Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Traduction

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2013 COMC 54

Date de la décision : 2013-03-28

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Les Entreprises Amira Inc. à l’encontre de la demande d’enregistrement n1300873 pour la marque de commerce AMIRA & Dessin au nom de Amira Foods (India) Limited

[1]               Le 9 mai 2006, Amira Foods (India) Limited (le Requérant) a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce AMIRA & Dessin (la Marque), reproduite ci-dessous, fondée sur l’emploi projeté au Canada. L’état déclaratif des marchandises a par la suite été modifié pour « riz ». La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 10 décembre 2008.

AMIRA & design

[2]               Le 9 février 2009, Les Entreprises Amira Inc. (l’Opposant) a produit une déclaration d’opposition à l’encontre de la demande d’enregistrement. Les motifs d’opposition allégués sont que la demande d’enregistrement du Requérant ne respecte pas les exigences des alinéas 30(e), 30(h) et 30(i) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi), la Marque n’est pas enregistrable au titre de l’alinéa 12(1)(d) de la Loi, le Requérant n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement au titre des alinéas 16(3)(a) et 16(3)(c) de la Loi et la Marque ne possède pas de caractère distinctif. Chacun des quatre derniers motifs d’opposition porte sur la probabilité de confusion avec l’emploi et l’enregistrement des marques AMIRA de l’Opposant, l’enregistrement no LMC410723 et EL AMIRA, l’enregistrement no LMC390629, ou le nom commercial Amira Enterprises Inc. de l’Opposant.

[3]               Le Requérant a produit une contre-déclaration dans laquelle il a rejeté les allégations de l’Opposant.

[4]               Les éléments de preuve de l’Opposant sont composés d’une déclaration solennelle d’Adel Boulos et des copies certifiées des enregistrements nos LMC410723 et LMC390629. Le Requérant a produit l’affidavit d’Anita Daing. Les deux déposants ont été contre-interrogés et la transcription des contre-interrogatoires, les pièces connexes et les réponses aux engagements ont été versées au dossier. 

[5]               Le Requérant et l’Opposant ont tous deux produit des plaidoyers écrits. Une audience a été tenue à laquelle les deux parties ont été représentées.

Question préliminaire

[6]               Juste avant le début de l’audience, j’ai reçu une demande de modification de l’agent de l’Opposant au titre du paragraphe 44(1) du Règlement sur les marques de commerce, DORS/96‑195 (le Règlement), pour la production d’une deuxième déclaration solennelle de M. Adel Boulos, de même qu’une déclaration solennelle de Brij Sehgal. L’agent du Requérant a eu l’occasion lors de l’audience de faire des observations concernant cette demande.

[7]               Afin de décider si l’Opposant doit être autorisé à produire ces éléments de preuves supplémentaires, je devais prendre en compte s’il était dans l’intérêt de la justice de le faire. Après avoir entendu les observations des deux parties, j’ai décidé que ce ne l’était pas. En plus du fait que cette demande a été présentée à une étape si avancée de la procédure, l’autorisation de produire ces déclarations solennelles causerait un préjudice grave au Requérant. À cet égard, l’autorisation de modifier aurait privé le Requérant de l’occasion de contester les déclarations des déclarants ou aurait nécessité la suspension de l’audience pour permettre au Requérant de contre-interroger les déclarants et de produire des éléments de preuve en réponse et des plaidoyers écrits supplémentaires. De plus, les faits allégués par l’Opposant offraient peu d’explication quant à la tardiveté de la demande de l’Opposant. L’Opposant a fait valoir que M. Boulos n’a découvert que le 16 mars 2013 l’existence de boîtes de documents concernant l’Opposant au sous-sol de la résidence privée de sa mère et que M. Sehgal n’a été approché que le 12 mars 2013 pour venir présenter un témoignage en l’espèce. Finalement, je n’étais pas convaincue que l’une ou l’autre de ces déclarations solennelles, si elles pouvaient être produites, aurait un effet marquant sur les conclusions à tirer dans cette affaire d’opposition. En conséquence, ces déclarations solennelles n’ont pas été versées au dossier.

