Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence: 2012 COMC 142

Date de la décision: 2012-08-02

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Facton Ltd. à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1,301,837 pour la marque de commerce G STAR au nom de Fouad Kelendji faisant affaires sous le nom Diplomate Watch of Canada

[1]               Le 16 mai 2006, Fouad Kelendji faisant affaires sous le nom Diplomate Watch of Canada (le Requérant) a produit une demande pour l'enregistrement de la marque de commerce G STAR (la Marque) fondée sur l’emploi de la Marque au Canada depuis le 5 juin 2002. L’état déclaratif des marchandises de la demande présentement au dossier, telle que modifiée le 14 novembre 2006, se lit : « Montres, Bracelet de montres, Horloge, Briquet, Stylos ».

[2]               La demande a été annoncée pour fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 21 février 2007.

[3]               Le 23 avril 2007, Facton Ltd. (l’Opposante), alors connue sous le nom G‑Star Raw Denim Kft., a produit une déclaration d'opposition. En résumé, les motifs d’opposition soulevés en vertu de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) sont à l’effet que:

         la demande ne satisfait pas aux exigences des articles 30(b) et 30(i) de la Loi;

         la Marque n’est pas enregistrable, en vertu de l’article 12(1)(d) de la Loi, parce qu’elle prête à confusion avec les marques de commerce enregistrées de l’Opposante identifiées ci-dessous :

 

Marque de commerce

Enregistrement no

G-STAR

LMC456,620

G-STAR & DESIGN

LMC465,160

         le Requérant n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque, en vertu de l’article 16(1)(a) de la Loi, puisqu’à toute date pertinente la Marque prêtait à confusion avec les marques de commerce enregistrées susmentionnées ainsi qu’avec les marques de commerce associées non-enregistrées comprenant l’élément G‑STAR antérieurement employées et révélées au Canada par l’Opposante;

         le Requérant n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque, en vertu de l’article 16(1)(b) de la Loi, puisqu’à toute date pertinente la Marque prêtait à confusion avec les marques de commerce identifiées ci-dessous et à l’égard desquelles des demandes d’enregistrement avaient été antérieurement produites par l’Opposante :

Marque de commerce

Demande no

G-STAR

1,286,047

G-STAR & DESIGN

1,286,045

G G-STAR RAW & Design

1,286,036

         le Requérant n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque, en vertu de l’article 16(1)(c) de la Loi, puisqu’à toute date pertinente la Marque prêtait à confusion avec les noms commerciaux G‑Star International, G‑Star Raw Denim Kft. et G‑Star antérieurement employés au Canada par l’Opposante; et

         la Marque n’est pas distinctive en vertu de l’article 2 de la Loi.

[4]               Le Requérant a produit une contre-déclaration déniant tous les motifs d’opposition.

[5]               Au soutien de son opposition, l’Opposante a produit en vertu de l’article 41 du Règlement sur les marques de commerce, DORS/96-195 (le Règlement) : des certificats d’authenticité de ses enregistrements et demandes d’enregistrements; un affidavit de Mathieu Gagné, « Country Manager » de G‑Star Canada Inc., accompagné de ses Pièces A à N; et un affidavit de Kelly Brady, agent de marques de commerce à l’emploi de la firme agissant pour l’Opposante, accompagné de ses Pièces A à L. L’Opposante a également produit, en vertu de l’article 44 du Règlement, un affidavit de Matthew Howard, « Account Manager » chez G‑Star Canada Inc., accompagné de sa Pièce A.

[6]               Au soutien de sa demande, le Requérant a produit en vertu de l’article 42 du Règlement son propre affidavit du 9 octobre 2008, accompagné de documents annexés sous les Cotes A à J (l’affidavit original). En vertu de l’article 44 du Règlement, le Requérant a produit un affidavit amendé du 23 février 2009 (l’affidavit amendé) pour remplacer son affidavit original. Le Requérant a également produit, en vertu de l’article 44 du Règlement, un affidavit de Georges Kelendji, un employé du Requérant.

[7]               Aucun contre-interrogatoire n’a été tenu.

[8]               Les deux parties ont produit un plaidoyer écrit et étaient représentées à une audience.

[9]               En début d’audience, les parties ont convenu que la preuve présentée par le Requérant lui‑même devait être considérée par rapport aux déclarations contenues dans son affidavit amendé en combinaison avec les documents annexés à son affidavit original. En conséquence, toute référence dans ma décision à une déclaration du Requérant dans son affidavit sera une référence à une déclaration dans son affidavit amendé alors que toute référence à un document annexé à son affidavit sera une référence à un document annexé à son affidavit original.

[10]           Toujours en début d’audience, j’ai remarqué que les documents que Georges Kelendji déclare annexés à son affidavit ne l’étaient pas [paragr. 6 de l’affidavit]. Tout en concédant que les documents en question n’étaient pas joints à l’affidavit, l’agent du Requérant a remarqué que des copies en avaient été transmises à l’Opposante par lettre du 9 mai 2011 et que copies de cette lettre et des documents avaient été transmises le même jour par télécopieur au registraire. S’en est suivi une discussion durant laquelle l’agent du Requérant a argumenté que les documents destinés à servir de pièces à l’affidavit de Georges Kelendji devaient être considérés par le registraire alors que l’agent de l’Opposante a argumenté le contraire. Ultimement, je conclus que les documents tels que reçus par le registraire le 9 mai 2011 ne peuvent être considérés comme faisant partie de la preuve du Requérant parce qu’ils n’ont pas été produits conformément au Règlement. Les documents auraient dû être produits par voie d’un autre affidavit de Georges Kelendji, probablement un affidavit supplémentaire, avec la permission du registraire conformément à l’article 44 du Règlement.

Fardeau de preuve

[11]           Il incombe au Requérant de démontrer que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Il incombe toutefois à l’Opposante de faire en sorte que chacun de ses motifs d’opposition soit dûment plaidé et de s’acquitter du fardeau de preuve initial en établissant les faits sur lesquels elle appuie ses motifs d’opposition. Une fois ce fardeau de preuve initial rencontré, il incombe au Requérant d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’aucun des motifs d’opposition ne fait obstacle à l’enregistrement de la Marque [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst); Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al (2002), 20 CPR (4th) 155 (CAF)].

Dates pertinentes

[12]           Les dates pertinentes pour l’appréciation des circonstances relatives à chacun des motifs d’opposition en l’espèce sont les suivantes :

   article 38(2)(a) / article 30 : la date de production de la demande [voir Georgia-Pacific Corp c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC)];

   article 38(2)(b) / article 12(1)(d) : la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)];

   article 38(2)(c) / article 16(1)(a) à (c) : la date de premier emploi alléguée dans la demande; et

   article 38(2)(d) / absence de caractère distinctif : la date de production de la déclaration d’opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc (2004), 34 CPR (4th) 317 (CF 1re inst)].

