Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

AFFAIRE CONCERNANT LOPPOSITION de

Home Hardware Stores Limited

à la demande no 871,254 produite par

Canadian Tire Corporation, Limited

en vue de lenregistrement de la marque

« ARGENT » CANADIAN TIRE

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Le 4 mars 1998, la requérante, Canadian Tire Corporation, Limited, a produit une demande denregistrement de la marque de commerce « ARGENT » CANADIAN TIRE basée sur lemploi au Canada depuis au moins le 1er mars 1995 en liaison avec :

Un programme de primes en espèces destinés aux clients au détail par lémission et léchange de coupons de primes en espèces.

 

Dans sa demande initiale, la requérante a renoncé au droit à lusage exclusif du mot CANADIAN en dehors de la marque.  Toutefois, la Section de lexamen du Bureau des marques de commerce sest objectée et la requérante a été obligée de renoncer également au mot ARGENT au motif que « cela indiquait que les services de la requérante comprenaient lémission et léchange dargent ou de moyen déchange ».

 


La requérante na pas réussi à surmonter lobjection de la Section de lexamen et, sous toute réserve, à présenté une demande révisée dans laquelle elle cédait à lexigence de la renonciation additionnelle.  Aux fins de toute opposition éventuelle, la demande visée aux présentes a été publiée dans le Journal des marques de commerce du 21 juillet 1999 et a fait lobjet dune opposition par Home Hardware Stores Limited le 21 décembre 1999.  Le 18 janvier 2000, une copie de la déclaration dopposition a été transmise à la requérante par le registraire. En réponse, la requérante a produit et signifié une contre-déclaration pour nier globalement les motifs dopposition.  Le 28 novembre 2001, lautorisation de présenter une déclaration dopposition modifiée a été accordée à lopposante.

 

Les motifs dopposition invoqués sont indiqués ci-dessous :

Alinéa 38(2)b) et d), article 2 et alinéa 30a) et b)

(a) La marque de commerce revendiquée par la demande visée nest pas une marque de commerce valide et nest pas enregistrable aux fins demploi en liaison avec le service revendiqué, pour les motifs suivants :

(i) cest le nom de la marchandise appelée Argent Canadian Tire;

(ii) elle nest pas réellement distinctive ni adaptée pour distinguer le service revendiqué, car cest la marchandise qui est utilisée et connue comme étant lArgent Canadian Tire;

(iii) elle est utilisée seulement comme le nom du coupon matériel remis aux clients de Canadian Tire, qui est lArgent Canadian Tire;

(iv) elle ne convient pas de façon inhérente ni par son emploi en tant que marque pour des services.

 

Alinéa 38(2)a) et alinéa 30a)

(b) La demande nest pas conforme aux exigences de lalinéa 30a) de la Loi.  Plus précisément, la demande ne renferme aucun état, dressé dans les termes ordinaires du commerce, des marchandises ou services spécifiques en liaison avec lesquels la marque a été employée;

 

Alinéa 38(2)a) et alinéa 30b)


(c) La demande nest pas conforme aux exigences de lalinéa 30b) de la Loi.  Plus précisément, la marque de commerce na pas été employée en liaison avec chacune des catégories générales de services décrites dans la demande depuis la date revendiquée dans la demande;

 

Alinéa 38(2)a) et alinéa 30i)

(d) La demande nest pas conforme aux exigences de lalinéa 30i) de la Loi.  Plus précisément, la requérante ne pouvait pas être convaincue quelle a ou avait le droit demployer la marque de commerce « ARGENT » CANADIAN TIRE en liaison avec les services énoncés dans la demande, car la requérante devait savoir que sa marque de commerce :

i) ne donne pas une description claire ou donne une description fausse ou trompeuse de la nature ou de la qualité des services en liaison avec lesquels elle est employée suivant les allégations;

et

ii) nest pas distinctive en ce qu'elle ne distingue pas, ou n'est pas apte à distinguer, les

 

services en liaison avec lesquels elle est employée selon les allégations, des marchandises ou

 

services de ceux d'autres personnes.

