Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2015 COMC 225

Date de la décision : 2015-12-21

[TRADUCTION CERTIFIÉE,
NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45

 

 

Method Law Professional Corporation

Partie requérante

et

 

The Black & Decker Corporation

Propriétaire inscrite

 

LMC330,222 pour la marque de commerce PIRANHA

Enregistrement

[1]               Le 3 avril 2014, à la demande de Method Law Professional Corporation (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) à The Black & Decker Corporation (la Propriétaire), la propriétaire inscrite de l’enregistrement no LMC330,222 de la marque de commerce PIRANHA (la Marque).

[2]               La Marque est enregistrée pour emploi en liaison avec les produits suivants : [Traduction] « (1) Lames de scie pour scies électriques. (2) Lames de scie circulaire. »

[3]               L’avis exigeait que la Propriétaire fournisse une preuve établissant que la Marque a été employée au Canada en liaison avec chacun des produits spécifiés dans l’enregistrement à un moment quelconque entre le 3 avril 2011 et le 3 avril 2014. Si la Marque n'avait pas été ainsi employée, la Propriétaire devait fournir une preuve établissant la date à laquelle la Marque a été employée en dernier lieu et les raisons de son défaut d'emploi depuis cette date.

[4]               La définition pertinente d'« emploi » en liaison avec des produits est énoncée à l'article 4(1) de la Loi, qui est ainsi libellé :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les colis dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu'avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[5]               Il est bien établi que de simples allégations d'emploi ne sont pas suffisantes pour établir l'emploi dans le contexte de la procédure prévue à l'article 45 [Plough (Canada) Ltd c Aerosol Fillers Inc (1980), 53 CPR (2d) 62 (CAF)]. Bien que le niveau de preuve requis pour établir l’emploi dans le cadre de cette procédure soit peu élevé [Woods Canada Ltd c Lang Michener (1996), 71 CPR (3d) 477 (CF 1re inst.)] et qu’il ne soit pas nécessaire de produire une surabondance d’éléments de preuve [Union Electric Supply Co c le Registraire des marques de commerce (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF 1re inst.)], il n’en faut pas moins présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec chacun des produits spécifiés dans l’enregistrement au cours de la période pertinente.

[6]               En réponse à l'avis du registraire, la Propriétaire a produit l'affidavit de Greg C. Weston, souscrit le 3 juin 2014 à Mississauga, en Ontario. Les deux parties ont produit des représentations écrites et étaient représentées à l'audience qui a été tenue conjointement avec les audiences relatives aux procédures de radiation sommaires engagées à l'égard de deux autres enregistrements appartenant à la Propriétaire. Une décision distincte sera rendue relativement à ces autres procédures, qui concernent les enregistrements nos LMC330,223 et LMC452,371.

La preuve de la Propriétaire

[7]               Dans son affidavit, M. Weston atteste qu’il est un directeur du marketing commercial de Stanley Black & Decker Canada Corporation (SBD Canada). M. Weston affirme que SBD Canada a été formée par la fusion de l’ancienne Black & Decker Canada Inc. et de l’ancienne Stanley Canada Corporation. Il explique que SBD Canada et la Propriétaire sont toutes deux des filiales de Stanley Black & Decker, Inc., qui, atteste-t-il, est [Traduction] « un fournisseur mondial diversifié d’outils manuels, d’outils électriques et d’accessoires connexes ».

[8]               M. Weston atteste que SBD Canada est autorisée en vertu d'une licence octroyée par la Propriétaire à employer la Marque au Canada. Il atteste également qu’en vertu de cette licence, les lames de scie de marque PIRANHA sont fabriquées conformément aux spécifications établies ou approuvées par la Propriétaire et que des contrôles de la qualité ont lieu durant la fabrication des lames de scie pour s’assurer que les spécifications sont respectées. De même, M. Weston atteste que la façon d’employer la marque de commerce est également assujettie aux spécifications établies par la Propriétaire. À cet égard, il atteste que la Marque occupait une place importante sur le devant de chaque lame de scie et sur son emballage.

