Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

Informations sur la décision

Contenu de la décision

BW v2 Logo

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2015 COMC 230

Date de la décision : 2015-12-23

[TRADUCTION CERTIFIÉE,
NON RÉVISÉE]

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION

 

 

S.A. DAMM

Opposante

et

 

HIJOS DE RIVERA, S.A.

Requérante

 

 

 



 

1,568,398 pour la marque de commerce ESTRELLA GALICIA (& DESSIN)

 

Demande

Contexte

[1]               La Requérante a produit une demande d'enregistrement à l'égard de la marque de commerce ESTRELLA GALICIA (et & DESSIN) (la Marque), qui est reproduite ci-dessous. La demande d'enregistrement est fondée sur l'emploi projeté de la Marque au Canada en liaison avec de la [Traduction] « bière ».

ESTRELLA GALICIA (& DESIGN)

[2]               L'Opposante est propriétaire de la marque de commerce ESTRELLA DAMM, laquelle est enregistrée sous le no LMC818,413 et employée au Canada en liaison avec de la [Traduction] « bière ».

[3]               L'Opposante est d'avis qu'il existe une probabilité de confusion entre sa marque de commerce et la Marque, et s'est, par conséquent, opposée à la demande de la Requérante.

[4]               Pour les raisons exposées ci-dessous, l'opposition est accueillie.

Dossier

[5]               La demande pour la Marque a été produite le 13 mars 2012.

[6]               La demande a été annoncée aux fins d'opposition dans le Journal des marques de commerce du 15 mai 2013 et, le 6 septembre 2013, l'Opposante s'y est opposée en vertu de l'article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch. T-13 (la Loi) en produisant une déclaration d'opposition.

[7]               Les motifs d’opposition étaient initialement fondés sur les articles 30e), 30i), 12(1)d), 16(3)a) et 2 (caractère distinctif) de la Loi. Cependant, l'Opposante a depuis abandonné le motif d'opposition fondé sur l'article 30e) et, par conséquent, je n'examinerai pas ce motif dans ma décision.

[8]               Le 6 novembre 2013, la Requérante a produit une contre-déclaration dans laquelle elle nie les allégations formulées dans la déclaration d'opposition. Lorsqu'elle a produit sa contre-déclaration, la Requérante a également demandé qu'une décision interlocutoire soit rendue relativement au caractère suffisant de l'argumentation fondée sur l'article 2 (caractère distinctif) de la Loi. Une partie de cette argumentation a conséquemment été radiée, ainsi que nous le verrons plus loin dans la présente décision.

[9]               Comme preuve au soutien de son opposition, l'Opposante a produit l'affidavit de Floris van Neerrijnen, souscrit le 27 février 2014 (le premier affidavit Neerrijnen) et l'affidavit de Jeannine Summers, souscrit le 4 mars 2014 (l'affidavit Summers). Aucun des déposants n'a été contre-interrogé.

[10]           Comme preuve au soutien de sa demande, la Requérante a produit l'affidavit de Thelma Thibodeau, souscrit le 18 juin 2014 (l'affidavit Thibodeau). Mme Thibodeau n'a pas été contre-interrogée.

[11]           Comme preuve en réponse, l'Opposante a produit l'affidavit de Floris van Neerrijnen, souscrit le 9 juillet 2014 (le second affidavit Neerrijnen).

[12]           Les parties ont toutes deux produit un plaidoyer écrit et étaient toutes deux présentes à l'audience qui a été tenue.

Fardeau de preuve

[13]           C'est à la Requérante qu'incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. L’Opposante a toutefois le fardeau de preuve initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition [voir John Labatt Limited c The Molson Companies Limited (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst.), p 298].

Motifs d'opposition rejetés sommairement

Non-conformité – article 30i)

[14]           L'Opposante allègue que la Requérante ne pouvait pas être convaincue d'avoir droit à l'emploi de la Marque au Canada compte tenu de l'emploi et de l'enregistrement antérieurs de la marque de commerce ESTRELLA DAMM de l'Opposante. L'article 30i) de la Loi exige simplement que le requérant se déclare convaincu, dans sa demande, d'avoir droit à l'enregistrement de sa marque. Lorsque le requérant a fourni la déclaration exigée, un motif d'opposition fondé sur l'article 30i) ne devrait être accueilli que dans des cas exceptionnels, comme lorsqu'il existe une preuve que le requérant est de mauvaise foi [voir Sapodilla Co Ltd c Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC), p 155]. Le simple fait de connaître l'existence des marques de commerce d'un opposant ne peut pas en soi servir de fondement à une allégation selon laquelle le requérant ne pouvait pas être convaincu de son droit à l'emploi d'une marque [Woot, Inc c WootRestaurants Inc Les Restaurants Woot Inc 2012 COMC 197 (CanLII)]. La Requérante a produit la déclaration exigée, et l'Opposante n'a pas établi que la présente espèce est un cas exceptionnel. En conséquence, ce motif d'opposition est rejeté.

Analyse des autres motifs d’opposition

Non-enregistrabilité – article 12(1)d)

[15]           L'Opposante allègue que la Marque n'est pas enregistrable parce qu'elle crée de la confusion avec sa marque de commerce ESTRELLA DAMM, qui fait l'objet de l'enregistrement no LMC818,413.

