Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2014 COMC 17

Date de la décision : 2014-01-27

TRADUCTION

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45, engagée à la demande de Miller Canfield LLP visant l’enregistrement no LMC545,923 de la marque de commerce HEALTHY CREATIONS au nom de Maxim Marketing Corporation

[1]               Le 7 septembre 2011, à la demande de Miller Canfield LLP (la Partie requérante), le registraire a donné l'avis prévu à l'article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) à Maxim Marketing Corporation (la Propriétaire), propriétaire inscrite de l’enregistrement no LMC545,923 pour la marque de commerce HEALTHY CREATIONS (la Marque).

[2]               La Marque est enregistrée aux fins d'emploi en liaison avec les marchandises [traduction] « bretzels ».

[3]               L’article 45 de la Loi exige que le propriétaire inscrit de la marque de commerce indique si la marque de commerce a été employée au Canada en liaison avec chacune des marchandises et/ou chacun des services décrits dans l’enregistrement à un moment quelconque au cours des trois années précédant immédiatement la date de l'avis et, dans la négative, qu’il précise la date où la marque a été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d'emploi depuis cette date. En l'espèce, la période pertinente pour établir l’emploi s’étend du 7 septembre 2008 au 7 septembre 2011.

[4]               La définition pertinente du terme « emploi » est énoncée à l’article 4(1) de la Loi :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

 

[5]               Il est bien établi que de simples assertions d’emploi ne sont pas suffisantes pour établir l’emploi dans le contexte d’une procédure en vertu de l’article 45 [Plough (Canada) Ltd c. Aerosol Fillers Inc (1980), 53 CPR (2d) 62 (CAF)]. Bien que le niveau de preuve requis pour établir l’emploi dans le cadre de cette procédure soit peu élevé [Woods Canada Ltd c. Lang Michener (1996), 71 CPR (3d) 477 (CF 1re inst.)] et qu’il ne soit pas nécessaire de produire une surabondance d’éléments de preuve [Union Electric Supply Co c. le Registraire des marques de commerce (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF 1re inst.)], le propriétaire inscrit ne doit pas moins présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec chacune des marchandises et chacun des services décrits dans l’enregistrement au cours de la période pertinente.

[6]               En réponse à l'avis prévu à l'article 45, la Propriétaire a produit l'affidavit d’Eric Ison, directeur financier de la Propriétaire. Seule la Partie requérante a produit des observations écrites; aucune audience n’a été tenue.

[7]               Dans son affidavit, M. Ison déclare que la Propriétaire est une entreprise de grignotage établie en Californie qui importe et distribue des collations et des confiseries en Amérique du Nord. Il atteste que la gamme de produits HEALTHY CREATIONS a été lancée en 2001 aux États-Unis, et ensuite au Canada, comme une gamme de [traduction] « collations de bretzels santé ».

[8]               Il fait valoir que les marchandises portant la Marque ont été vendues pendant la période pertinente par vente directe par la Propriétaire [traduction] « à la suite de commandes placées par des distributeurs intéressés au Canada et par l’entremise des sites Web [de la Propriétaire] ».

[9]               En pièce B de l’affidavit de M. Ison se trouvent des photographies de différents sacs de collations de bretzels assaisonnés qui, selon M. Ison, sont représentatifs de ceux vendus pendant la période pertinente. Je remarque que la Marque apparaît dans la partie supérieure de chaque sac.

[10]           Comme preuve du transfert des marchandises au Canada pendant la période pertinente, en pièce C de l’affidavit de M. Ison, se trouvent deux factures de « Maxim Manufacturing & Marketing » à « SIMPLY CANDY ». Il atteste que les deux factures [traduction] « font référence à la vente de Marchandises, portant la marque de commerce HEALTHY CREATIONS, à des consommateurs canadiens » et que [traduction] « ces factures sont représentatives de factures pour la vente de Marchandises HEALTHY CREATIONS pendant la période pertinente ». Comme l'a remarqué la Partie requérante, M. Ison ne déclare pas clairement que les factures ont été émises par la Propriétaire, pas plus qu’il n’explique la relation, s’il y en a une, entre la Propriétaire et « Maxim Manufacturing & Marketing ». En effet, des déclarations claires quant à la pratique normale du commerce au Canada de la Propriétaire pendant la période pertinente sont généralement absentes de l’affidavit de M. Ison. Bien qu’il fournisse des imprimés de pages des sites Web de la Propriétaire en pièce D, je remarque que rien dans ces pages n’indique comment ou même si la Propriétaire met en marché ses marchandises au Canada.

[11]           Plus important encore, en supposant même que je conclue que les factures proviennent de la Propriétaire, je remarque qu’une seule des factures semble dater de la période pertinente, nommément le 3 juin 2011. L’autre est datée après la période pertinente, nommément le 3 avril 2012.