[9]               Par conséquent, M. Weston affirme que la Marque a été [Traduction] « employée par la Propriétaire elle-même et/ou par ses licenciées, dans la pratique normale du commerce, au Canada », en liaison avec les produits visés par l’enregistrement. En particulier, il atteste que la Marque était [Traduction] « employée par la Propriétaire et/ou ... SBD Canada, dans la pratique normale du commerce au Canada, en liaison avec des lames de scie circulaire B&D ». De même, il atteste que [Traduction] « SBD Canada vend également... et a vendu au Canada pendant toute la durée de [la période pertinente], des lames de scie sauteuse pour scies électriques sous la Marque PIRANHA® ».

[10]           M. Weston atteste que la pratique normale du commerce des [Traduction] « lames de scie circulaire » et des « lames de scie pour scies électriques » de marque PIRANHA implique de vendre ces dernières à des distributeurs indépendants à travers le Canada comme Home Depot, Lowes, Walmart et Rona. Il atteste que les lames de scie de marque PIRANHA sont également annoncées et vendues en ligne au Canada. M. Weston souligne que toutes les lames de scie circulaire de marque PIRANHA qui sont vendues sont destinées à être utilisées dans des scies électriques.

[11]           En ce qui concerne le transfert dans la pratique normale du commerce, M. Weston fournit les chiffres des ventes ayant trait aux [Traduction] « lames de scie circulaire et lames de scie pour scies électriques de marque PIRANHA® » qui ont été vendues au Canada au cours de la période pertinente. Par exemple, en ce qui concerne l’année 2013, il atteste qu’il y a eu 9 758 [Traduction] « unités vendues », avec des recettes de ventes d’environ 54 000 $. Je souligne que M. Weston ne fait pas de distinction concernant le nombre de [Traduction] « lames de scie circulaire » et de « lames de scie pour scies électriques » dans le nombre total d'unités vendues.

[12]           À l'appui de son allégation d'emploi, M. Weston a joint les pièces suivantes à son affidavit :

         La pièce B est constituée d’une lame de scie circulaire de marque PIRANHA et de son emballage. L’emballage arbore les numéros de produit « 67-757 » et « 77-757 ». Comme le montre l'image ci-dessous, « PIRANHA® » figure bien en vue sous « BLACK&DECKER® » sur la surface plane de la lame. M. Weston atteste que cette image montre la façon dont la Marque figurait bien en vue sur les lames de scie circulaire vendues au Canada au cours de la période pertinente :

         Les pièces C et D sont constituées de photographies représentatives montrant des jeux de lames de scie sauteuse de marque PIRANHA et leur emballage, ainsi que de photographies de lames individuelles comprises dans ces jeux. Je souligne que l’emballage arbore les numéros de produit « BDA28160C » et « BDA28170C ». M. Weston atteste que chaque lame de ces jeux arbore la Marque. Comme le montre l'image ci-dessous, le mot PIRANHA figure sur le côté des lames et est accompagné d'un piranha stylisé :

         Les pièces E et F sont constituées de spécimens de listes de prix de SBD Canada, datés du 1er janvier 2014 et du 1er janvier 2011, respectivement. M. Weston ne fait aucune déclaration concernant la distribution de ces listes de prix. Cependant, les deux listes de prix font référence à un certain nombre de [Traduction] « lames de scie circulaire PIRANHA® » qui correspondent à la lame de scie circulaire en pièce B et sont identifiées par des numéros de produit commençant par « 67 » ou « 77 ». Les deux listes de prix font également référence à un certain nombre de [Traduction] « lames de scie sauteuse » identifiées par des numéros de produit commençant par « 75 ». Je souligne, cependant, que PIRANHA ne figure pas dans la description des lames de scie sauteuse, alors qu'il figure dans la description des lames de scie circulaire. Je souligne également que les numéros de produit « BDA » des lames de scie sauteuse de marque PIRANHA présentées en pièces C et D ne figurent pas sur ces listes de prix.

