Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

DANS LAFFAIRE DUNE OPPOSITION de Fashion World, Inc. à la demande no 729,402 concernant la marque de commerce  BIJON SPORT produite par BRAVEK ENTERPRISES INC.

 

 

 

Le 20 mai 1993, la requérante, BRAVEK ENTERPRISES INC., a produit une demande  d’enregistrement de la marque de commerce BIJON SPORT, fondée sur l’emploi projeté de la marque de commerce au Canada en liaison avec [TRADUCTION] « des bijoux de fantaisie et des bijoux à base de métaux précieux. »

 

La présente demande a été annoncée aux fins d’une opposition dans le Journal des marques de commerce du 16 novembre 1994, et l’opposante, Fashion World, Inc., a produit une déclaration d’opposition le 13 avril 1995, dont copie a été envoyée à la requérante le 20 juin 1995.  La requérante a produit et signifié une contre-déclaration en réponse à la déclaration d’opposition, le 20 octobre 1995.  L’opposante a déposé en preuve les affidavits de J. Stephen Felice, Tracey L. Pullen, Carol A. Luciani et Robert W. White, alors que la requérante a produit l’affidavit de Brahm Hauer. M. J. Stephen Felice a été contre-interrogé relativement à son affidavit, la transcription du contre-interrogatoire faisant partie du dossier d’opposition.  Aucune des parties n’a déposé d’argumentation écrite ni n’a demandé d’audition.

 

Les motifs invoqués par l’opposante dans sa déclaration d’opposition sont les suivants :

a)   La présente demande n’est pas conforme aux dispositions de l’alinéa 30i) de la Loi sur les marques de commerce en ce que la requérante n’aurait pas été en mesure de faire régulièrement la déclaration d’admissibilité requise.  La requérante et l’opposante exploitent leurs entreprises dans les mêmes secteurs généraux d’activité, à savoir l’industrie de la mode, laquelle industrie comprend les bijoux, les produits cosmétiques, les vêtements et autres marchandises de ce genre.  L’opposante a employé sa marque de commerce BIJAN au Canada pendant plus de 10 ans en liaison avec des parfums, des bijoux et autres marchandises, et en raison de son utilisation et de sa promotion étendues, la marque de commerce BIJAN est devenue bien connue de son marché cible, et est particulièrement bien connue des autres acteurs de l’industrie de la mode.  L’opposante allègue qu’avant la date de production de la présente demande, la requérante avait pleinement conscience des droits antérieurs de l’opposante dans et sur la marque de commerce BIJAN, jusque-là employée et déposée en liaison avec des marchandises identiques.

 

b)   La marque de commerce visée par la demande n’est pas enregistrable compte tenu de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur les marques de commerce en ce que la marque de la requérante crée de la confusion avec les marques suivantes de l’opposante :


Marque de commerce                                          Enregistrement no                                                   Marchandises

 

BIJAN                                                               397,706                                                                              [TRADUCTION] Bijoux. Parfums.

 

BIJAN Design                                            397,959                                                                              [TRADUCTION] Parfums.

 

BIJAN                                                               338,791                                                                              [TRADUCTION] Bijoux de fantaisie; produits cosmétiques, à savoir des parfums, des crèmes et lotions pour le visage et les mains, des déodorants; des accessoires mode, à savoir des sacs à cosmétiques.

 

c)   La requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la marque de commerce BIJON SPORT en ce que, à la date de production de la présente demande, la marque de la requérante créait de la confusion avec la marque de commerce BIJAN de l’opposante, jusque-là employée et déposée en liaison avec le même genre de marchandises.

 

d) La marque de commerce visée par la demande n’est pas distinctive des marchandises de la requérante, pas plus qu’elle n’est adaptée à les distinguer, et qu’elle ne réussit non plus à distinguer les marchandises de la requérante de celles d’autres propriétaires, et particulièrement de celles de l’opposante.

 

 


Le premier motif d’opposition est fondé sur l’alinéa 30i) de la Loi sur les marques de commerceMême si cest à la requérante quincombe le fardeau de prouver que sa demande est conforme aux dispositions de l'article 30 de la Loi, il appartient d’abord à l’opposante de fournir une preuve suffisante et admissible qui, si elle est crue, appuierait ses allégations en ce qui concerne le motif fondé sur l’alinéa 30i) [voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd. et al c. Seagram Real Estate Ltd., 3 C.P.R. (3d) 325, aux pages 329 et 330].  Dans la présente affaire, l’opposante n’a fourni aucune preuve démontrant que la requérante ne pouvait être convaincue qu’elle avait le droit d’employer sa marque de commerce BIJON SPORT au Canada puisquelle considérait, notamment, que sa marque de commerce ne créait pas de confusion avec les marques de commerce de lopposante.  De plus, dans la mesure où le motif fondé sur lalinéa 30i) fait lobjet dallégations exposées dans les autres motifs dopposition, ce motif d'opposition ne sera retenu que sil est statué que la marque de commerce de la requérante nest ni enregistrable ni distinctive, ou que la requérante nest pas la personne ayant droit à lenregistrement de la marque de commerce BIJON SPORT, tel quallégué dans ces motifs [voir Consumer Distributing Co. Ltd. c. Toy World Ltd., 30 C.P.R. (3d) 191, à la page 195, et Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol-Myers Co., 15 C.P.R. (2d) 152, à la page 155].  J'examinerai donc les autres motifs d'opposition.

