposant.

Le genre de marchandises, services ou entreprises et la nature du commerce

[38]           Considérant la nature des marchandises et la nature du commerce, je dois comparer l’état déclaratif des marchandises et services du Requérant avec l’état déclaratif des marchandises dans l’enregistrement mentionné par l’Opposant [voir Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c. Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 C.P.R. (3d) 110 (CAF); et Mr Submarine Ltd c. Amandista Investments Ltd (1987), 19 C.P.R. (3d) 3 (CAF)]. Toutefois, il faut lire ces états déclaratifs dans l’idée de déterminer le type probable d’activité ou de commerce que visent les parties plutôt que tous les commerces possibles qui pourraient être compris dans la formulation. À cet égard, la preuve du commerce des parties est utile [voir McDonald’s Corp c. Coffee Hut Stores Ltd (1996), 68 C.P.R. (3d) 168 (CAF); Procter & Gamble Inc c. Hunter Packaging Ltd (1999), 2 C.P.R. (4th) 266 (COMC); et American Optional Corp c. Alcon Pharmaceuticals Ltd (2000), 5 C.P.R. (4th) 110 (COMC)].

[39]           Comme il est indiqué plus haut, la demande du Requérant porte sur : [TRADUCTION] « Éclairage industriel et commercial, nommément ampoules, appareils d’éclairage, lentilles, louvres et déflecteurs » alors que l’enregistrement de l’Opposant vise : [TRADUCTION] « Commandes de vitesses de moteur électrique et de température, commandes de tension, gradateurs pour lampes, ballasts à décharge. »

[40]           Le Requérant fait valoir que les marchandises et services des parties [TRADUCTION] « sont juridiquement différents, à savoir des marchandises d’éclairage par opposition à des marchandises électroniques ». Le Requérant soutient également que leurs voies commerciales diffèrent et que « rien ne démontre que les marchandises concurrentes sont vendues côte à côte, ni même dans le même établissement de détail [sic]. » Je ne suis pas d'accord avec le Requérant sur ce point.

[41]           Il n’est pas nécessaire que les parties œuvrent dans le même domaine général ou la même industrie, ou que leurs marchandises et services respectifs soient du même type ou de la même qualité, pour qu’il existe une probabilité de confusion. Comme l’indique le paragraphe 6(2) de la Loi, la confusion peut être créée « que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale ».

[42]           Les marchandises du Requérant visées par la demande sont identiques (en ce qui concerne les marchandises appelées « ballasts ») ou étroitement reliées à celles couvertes par l’enregistrement de la marque nominale LUTRON de l’Opposant. Les commandes d’éclairage, gradateurs et ballasts de l’Opposant sont tous des produits d’éclairage. Ils sont complémentaires des marchandises du Requérant visées par la demande, comme le montrent les pièces ci-dessous jointes à l’affidavit de M. Saccomanno :

  • Les échantillons d’emballage joints à titre de pièce C, qui indiquent que les gradateurs de l’Opposant « work with DIMMABLE CFL & LED bulbs » [fonctionnent avec des ampoules à gradateur fluocompactes et DEL] et aussi avec « dim incandescent/halogen bulbs » [des ampoules à incandescence/halogènes] et qui comprennent des photographies des ampoules compatibles; et
  • les présentoirs d’échantillons joints à titre de pièce H, qui présentent des commandes d’éclairage et des gradateurs de l’Opposant, avec des appareils d’éclairage.

[43]            On peut considérer que les marchandises du Requérant, visées par la demande, représentent une extension naturelle des marchandises enregistrées de l’Opposant comme le démontre l’affidavit de M Saccomanno. Comme il est indiqué plus haut, selon le témoignage non contesté de M Saccomanno, les affaires de l’Opposant se sont développées au fil des années pour inclure, en plus des gradateurs et commutateurs d’éclairage, une large gamme de produits d’éclairage et de produits connexes en liaison avec la marque de commerce LUTRON, comme les ballasts, des plaques murales et accessoires, des systèmes de commande d’éclairage et des appareils d’éclairage.

[44]            Il ne semble pas improbable que les marchandises des parties puissent être vendues par les mêmes voies commerciales ou par des voies similaires. Tel qu’il est indiqué plus haut, les marchandises de l’Opposant sont vendues aussi bien à des consommateurs individuels chez des détaillants tiers, que directement à des distributeurs de produits électriques et à des spécialistes en éclairage.

[45]            Plus particulièrement, les Produits Lutron sont largement commercialisés auprès de distributeurs de produits électriques au Canada qui proposent les produits à leurs clients. Il y a environ 753 distributeurs de produits électriques qui offrent les Produits Lutron au Canada [paragraphe 15 de l’affidavit de M Saccomanno]. Les Produits Lutron sont également vendus à près de 143 spécialistes/magasins spécialisés en éclairage au Canada [paragraphe 16 de l’affidavit de M. Saccomanno]. En outre, les Produits Luton sont également offerts aux consommateurs individuels par l’intermédiaire de plus de 330 grands points de vente au Canada [paragraphe 17 de l’affidavit de M. Saccomanno].