Analyse des motifs d’opposition

[13]           Je vais procéder à l’analyse des motifs d’opposition en examinant la preuve versée au dossier. Dans l’examen de la preuve, je n’accorderai pas de poids aux opinions personnelles des déposants concernant les questions de fait et de droit qu’il revient au registraire de trancher en fonction de la preuve versée au dossier. J’interpréterai toute ambiguïté dans un affidavit à l’encontre de la partie qui l’a produit [voir Conde Nast Publications Inc c Union des Editions Modernes (1979), 46 CPR (2d) 183 (CF 1re inst)]. Avant d’analyser les motifs d’opposition, je ferai des observations préliminaires.

Observations préliminaires

[14]           Les documents annexés sous les Cotes A à J à l’affidavit du Requérant n’ont pas été authentifiés comme le prescrivent les Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, généralement suivies lors de procédures d’opposition. Des pièces non légalisées comme celles jointes à l’affidavit du Requérant seraient probablement déclarées irrecevables par la Cour fédérale [voir par exemple Re Andres Wines Ltd and E & J Gallo Winery (1975), 25 CPR (2d) 126 (CAF) aux pp 135-136]. Cependant, le registraire ne se conforme pas strictement aux règles de pratique de la Cour fédérale et lorsqu’il n’y a aucune opposition aux pièces non légalisées au moment où l’affidavit est produit et signifié, le registraire n’autorisera pas l’autre partie à se prévaloir par la suite d’une telle objection formaliste [voir Maximilian Fur Co c Maximillian for Men’s Apparel (1983), 82 CPR (2d) 146 (COMC); Beiersdorf AG c Future International Diversified Inc (2002), 23 CPR (4th) 555 (COMC); Thomas J Lipton Inc c Les Aliments Intergro Inc (1989), 26 CPR (3d) 278 (COMC)]. En l’espèce, l’Opposante n’a jamais soulevé le fait que les documents annexés à l’affidavit du Requérant n’étaient pas authentifiés par le commissaire à l’assermentation. Compte tenu de ce qui précède, j’estime que les documents joints à l’affidavit du Requérant sont recevables comme pièces.

[15]           Je considère que toute preuve d’emploi pertinente présentée par le Requérant et démontrant la présence d’un trait d’union entre la lettre G et le mot STAR équivaut à une preuve d’emploi de la Marque [voir Nightingale Interloc Ltd c Prodesign Ltd (1984), 2 CPR (3d) 535 (COMC); et Registrar of Trade Marks c Compagnie Internationale pour l’informatique CII Honeywell Bull (1985), 4 CPR (3d) 523 (CAF)].

[16]           Le Requérant déclare que la Marque est « une extension naturelle de GEO‑STAR », laquelle origine du nom de son fils [paragr. 20 et 21 de l’affidavit]. D’ailleurs, le Requérant fait état dans son affidavit de l’emploi de la marque GEO‑STAR en plus de celui de la Marque. Quoique le certificat d’enregistrement no LMC689,956 pour la marque GEO STAR produit par le Requérant semble incomplet [Cote E], ceci est sans conséquence. En effet, la propriété de l’enregistrement no LMC689,956 ne confère pas automatiquement au Requérant le droit d’obtenir l’enregistrement de la Marque peu importe l’étroitesse des liens entre les marques [voir American Cyanamid Co c Stanley Pharmaceuticals Ltd (1996), 74 CPR (3d) 571 (COMC); Ralston Purina Canada Inc c HJ Heinz Co of Canada (2000), 6 CPR (4th) 394 (COMC)]. En outre, je n’accorde aucune signification au fait que l’Opposante ne s’est pas opposée à la demande qui a mené à l’enregistrement no LMC689,956.

[17]           Mon interprétation objective de l'ensemble de l’affidavit du Requérant m’amène à conclure que Diplomate Watch of Canada, Bijouterie Diplomate Montres du Canada et Bijouterie Diplomate ne sont que des raisons sociales employées par le Requérant dans l’opération de son entreprise, qu’il décrit comme l’importation et la vente en gros et au détail de montres, bracelets de montres, horloges, stylos et briquets [paragr. 5 de l’affidavit]. J’estime également raisonnable de conclure que les commerces qui achètent les produits du Requérant n’agissent qu’à titre de détaillants des produits. En d’autres mots, l’Opposante ne m’a pas convaincue que si je concluais que la preuve démontre l’emploi de la Marque au Canada, je devrais conclure que la preuve démontre un emploi de la Marque par des entités distinctes du Requérant et contraire aux exigences de l’article 50 de la Loi.

[18]           Je n’accorde aucune signification aux demandes produites par l’Opposante pour l’enregistrement des marques de commerce G‑STAR RAW & Dessin (no 1,331,910), G‑STAR RAW DENIM (no 1,331,911) et G‑STAR (no 1,331,912) en liaison, entre autres, avec « horological and chronometric instruments » [paragr. 30 à 32 de l’affidavit du Requérant, Cotes H à J]. Outre le fait que ces demandes n’ont pas été alléguées au soutien d’un motif d’opposition, et tel que je l’ai remarqué lors de l’audience, la question à trancher dans la présente procédure n’est pas celle de savoir si l’Opposante a le droit d’employer ou d’enregistrer ces marques de commerce au Canada. Il s’agit plutôt de déterminer si le Requérant a le droit d’enregistrer la Marque en liaison avec les marchandises énumérées dans sa demande d’enregistrement.

Non-conformité à l’article 30(b) de la Loi

[19]           Dans la mesure où une partie requérante a plus facilement accès aux faits, le fardeau initial de preuve qui incombe à une opposante relativement au motif d’opposition fondé sur la non‑conformité à l’article 30(b) de la Loi est moins lourd [voir Tune Masters c Mr P's Mastertune Ignition Services Ltd (1986), 10 CPR (3d) 84 (COMC)]. Une opposante peut s'appuyer sur la preuve de la partie requérante pour s'acquitter de ce fardeau, mais elle doit démontrer que cette preuve est clairement incompatible avec l’allégation d’emploi de la marque qui fait l’objet de la demande [voir Ivy Lea Shirt Co v Muskoka Fine Watercraft & Supply Co (1999), 2 CPR (4th) 562 (COMC) aux pp 565-566; conf (2001), 11 CPR (4th) 489 (CF 1re inst)]. À cet égard, l’article 30(b) de la Loi exige que la marque visée par la demande ait été employée de façon continue dans le cours normal du commerce depuis la date revendiquée [voir Labatt Brewing Co c Benson & Hedges (Canada) Ltd (1996), 67 CPR (3d) 258 (CF 1re inst) à la p 262].