         La pièce G est constituée de 11 factures représentatives qui, atteste M. Weston, font état de ventes de [Traduction] « lames de scie circulaire » et de « lames de scie pour scies électriques » à des distributeurs indépendants autorisés situés au Canada. Je souligne que les sept factures datant de la période pertinente indiquent des ventes des produits « Piranha Circ Saw », « Piranha Bld Pack 77 » et/ou « Piranha 7 1/4 " 24 T Bulk », qui sont tous identifiés par des numéros de produit commençant par « 67 » ou « 77 ». Même s’il y a une facture ultérieure à la période pertinente qui indique des ventes d’un « Jigsaw Kit » [ensemble de scie sauteuse] portant le numéro de produit « BDA28170C », aucune des sept factures datant de la période pertinente n’indique de numéros de produit correspondant aux lames de scie sauteuse de marque PIRANHA des pièces C et D. Il y a, cependant, une facture datée de la période pertinente qui indique des ventes de produits « 10 PC T-Shank Jig Saw Blade » [lames de scie sauteuse à tige en T, 10 unités] et de « 10 PC U-Shank Jig Saw Blade » [lame de scie sauteuse à tige en U, 10 unités], qui sont identifiés par des numéros de produit commençant par « DW ».

         La pièce H est constituée d’imprimés de pages Web des sites www.amazon.ca et www.walmart.ca proposant des lames de scie de marque PIRANHA offertes en vente. Les produits proposés comprennent diverses lames de scie circulaire et jeux de lames de scie sauteuse semblables à ceux présentés en pièces B, C et D. Comme dans le cas de la lame en pièce B, je souligne que le mot PIRANHA figure bien en vue sur la surface des lames circulaires présentées. M. Weston atteste que ces produits sont vendus par l'intermédiaire de tels sites Web et que les pages Web produites en preuve sont représentatives de celles qui étaient accessibles au Canada au cours de la période pertinente.

         La pièce I décrit une gaine pour bouteille de marque PIRANHA qui, atteste M. Weston, était employée comme élément promotionnel sur des bouteilles d’eau offertes au Canada au cours de la période pertinente. Le mot PIRANHA figure à côté d’un piranha stylisé de la même façon que sur les lames en pièces C et D.

Analyse

[13]           Dans ses représentations écrites, la Partie requérante fait valoir que i) M. Weston n’est pas l'un des dirigeants de son entreprise et par conséquent, ses qualifications pour attester l’emploi de la Marque sont contestables et/ou tiennent du ouï-dire; ii) l’emploi sous licence par SBD Canada ou toute autre entreprise mentionnée par M. Weston dans son affidavit n’est pas appuyé par les factures et les documents présentés; et iii) la Marque n’est pas employée telle qu’elle est enregistrée.

[14]           Cependant, même si la Partie requérante ne l'a pas soulevée, la véritable question en l’espèce est celle de savoir si la Propriétaire a produit une preuve suffisante de transferts dans la pratique normale du commerce au cours de la période pertinente en ce qui concerne à la fois les [Traduction] « lames de scie circulaire » et les « lames de scie pour scies électriques ».

Qualifications du déposant

[15]           Premièrement, en ce qui concerne les « qualifications » du déposant, même si M. Weston n’est pas l'un des dirigeants de la Propriétaire, il atteste clairement que, du fait du poste qu'il occupe et parce qu'il a passé en revue les documents opérationnels pertinents, il a une connaissance directe des questions traitées dans son affidavit. À ce titre, je suis convaincu que son poste lui permet d’être au courant de la pratique normale du commerce de SBD Canada et d’avoir accès aux registres des ventes de la période pertinente.

Octroi de licences

[16]           En ce qui concerne la question de l’octroi de licences, la Partie requérante fait valoir que la description que donne M. Weston de l’accord de licence au paragraphe 4 de son affidavit est contredite par les pièces produites à l'appui. Par exemple, il souligne que les factures en pièce G sont aux noms de « Black & Decker » et « Stanley Black & Decker », plutôt qu’au nom de SBD Canada ou un de ces prédécesseurs. Toutefois, la Partie requérante souligne également que l’affidavit de M. Weston n’indique pas que la société, Stanley Black & Decker, Inc., détient également une licence l'autorisant à employer la Marque. À ce titre, la Partie requérante fait valoir qu’il n’est pas évident si les produits proviennent de SBD Canada ou s’ils proviennent de la Propriétaire.