Fardeau ultime et dates pertinentes

[8]               Le Requérant a le fardeau ultime d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande satisfait aux exigences de la Loi. Il incombe toutefois à l’Opposant de s’acquitter du fardeau initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition [voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst.), à 298; Dion Neckwear Ltd c. Christian Dior, SA (2002), 20 CPR (4th) 155 (CF 1re inst.)].

[9]               Les dates pertinentes à l’égard des motifs d’opposition sont les suivantes :

         Alinéa 38(2)(a) et article 30 – la date de production de la demande [voir Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC) à 475];

         Alinéas 38(2)(b) et 12(1)(d) – la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et le Registraire des marques de commerce (1991), 37 CPR (3d) 413 (CF 1re inst.)];

         Alinéa 38(2)(c) et paragraphe 16(3) – la date de production de la demande [voir le paragraphe 16(3)];

         Alinéa 38(2)(d)/absence de caractère distinctif – la date de production de la demande d’opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 CPR (4th) 317 (CF)].

Motifs d’opposition fondés sur l’article 30

[10]           L’Opposant a plaidé trois motifs d’opposition fondés sur l’article 30 de la Loi. Le fardeau ultime qui incombe au Requérant de démontrer que sa demande satisfait aux exigences de l’article 30 comporte à la fois la question à savoir si le Requérant a produit une demande qui est formellement conforme aux exigences de l’article 30 et la question à savoir si les déclarations contenues dans la demande sont correctes ou non. Dans la mesure où l’Opposant se fie aux allégations de fait en appui à ses motifs en vertu de l’article 30, il incombe à l’Opposant de s’acquitter du fardeau de preuve de prouver ces allégations [voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd et al c. Seagram Real Estate Ltd (1984), 3 CPR (3d) 325 (C.O.M.C.), conf. 33 CPR (3d) 454]. Il est possible de se servir non seulement des éléments de preuve de l’Opposant, mais également des éléments de preuve du Requérant pour s’acquitter de ce fardeau [voir Labatt Brewing Company Limited c. Molson Breweries, a Partnership (1996), 68 CPR (3d) (CF 1re inst.) 216 à 230].

[11]           En ce qui concerne le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30(h), l’Opposant n’a présenté aucun élément de preuve ni aucune observation en vertu de ce motif. Ce motif d’opposition est par conséquent rejeté.

[12]           En ce qui concerne le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30(i), lorsque le Requérant a fourni la déclaration exigée par l’alinéa 30(i), un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30(i) ne devrait être retenu que dans des cas exceptionnels, comme lorsqu’il existe une preuve de mauvaise foi de la part du Requérant [Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol-Myers Co. (1974), 15 CPR (2d) 152 (C.O.M.C.), à 155]. Puisqu’il n’y a aucun élément de preuve de mauvaise foi en l’espèce, je rejette ce motif d’opposition.

[13]           En ce qui concerne le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30(e), l’Opposant peut se fonder sur les éléments de preuve du Requérant pour satisfaire au fardeau de preuve qui lui incombe concernant ce motif, mais il doit démontrer que les éléments de preuve du Requérant sont « manifestement » incompatibles avec les prétentions formulées dans sa demande d'enregistrement. 

[14]           En l’espèce, l’Opposant a plaidé que le Requérant n’avait pas l’intention d’employer la Marque au Canada en liaison avec toutes les marchandises visées par la demande d’origine ou bien le Requérant a employé la Marque au Canada avant la date de production de la demande d’enregistrement. L’Opposant fait valoir que, malgré la déclaration de Mme Daing au paragraphe 5 de son affidavit voulant que le Requérant n’ait commencé à employer la Marque au Canada qu’en janvier 2009, des déclarations contradictoires ont été faites lors du contre-interrogatoire voulant que le Requérant ait vraiment commencé à employer la Marque au Canada dès 2002 et probablement plus tôt. À cet égard, l’Opposant s’appuie sur les extraits suivants du témoignage de Mme Daing :

Q. 141 :              … Quand avez-vous commencé à vendre les produits de marque Amira en Amérique du Nord pour la première fois? Et par « produits de marque Amira », j’entends des produits affichant la marque Amira et pas seulement le nom, le nom commercial Amira India.

R.                       Peut-on y revenir?

M. Zive :            Nous prendrons en délibéré.

M. Archambault :          Prenez en délibéré. Et avec cet engagement, faites-vous également de même pour le Canada?

M. Zive :            Oui. Même réponse. Prenez en délibéré.

Engagement no 7 : Il y a certainement eu des ventes en 2002, peut-être même avant.