[20]           Dans le cas présent, l’Opposante n’a présenté aucune preuve au soutien de son motif d’opposition. Elle s’appuie sur la preuve du Requérant, plus particulièrement sur l’affidavit du Requérant lui-même, pour s’acquitter de son fardeau de preuve. En conséquence, j’ai considéré l’affidavit du Requérant dans son ensemble, au regard des représentations écrites et orales de l’Opposante, en vue de déterminer si la preuve est clairement incompatible avec l’allégation d’emploi de la Marque depuis le 5 juin 2002 pour les marchandises énumérées dans la demande.

[21]           Le Requérant déclare qu’il opère son entreprise d’importation et de vente en gros et au détail de montres, bracelets de montres, horloges, stylos et briquets depuis 1965 [paragr. 5 de l’affidavit]. Au paragraphe 16 de son affidavit, le Requérant déclare : « La marque de commerce G‑STAR est établie et utilisée par mon entreprise au Canada depuis plus de 6 ans. » (Mon emphase). Je suis en désaccord avec les représentations de l’Opposante à l’effet que cette dernière déclaration est en soi incompatible avec la date de premier emploi revendiquée dans la demande. De plus, je ne suis pas disposée à conclure que la simple absence d’une déclaration spécifique d’emploi de la Marque en liaison avec des « montres, bracelet de montres, horloge, briquet, stylos » depuis le 5 juin 2002 dans l’affidavit du Requérant est en soi incompatible avec la date de premier emploi revendiquée. J’ajouterai que l’Opposante elle-même a soumis, et ce correctement, qu’une simple déclaration d’emploi ne constitue pas une preuve d’emploi d’une marque de commerce en vertu de l’article 4 de la Loi.

[22]           Ceci étant dit, dans le cas présent et pour les raisons qui suivent, j’estime que l’absence d’une déclaration claire et non équivoque d’emploi de la Marque depuis le 5 juin 2002 en liaison avec chacune des marchandises énumérées dans la demande d’enregistrement combinée aux ambiguïtés dans les déclarations du Requérant au regard de la preuve documentaire, fait en sorte qu’il est permis de sérieusement douter de la justesse de la date de premier emploi revendiquée dans la demande en ce qui a trait aux marchandises « bracelet de montres », « horloge », « briquet » et « stylos » qui y sont énumérées.

[23]           J’ai indiqué précédemment que dans l’examen de la preuve, je n’accorderai pas de poids aux opinions personnelles d’un déposant concernant les questions de fait et de droit qu’il revient au registraire de trancher. Cependant, le fait est que le Requérant exprime des opinions dans son affidavit. À cet égard, je rappelle que le Requérant déclare que la Marque est une extension naturelle de sa marque GEO‑STAR. Il soutient son opinion en déclarant que « pour plusieurs de [ses] clients, la prononciation de la marque GEO STAR est semblable à la prononciation de la [Marque] » [paragr. 21 de l’affidavit]. Ces déclarations du Requérant sont précédées d’une déclaration à l’effet que « [l]a marque de commerce GEO STAR est aussi utilisée pour la vente de montres, bracelets de montres, briquets, stylos et horloges, etc. » [paragr. 19 de l’affidavit]. Le Requérant déclare également que « [l’approbation de [s]a demande pour la [Marque] servira aussi à protéger la marque GEO-STAR qui peut être assujettie à une confusion » avec les marques faisant l’objet des demandes d’enregistrement nos 1,331,910; 1,331,911; et 1,331,912 de l’Opposante [paragr. 34 de l’affidavit]. En conséquence, et de façon générale, j’estime qu’il n’est pas sans fondement pour l’Opposante de soumettre que les déclarations du Requérant quant aux liens entre la Marque et la marque GEO STAR suggèrent qu’il ne fait de distinction entres les deux marques. En d’autres mots, le Requérant semble considérer que l’emploi de la marque GEO STAR équivaut à un emploi de la Marque, ce qui à mon avis renforce mes conclusions quant aux ambiguïtés dans les déclarations du Requérant au regard de la preuve documentaire. Néanmoins, je ne suis pas prête à conclure, tel que le veut l’Opposante, qu’une référence à un produit G STAR sur les factures produites par le Requérant pourrait tout aussi bien être une référence à un produit GEO STAR. Je reviendrai sur les factures qui accompagnent l’affidavit dans ma discussion de la preuve documentaire.

[24]           À titre de remarque générale, je note également que le Requérant déclare au paragraphe 13 de son affidavit qu’il vend « de la marchandise » sous d’autres marques en plus de la Marque et de GEO‑STAR, soit « Diplomate, Omax, Moxel, Ralph Kalendji » (les autres marques).

[25]           Je tiens à souligner que je suis consciente du fait que le Requérant n’a pas le fardeau initial de prouver la date de premier emploi revendiquée dans la demande. Néanmoins, en choisissant de produire une preuve visant à démontrer l’emploi de la Marque, le Requérant s’est exposé aux conséquences qui résultent de mon examen de cette preuve. D’ailleurs, j’estime que ma collègue Jill Bradbury a commenté à juste titre au paragraphe 19 de la décision Guevin c Tall Dark & Handy Handyman Services Ltd (2011), 97 CPR (4th) 444 (COMC): « [TRADUCTION] Une requérante doit savoir que si elle n’est pas en mesure de prouver la date de premier emploi revendiquée avec des éléments de preuve documentaire, elle devrait revendiquer une date ultérieure qui peut être établie au lieu de risquer de voir sa demande repoussée en vertu de l’al. 30b). »

[26]           Je vais maintenant discuter de la preuve documentaire telle que présentée par le Requérant.

[27]           Au paragraphe 15 de son affidavit, le Requérant déclare : « Je produis au soutien de la présente sous la Cote C, un catalogue de nos produits vendus sous la [Marque]. » (Mon emphase). Selon les déclarations du Requérant, des « catalogues semblables aux catalogues produits sous la Cote C sont en production depuis l’année 2000 » et « les catalogues changent chaque année avec l’évolution des produits » (mon emphase) [paragr. 15.1 et 15.2 de l’affidavit]. Puisque le Requérant réfère à la fois à un catalogue et aux catalogues sous la Cote C, je tiens à préciser qu’il n’y a qu’un catalogue d’annexé à son affidavit.