[46]            En l’absence de preuve du contraire, il n’y a aucune raison de conclure que les marchandises des parties ne passeraient pas par les mêmes voies commerciales et ne seraient pas destinées aux mêmes types de clientèle.

[47]            Les services du Requérant visés par la demande concernent la vente de produits d’éclairage et chevauchent les marchandises de l’Opposant. Comme l’a avancé l’Opposant, il n’est pas irréaliste de supposer que les Produits Luton de l’Opposant pourraient être vendus dans les propres points de vente au détail ou dans les circuits de vente en gros du Requérant. En effet, selon le témoignage non contesté de M. Saccomanno, le Requérant a lui-même acheté des Produits Lutron directement auprès de l’Opposant pour approximativement 15 482 $ en 2010, et approximativement 18 312 $ jusqu’en septembre 2011 [paragraphe 29 de son affidavit].

[48]           En résumé, l’examen de la nature des marchandises et/ou des services des parties et de leurs commerces correspondants favorise l’Opposant.
           
Le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son,   ou dans les idées qu'elles suggèrent

[49]           Il existe un degré élevé de ressemblance entre les marques des parties dans la présentation ou le son, et dans les idées qu’elles suggèrent.

[50]           Les marques des parties présentent de fortes similitudes puisqu’elles sont identiques, à l’exception d’une lettre (LUTRON comparativement à LITRON). Leur structure est identique puisqu’elles se composent toutes deux d’un mot de deux syllabes. Elles sont toutes deux des mots inventés qui n’ont pas de signification particulière dans le contexte des marchandises et/ou des services en liaison avec lesquels elles sont employées, si ce n’est que le préfixe « LIT » de la Marque suggère le mot « light » [lumière], tandis que le préfixe « LU » de la marque de commerce LUTRON de l’Opposant suggère le mot « lumen », qui est une unité de mesure de flux lumineux. Néanmoins, on peut dire que chacune des marques suggère la même chose, à savoir l’idée de luminosité.

Circonstances additionnelles de l’espèce

Emploi de la Marque en combinaison avec un « dessin de soleil »

[51]           L’Opposant soutient que les deux parties utilisent un « dessin de soleil » en combinaison avec leur marque respective.

[52]           S’appuyant sur la pièce J jointe à l’affidavit Saccomanno, qui consiste en un imprimé, daté du 31 août 2011, de la page d’accueil du site Web du Requérant à l’adresse http://litroncanada.ca visité par M. Saccomanno, l’Opposant fait valoir que le Requérant utilise un « dessin de soleil » à côté de la Marque, tel que reproduit ci-dessous :

[53]           L’Opposant soutient de manière similaire que l’Opposant emploie sa marque de commerce Sun Design à côté de la marque LUTRON (comme il est illustré au paragraphe 26 de ma décision), et ce, depuis de nombreuses années.

[54]                Ceci étant, l’Opposant soutient que l’emploi par le Requérant d’un dessin de soleil, exactement de la même manière que l’Opposant emploie sa marque de commerce Sun Design, démontre que le Requérant a agi intentionnellement, d’une manière susceptible d’augmenter encore la probabilité de confusion.

[55]                Le Requérant soutient pour sa part qu’il est facile de constater que l’emploi que fait le Requérant d’une représentation fantaisiste d’une ampoule d’éclairage ne constitue pas, en toute hypothèse, l’emploi d’un dessin de soleil. Le Requérant soutient également que l’emploi allégué que fait le Requérant d’une marque de commerce ou d’un symbole non visé par la demande n’est pas un point pertinent dans la présente procédure. Le Requérant soutient qu’il est plus probable que cette partie non pertinente de la preuve de l’Opposant vise seulement à placer le Requérant sous un mauvais jour et à ternir sa crédibilité en donnant l’impression que le Requérant emploie la marque dessin déposée Sun Design de l’Opposant dans le marché.

[56]                Je suis d’accord avec le Requérant qu’il n’emploie pas un « dessin de soleil » per se, du fait que l’on interprète le symbole en référence comme une ampoule d’éclairage et non comme un soleil. Toutefois, la même conclusion peut s’appliquer à la marque de commerce Sun Design de l’Opposant. En effet, la marque de commerce Sun Design de l’Opposant peut être interprétée comme une représentation fantaisiste d’une source lumineuse provenant du soleil ou d’une quelconque source de lumière artificielle, ampoule ou autre.