[12]           Selon les circonstances, la preuve d’une seule vente peut suffire pour établir l’emploi d’une marque de commerce dans la pratique normale du commerce. Comme l’a dit la Cour fédérale dans Philip Morris Inc. c. Imperial Tobacco Ltd. (1987), 13 CPR (3d) 289 (CF 1re inst.) :

[traduction]

La preuve d’une seule vente, en gros ou au détail, effectuée dans la pratique normale du commerce peut suffire, dans la mesure où il s’agit d’une véritable transaction commerciale et qu’elle n’est pas perçue comme ayant été fabriquée ou conçue délibérément pour protéger l’enregistrement de la marque de commerce. [à 293]

[13]           Toutefois, dans Guido Berlucci & C. S.r.l. c. Brouilette Kosie (2007), 56 CPR (4th) 401 (CF), la Cour fédérale a dit ce qui suit :

[traduction]

… si un propriétaire inscrit choisit de ne produire la preuve que d’une seule vente, il joue avec le feu, car il doit alors fournir suffisamment de renseignements concernant le contexte dans lequel s’est déroulée la vente pour éviter de susciter dans l’esprit du registraire ou de la Cour des doutes qui pourraient jouer contre lui. [au paragraphe 20]

[14]           En l’espèce, je ne suis pas convaincu que la facture de juin 2011 représente une vente qui est [traduction] « une véritable transaction commerciale ». En effet, la Partie requérante va même jusqu’à suggérer que les deux factures produites en preuve [traduction] « semblent être des documents fabriqués ». Cette déclaration est fondée en partie sur de la recherche et des allégations de la Partie requérante qui ne font pas partie de la preuve. Toutefois, à l'examen des deux factures produites en preuve, je remarque qu’elles sont curieusement identiques selon plusieurs aspects, y compris le numéro de la facture, le numéro du bon de commande, la description des produits et la date d’expédition (soit le « 4/8/2012 » sur les deux factures). Les données qui sont différentes – les quantités commandées et expédiées, la valeur totale en dollars et la date – sont toutes visiblement imprimées en plus foncé que les autres données qui apparaissent sur la facture « antérieure » de juin 2011. Malgré la contestation de la validité des factures par la Partie requérante, la Propriétaire a choisi de ne pas répondre à ces allégations dans ses propres représentations.

[15]           De toute façon, même si j’acceptais d’emblée la facture de juin 2011, comme susmentionné, la « date d’expédition » indiquée est bien après la fin de la période pertinente. Par conséquent, et, en l’absence de plus de détails relatifs aux circonstances entourant cette transaction et la pratique normale du commerce au Canada de la Propriétaire, je ne suis pas convaincu que les factures attestent un transfert de propriété ou de possession des marchandises au Canada pendant la période pertinente.

[16]           Nonobstant les factures, l’affidavit de M. Ison demeure ambigu à savoir si un transfert des marchandises a vraiment eu lieu au Canada pendant la période pertinente et dans la pratique normale du commerce. Il fournit les chiffres [traduction] « de ventes nord-américaines approximatifs » suivants : 2008-2009 : 10 000 $; 2009-2010 : 15 000 $; 2010-2011 : 30 000 $. Notant que les produits de la Propriétaire [traduction] « n’ont pas connu le succès escompté sur le marché canadien », M. Ison atteste que [traduction] « les ventes canadiennes de Marchandises portant [la Marque] représentent, en moyenne, un petit pourcentage du total des ventes nord-américaines, nommément, moins de 5 % ». Je remarque que [traduction] « moins de 5 % » est une déclaration intrinsèquement ambiguë et peut être interprétée comme « zéro » pendant la période pertinente. Rien dans les déclarations de M. Ison n’indique clairement que des ventes ont véritablement été réalisées au Canada pendant la période pertinente, que ce soit dans la pratique normale du commerce ou d’une autre manière. 

[17]           En conséquence, je ne peux conclure que la Propriétaire a démontré l’emploi de la Marque en liaison avec les marchandises au sens des articles 4 et 45 de la Loi.

Circonstances spéciales

[18]           Quant à savoir s’il existait des circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi de la Marque pendant la période pertinente, nonobstant les commentaires de M. Ison quant à sa marque HEALTHY CREATIONS comme étant importante pour la Propriétaire, la Propriétaire n’a fourni aucune preuve et n’a présenté aucun argument explicite au sujet de circonstances spéciales. Puisque des conditions de marché difficiles ou défavorables ne sont généralement pas considérées comme des circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi, je ne peux conclure que les critères énoncés dans Registraire des marques de commerce c. Harris Knitting Mills Ltd. (1985), 4 CPR (3d) 488 (CAF), ont été respectés en l’espèce [voir Rogers, Bereskin & Parr c. Registraire des marques de commerce (1987), 17 CPR (3d) 197 (CF 1re inst.); Lander Co Canada Ltd c. Alex E Macrae & Co (1993), 46 CPR (3d) 417 (CF 1re inst.)].

[19]           À cet égard, je remarque le commentaire suivant de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Plough, précité :

[traduction]

Il n’est pas permis à un propriétaire inscrit de garder sa marque s’il ne l’emploie pas, c’est‑à-dire s’il ne l’emploie pas du tout ou s’il ne l’emploie pas à l’égard de certaines des marchandises pour lesquelles cette marque a été enregistrée. [à 66]

[20]           Étant donné que la Propriétaire n’a présenté aucun élément de preuve démontrant que le défaut d’emploi de la Marque est dû à des raisons indépendantes de sa volonté, je dois également conclure que la Propriétaire n’a pas démontré l’existence de circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi de la Marque au cours de la période pertinente au sens de l’article 45(3) de la Loi.

Décision

[21]           Compte tenu de ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu de l’article 63(3) de la Loi, l’enregistrement sera radié conformément aux dispositions de l’article 45 de la Loi.

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Andrew Bene

Agent d’audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Nathalie Tremblay

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