[28]           La déclaration du Requérant quant aux catalogues en production depuis l’année 2000 n’est clairement pas incompatible avec la date de premier emploi revendiquée dans la demande d’enregistrement. De plus, malgré les représentations de l’Opposante à l’effet contraire, j’estime qu’il est raisonnable d’inférer des déclarations du Requérant que le catalogue sous la Cote C démontre des produits vendus sous la Marque depuis le 5 juin 2002. Ceci étant dit, le Requérant déclare spécifiquement qu’il s’agit d’un catalogue des produits vendus sous la Marque. Si cette déclaration du Requérant est interprétée de façon stricte, il faut en conclure que les produits présentés sont tous les produits vendus sous la Marque depuis la date revendiquée. Si l’on estime qu’il n’est pas raisonnable d’interpréter la déclaration du Requérant de façon stricte, force est de conclure que la déclaration du Requérant est ambiguë. Quoiqu’il en soit, le catalogue annexé sous la Cote C ne concerne que des montres portant la Marque. En d’autres mots, le catalogue ne présente pas de bracelets de montres, d’horloges, de briquets et de stylos. En conséquence, lorsque je considère le catalogue et les déclarations du Requérant y relatives, je conclus que ces éléments de preuve sont clairement incompatibles avec la revendication d’emploi de la Marque depuis le 5 juin 2002 en liaison avec les marchandises « bracelet de montres, horloge, briquet, stylos » énumérées dans la demande.

[29]           Je me tourne maintenant vers la série de photos produite sous la Cote B. Selon les déclarations du Requérant, ces photos sont produites pour étayer sa déclaration à l’effet que son entreprise « fait l’assemblage de ses montres dans ses ateliers ainsi que l’impression de ses marques enregistrées ici au Canada sur les montres qu’elle importe sans marque » [paragr. 10 de l’affidavit], et pour montrer « où [s]es produits sont vendus en détail ou par les détaillants » [paragr. 10.1 de l’affidavit].

[30]           Il m’appert qu’il faut conclure de la déclaration du Requérant que les photos sont produites en partie pour démontrer l’emploi de la Marque et d’autres marques sur des montres. D’ailleurs, le Requérant ne fait pas spécifiquement référence à d’autres produits que des montres. Néanmoins, je constate que : certaines photos présentent des briquets et stylos portant la Marque et d’autres marques; la marque GEO‑STAR apparaît sur des bracelets de montre présentés par des photos, mais pas la Marque; et aucune photo ne présente des horloges. Même en faisant abstraction du silence du Requérant concernant d’autres marchandises que les montres et outre le fait qu’il n’y a aucune indication sur la date des photos présentant des briquets et stylos, je ne suis pas prête à inférer de la déclaration du Requérant que ces photos sont représentatives de l’emploi de la Marque en liaison avec des briquets et stylos depuis la date revendiquée dans la demande. À mon avis, je peux tout au plus conclure que les photos démontrent des stylos et briquets portant la Marque à la date de l’affidavit ou vers cette date.

[31]           Quoique l’Opposante soumette correctement que l’affidavit du Requérant n’établit pas la valeur ou le volume des ventes de marchandises associées à la Marque à quelque moment que ce soit, l’absence de cette information n’est pas en soi incompatible avec la revendication d’emploi de la Marque. Ceci étant dit, le Requérant a produit sous la Cote F, « une série de factures du 21 juillet 2000 au 4 septembre 2008, concernant les ventes de produits sous la marque de commerce GEO STAR et sous la [Marque] » [paragr. 22 de l’affidavit]; ces factures constituent « une sélection de factures » du commerce du Requérant pour la vente de produits sous la marque GEO‑STAR et la Marque [paragr. 22.1 de l’affidavit]. Puisque le Requérant a choisi de produire une sélection de factures, j’estime tout à fait approprié d’examiner cette preuve documentaire pour considérer si elle est clairement incompatible avec la revendication d’emploi de la Marque depuis le 5 juin 2002 en liaison avec les marchandises « bracelet de montres, horloge, briquet, stylos » énumérées dans la demande.

[32]           Je suis d’avis que le fait que le Requérant présente les factures en référant à la vente de produits entraîne une ambiguïté, en ce que le Requérant n’énonce pas clairement les produits vendus en liaison avec la Marque qui sont concernés par ces factures. D’ailleurs, je conclus de la déclaration du Requérant et des factures comme telles qu’elles concernent des ventes de produits associés à la marque GEO STAR et à la Marque. Comme suite à mon examen des factures, j’ajoute qu’il y a de nombreux cas où des produits sont décrits sur des factures sans référence à une marque de commerce en particulier ou en référence à une ou plusieurs des autres marques. Compte tenu de la déclaration du Requérant, je ne suis pas prête à inférer que les produits décrits sur des factures sans référence à une marque de commerce en particulier étaient des produits associés à la Marque.

[33]           Après avoir considéré de façon objective les factures sélectionnées par le Requérant, je conclus, d’une part, qu’aucune des factures sélectionnées antérieures au 5 juin 2002 – soit celles émises entre les 21 juillet 2000 et 29 mars 2001 ‑ ne concerne la vente de marchandises en liaison avec la Marque. Je conclus, d’autre part, que les factures qui couvrent la période pertinente sous le motif d’opposition concernent en partie des ventes de marchandises en liaison avec la Marque, mais uniquement pour les marchandises « montres, bracelet de montre, briquet, stylos » énumérées dans la demande. En d’autres mots, je conclus qu’aucune des factures couvrant la période pertinente, soit du 5 juin 2002 au 16 mai 2006, ne concerne la vente d’horloges en liaison avec la Marque. J’ajouterai que parmi les factures sélectionnées, je conclus que la première facture concernant la vente d’horloges en liaison avec la Marque est datée du 29 mai 2007, soit postérieurement à la période pertinente.

[34]           Pour ce qui est des factures émises durant la période pertinente pour des marchandises vendues en liaison avec la Marque, je constate que le Requérant a sélectionné une facture du 5 juin 2002 et que cette facture me permet de conclure à la vente d’une montre. La première facture sélectionnée par le Requérant me permettant de conclure à la vente de stylos en liaison avec la Marque est datée du 9 juin 2002 alors que la première facture me permettant de conclure à la vente d’un bracelet de montre et d’un briquet en liaison avec la Marque est datée du 19 novembre 2002.

[35]           Ma conclusion à l’effet qu’aucune des factures antérieures au 5 juin 2002 ne concerne des ventes de marchandises en liaison avec la Marque n’est évidemment pas incompatible avec la date de premier emploi revendiquée par le Requérant. Par contre, dans les circonstances de l’espèce, j’estime que ce fait n’est pas sans conséquence pour le Requérant. À mon avis, ce fait combiné aux ambiguïtés des déclarations du Requérant, à l’absence d’information sur la valeur ou le volume des ventes de marchandises pour la période pertinente, et aux dates des premières factures m’ayant amenée à conclure à des ventes des marchandises « bracelet de montre, horloge, briquet, stylos », suffisent pour conclure à une incompatibilité entre la preuve et la date de premier emploi revendiquée pour ces marchandises.