[15]           Le Requérant, pour sa part, fait valoir que les éléments de preuve de Mme Daing ne sont pas manifestement incompatibles avec la prétention du Requérant que la Marque est fondée sur l’emploi projeté au Canada. À Cet égard, le Requérant souligne que la Marque est une marque figurative, alors que les questions de l’Opposant portaient sur la marque AMIRA. D’autres extraits du témoignage de Mme Daing soulignés par le Requérant vont comme suit :

Q. 142 :              Maintenant, si je peux me permettre la même question pour le Canada, savez-vous si c’est avant 2006?

R.                       Qu’est-ce qui était avant 2006?

Q. 143 :              L’emploi de la marque de commerce Amira comme marque de commerce au Canada.

R.                       Vous parlez encore de la marque de commerce, pas du nom commercial?

Q. 144 :              Je parle en effet de la marque de commerce, pas du nom commercial.

R.                       Avant 2006?

Q. 145 :              Oui. Autrement dit, avez-vous commencé à vendre les produits de marque Amira avant 2006 au Canada?

R.                       Je crois que… peut-être pas avant 2006.

Q. 146 :              Bon.

R.                       Permettez-moi de préciser. Le nom commercial, oui, avant 2006. La marque de commerce, probablement pas.

Q. 147 :              La même question pour la marque figurative Amira, la dame.

R.                       Oui.

Q. 148 :              Avant 2006 au Canada?

R.                       Pas au Canada, mais oui, internationalement, oui…

[16]           Je considère également le témoignage suivant pertinent en matière d’emploi antérieur de la Marque avant la date de premier emploi revendiquée par le Requérant :

Q. 172 :              Bon, en considérant de nouveau le paragraphe 5, vous avez plutôt dit que vous avez commencé l’emploi commercial de la marque de commerce au Canada en janvier ou vers le mois de janvier 2009. Pourriez-vous vous engager à fournir des montants de vente au Canada depuis 2005 de produits de marque AMIRA et préciser si ces montants correspondent à la marque verbale AMIRA ou à la marque figurative AMIRA, ainsi qu’elles s’appliquent au Canada?

M. Zive :            Et nous le prendrons en délibéré.

Engagement no 12 :                   Le chiffre d’affaires semble être d’environ 108 000 $ depuis 2005 en liaison avec la marque verbale et la marque figurative.

[17]           De mon examen du témoignage susmentionné, il semble qu’il y ait des incohérences dans les réponses de Mme Daing. Je comprends mal que sa réponse à la question 148 soit que le Requérant n’a pas employé la Marque au Canada avant 2006, mais qu’ensuite, la réponse à l’engagement de la question 172 indique qu’il y a eu des ventes depuis 2005 en liaison avec la marque verbale et la marque figurative. Selon moi, le témoignage de Mme Daing dans l’ensemble est insuffisant pour que l’Opposant s’acquitte de son fardeau de preuve en vertu de ce motif d’opposition.

[18]           Compte tenu de la série d’arrêts dans lesquels le Registraire a refusé des demandes fondées sur l’emploi projeté lorsqu’il y avait une preuve établissant que la marque de commerce avait été employée avant la date de production de la demande et étant donné que le Requérant ne s’est pas acquitté de son fardeau de preuve de démontrer sa conformité à l’alinéa 30(e) de la Loi, ce motif d’opposition est accueilli [voir Nabisco Brands Ltd c Cuda Consolidated Inc (1997), 81 CPR (3d) 537 à 540 et Société canadienne des postes c. IBAX Inc (2001), 12 CPR (4th) 562 (C.O.M.C.); Calvin Klein Trade-mark Trust c. Calvin Corporation (2000), 8 CPR (4th) 397 (C.O.M.C.) et Systèmes de formation & de Gestion Perform Inc c. Scissons, 2004 CarswellNat 1758].

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)(d)

[19]           Comme susmentionné, chacun des quatre derniers motifs d’opposition porte sur la probabilité de confusion entre la Marque et chacune des marques de commerce et le nom commercial de l’Opposant. Je suis d’avis que l’argument de l’Opposant est le plus solide du fait que la Marque n’est pas enregistrable suivant l’alinéa 12(1)(d) de la Loi. 