[17]           La Propriétaire, pour sa part, fait valoir que « Black & Decker » et « Stanley Black & Decker » seraient reconnues comme des dénominations commerciales de Black & Decker Canada Inc., un des prédécesseurs de SBD Canada. La Propriétaire fait valoir que, puisqu’une société formée par la fusion de deux sociétés ou plus est et a toujours été considérée comme la continuation d’une même société, SBD Canada – toute comme l’ancienne Black & Decker Canada Inc. et l’ancienne Stanley Canada Corporation – sont et ont toujours été une même société. Par conséquent, lorsque M. Weston atteste que SBD Canada détient une licence octroyée par la Propriétaire, il fait référence à SBD Canada, avant et après la fusion.

[18]           En effet, la Propriétaire fait valoir que les factures produites en preuve [Traduction] « établissent une chronologie de... la fusion, et par conséquent peuvent à juste titre être associées à la licenciée SBD Canada ». Elle souligne que les factures indiquent des adresses canadiennes pour « Black & Decker » et « Stanley Black & Decker ».

[19]           Quoi qu’il en soit, il est bien établi que les propriétaires de marque de commerce ne sont pas tenus de prouver l’existence d’accords de licence écrits proprement dits dans le cadre d’une procédure de radiation en vertu de l’article 45; une déclaration claire selon laquelle un contrôle est exercé peut être suffisante [voir Gowling, Strathy & Henderson c Samsonite Corp (1996), 66 CPR (3d) 560 (COMC)].

[20]           En l’espèce, M. Weston atteste clairement que SBD Canada détient une licence octroyée par la Propriétaire l'autorisant à employer la Marque et que, en vertu de cette licence, la Propriétaire contrôle les caractéristiques et la qualité des produits visés par l'enregistrement vendus au Canada en liaison avec la Marque. M. Weston indique également les conditions particulières de la licence qui se rapportent aux spécifications de la Propriétaire et aux contrôles de la qualité. À mon avis, l’explication que donne M. Weston de l’accord de licence et la déclaration selon laquelle un contrôle est exercé satisfont à toutes les exigences de l’article 50(1) de la Loi; à ce titre, je suis convaincu que l'emploi de la Marque par SBD Canada qui a été établi peut être attribué à la Propriétaire.

Marque employée telle qu’elle est enregistrée

[21]           En ce qui concerne la question de savoir si la Marque figurait telle qu’elle est enregistrée, premièrement, la Partie requérante fait valoir que la Marque ne figure jamais seule sur les pièces produites, mais toujours avec l'expression « BLACK&DECKER » au-dessus d'elle, laquelle expression est tout aussi voyante, voire davantage. La Partie requérante fait donc valoir qu'à la première impression, le public ne percevrait pas le mot PIRANHA comme une marque de commerce distincte, même en tenant compte de la différence dans la taille et la police de caractères des mots BLACK&DECKER et PIRANHA. Elle fait valoir que le mot PIRANHA ne se démarque pas et que, par conséquent, il ne créerait pas une impression distincte dans l’esprit du public. À ce titre, la Partie requérante fait valoir que la marque de commerce employée était une marque de commerce composée de BLACK&DECKER, de PIRANHA et de divers éléments graphiques.

[22]           À l’appui, la Partie requérante cite l'affaire 88766 Canada Inc c Coca-Cola (2006), 52 CPR (4th) 50 (COMC), dans laquelle la marque CLASSIC qui était en cause a été radiée même si CLASSIC se démarquait des mots COCA-COLA par sa taille et sa police de caractères. Dans cette affaire, le registraire a conclu que CLASSIC ne produirait pas une impression indépendante dans l’esprit du public et serait considéré comme lié aux mots COCA-COLA.

[23]           La Propriétaire, cependant, fait valoir que [Traduction] « les marques de commerce BLACK&DECKER® et PIRANHA® peuvent en tout temps être distinguées l’une de l’autre du fait de leur positionnement (une au-dessus de l’autre), de leurs polices de caractères différentes... et de la présence d'un symbole ® à la suite de chacune d'elles ». Par conséquent, la Propriétaire fait valoir qu’il est [Traduction] « inconcevable » que les deux marques de commerce soient perçues comme une seule marque de commerce composée.