[36]           En fin d’analyse, après une considération objective de l’affidavit du Requérant, je conclus qu’il permet à l’Opposante de s’acquitter de son léger fardeau de preuve, mais seulement à l’égard des marchandises « bracelet de montres, horloge, briquet, stylos » énumérées dans la demande. L’Opposante s’étant acquittée de son fardeau initial, je ne suis pas convaincue que le Requérant s’est acquitté de son fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que le motif d’opposition ne devrait pas empêcher l’enregistrement de la Marque en liaison avec ces marchandises.

[37]           En conséquence, j’accueille le motif d’opposition fondé sur la non-conformité à l’article 30(b) de la Loi à l’égard des marchandises « bracelet de montres, horloge, briquet, stylos » et je rejette le motif d’opposition à l’égard des marchandises « montres».

Non-conformité à l’article 30(i) de la Loi

[38]           Le motif d’opposition est rejeté parce que l’allégation à l’effet que le Requérant était au courant de l’emploi des marques de commerce et noms commerciaux de l’Opposante ne constitue pas un motif d’opposition valide. L’article 30(i) de la Loi exige simplement que la partie requérante fournisse une déclaration portant qu’elle est convaincue qu’elle a le droit d’employer la marque de commerce au Canada en liaison avec les marchandises ou services décrits dans sa demande. Le Requérant s’est strictement conformé aux exigences de cette disposition. J’ajouterai au surplus qu’il est bien établi dans la jurisprudence qu’un motif d’opposition fondé sur la non-conformité à l’article 30(i) de la Loi ne devrait être retenu que dans des cas précis, notamment lorsque la mauvaise foi de la partie requérante est alléguée et établie ou que des dispositions législatives précises font obstacle à l’enregistrement de la marque visée par la demande [voir Sapodilla Co Ltd c Bristol‑Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC); et Canada Post Corporation c Registraire des marques de commerce (1991), 40 CPR (3d) 221 (CF 1re inst)]. Ce n’est pas le cas en l’espèce.

Enregistrabilité en vertu de l’article 12(1)(d) de la Loi

[39]           L’Opposante a fourni des certificats d’authenticité de l’enregistrement nLMC456,620 pour la marque nominale G‑STAR et de l’enregistrement nLMC465,160 pour la marque figurative G‑STAR & Dessin. J’ai exercé la discrétion du registraire pour confirmer que chaque enregistrement est en règle. L’état déclaratif des marchandises de chaque enregistrement se lit ainsi qu’il suit :

LMC456,620 : “soaps, perfumery, essential oils, mascara, hair lotions; suitcases, keycases and belts, bags, wallets, trunks and travelling bags, umbrellas, shirts, T-shirts, sweaters, jackets, body warmers, shorts, jeans, trousers, blouses, socks, stockings, shoes, boots, caps and hats.

LMC465,160: “soaps, perfumery, essential oils, cosmetics, namely, mascara, hair lotions; goods of leather or imitations of leathers namely, suit cases, key cases, belts, bags, wallets, trunks and travelling bags; umbrellas; clothing, footwear, headgear namely, shirts, t-shirts, sweaters, jackets, bodywarmers, shorts, jeans, trousers, blouses, socks, stockings, shoes, sportshoes, boots, caps, hats.

[40]           Je note que selon les notes en bas de la page de chaque enregistrement, leur propriétaire originale, Amsterdam Fashion Co. Ltd., les a cédés à G‑Star International Ltd. le 5 décembre 1996 et cette dernière les a cédés à l’Opposante le 31 mars 2006.

[41]           Étant donné que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial, il incombe au Requérant de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de confusion entre la Marque et les marques enregistrées G‑STAR et G‑STAR & Dessin de l’Opposante.

[42]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Selon l’article 6(2) de la Loi, l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou que les services liés à ces marques de commerce sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[43]           À l’appui de sa position quant à l’absence de confusion entre les marques des parties, le Requérant, tant dans son plaidoyer écrit que lors de l’audience, a invoqué de nombreuses décisions où il avait été conclu à l’absence de confusion entre des marques de commerce semblables. Qu'il suffise de dire que la question de la confusion entre la Marque et les marques de commerce alléguées par l'Opposante est une question de probabilités et de circonstances fondée sur les faits propres à la présente affaire. Autrement dit, chaque cas est un cas d'espèce.

[44]           En décidant si des marques de commerce créent de la confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, notamment de celles énumérées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive et un poids différent pourra être accordé à chacun de ces facteurs selon le contexte [voir Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc (2006), 49 CPR. (4th) 321 (CSC); Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée et al (2006), 49 CPR (4th) 401 (CSC); et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC) pour une analyse approfondie des principes généraux applicables au test en matière de confusion].

[45]           La Cour suprême du Canada dans l’arrêt Masterpiece a traité de la démarche qu’il convient d’adopter pour apprécier toutes les circonstances dont il faut tenir compte pour décider si deux marques de commerce créent de la confusion. La Cour a affirmé qu’il arrive souvent que le degré de ressemblance soit le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion et, par conséquent, la plupart de ces analyses devraient commencer par ce facteur. En procédant ainsi, j’analyserai maintenant toutes les circonstances de l’espèce en me concentrant sur la probabilité de confusion entre la Marque et la marque nominale G‑STAR (LMC456,620) de l’Opposante puisque je suis d’avis qu’elle aura pour effet de décider de l’issue du motif d’opposition. En d’autres termes, si je conclus qu’il n’y a pas de probabilité de confusion entre la Marque et la marque nominale G‑STAR, je conclurai aussi qu’il n’y a pas de probabilité de confusion entre la Marque et la marque figurative G‑STAR & Dessin (LMC465,160).

Le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[46]           Bien que le Requérant admette que la Marque « est semblable à une partie des marques de commerce » de l’Opposante, il soumet que la preuve au dossier démontre « que visuellement les marques de commerce sont très différentes » [paragr. 104 et 107 de son plaidoyer écrit]. À l’appui de sa position quant aux différences visuelles entres les marques, le Requérant note que sa preuve démontre l’emploi de la couleur rouge pour la Marque et que la Marque est employée en combinaison avec le mot « Canada ». Contrairement aux représentations du Requérant, ces faits ne sont pas pertinents dans la considération du degré de ressemblance entres les marques en cause parce que je dois considérer la Marque telle que présentée dans la demande. Le fait que la preuve démontre que les parties utilisent une police de caractères différente n’est également pas pertinent. En effet, puisque la demande et l’enregistrement visent des marques nominales, les parties n’ont pas limité l’emploi de leur marque de commerce respective à une police de caractères précise.