[20]           Je concentrerai mon examen sur la probabilité de confusion entre la marque AMIRA, l’enregistrement no LMC410723, de l’Opposant et la Marque. Si l’Opposant ne réussit pas à faire accepter ce motif pour cette marque, il ne pourra réussir pour son autre marque puisque la marque AMIRA possède un degré de ressemblance plus élevé avec la Marque que la marque EL AMIRA de l’Opposant.  

[21]           Dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire du Registraire, je confirme que l’enregistrement nLMC410723 pour la marque AMIRA de l’Opposant est en règle en date d’aujourd’hui. Les marchandises et services visés par l’enregistrement sont les suivants :

[TRADUCTION]

MARCHANDISES :
(1) Produits alimentaires, nommément : légumes et fruits en conserve, congelés et emballés; jus de légumes et de fruits, fruits déshydratés, noix, fèves, grains, graines, riz, épices, herbes, extraits, extraits de vanille, extraits d’amande; huile végétale; huile d’olive; eau de rose, eau de fleur d’oranger; produits alimentaires du Moyen-Orient, nommément : saucisses, falafel, tahini, taboulé, salades de taboulé, houmous, couscous; sucrerie, nommément : bonbons, chocolats, biscuits, pâtisseries, gâteaux.

SERVICES :
(1) Exploitation d’une entreprise d’importation et d’exportation spécialisée dans des produits alimentaires et non alimentaires du Moyen-Orient.

Test en matière de confusion

[22]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Le paragraphe 6(2) de la Loi prévoit que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale. Dans l’application du test en matière de confusion, le Registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles expressément énoncées au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent.

[23]           Cette liste de facteurs n’est pas exhaustive et le poids qu’il convient d’accorder à chacun de ces facteurs n’est pas nécessairement le même [voir Mattel, Inc c. 3894207 Canada Inc (2006), 49 CPR (4th) 321 (CSC); Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée (2006), 49 CPR (4th) 401 (CSC)]. Récemment, dans Masterpiece Inc c. Alavida Lifestyles Inc et al (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC), la Cour suprême du Canada a écrit sans ambiguïté que le facteur le plus important parmi ceux énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi est souvent le degré de ressemblance entre les marques.

      Alinéa 6(5)(a) – le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[24]           Le Requérant fait valoir que la marque de l’Opposant ne possède pas de caractère distinctif inhérent puisque le mot AMIRA est à la fois le nom d’une personne physique et le mot « princesse » en arabe [affidavit de M. Boulos, paragr. 10; contre-interrogatoire, Q. 502 à 505]. Bien que je sois d’accord que les noms ne possèdent généralement pas un caractère distinctif inhérent, rien ne permet de conclure que le Canadien moyen associerait nécessairement le mot AMIRA au nom d’une personne physique. De plus, rien ne permet de conclure que le Canadien moyen connaîtrait la signification arabe du mot AMIRA [voir Miguel Torres, SA c. Cantine Giorgio Lungarotti Srl Ltd (2012), 106 CPR (4th) 206 (C.O.M.C.)]. 

[25]           Puisque je suis donc d’avis que le Canadien moyen considérerait le mot AMIRA comme un mot inventé, je suis d’avis que les deux marques possèdent un caractère distinctif inhérent. Bien que la Marque puisse également avoir un élément graphique, je suis d’accord avec l’Opposant que l’illustration d’une femme du Moyen-Orient avec un bol de riz est évocatrice des marchandises du Requérant.

[26]           Une marque de commerce peut acquérir une force accrue si elle devient connue au Canada par la promotion ou par l’emploi, j’examinerai maintenant la mesure dans laquelle la marque de commerce est devenue connue au Canada.