[24]           Même si la Marque et BLACK&DECKER figurent toutes deux sur la lame de scie circulaire en pièce B, il est bien établi que rien n’empêche d'employer deux marques de commerce simultanément en liaison avec les mêmes produits [voir AW Allen Ltd c Warner-Lambert Canada Inc (1985), 6 CPR (3d) 270 (CF 1re inst)].

[25]           De plus, je souligne que, dans la décision Coca-Cola susmentionnée citée par la Partie requérante, le registraire a reconnu avoir tiré sa conclusion malgré le principe général énoncé dans Nightingale Interloc Ltd c Prodesign Ltd (1984), 2 CPR (3d) 535 (COMC) concernant les marques de commerce qui sont employées en combinaison avec d’autres éléments. De plus, la seule jurisprudence citée par le registraire à l’appui est la décision rendue dans l'affaire d'opposition Coca-Cola Ltd c Southland Corp (2001), 20 CPR (4th) 537 (COMC); un point important dans cette affaire est la conclusion du registraire voulant que :

[Traduction]
...l’emploi de la marque de commerce COCA‑COLA CLASSIC & Dessin ne constitue pas un emploi de la marque de commerce CLASSIC en soi puisque le consommateur moyen ne percevrait pas cet élément comme étant une marque de commerce distincte. Les consommateurs considéreraient que l’élément non distinctif CLASSIC fait référence à une caractéristique, à une qualité ou au type du produit de marque COCA‑COLA de l’opposante : voir Nightingale Interloc Ltd c Prodesign Ltd (1984), 2 CPR (3d) 535 (COMC), à 538 et Promafil Canada Ltée c Munsingwear Inc (1992), 44 CPR (3d) 59 (CAF). [au paragraphe 9]

[26]           Même si je souscrivais aux conclusions du registraire dans ces affaires, le registraire a jugé que CLASSIC était un élément non-distinctif par rapport aux produits en question. En l'espèce, PIRANHA n'est pas descriptif des lames de scie. Le nom a probablement été choisi en raison de l’idée de dents acérées qui est associée aux piranhas, mais PIRANHA, tel qu'il est employé, n’est pas en soi descriptif des lames de scie.

[27]           De plus, bien que la présence d’une marque de commerce sur des factures puisse ne pas être suffisante en soi pour constituer un emploi, elle peut donner un contexte informant le registraire de ce que le public percevrait. Dans les décisions Coca-Cola, le registraire n’a fait référence à aucune preuve de l'emploi de CLASSIC séparément de COCA-COLA. En l’espèce, cependant, BLACK&DECKER figure bien en vue dans la partie supérieure des factures et des listes de prix produites en en preuve, séparément de toute présence de PIRANAHA. À ce titre, j’estime qu'à la première impression, le public percevrait les mots BLACK&DECKER et PIRANHA qui figurent sur la lame de scie en pièce B, comme constituant deux marques de commerce distinctes.

[28]           Par conséquent, je suis convaincu que la Marque telle qu’elle est enregistrée figurait sur les [Traduction] « lames de scie circulaire » de la Propriétaire au cours de la période pertinente.

[29]           En ce qui concerne les lames de scie sauteuse en pièces C et D, la Marque figure accompagnée d'un piranha stylisé. Néanmoins, il a été établi dans la jurisprudence que l’emploi d’une marque verbale peut être corroboré par l’emploi d’une marque composée constituée de la marque verbale et d’autres éléments [voir Nightingale, supra]. Également, dans Stikeman, Elliot c Wm Wrigley Jr Co (2001), 14 CPR (4th) 393 (COMC), le registraire a affirmé que :

[Traduction]
Comme l'a clairement souligné le déposant, la marque de commerce telle qu'elle est enregistrée est une marque nominale. Aucun dessin ni taille de police n'a été enregistré. Par conséquent, dans le cas d’une marque verbale, l’emploi du ou des mots servant de marque, peu importe la forme stylisée ou la couleur, peut être considéré un emploi de la marque telle qu’elle est enregistrée. [à 395].

[30]           De plus, il est bien établi que l’enregistrement d’une marque verbale n’est pas compromis par l’emploi d’un dessin, dans la mesure où la marque verbale reste reconnaissable [voir, par exemple, Mercure c Alpine Joe Sportswear Ltd, 1999 CarswellNat 3663 (COMC) et McMillan LLP c Good-O Beverage Co, 2013 COMC 137, CarswellNat 3210].