 

Alinéa 38(2)b) et Alinéa 12(1)b)


(e) La marque de commerce revendiquée par la demande visée nest pas enregistrable. Lalinéa 12(1)(b) de la Loi interdit lenregistrement dune marque de commerce qui ne donne pas une description claire ou donne une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée selon les allégations.  La marque de commerce « ARGENT » CANADIAN TIRE nest pas enregistrable, car elle ne donne pas une description claire ou donne une description fausse ou trompeuse de la nature ou de la qualité des services en liaison avec lesquels elle est employée selon les allégations.

 

Alinéa 38 (2)b), alinéa 12(1)e) et article 10

(f) Lalinéa 12(1)e) de la Loi interdit lenregistrement, notamment dune marque dont larticle 10 de la Loi interdit ladoption.  La marque de commerce « ARGENT » CANADIAN TIRE nest pas enregistrable, car cest une marque dont ladoption est interdit par larticle 10 de la Loi.  Sans limiter la portée générale de ce qui précède, les mots « ARGENT » CANADIAN TIRE seuls et ensemble sont reconnus, selon lusage commercial habituel et de bonne foi, au Canada comme désignant le genre, la qualité, la valeur ou le lieu dorigine des services visés par la demande au Canada.  De plus, lutilisation de ces mots à titre de marque de commerce serait trompeuse.

 

Alinéa 38(2)d) et article 2

(g) La marque de commerce revendiquée par la demande visée nest pas distinctive.  Larticle 2 de la Loi prévoit quune marque « distinctive » est celle qui distingue véritablement les marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée par son propriétaire, des marchandises ou services dautres propriétaires, ou qui est adaptée à les distinguer ainsi.  Lopposante fait valoir que la marque de commerce « ARGENT » CANADIAN TIRE nest pas et ne peut pas être distinctive des services de la requérante, tels que ceux-ci sont décrits dans la demande visée, et nest pas adaptée pour distinguer les services de la requérante des services des autres.

 


Lélément de preuve de lopposante consiste en laffidavit de Tonia R. Pedro, stagiaire en droit auprès du cabinet représentant lopposante.  Les éléments de preuve de la requérante consistent en les affidavits suivants : celui de M. Eymbert Vaandering, dirigeant la société requérante; celui de Mme Lorraine Devitt, stagiaire en droit auprès du cabinet représentant la requérante; et celui de Mme Christine Walo, secrétaire.  Les deux parties ont présenté des arguments écrits et étaient représentées à laudition orale.

 


Laffidavit de M. Vaandering produit en preuve peut se résumer de la façon suivante.  Lopposante vend des produits, qui sont fabriqués selon ses spécifications, à des magasins Canadian Tire associés qui sont exploités par des propriétaires indépendants.  Les stations-services Canadian Tire sont situés près des magasins de détail Canadian Tire.  Lopposante a commencé un programme de coupons de primes en espèces échangeables dans les stations-services au cours des années 1950 et a étendu le programme à ses magasins de détail dans les années 1960.  Le programme consiste à accorder des « primes en espèces » correspondant à un pourcentage prédéterminé applicable sur le prix des marchandises achetées dans les magasins Canadian Tire; en dautres termes, la valeur nominale du coupon reflète la valeur de celui-ci au moment où il est échangé lors de lachat de marchandises dans les magasins Canadian Tire.  À partir de 1994 et au cours de 1995, le programme a été étendu à léchelle nationale, et les coupons étaient émis et échangeables à tous les magasins Canadian Tire partout au Canada.  Le public réfère aux coupons comme étant l « argent » Canadian Tire.  Depuis 1996, des coupons ayant une valeur nominale de plus de 80 millions de dollars ont été émis chaque année.  Les dépenses annuelles de publicité pour le programme descompte sous forme de coupons sont passées de 1,5 million de dollars en 1996 pour atteindre 2,5 millions en 2000.  Plus de 60 % des Canadiens magasinent dans un magasin Canadian Tire sur une base mensuelle, et 85 % de la population canadienne vit à moins de 15 minutes en auto dun magasin Canadian Tire.  En 1970, les ventes de lopposante se chiffraient à plus de 200 millions de dollars et, depuis, les ventes ont continué daugmenter pour atteindre 5,2 billions de dollars en 2000.