[47]           En plus d’être essentiellement identiques dans leur présentation, les marques sont identiques au niveau du son et de l’idée suggérée.

Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[48]           Les marques possèdent toutes deux un caractère distinctif inhérent équivalent dans le contexte des marchandises leur étant associées.

[49]           Comme il est possible d’accroître la force d’une marque de commerce en la faisant connaître par la promotion et l’emploi, j’examinerai maintenant la mesure dans laquelle les marques sont devenues connues au Canada.

[50]           Bien que la preuve du Requérant m’ait amenée à remettre en doute son emploi de la Marque en liaison avec toutes les marchandises énumérées dans la demande depuis la date de premier emploi revendiquée, soit le 5 juin 2002, la preuve démontre néanmoins l’emploi de la Marque depuis cette date. Cependant, hormis une déclaration du Requérant à l’effet que le chiffre d’affaires de son commerce progresse depuis des années [paragr. 12 de l’affidavit], le Requérant ne donne aucun détail sur la valeur ou le volume des ventes de marchandises associées à la Marque à quelque moment que ce soit.

[51]           Pour ce qui concerne la promotion de la Marque, je conclus des déclarations du Requérant qu’elle est effectuée par l’entremise de catalogues, dépliants, et affiches distribués aux détaillants, et par l’entremise du site Web www.gstarwatches.com [paragr. 24 et 24.1 de l’affidavit]. La preuve relative au volume de distribution du matériel publicitaire se limite à une déclaration du Requérant à l’effet que le matériel est distribué « partout »  où les montres sont vendues [paragr. 24 de l’affidavit]. Selon la liste des « plus importants clients » du Requérant, ceux-ci sont principalement situés à Montréal [Cote G]. S’agissant des dépenses publicitaires, le Requérant déclare que « [d]epuis les dernières années, [s]on commerce a dépensé entre 4 000 $ à 6 000 $ par année en publicité et promotion pour les produits sous la [Marque] et GEO STAR » [paragr. 25 de l’affidavit]. Force est de conclure que les dépenses publicitaires fournies ne s’appliquent pas uniquement à la Marque.

[52]           Eu égard à ce qui précède, j’estime que la preuve du Requérant ne me permet pas de conclure quant à la mesure dans laquelle la Marque est devenue connue au Canada. Le mieux que je puisse faire, sur la foi de la preuve présentée par le Requérant, est de conclure que si la Marque est devenue connue au Canada, ce serait dans une faible mesure.

[53]           En débutant ma discussion de la preuve de l’Opposante, je note que M. Gagné réfère collectivement aux marques de commerce enregistrées et non-enregistrées de l’Opposante sous « The G‑STAR Marks ». Ainsi, mon emploi subséquent de l’expression « les Marques G‑STAR » reflètera une référence collective aux marques de commerce de l’Opposante dans l’affidavit de M. Gagné.

[54]           Je reproduis en partie les paragraphes 3 et 4 de l’affidavit de M. Gagné dans lesquels il explique la base de sa connaissance des faits dont il atteste ainsi que les relations entre G‑Star Canada Inc., à laquelle il réfère sous « MY COMPANY », et G‑Star International Ltd., le prédécesseur en titre de l’Opposante, de même que les relations entre sa compagnie et l’Opposante, alors connue sous le nom G‑Star Raw Denim Kft.

3.      […] In setting forth the following information, I relied on my direct knowledge, as well as information gleaned from records and other materials of MY COMPANY, and other companies within the G‑Star family of companies. I am personally aware of or have verified the facts and information contained in this Affidavit […].

4.      […] MY COMPANY has previously been granted a sub-license by G‑Star International B.V. who was licensed by G‑Star International Ltd. to use The G‑STAR Marks for all the goods covered by the registrations and applications, in Canada. When the aforementioned marks were assigned, G‑Star Raw Denim Kft then licensed use of the marks to G‑Star International B.V. who sub-licensed G‑Star Canada Inc. to use the marks in Canada. G‑Star International B.V. now answers to G‑Star Raw Denim Kft (and previously answered to G‑Star International Ltd. when this entity owned the marks) to ensure that all products branded with The G‑Star Marks sold directly, or through G‑Star Canada Inc. as sublicensee, meet the high standard of quality and character established and carefully monitored by G‑Star Raw Denim Kft.

[55]           Selon les déclarations de M. Gagné, les produits portant les Marques G-STAR sont vendus dans plus de 50 pays [paragr. 5 de l’affidavit]. G‑Star International B.V., licenciée de l’Opposante et de son prédécesseur en titre, offre les produits portant les Marques G-STAR au Canada depuis au moins aussitôt que janvier 2003 par le biais de G‑Star Canada Inc. [paragr. 9 de l’affidavit].

[56]           M. Gagné produit divers spécimens d’emploi de l’une ou plusieurs des Marques G‑STAR pour des produits vendus au Canada [Pièces J à N]. Il produit également un échantillonnage de factures de ventes à travers le Canada de produits portant l’une ou plusieurs des Marques G‑STAR [Pièce B]. Selon la déclaration de M. Gagné, les produits visés par les factures incluent: jeans, pantalons, bijoux, jupes, vestes, gilets, chemises, tee-shirts, manteaux, blouses, chandails, casquettes, chapeaux, sacs, portefeuilles, sacs de voyage, étuis porte-clés, ceintures et shorts [paragr. 9 de l’affidavit]. Selon la ventilation annuelle des chiffres de ventes, les revenus générés par les ventes au Canada de produits portant les Marques G-STAR ont augmenté de façon constante au fil des ans passant d’environ 1,4 million d’euros en 2003/2004 à environ 5,8 millions d’euros en 2006/2007. Les revenus ne sont pas ventilés par produit ou par catégorie de produits, sauf pour une déclaration de M. Gagné à l’effet que les ventes de bijoux par sa compagnie représentent moins de 1% des ventes de produits portant les Marques G‑STAR au Canada [paragr. 10 de l’affidavit].

[57]           Selon les déclarations de M. Gagné, la promotion des produits portant les Marques G‑STAR est effectuée, entre autres, par le biais d’annonces dans des magazines et via des panneaux-réclames, salons de la mode, matériel de point de vente et brochures. Selon la ventilation annuelle des sommes dépensées pour la promotion au Canada des produits portant les Marques G-STAR, ces dépenses ont augmenté de façon constante au fil des ans passant d’environ 37,000 euros en 2003/2004 à environ 190,000 euros en 2006/2007 [paragr. 13 de l’affidavit]. M. Gagné produit des exemples d’annonces parues dans des magazines [Pièces C à F], des catalogues mis à la disposition des consommateurs [Pièce G], de même que du matériel relatif à la participation à des salons de la mode par le groupe de compagnies G‑Star.