[31]           En l’espèce, puisque la Marque est enregistrée à titre verbale, le mot PIRANHA, tel qu'il figure en caractères gras et en italique, peut être considéré comme un affichage de la Marque telle qu’elle est enregistrée. Je suis également convaincu que la Marque demeure reconnaissable lorsqu'elle figure à côté du piranha stylisé, comme sur les lames en pièces C et D.

[32]           Quoi qu’il en soit, conformément aux principes établis dans Le Registraire des marques de commerce c Cie internationale pour l'informatique CII Honeywell Bull SA (1985), 4 CPR (3d) 523 (CAF) et dans Promafil Canada Ltée c Munsingwear Inc (1992), 44 CPR (3d) 59 (CAF), j'estime que l'élément dominant de la Marque telle qu’elle est enregistrée, nommément le mot PIRANHA, a été préservé et que l'ajout du piranha stylisé constitue une variation mineure.

[33]           Par conséquent, je suis convaincu que la Marque telle qu’elle est enregistrée figure sur les lames de scie sauteuse produites en preuve. La question, cependant, est de savoir si la preuve est suffisante pour établir que de telles lames de scie sauteuse ont été transférées dans la pratique normale du commerce au cours de la période pertinente pour constituer un emploi de la Marque en liaison avec des [Traduction] « lames de scie pour scies électriques ».

Preuve de transfert

[34]           En ce qui concerne le transfert et la vente des produits visés par l’enregistrement, il est évident que les descriptions du produit sur les factures en pièce G datées de la période pertinente correspondent à la lame de scie circulaire en pièce B. À ce titre, je suis convaincu que la Propriétaire a vendu des [Traduction] « lames de scie circulaire » arborant la Marque au Canada au cours de la période pertinente.

[35]           En ce qui concerne les produits [Traduction] « lames de scie pour scies électriques » visés par l’enregistrement, je souligne une fois de plus que M. Weston atteste que [Traduction] « toutes les lames de scie circulaire vendues sont destinées à être utilisées dans des scies électriques ». Cependant, la Propriétaire a clairement établi une distinction entre les [Traduction] « lames de scie circulaire » et « lames de scie pour scies électriques » dans son état déclaratif des produits. Dans Sharp Kabushiki Kaisha c 88766 Canada Inc (1997), 72 CPR (3d) 195 (CF 1re inst), la Cour a souligné ce qui suit :

[Traduction]
Les fabricants ont intérêt à élargir la portée de la protection offerte par la Loi... et que les utilisations possibles de leurs produits se multiplient. Cependant, lorsqu'ils le font, ils précisent des emplois différents. [au paragraphe 16]

[36]           Considérant que l’emploi établi en liaison avec un produit précis ne peut pas être invoqué pour justifier le maintien de plusieurs produits dans un état déclaratif des produits, la Propriétaire est tenue de fournir une preuve d'emploi à l'égard de chacun des produits visés par l’enregistrement [voir John Labatt Ltd c Rainier Brewing Co et al (1984), 80 CPR (2d) 228 (CAF); Sharp, supra; et Fogler, Rubinoff LLP c Canada Safeway Ltd, 2013 COMC 227, CarswellNat 5446]. À ce titre, pour pouvoir maintenir son enregistrement à l’égard de la catégorie plus large de produits [Traduction] « lames de scie pour scies électriques », la Propriétaire devait établir le transfert et la vente de ces produits autrement que par simple référence aux [Traduction] « lames de scie circulaire ».

[37]           Même si la Partie requérante n’a pas soulevé d’objection concernant la preuve de vente produite par la Propriétaire, après examen de la preuve dans son ensemble, j’estime que cette dernière est ambiguë en ce qui concerne la question de savoir si la Propriétaire a véritablement vendu des lames de scie sauteuse de marque PIRANHA pour scies électriques au Canada au cours de la période pertinente.