 

Conformément aux règles de preuve habituelles, lopposante a le fardeau de la preuve détablir les faits inhérents en ce qui concerne les allégations relatives à chaque motif dopposition.  Ce fardeau de la preuve pour lopposante en ce qui concerne un point particulier signifie que ledit point particulier ne sera examiné que si l'opposante produit une preuve admissible suffisante à partir de laquelle on peut raisonnablement conclure à la véracité des faits allégués à l'appui de ce point : voir Joseph E. Seagram & Sons v. Seagram Real Estate Ltd. (1984), 3 C.P.R.(3d) 325 à la p. 329‑30 (COMC), et voir John Labatt Ltd. v. Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R.(3d) 293 aux pp. 297‑300 (C.F. 1re inst.).

 

En ce qui concerne le premier motif dopposition visé en (a) ci-dessus, les allégations invoquées font simplement répétées les allégations soulevées dans le cadre des autres motifs dopposition, lesquels sont analysés ci-dessous.

 


En ce qui concerne le deuxième motif dopposition visée en (b) ci-dessus, la date pertinente pour évaluer la conformité à larticle 30 est la date du dépôt de la demande, en lespèce le 4 mars 1998 : voir, par exemple, Style-Kraft Sportswear Ltd. v. One Step Beyond Ltd. (1993) 51 C.P.R.(3d) 271.  Lopposante na produit aucun élément de preuve pour établir que la requérante a fait défaut de décrire son service en termes ordinaires du commerce.  Lopposante sest plutôt fondée sur Kraft Ltd. v. Registrar of Trade Marks (1984), 1 C.P.R. (3d) 457 pour faire valoir que la requérante offre une marchandise sous la marque visée par la demande, cest-à-dire le coupon lui-même, plutôt quun service.  Je conviens avec lopposante que les éléments de preuve produits en lespèce appuient la proposition voulant que lexpression ARGENT CANADIAN TIRE est employée par le public pour désigner les coupons échangeables de la requérante.  Toutefois, je ne vois pas pourquoi lexpression « ARGENT » CANADIAN TIRE ne peut être également employée comme marque de commerce pour désigner le programme de coupons descompte de la requérante.  À cet égard, laffaire Kraft ci-dessus donne une grande latitude à ce quune personne peut fournir comme service, à la page 461:

 

La première condition dune marque de commerce qui se rapporte à des services est donc quelle « distingue ... des services ... exécutés par [une personne] de services ... exécutés par dautres...». Cest par cette définition que la Loi vient sappliquer aux marques de commerce relatives à des services. À mon avis, rien dans cette définition ne suppose que les « services » à légard desquels est établie une marque de commerce se limitent à ceux qui ne sont pas « accessoires » à la vente de biens. Kraft a fait valoir quelle offre un service en ce quelle distribue en grande quantité et au hasard des bons de réduction à des consommateurs qui, grâce à ces bons, peuvent se procurer ses produits à un prix réduit. Je ne vois pas de raison de dire quil ne sagit pas dun service et je ne trouve rien dans la Loi qui oblige le registraire à rejeter la définition que donne Kraft de ses services : « offrir des programmes de bons de réduction relativement à une gamme de produits alimentaires ».

(cest moi qui souligne)

 

Le succès du programme déchange de coupons de la requérante a évidemment contribué à la désignation du coupon lui-même comme étant l’« Argent Canadian Tire ».  De toute façon, bien quil puisse peut-être y avoir une expression plus juste que « primes en espèces » pour décrire le programme de coupons descompte de la requérante, à mon avis la description du service spécifié dans la demande visée suffit pour se conformer à lalinéa 30a) de la Loi sur les marques de commerce.  Ainsi le deuxième motif dopposition est rejeté.


En ce qui concerne le troisième motif dopposition visé en (c) ci-dessus, lopposante na produit aucun élément de preuve pour appuyer sa prétention voulant que la marque visée par la demande na pas été employée depuis au moins le 1er mars 1995, tel que revendiqué dans la demande visée.  De plus, le paragraphe 11 de laffidavit de M. Vaandering établit lemploi de la marque visée par la demande, tel que revendiqué par la requérante. Ainsi le troisième motif dopposition est rejeté.