[58]           Quoique la présentation de la preuve par référence collective aux Marques G‑STAR expose l’affidavit de M. Gagné à la critique, j’estime que toute preuve pertinente concernant l’emploi et la promotion de la marque figurative G-STAR & Dessin (LMC465,160) peut être considérée comme une preuve concernant l’emploi et la promotion de la marque nominale G‑STAR. En conséquence, une considération objective de l’affidavit de M. Gagné dans son ensemble m’ammène à conclure qu’il établit que la marque de l’Opposante est employée au Canada depuis janvier 2003 et qu’elle y est devenue bien connue.

[59]           La question qui se pose alors est de savoir si l’emploi de la marque G‑STAR par G‑Star Canada Inc. est attribuable à l’Opposante et à son prédécesseur en titre, G-Star International Ltd., conformément à l’article 50 de la Loi. Lors de l’audience, j’ai remarqué qu’il n’y avait aucune représentation sur cette question dans le plaidoyer écrit du Requérant. En réponse, l’agent du Requérant a soumis que la preuve ne démontrait pas que l’Opposante et son prédécesseur en titre contrôlaient G‑Star Canada Inc. Comme je l’ai rappelé à l’agent du Requérant, l’article 50(1) de la Loi exige que la propriétaire de la marque contrôle, directement ou indirectement, les caractéristiques ou la qualité des marchandises ou services et non pas la compagnie licenciée, pour que l’emploi d’une marque de commerce par un licencié soit réputé être celui de la propriétaire.

[60]           Le fait que M. Gagné n’identifie pas spécifiquement les compagnies membres de la famille de compagnies G‑STAR (« the G‑Star family of companies ») est sans importance puisque une relation corporative à elle seule n’est pas suffisante pour établir l’existence d’une licence au sens de l’article 50(1) de la Loi [voir MCI Multinet Communications Corp c MCI Multinet Communications Inc (1995), 61 CPR (3d) 245 (COMC); Loblaws Inc c Tritap Food Broker (1999), 3 CPR (4th) 108 (COMC)]. En outre, l’article 50(1) de la Loi n’exige pas une licence écrite. La preuve du contrôle exercé par la propriétaire d’une marque de commerce peut corroborer l’existence d’un accord de licence implicite [voir Well’s Dairy Inc c U L Canada Inc (2000), 7 CPR (4th) 77 (CF 1re inst.)].

[61]           Les détails concernant les mesures prises par l’Opposante et son prédécesseur en titre pour assurer le contrôle des caractéristiques et de la qualité des marchandises vendues au Canada en liaison avec la marque G‑STAR auraient probablement été obtenus par un contre‑interrogatoire de M. Gagné, mais le Requérant a choisi d’y renoncer. De plus, le Requérant n’a soulevé aucune objection quant à l’habilité de M. Gagné à témoigner pour le compte de l’Opposante et sa connaissance des faits attestés dans son affidavit. Finalement, le Requérant n’a pas fait de représentations dans son plaidoyer écrit quant au contrôle requis par l’article 50(1) de la Loi; il a fait des représentations sur cette question seulement à l’audience, mais après que je l’aie moi‑même soulevée, ces représentations n’étant par ailleurs pas satisfaisantes.

[62]           Compte tenu de ce qui précède, je crois qu’il est raisonnable d’accorder toute l’importance voulue à la déclaration expresse de M. Gagné à l’effet que G‑Star International B.V. répond à l’Opposante (et répondait à G‑Star International Ltd.) afin de s’assurer que tous les produits vendus directement ou par le biais de G‑Star Canada Inc. à titre de sous-licencié rencontrent les normes établies et surveillées de près par l’Opposante. Autrement dit, eu égard aux circonstances de l’espèce, j’estime que l’affidavit de M. Gagné permet d’établir que l’emploi de la marque G‑STAR au Canada depuis janvier 2003 a bénéficié à l’Opposante et à son prédécesseur en titre conformément à l’article 50(1) de la Loi.

[63]           En fin d’analyse, je conclus que l’appréciation globale de ce premier facteur favorise l’Opposante de façon significative.

La période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[64]           Tel que discuté précédemment, j’estime que le Requérant a établi l’emploi de la Marque depuis le 5 juin 2002, alors que l’Opposante a établi l’emploi de sa marque au Canada depuis janvier 2003. En conséquence, le second facteur tend à favoriser le Requérant mais non pas de façon significative.

Le genre de marchandises, services ou entreprises; et la nature du commerce

[65]           En considérant le genre de marchandises et la nature du commerce, je dois comparer l’état déclaratif des marchandises couvert par la demande d’enregistrement avec l’état déclaratif des marchandises couvert par l’enregistrement no LMC456,620 [voir Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF); Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF)].

[66]           Je reconnais que les marchandises identifiées dans l’enregistrement no LMC456,620 sont intrinsèquement différentes des marchandises identifiées dans la demande d’enregistrement. Cependant, compte tenu du fait que la demande vise des montres, je ne peux souscrire entièrement aux prétentions du Requérant à l’effet qu’il « n’y a aucun lien apparent ou naturel » entre ses marchandises et les vêtements et accessoires de mode à l’égard desquels la marque de l’Opposante est enregistrée. Des vêtements et accessoires d’une part et des montres d’autre part, sont des marchandises associées à la mode en général [voir Bombardier Inc c Carrard 2012 COMC 37 (COMC) au paragr. 25]. D’ailleurs, le Requérant indique au paragraphe 94 de son plaidoyer écrit : « Il est vrai qu’une montre peut être, dans certaines circonstances, considérées (sic) comme un accessoire de monde (sic). »

[67]           L’Opposante soumet que l’affidavit de Mme Brady et celui du Requérant lui-même prouvent l’existence d’un lien important entre des montres et des vêtements.

[68]           Il est manifeste que la preuve présentée par Mme Brady se rapporte à des questions en litige en l’espèce. Puisque Mme Brady est un agent de marques de commerce à l’emploi de la firme agissant pour l’Opposante, j’estime raisonnable de conclure qu’elle ne constitue pas un témoin impartial déposant en toute objectivité [voir Cross Canada Auto Body Supply (Windsor) Limited et al c Hyundai Auto Canada (2005), 43 CPR (4th) 21 (CF); conf (2006), 53 CPR (4th) 286 (CAF)]. En conséquence, je n’accorde aucune signification à son opinion que les compagnies qui vendent des vêtements de ceux du genre de l’Opposante vendent aussi souvent des montres, et ce même si elle émet cette opinion à titre de consommatrice ordinaire [paragr. 8 de l’affidavit]. Ceci étant dit, j’accepte de tenir compte des faits dont Mme Brady atteste dans son affidavit.