[57]                Cette circonstance de l’espèce peut servir à illustrer le principe voulant que l’enregistrement de la marque nominale LITRON permette l’emploi de la Marque, quels que soient sa taille, le style de caractères, la couleur ou le dessin. Ainsi qu’il est rappelé dans l’arrêt Masterpiece, précité au paragraphe 59 [TRADUCTION] « l’emploi ultérieur, dans le champ d’application d’un enregistrement, d’une marque déposée identique ou très semblable à une marque qui existe déjà, montrera comment la marque déposée peut être utilisée d’une manière qui crée de la confusion avec celle-ci ».

[58]                Cela dit, je ne suis pas disposée à accorder du poids à cette circonstance de l’espèce, ne serait-ce que parce que la présente procédure concerne l’enregistrement de la marque nominale LITRON et non d’une marque composée. Je reviendrai à cette circonstance plus tard dans ma décision en examinant le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30(i).

Décision de l’examinateur

[59]           Le Requérant soutient que la Marque a été examinée et autorisée par la section de l’Examen du Bureau des marques de commerce en ce qui concerne, entre autres, la marque déposée de l’Opposant. Le Requérant soutient que la décision de l’examinateur est acceptable et mérite qu’on lui accorde de l’importance. Toutefois, une décision de la section de l’Examen du Bureau des marques de commerce n’est pas contraignante et n’a pas valeur de précédent pour cette Commission puisque la section de l’Examen ne dispose pas de la preuve déposée par les parties dans une procédure d’opposition. En outre, le fardeau de preuve qui incombe à un requérant diffère selon que la demande est au stade de l’examen ou au stade de l’opposition. En conséquence, je ne suis pas disposée à accorder du poids à cette circonstance de l’espèce dans la présente procédure.

Recherche avec Google

[60]                Comme autre circonstance de l’espèce, je remarque que M. Saccomanno joint à titre de pièce K à son affidavit des imprimés de l’Internet obtenus avec le moteur de recherche Google, qui montrent qu’une recherche de « litron dimmer » [gradateur litron] a proposé « Lutron dimmers » [gradateurs Lutron]. Cependant, comme l’a souligné le Requérant, la recherche montre en fait des résultats pour « Lutron dimmers ». L’auteur de la recherche a eu l’option de cliquer sur « search instead for Litron Dimmer » [rechercher plutôt Litron Dimmers] ce qui n’a pas été fait. En outre, comme le Requérant ne demande pas l’enregistrement de la Marque pour des gradateurs per se, et que rien ne démontre que le Requérant fabrique des gradateurs, je suis d’accord avec le Requérant sur le fait qu’il n’y a aucune valeur probante à effectuer une recherche pour « Litron dimmers ». En conséquence, je ne suis pas disposée à accorder du poids à cette circonstance de l’espèce.

Conclusion concernant la probabilité de confusion

[61]           Comme il a été mentionné précédemment, il s’agit de savoir si un consommateur, qui a un souvenir général, mais vague, de la marque de commerce LUTRON de l’Opposant, pourrait croire, à la vue de la Marque, que les marchandises et/ou services associés à chacune des marques proviennent d’une seule et même source. J’estime que c’est le cas.

[62]           Comme le démontre le témoignage non contesté de M. Saccomanno, l’Opposant est un fabricant pionnier mondial de systèmes de contrôle de l’éclairage. C’est une entreprise bien établie dans le domaine des systèmes de contrôle de l’éclairage et des produits d’éclairage, y compris au Canada. Les Produits Lutron sont vendus au Canada depuis plus de 40 ans; il s’agissait au début de gradateurs et de commutateurs, puis la gamme s’est diversifiée au fil des années pour inclure divers autres produits reliés à l’éclairage. S’il est vrai qu’il existe des différences entre la nature exacte des marchandises du Requérant visées par la demande et les marchandises couvertes par l’enregistrement de l’Opposant, il n’en demeure pas moins que toutes ces marchandises sont des produits reliés à l’éclairage, qu’elles sont complémentaires et peuvent emprunter les mêmes voies commerciales, comme en témoigne le fait que le Requérant lui-même a acheté les Produits Lutron de l’Opposant. En outre, on peut considérer que les marchandises du Requérant visées par la demande représentent une extension naturelle des marchandises enregistrées de l’Opposant, comme le démontre l’affidavit de M Saccomanno. Ces circonstances et les ressemblances frappantes qui existent entre les marques de commerce en cause font pencher la prépondérance des probabilités en faveur de l’Opposant. En conséquence, le motif d'opposition fondé sur la non-enregistrabilité est retenu.