 


En ce qui concerne le premier élément du quatrième motif dopposition visé en d(i) ci-dessus, lopposante signale que pour que la description dune marque de commerce soit jugée fausse et trompeuse, elle doit dabord donner une description qui suggère que les marchandises ou services sont ce quils ne sont pas : voir Atlantic Promotions Inc. v. Registrar of Trade-marks (1984) 2 C.P.R. (3d) 183 (F.C.T.D.).  Une marque fausse et trompeuse est une marque qui induit en erreur  le public en ce qui concerne la nature ou la qualité des marchandises ou services.  Lopposante fait valoir que (1) les mots ARGENT CANADIAN TIRE « . . . indique clairement la nature de ces services, notamment que Canadian Tire distribue ce quelle appelle de lArgent Canadian Tire dans le cadre de son programme en espèces » et (2) que les coupons ne sont pas en réalité fait de l’« argent » au sens traditionnel : voir le paragraphe 48 des arguments écrits de lopposante.  Je conviens avec lopposante que les coupons de la requérante ne sont pas de largent, cest-à-dire que ce nest pas un moyen déchange accepté commun en circulation.  Je ne suis pas daccord que le public serait amené à croire que le programme descompte de la requérante offre de largent.  À mon avis, lexpression « ARGENT » CANADIAN TIRE est une expression fantaisie qui désigne les bons descompte de la requérante et qui désigne le programme descompte de la requérante pour les clients qui paient en espèces.  En labsence de tout élément de preuve appuyant largument de lopposante voulant que les consommateurs croiraient que les coupons de la requérante représentent de largent réel, je ne vois aucun fondement, à la date pertinente, aux allégations de lopposante voulant que la marque visée par la demande ne donne pas une description claire ou donne une description fausse ou trompeuse des services de la requérante.

 

Selon le deuxième élément du quatrième motif dopposition visé en d(ii) ci-dessus et le dernier motif dopposition visé en (g) ci-dessus, la marque « ARGENT » CANADIAN TIRE visée par la demande nest pas distinctive des services de la requérante.  Dans les arguments écrits de lopposante, lallégation dabsence de caractère distinctif est basée sur la prémisse voulant que la marque de la requérante désigne une marchandise plutôt quun service, et que lexpression Argent Canadian Tire ne donne pas une description claire du coupon descompte de la requérante. Comme je lai indiqué auparavant, je ne vois pas pourquoi la marque visée par la demande ne peut être également employée pour désigner à la fois le coupon descompte et le programme descompte.  Il est tautologique quil soit nécessaire quun programme soit en place pour appliquer lescompte offert à la face même du coupon.  Je ne pense pas non plus que lexpression Argent Canadian Tire donne une description claire du programme descompte de la requérante à toute date pertinente.  Au mieux, lexpression «ARGENT» CANADIAN TIRE, lorsquelle est employée en liaison avec un programme de coupons, suggère quelque chose qui donne droit aux consommateurs de réaliser des économies lorsquils magasinent dans un magasin Canadian Tire.  Ainsi le deuxième élément du quatrième motif est rejeté.

 


Selon le cinquième motif dopposition visé en (e) ci-dessus, la marque visée par la demande nest pas enregistrable parce quelle ne donne pas une description claire ou donne une description fausse ou trompeuse des services de la requérante.  Pour les motifs énoncés ci-dessus, je conclus que la marque donne une description claire ou ne donne pas une description fausse ou trompeuse du programme de coupons de la requérante à toute date pertinente.

 

Lopposante na produit aucun élément de preuve pour appuyer le sixième motif dopposition visé en (f) ci-dessus.  Étant donné que lopposante ne sest pas acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombait, le sixième motif dopposition est rejeté.


 

Compte tenu de ce qui précède, lopposition de lopposante est rejetée.

 

FAIT À GATINEAU, QUÉBEC, CE 21e JOUR DE JANVIER 2004.

 

Myer Herzig,

Membre,

Commission des oppositions des marques de commerce

 

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