[69]           Selon les déclarations de Mme Brady, elle a reçu instructions de prendre connaissance de la Pièce G à l’affidavit de M. Gagné ‑ laquelle je rappelle consiste en des catalogues  ‑ et d’aller dans des magasins de vêtements et des grands magasins pour acheter des produits du genre de ceux vendus au Canada par l’Opposante. Elle a également reçu instructions de déterminer si ces magasins vendaient aussi des montres et d’en acheter si disponibles [paragr. 2 et 3 de l’affidavit]. Lors de ses déplacements dans les magasins identifiés dans son affidavit, et selon le magasin en cause, Mme Brady a acheté : une paire de jeans et une montre de marque TOMMY HILFIGER; une paire de jeans et une montre de marque GUESS; une chemise, un t-shirt et une montre de marque ROOTS; un chandail, une jupe et une montre de marque EDDIE BAUER; une paire de jeans et une montre de marque BUFFALO David Bitton; une veste en jean et une montre de marque LEVI’S [paragr. 4 à 8 de l’affidavit, Pièces B à L].

[70]           À mon avis, il n’est pas nécessaire que je considère les représentations de l’Opposante quant à l’affidavit du Requérant lui-même pour conclure que la preuve au dossier démontre l’existence d’un lien entre des montres et des vêtements. À cet égard, j’accepte que les faits dont Mme Brady atteste suffisent pour étayer l’existence de pareil lien.

[71]           De plus, je suis d’avis que le fait que Mme Brady n’ait pas précisé si les vêtements et montres qu’elle s’est procurée se trouvaient dans le même endroit ou des endroits différents est sans conséquence en l’espèce. En effet, même s’il est raisonnable de conclure que des vêtements et des montres ne seraient pas généralement des marchandises vendues côte à côte ou à proximité les unes des autres, je rappelle que l’article 6(2) de la Loi n'exige pas que les marchandises des parties soient vendues côte à côte ni qu’elles fassent partie de la même catégorie générale.

[72]           En l’absence de restriction dans l’état déclaratif des marchandises de la demande d’enregistrement quant aux canaux de distribution associés aux marchandises du Requérant, le fait qu’il écoule ses marchandises exclusivement par l’entremise de magasins de montres, de magasins de bijoux et de joailliers n’est pas significatif dans l’appréciation du motif d’opposition [voir Culinar Inc c Mountain Chocolates Ltd (1998), 86 CPR (3d) 251 (COMC) à la page 257]. Finalement, que le Requérant argumente à tort ou a raison que sa clientèle cible diffère de celle de l’Opposante, j’estime que les usagers des marchandises associées aux marques des parties sont ultimement les mêmes, soit les consommateurs canadiens en général.

[73]           En fin d’analyse, je conclus que l’appréciation globale de la nature des marchandises et du commerce favorise l’Opposante lorsque je considère les marchandises « montres » identifiées dans la demande d’enregistrement. De plus, compte tenu de la connexité entre des montres et des bracelets de montres, selon moi l’appréciation globale de ces facteurs tend aussi à favoriser l’Opposante pour ce qui est des marchandises « bracelet de montres » identifiées dans la demande.

Autre circonstance de l’espèce ‑ cas de confusion réelle

[74]           Selon les représentations de l’Opposante, la preuve qu’elle a présentée par le biais de l’affidavit de M. Howard démontre un cas de confusion réelle entre sa marque et la Marque en liaison avec des montres. Lors de l’audience, en plus de se fonder sur l’affidavit de Georges Kelendji pour répondre aux prétentions de l’Opposante, le Requérant a soumis que le témoignage de M. Howard constituait du ouï‑dire.

[75]           Je n’ai pas l’intention d’analyser la preuve soumise et le bien-fondé des représentations des parties sur ce point car j’estime qu’il n’est pas nécessaire d’aborder cette autre circonstance de l’espèce pour donner gain de cause à l’Opposante en ce qui concerne la probabilité de confusion entre sa marque et la Marque en liaison avec des montres.

Conclusion – probabilité de confusion

[76]           Dans l’application du test en matière de confusion, je tiens compte du fait que ce test tient à la première impression et au souvenir imparfait. Compte tenu de mon analyse qui précède, et considérant plus particulièrement le degré de ressemblance entre les marques en présence, la mesure dans laquelle la marque de l’Opposante est devenue connue et les liens entre des vêtements et des montres dans le domaine de la mode en général, je suis d’avis que le Requérant ne s’est pas déchargé de son fardeau de démontrer qu’il n’y a pas de probabilité de confusion entre la Marque en liaison avec des « montres » et la marque de l’Opposante. Bien que le Requérant ait prouvé l’emploi de la Marque au Canada en liaison avec des montres, je ne puis conclure que la période d’emploi et le caractère distinctif acquis par suite de cet emploi sont suffisants pour faire pencher la balance des probabilités en sa faveur.

[77]           Pour ce qui est des autres marchandises énumérées dans la demande, je suis d’avis que la probabilité de confusion entre la Marque en liaison avec les marchandises « bracelet de montres » et la marque de l’Opposante est égale à la probabilité d’absence de confusion. En conséquence, je dois conclure que le Requérant ne s’est pas déchargé de son fardeau de démontrer qu’il n’y a pas de probabilité de confusion entre la Marque en liaison avec ces marchandises et la marque de l’Opposante. Par contre, en ce qui concerne les marchandises « horloge », « briquet » et « stylos », je suis d’avis que les différences entres les marchandises associées aux marques en litige permettent de faire pencher la balance des probabilités en faveur du Requérant et, en conséquence, je conclus que celui-ci s’est déchargé de son fardeau de preuve pour ces marchandises.

[78]           Comme je l’ai mentionné précédemment, je suis d’avis que la comparaison de la Marque avec la marque de commerce G‑STAR de l’Opposante enregistrée sous le no LMC456,620 permet de trancher le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)(d) de la Loi. En conséquence, j’accueille le motif d’opposition à l’égard des marchandises « montres, bracelet de montres » et je rejette le motif d’opposition à l’égard des marchandises « horloge, briquet, stylos ».

Motifs d’opposition restants

[79]           En accueillant le motif d’opposition fondé sur la non-conformité à l’article 30(b) de la Loi à l’égard des marchandises « bracelet de montres, horloge, briquet, stylos » et celui fondé sur l’article 12(1)(d) à l’égard des marchandises « montres, bracelet de montres », j’ai déjà repoussé la demande d’enregistrement à l’égard de toutes les marchandises qui y sont énumérées. En conséquence, je n’examinerai pas les motifs d’opposition fondés sur l’absence de droit à l’enregistrement et l’absence de caractère distinctif.

Décision

[80]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d’enregistrement selon les dispositions de l’article 38(8) de la Loi.

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Céline Tremblay

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

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