[27]           Les éléments de preuve du déposant de l’Opposant, M. Boulos, fournissent les renseignements et pièces qui suivent :

         l’Opposant a employé sa marque de commerce AMIRA au Canada depuis au moins 1978 [affidavit de M. Boulos, paragr. 11 et 15; pièce AB-3];

         depuis 1978 jusqu’à la date de la déclaration solennelle de M. Boulos, le chiffre d’affaires brut de l’Opposant pour ses produits alimentaires sous la marque de commerce AMIRA a été de plus de 100 M$ [affidavit de M. Boulos, paragr. 18]; 

         Quelque 80 % de ce chiffre d’affaires vient des produits de marque AMIRA et 20 % viennent de produits d’une autre marque, mais vendus par l’Opposant sous sa marque de service AMIRA [affidavit de M. Boulos, engagement no 3];

         un échantillon représentatif de factures des années 2005 à 2009 affichant la marque AMIRA [affidavit de M. Boulos, pièce AB-7];

         un catalogue de produits montrant des exemples représentatifs de toutes les étiquettes de marque de commerce AMIRA employées par l’Opposant depuis au moins 1978 [affidavit de M. Boulos, pièce AB-5];

         un échantillon de riz de l’Opposant vendu au Canada pendant plusieurs années sous la marque de commerce AMIRA [affidavit de M. Boulos, pièce AB-6];

         des copies d’articles publiés illustrant la couverture canadienne de l’entreprise de l’Opposant et de la marque de commerce AMIRA au fil des ans [affidavit de M. Boulos, pièce AB-8].

[28]           Le Requérant, cependant, fait valoir qu’AMIRA n’est pas distinctive de l’Opposant en ce qui concerne le riz puisque les éléments de preuve de l’Opposant démontrent qu’une entreprise différente est la source de ces produits de riz. À cet égard, le Requérant fait remarquer qu’à la page 55 du catalogue 2009 joint à la déclaration solennelle de M. Boulos une étiquette AMIRA sur l’un des produits de riz semble indiquer Shivnath Rai Harnarain (SRH), un producteur de riz indien, comme source de ces produits de riz [affidavit de M. Boulos, pièce AB-05]. Le Requérant fait de plus remarquer que le riz de l’Opposant était vendu avec une étiquette SRH jusqu’en 2007 et que le catalogue et le site Web de l’Opposant affichaient des produits de riz avec les étiquettes SRH au moins jusqu’en 2011 [affidavit de M. Boulos, contre-interrogatoire, Q. 289 à 293]. 

[29]           Le Requérant fait donc valoir que puisque l’Opposant annonçait ses produits de riz en ligne et dans ses catalogues pendant des années en liaison avec les étiquettes SRH qui informaient les consommateurs en gros caractères sur l’étiquette que ce riz provenait d’une entreprise indépendante en Inde, nommément SRH, et non de l’Opposant, la marque de commerce de l’Opposant n’avait pas obtenu un caractère distinctif en liaison avec les produits de riz de l’Opposant.   

[30]           Le Requérant fait également valoir que compte tenu de l’absence d’éléments de preuve voulant que SRH détienne une licence de l’Opposant l’autorisant à employer la marque AMIRA, ou de l’exercice d’un certain contrôle par l’Opposant sur SRH, il semblerait que l’Opposant n’ait été que le simple distributeur d’un tel riz au Canada [affidavit de M. Boulos, contre-interrogatoire, Q. 100 à 105 et 314 à 320]. Le Requérant s’appuie sur l’arrêt Royal Doulton Tableware Ltd c. Cassidy’s Ltd (1984), 1 CPR (3d) 214 au paragr. 16. 

[31]           L’Opposant, pour sa part, fait valoir que la présente affaire peut être distinguée de l’arrêt Royal Doulton parce que la marque enregistrée dans ce cas n’était pas distinctive du propriétaire légitime de l’enregistrement tandis que, en l’espèce, la validité de la marque enregistrée de l’Opposant n’est pas en cause. De plus, contrairement à l’observation du Requérant voulant que l’Opposant ne soit qu’un distributeur du riz SRH, l’Opposant fait valoir que SRH agit en tant qu’agent de l’Opposant par l’entremise de son importateur Nutrifresh Foods Ltd. Canada. L’Opposant explique qu’il commande le riz de Nutrifresh Foods Ltd. Canada, qui achète de SRH suivant les spécifications de l’Opposant, et que SRH produisait des produits de marque maison pour l’Opposant sous sa marque maison [affidavit de M. Boulos, p. 22 et 23 et 57 à 69; Q. 71,78, 81].  