[38]           À cet égard, M. Weston affirme que la Propriétaire [Traduction] « a vendu au Canada pendant toute la durée de [la période pertinente] des lames de scie sauteuse pour scies électriques sous la Marque PIRANHA® ». À l’appui, M. Weston a produit des [Traduction] « factures représentatives » en pièce G de son affidavit. Même si une des factures montre la vente de deux « Jig Saw Blade » [lame de scie sauteuse] au cours de la période pertinente, je souligne que les numéros de produit de ces lames de scie sauteuse ne correspondent pas aux numéros de produit qui figurent sur les emballages de lames de scie sauteuse de marque PIRANHA présentés en pièces C et D, et qu'ils sont également absents des listes de prix en pièces E et F.

[39]           Il y a une facture, quoique postérieure à la période pertinente, qui montre la vente d’un « Jigsaw Kit » [ensemble de scie sauteuse] qui correspond aux lames de scie sauteuse en pièces C et D. Cependant, si de telles lames ont véritablement été vendues au cours de la période pertinente, il est étrange que la Propriétaire ait décidé de produire une facture postérieure à la période pertinente pour établir un tel transfert. De même, contrairement aux descriptions des produits [Traduction] « lames de scie circulaire » de marque PIRANHA, je souligne que « PIRANHA » ne figure dans aucune des descriptions des produits [Traduction] « lames de scie sauteuse » qu'on retrouve dans les factures susmentionnées ou les listes de prix en pièces E et F.

[40]           De plus, M. Weston atteste seulement des chiffres de ventes globaux concernant les [Traduction] « lames de scie circulaire et lames de scie pour scies électriques de marque PIRANHA® ». Cependant, il ne fait aucune distinction parmi ces chiffres de ventes entre la vente de lames de scie circulaire et la vente de lames de scie sauteuse, à supposer qu'il y ait une distinction à faire.

[41]           Enfin, même si M. Weston atteste que [Traduction] « les lames de scie de marque PIRANHA® sont également vendues en ligne... [et] ont également été annoncées au Canada », les imprimés de site Web en pièce H indiquent simplement que des jeux de lames de scie sauteuse de marque PIRANHA peuvent avoir été présentés sur ces sites Web au cours de la période pertinente. Cependant, il a été établi antérieurement que la « mise en vente » n'équivaut pas à la « vente » [voir Michaels & Associates c WL Smith & Associates Ltd (2006), 51 CPR (4th) 303 (COMC)], et que la publicité à elle seule n’est pas suffisante pour établir l’emploi d’une marque de commerce au sens de l’article 4(1) de la Loi [voir Riches, McKenzie & Herbert LLP c Cleaner’s Supply Inc, 2012 COMC 211, CarswellNat 5229].

[42]           Compte tenu de tout ce qui précède, j’estime que la preuve est ambiguë à savoir si la Propriétaire a véritablement vendu des lames de scie sauteuse de marque PIRAHNA pour scies électriques au Canada au cours de la période pertinente. Suivant Plough, supra, une telle ambiguïté doit être résolue à l’encontre des intérêts de la Propriétaire. À ce titre, je ne suis pas convaincu que la preuve établit le transfert dans la pratique normale du commerce de [Traduction] « lames de scie pour scies électriques » au Canada au cours de la période pertinente.

[43]           Par conséquent, je suis convaincu que la Propriétaire a établi l'emploi de la Marque en liaison seulement avec les [Traduction] « lames de scie circulaire » au sens des articles 4 et 45 de la Loi.

Décision

[44]           Compte tenu de tout ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, et conformément aux dispositions de l’article 45 de la Loi, l'enregistrement sera modifié afin de radier les produits (1), [Traduction] « lames de scie pour scies électriques ».

[45]           L’état déclaratif des produits modifié sera libellé comme suit : [Traduction]
« Lames de scie circulaire ».

______________________________

Andrew Bene

Agent d'audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Nathalie Tremblay, trad.

COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS AU DOSSIER

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DATE DE L'AUDIENCE : 2015-08-10

 

COMPARUTIONS

 

Jane Steinberg                                                                          Pour la Propriétaire inscrite

 

Michelle L. Wassenaar                                                             Pour la Partie requérante

 

 

AGENTS AU DOSSIER

 

Gowling Lafleur Henderson LLP                                           Pour la Propriétaire inscrite

 

Method Law Professional Corporation                                   pour la Requérante

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