[63]           J’aimerais ajouter que, même si j’avais accordé plus de poids aux différences qui existent entre les marchandises et services du Requérant visés par la demande et les marchandises enregistrées de l’Opposant, j’aurais conclu que la prépondérance des probabilités ne favorise aucune des deux parties. Comme il incombe au Requérant de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion quant à la source des marchandises et/ou services des parties dans l’esprit du consommateur, ma conclusion n’aurait pas été en faveur du Requérant.

Motifs d’opposition fondés sur l’article 30

[64]           L’Opposant a invoqué deux motifs d’opposition fondés sur l’article 30 de la Loi, nommément que :

  • la demande n’est pas conforme aux termes des paragraphes 30(b) et (e) de la Loi, du fait qu’elle n’indique pas la date à laquelle le Requérant a employé la Marque en liaison avec les marchandises et services visés par la demande et, de plus, la Marque n’est pas une marque de commerce projetée puisque le Requérant avait déjà commencé d'employer la Marque avant la date de dépôt de la demande comme le démontre le fait que la société du Requérant a été enregistrée le 10 août 2009, et la Marque apparaît dans le nom commercial du Requérant; et
  • la demande n’est pas conforme aux dispositions de l’alinéa 30(i) de la Loi, du fait que le Requérant n’a pu être convaincu de son droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les marchandises et services indiqués dans la demande, puisqu’à la date de dépôt de sa demande, il savait que l’Opposant avait déjà adopté et employé les marques de commerce LUTRON et LUTRON & Dessin couvrant des marchandises reliées à l’éclairage.

[65]           Chacun de ces motifs peut être sommairement rejeté comme suit :

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30(b) et (e)

[66]         S’appuyant sur l’affidavit de M. Penney, l’Opposant fait valoir qu’il a présenté une preuve suffisante permettant de conclure que la Marque avait été employée par le Requérant avant la date de dépôt de sa demande d’emploi projeté. Plus particulièrement, M. Penney joint à son affidavit les pièces suivantes :

  • Pièce A : le profil d’entreprise du Requérant, trouvé à la suite de sa recherche dans la base de données d’Industrie Canada des sociétés constituées sous le régime fédéral, montrant que la société du Requérant a été constituée le 10 août 2009; et
  • Pièce B : les informations WHOIS pour le site Web www.litroncanada.ca du Requérant montrant que ce nom de domaine a été enregistré le 19 octobre 2009.

[67]       Toutefois, le simple enregistrement d’un nom de société ne constitue pas l’emploi d’une marque de commerce au sens de l’article 4 de la Loi [voir Schwalb c. Godbout (1987), 15 C.P.R. (3d) 532 COMC]. Il en va de même pour le simple enregistrement d’un nom de domaine [voir Sun Media Corporation c. The Montreal Sun (Journal Anglophone) Inc, 2011 COMC 15]. Ainsi, j’estime que l’Opposant ne s’est pas acquitté du fardeau de preuve initial de mettre en doute le bien-fondé des revendications énoncées dans la demande d’emploi projeté du Requérant.

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30(i)

[68]           Lorsqu’un requérant fournit la déclaration exigée par l’alinéa 30(i), le motif fondé sur cet alinéa ne devrait être retenu que dans des cas exceptionnels, comme lorsque la preuve permet d’établir la mauvaise foi du requérant [voir Sapodilla Co Ltd c. Bristol-Myers Co (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (COMC)]. Dans le cas présent, aucune preuve n’a été présentée à cet égard.

[69]           Le simple fait que le Requérant a pu être informé de l’existence de la marque de commerce LUTRON de l’Opposant au moment du dépôt de la présente demande pour la Marque ne l’empêche pas de faire la déclaration exigée par l’alinéa 30(i) de la Loi. En outre, l’imprimé extrait du site Web du Requérant, joint à titre de pièce J à l’affidavit de M.Saccomanno dans le but de montrer que l’emploi que fait le Requérant d’un « dessin de soleil » en combinaison avec la Marque d’une manière similaire à celle de l’Opposant, est daté du 31 août 2011, soit après la date de dépôt de la demande du Requé, qui est la date pertinente pour examiner un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30(i) [voir Georgia-Pacific Corp c. Scott Paper Ltd (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (COMC)].

Autres motifs d’opposition

[70]           Comme j’ai déjà conclu en faveur de l’Opposant quant au motif d’opposition fondé sur la non-enregistrabilité, j’estime qu’il n’est pas nécessaire d’examiner les motifs d’opposition fondés sur l’absence de droit à l’enregistrement et l’absence de caractère distinctif liés à la probabilité de confusion entre la Marque et les marques de commerce LUTRON et LUTRON & Dessin de l’Opposant ou le nom commercial Lutron Electronics Co., Inc.

Décision

[71]           Compte tenu de ce qui précède et dans l’exercice des pouvoirs qui m'ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je repousse la demande selon les dispositions de l’article 38(8) de la Loi.

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Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Geneviève Dard, trad.a.

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