 

Le deuxième motif d’opposition est fondé sur l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur les marques de commerce, l’opposante alléguant que la marque BIJON SPORT de la requérante n’est pas enregistrable en ce qu’elle crée de la confusion avec ses marques de commerce déposées mentionnées ci-dessus.  Il incombe à la requérante d’établir qu’il n’y a aucune probabilité raisonnable de confusion entre sa marque BIJON SPORT et les marques déposées de l’opposante à la date de la décision, soit la date pertinente pour ce qui est du motif fondé sur l'alinéa 12(1)d) [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et Le Registraire des marques de commerce, 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)].  De plus, pour déterminer la probabilité raisonnable de confusion entre la marque BIJON SPORT de la requérante et l’une, ou plusieurs, des marques déposées de l’opposante, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, notamment celles énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi sur les marques de commerce.

 

En ce qui concerne d’abord le caractère distinctif inhérent de la marque de commerce en cause [al. 6(5)a)], la marque BIJON SPORT de la requérante, lorsqu’elle est considérée dans son ensemble et appliquée aux marchandises visées dans la présente demande, possède un caractère distinctif inhérent.  De plus, la marque de commerce BIJAN de l’opposante possède un certain degré de caractère distinctif inhérent puisqu’il ressort de la preuve que le mot Bijan a le sens d’un prénom, le fondateur de l’opposante se nommant Bijan Pakzad.

 

Pour ce qui est de la  mesure dans laquelle les marques de commerce en cause sont devenues connues [al. 6(5)a)] et de la période pendant laquelle les marques ont été en usage [al. 6(5)b)], la requérante a déposé l’affidavit de son président, M. Brahm Hauer, qui déclare que la requérante a commencé à employer sa marque de commerce BIJON SPORT au Canada en 1993, et que depuis, la requérante a distribué, par le biais d’un réseau de vendeurs, de 75 000 à 100 000 paires de boucles d’oreilles en liaison avec sa marque.  Selon M. Hauer, les vendeurs de la requérante consignent les  bijoux de fantaisie de la requérante dans des commerces indépendants, dont des salons, des boutiques, des salons de bronzage et des pharmacies.


Dans son affidavit, M. J. Stephen Felice, conseiller de l’opposante, déclare que cette dernière vend des produits BIJAN au Canada depuis 1990, et a fourni les chiffres de ses ventes annuelles en gros pour les années 1990 à 1994 inclusivement, le total durant cette période excédant 1 250 000 $. De plus, M. Felice a fourni la preuve de la publicité et de la promotion de son parfum, de son eau de parfum, de son eau de toilette, de sa lotion après-rasage et de ses produits pour le bain et le corps BIJAN faites dans des publications qui paraissent au Canada.  Par conséquent, je suis d’avis que tant la mesure dans laquelle les marques de commerce en cause sont devenues connues, que la  période pendant laquelle les marques ont été en usage, favorisent l’opposante.  Je noterais, cependant, que la preuve de l’opposante n’établit pas que cette dernière a utilisé sa marque de commerce BIJAN au Canada en liaison avec des bijoux.  À cet égard, je ne crois pas que le consommateur moyen considérerait les « pendentifs parfumés » de l’opposante comme étant des bijoux.

 

Quant au genre des marchandises des parties [al. 6(5)c)] et à la nature du commerce associé à leurs marchandises respectives [al. 6(5)d)], il faut examiner létat déclaratif des marchandises de la requérante et les états déclaratifs des marchandises visées par les enregistrements de lopposante pour évaluer la probabilité de confusion en ce qui concerne le motif fondé sur lalinéa 12(1)d) [voir Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd., 19 C.P.R.(3d) 3, aux pages 10 et 11 (C.A.F); Henkel Kommanditgesellschaft c. Super Dragon, 12 C.P.R.(3d) 110, à la page 112 (C.F. 1ère inst.); et  Miss Universe, Inc. c. Dale Bohna, 58 C.P.R.(3d) 38,1 aux pages 390 à 392 (C.A F.)].  À cet égard, les « bijoux de fantaisie et les bijoux à base de métaux précieux » de la requérante et les  « bijoux de fantaisie » visés par l’enregistrement no 338,791 se recoupent.  De plus, on pourrait s’attendre à un recoupement possible des voies commerciales respectives des parties en ce qui concerne les bijoux de fantaisie visés par la présente demande et ceux visés par l’enregistrement no 338,791. 