[32]           Les éléments de preuve versés au dossier, toutefois, n’appuient pas les observations de l’Opposant. À cet égard, M. Boulos a affirmé ce qui suit en contre-interrogatoire :

Q. 305 :  Mais vous avez entendu parler de Shivnath Rai Harnarain?

R.           Oui, mais je n’ai pas… je le vois sur l’étiquette, mais je n’ai jamais été en contact, je ne les connais pas…

Q. 306 :  Alors, ce que vous dites, c’est qu’ils…

R.           Je ne transige pas avec eux.

Q. 307 :  D’accord.

R.           Je n’ai aucun contact avec eux. Je ne traite qu’avec mon importateur.

Q. 308 :  D’accord. Alors vous avez… il y a essentiellement un intermédiaire entre Shivnath Rai Harnarain et vous qui vous livre le riz?

R.           Oui.

Q. 309 :  Bon, savez-vous qui crée cet emballage? Ce n’est pas… bon, l’étiquette de produit qui affiche Shivnath Rai Harnarain…

R.           Oui?

Q. 310 :  … vous ne l’avez pas créé, le sac avec cette étiquette apposée, quelqu’un d’autre a créé ce sac?

R.           Le sac, oui. Ce n’est pas nous qui créons le sac.

Q. 311 :  Non. Et vous n’êtes pas ceux qui remplissent le sac de riz et qui…

R.           Non.

Q. 312 :  Alors quelqu’un d’autre, probablement Shivnath Rai Harnarain, crée le sac avec l’étiquette, le remplit de riz, le livre à votre importateur, qui ensuite vous le livre?

R.           Oui.

Q. 313 :  Oui. Alors, vous n’avez aucun contrat avec Shivnath Rai Harnarain?

R.           Non.

[33]           Les éléments de preuve permettent de conclure qu’une partie de l’achalandage associé à la marque AMIRA en liaison avec le riz avant 2007 est imputable à une entité autre que l’Opposant. Cette conclusion a une incidence négative sur la mesure dans laquelle la marque de l’Opposant est devenue connue en liaison avec le riz. J’ajouterai que la raison pour laquelle je dis « une partie de l’achalandage associé à la marque AMIRA en liaison avec le riz » est que cet élément de preuve concerne le riz basmati vendu par l’Opposant, alors que les éléments de preuve de l’Opposant montrent aussi l’emploi de la marque AMIRA en liaison avec d’autres produits de riz, dont le riz égyptien [affidavit de M. Boulos, contre-interrogatoire, pièce A]. Il est également évident selon les éléments de preuve que la marque de l’Opposant a obtenu un caractère distinctif en ce qui concerne l’exploitation d’une entreprise d’importation et d’exportation spécialisée dans des produits alimentaires et non alimentaires du Moyen-Orient, et en liaison avec divers autres produits alimentaires. 

[34]           En ce qui concerne la Marque, bien que les éléments de preuve puissent démontrer qu’elle a été employée et est devenue connue internationalement, en raison des incohérences des éléments de preuve produits, je suis dans l’impossibilité de déterminer la mesure dans laquelle elle a été employée et est devenue connue au Canada.

[35]           Compte tenu de ce qui précède, ce facteur joue en faveur de l’Opposant.

Alinéa 6(5)(b) – la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[36]           La période pendant laquelle chaque marque de commerce a été en usage joue en faveur de l’Opposant.

Alinéas 6(5)(c) et (d) – le genre de marchandises, services ou entreprises; et la nature du commerce

[37]           Mon appréciation de ce facteur est fonction de l’état déclaratif des marchandises, tel qu’il figure dans la demande d’enregistrement par rapport aux marchandises et services visés par l’enregistrement de l’Opposant [voir Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c. Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF); Mr. Submarine Ltd c. Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF); Miss Universe Inc c. Bohna (1994), 58 CPR (3d) 381 (CAF)].

[38]           Les marchandises des deux parties comprennent le riz. En l’absence de preuve contraire, je présume que les voies commerciales empruntées par ces marchandises se chevaucheraient.

Alinéa 6(5)(e) – le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[39]           Dans l’arrêt Masterpiece, la Cour suprême du Canada a fait observer que le premier mot d’une marque de commerce est sans doute le plus important aux fins de la distinction [voir aussi Conde Nast Publications c. Union des Éditions Modernes (1979), 46 CPR (2d) 183 (CF 1re inst.)], mais, selon elle, il est préférable de se demander d’abord si l’un des éléments de la marque de commerce est particulièrement frappant ou unique. 