 


M. Brahm Hauer affirme dans son affidavit que les bijoux de fantaisie de la requérante sont vendus dans des comptoirs de magasins ou dans de petits kiosques situés dans des magasins ou des centres commerciaux, alors que les parfums et les produits pour le corps de l’opposante sont vendus dans des établissements haut de gamme de vente au détail.  Cependant, en l’absence de  restriction dans l’état déclaratif des marchandises inclus dans l’enregistrement de l’opposante en ce qui concerne les voies commerciales associées à ses marchandises, le registraire ne peut, dans son examen de la question de la confusion, considérer le fait que l’opposante n’aurait à ce jour vendu ses marchandises que par le biais de points de vente au détail particuliers [voir Henkel Kommanditgesellschaft Auf Aktien c. Super Dragon Import Export Inc., précitée].  De plus, dans Pernod Ricard c. Molson Breweries, 44 C.P.R. (3d) 359, à la page 368, le juge Denault a fait le commentaire suivant :

Les tribunaux ont jugé quen tentant détablir une probabilité de confusion, il nétait pas nécessaire de prouver que les marchandises des deux  parties sont vendues dans les mêmes points de vente, pourvu que cette possibilité soffre aux parties (Cartier Men's Shops Ltd. v. Cartier Inc. (1981), 58 C.P.R. (2d) 68, à la page 73 (C.F. 1ère inst.);  Eminence SA v. Registrar of Trade Marks (1977), 39 C.P.R. (2d) 40, à la page 43 (C.F. 1ère inst.).  En lespèce, les marchandises des deux parties relèvent de la même industrie et, à ce titre, il est fort possible quelles soient offertes aux consommateurs dans les mêmes points de vente.  Lappelante a soutenu que même si ses produits étaient vendus dans les mêmes points de vente au détail que ceux de lintimée, ils seraient mis en vente dans des parties distinctes du magasin, et jamais côte à côte.  Encore une fois, je dois souligner que la possibilité existe.

 

Par conséquent, le fait que les produits de lopposante puissent ne pas avoir été vendus à ce jour dans le même genre de point de vente au détail au Canada nest pas très utile à la requérante lorsquon examine la question de la probabilité de confusion en relation avec le motif fondé sur lalinéa 12(1)d).

 

Comme autre circonstance pertinente dans l’évaluation de la probabilité de confusion entre les marques de commerce en cause, M. Felice déclare dans son affidavit que l’opposante, suivant la pratique courante dans le domaine de la vente au détail de produits mode et beauté, a inclus un pulvérisateur pour sportifs dans sa gamme de produits parfumés BIJAN, et a annexé à son affidavit, comme pièce C, copies des publicités faites pour le pulvérisateur pour sportifs BIJAN.  En outre, Mme Tracey L. Pullen a fourni dans son affidavit une preuve de l’utilisation des marques de commerce suivantes : POLO SPORT et RALPH LAUREN POLO SPORT WOMAN en liaison avec des articles de toilette variés; les vêtements LIZSPORT, de même que les boucles d’oreilles et les parfums LIZ CLAIBORNE; et les vêtements JONES NEW YORK SPORT et les boucles d’oreilles JONES NEW YORK. 

 


L’affidavit de M. Luciani a introduit en preuve les résultats d’une recherche sur les marques de commerce concernant les marques visant des marchandises de l’industrie de la mode qui ont été ultérieurement produites ou enregistrées de nouveau afin d’inclure le mot SPORT comme élément de la marque.  À l’affidavit de Mme Pullen sont annexés les résultats d’une recherche qu’elle a effectuée dans la base de données informatique du registre des marques de commerce sur les diverses marques connues de l’industrie de la mode, dans le but d’examiner l’historique de chacune de ces marques du point de vue de la diversité.  Les résultats des recherches de Mme Pullen et de M. Luciani ont révélé des enregistrements pour, notamment, les marques POLO SPORT, ESPRIT SPORT Dessin, SUNG SPORT, ALFRED SUNG SPORT & Dessin, MENNEN SPORT, MARINA SPORT, BIANCA SPORT, DANIEL HECHTER SPORT & Dessin et LIZSPORT.  Ainsi, la preuve de l’opposante établit tant l’adoption que l’utilisation de marques de commerce contenant le mot SPORT par les titulaires des diverses marques de commerce de l’industrie de la mode en combinaison avec leurs autres marques. 

 

Compte tenu de ce qui précède, et en particulier du degré de ressemblance existant entre les marques de commerce BIJON SPORT et BIJAN utilisées toutes deux en liaison avec des bijoux de fantaisie, en gardant à l’esprit la faiblesse inhérente du mot SPORT dans l’industrie de la mode et des produits cosmétiques, tout en considérant que la marque de commerce BIJAN de l’opposante est faible en soi et n’a par conséquent pas droit à une protection étendue, je suis d’avis que la requérante ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait de convaincre le registraire qu’il n’y aurait aucune probabilité de confusion entre sa marque de commerce BIJON SPORT et la marque de commerce BIJAN de l’opposante visée par l’enregistrement no 338,791.  Le motif fondé sur l’alinéa 12(1)d) est donc retenu.

 

Par le pouvoir que m’a délégué le registraire des marques de commerce en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi sur les marques de commerce, je repousse la présente demande en application du paragraphe 38(8) de la Loi sur les marques de commerce.

 

Fait à HULL (QUÉBEC), CE   24e       JOUR DU MOIS DE JANVIER 2001.

 

 

 

 

Le président de la

Commission des oppositions des marques de commerce,

G.W. Partington


 

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