[40]           En l’espèce, le mot AMIRA est l’élément particulièrement frappant et unique des marques des deux parties. Bien que la Marque comprenne également une illustration d’une femme du Moyen-Orient, ce dessin apparaît au-dessous du mot AMIRA qui est écrit en majuscules et en caractères gras. De plus, la déposante de l’Opposant elle-même a affirmé qu’AMIRA est un aspect essentiel et distinctif de la Marque [affidavit de Mme Daing, paragr. 3].

[41]           Il y a par conséquent un degré de ressemblance élevé entre les marques dans la présentation et dans le son puisque les marques partagent l’élément distinct identique AMIRA. Étant donné qu’AMIRA n’est pas un mot de la langue anglaise, il ne semble pas qu’il y ait d’idée suggérée par la marque de l’Opposant pour le consommateur canadien moyen. De même, il n’y aurait aucune idée suggérée par la Marque, sauf peut-être l’origine géographique des marchandises du Requérant en raison de la représentation de la femme du Moyen-Orient.

Autres circonstances additionnelles

[42]           S’appuyant sur l’arrêt Masterpiece au paragr. 112, l’Opposant a fait valoir comme circonstance additionnelle qu’il est pertinent de souligner que le Registraire lui a transmis un avis au titre du paragraphe 37(3) de la Loi. L’arrêt Masterpiece peut se distinguer de l’espèce, cependant, parce que dans cet arrêt, deux marques de commerce ont d’abord été rejetées par le Registraire parce que leur similitude à un enregistrement proposé est susceptible de créer de la confusion.

[43]           En l’espèce, la décision du Registraire de transmettre un avis suivant le paragraphe 37(3) de la Loi ne correspond pas au rejet d’une demande d’enregistrement. Comme nous le verrons plus loin, un avis suivant le paragraphe 37(3) est transmis au propriétaire d’une marque de commerce enregistrée lorsque le Registraire a des doutes sur la question de savoir si la demande est enregistrable :

Cas douteux

(3) Lorsque, en raison d’une marque de commerce déposée, le registraire a des doutes sur la question de savoir si la marque de commerce indiquée dans la demande est enregistrable, il notifie, par courrier recommandé, l’annonce de la demande au propriétaire de la marque de commerce déposée. (Je souligne.)

[44]           De plus, il a déjà été établi qu’une décision par le Registraire n’a pas valeur de précèdent relativement à la Commission parce que le fardeau ultime et la preuve devant un examinateur sont différents de ceux devant la Commission [voir Thomas J. Lipton Inc. c. Boyd Coffee Co. (1991), 40 CPR (3d) 272 (C.O.M.C.), à 277, et Procter& Gamble Inc. c. Morlee Corp. (1993), 48 CPR (3d) 377 (C.O.M.C.), à 386]. Je dois rendre une décision fondée uniquement sur la preuve versée au dossier dans cette procédure d’opposition.

[45]           Compte tenu de ce qui précède, je ne peux conclure qu’il s’agit là d’une circonstance d’ensemble pertinente à l’appui de la position de l’Opposant.

Conclusion

[46]           Le test applicable est celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue d’AMIRA & Dessin sur le riz du Requérant alors qu’il n’a qu’un souvenir imparfait de la marque de commerce AMIRA de l’Opposant et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur [voir Veuve Clicquot]. 

[47]           Compte tenu de ce qui précède, et particulièrement du degré de ressemblance élevé entre les marques et du fait que les marchandises sont identiques, il me semble qu’un tel consommateur risquerait de croire que, selon sa première impression, le riz, en liaison à la marque AMIRA de l’Opposant et la Marque, aurait été fabriqué, vendu ou exécuté par la même personne.   

[48]           Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)(d) est par conséquent accueilli.

Autres motifs d’opposition

[49]           Étant donné que j’ai déjà accueilli deux motifs d’opposition, je considère qu’il n’est pas nécessaire d’examiner les autres motifs d’opposition.

Décision

[50]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande conformément aux dispositions du paragraphe 38(8) de la Loi.

______________________________

Cindy R. Folz

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Nathalie Tremblay

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.