[16]           La date pertinente pour l'appréciation d'un motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d) est la date de ma décision [Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd et le Registraire des marques de commerce (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)].

[17]           L'Opposante a produit une copie certifiée de son enregistrement à titre de preuve [premier affidavit van Neerrijnen, para 5; pièce 4]; j'ai exercé mon pouvoir discrétionnaire de consulter le registre et je confirme que l'enregistrement existe toujours [Quaker Oats Co of Canada c Menu Foods Ltd (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC)]. L'Opposante s'est donc acquittée du fardeau de preuve initial qui lui incombait à l'égard de ce motif.

[18]           L'Opposante s'étant acquittée de son fardeau de preuve, la Requérante doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce de l'Opposante.

[19]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. L'article 6(2) de la Loi prévoit que l'emploi d'une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce si l'emploi des deux marques de commerce dans la même région est susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[20]           Lorsqu'il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris celles expressément énoncées au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent. Le poids qu'il convient d'accorder à chacun de ces facteurs n'est pas nécessairement le même [Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc (2006), 49 CPR (4th) 321 (CSC) et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC)].

Article 6(5)a) – le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[21]           Les marques des parties possèdent toutes deux un caractère distinctif inhérent considérable du fait qu'elles comprennent toutes deux des mots qui n'ont aucune signification en français ou en anglais. On pourrait soutenir, néanmoins, que le caractère distinctif inhérent de la Marque est légèrement plus marqué du fait de l'inclusion d'un élément graphique.

[22]           Le caractère distinctif d'une marque de commerce peut être accru par la promotion ou l'emploi.

[23]           En l'espèce, la demande pour la Marque est fondée sur l'emploi projeté et la Requérante n'a produit aucun élément de preuve établissant l'emploi de la Marque. L'Opposante, en revanche, a produit une preuve concernant la promotion et l'emploi de sa marque de commerce. Cette preuve est fournie par le truchement du premier affidavit van Neerrijnen et de l'affidavit Summers. J'examinerai chacun de ces affidavits tour à tour ci-dessous.

L'affidavit van Neerrijnen

[24]           M. van Neerrijnen travaille pour l'Opposante à titre de spécialiste de l'image de marque [para 1]. Selon, M. van Neerrijnen, l'Opposante a commencé à vendre de la bière au Canada en liaison avec sa marque de commerce dès 1999 et sa bière est vendue en liaison avec sa marque de commerce de façon continue depuis au moins 2008 [para 6 et 7].

[25]           Au paragraphe 8, M. van Neerrijnen explique que la marque de bière ESTRELLA DAMM comprend la ESTRELLA DAMM BARCELONA (depuis 2008); la ESTRELLA DAMM INEDIT (depuis 2009); et la ESTRELLA DAMM DAURA (depuis 2009). M. van Neerrijnen désigne ces produits collectivement comme les [Traduction] « Bières ESTRELLA DAMM ». Comme l'a fait observer la Requérante, l'Opposante n'a produit aucune preuve de l'emploi de sa marque de commerce ESTRELLA DAMM au Canada avant 2008.

[26]           Selon, M. van Neerrijnen, les Bières ESTRELLA DAMM sont vendues par diverses voies de commercialisation, y compris dans des établissements détenteurs d'un permis d'alcool, tels que des bars, des pubs et des restaurants, et dans des points de vente au détail, tels que des magasins de bières et d'alcools sous réglementation provinciale [para 9]. Comme pièce B sont joints des extraits d'une carte des bières d'un restaurant de l'Ontario sur laquelle figure la lager ESTRELLA DAMM.

[27]           M. van Neerrijnen affirme que l'Opposante appose la marque de commerce ESTRELLA DAMM bien en vue sur les bouteilles et/ou les cannettes contenant les Bières ESTRELLA DAMM qui sont distribuées au Canada en vue d'y être vendues. Il explique que les bouteilles et les cannettes qui sont vendues dans des points de vente au détail sont généralement emballées dans des caisses et que les cannettes, les bouteilles et les caisses ont été exposées dans des magasins de détail au moins en Ontario, en Colombie-Britannique, en Alberta, en Nouvelle-Écosse et au Manitoba [para 10].

[28]           Comme pièces C à G sont jointes des copies de photos de cannettes, de bouteilles et/ou de caisses qui ont été prises dans des magasins de détail de ces provinces et qui, au dire de M. van Neerrijnen, sont représentatives des cannettes, des bouteilles et/ou des caisses de Bières ESTRELLA DAMM vendues par l'Opposante de 2008 à aujourd'hui [para 10]. Je souligne que, sur les cannettes montrées en pièce C, le mot ESTRELLA figure en grosses lettres au-dessus du mot DAMM, qui est écrit en plus petits caractères. Le mot BARCELONA figure en très petits caractères sous les mots ESTRELLA et DAMM. Sur la caisse montrée en pièce C, les mots ESTRELLA et DAMM figurent côte à côte dans la même taille et la même police de caractères, et le mot « Barcelona » est écrit en dessous en plus petits caractères dans une police différente. Malgré la présence du mot « Barcelona » à proximité immédiate des mots ESTRELLA DAMM, je suis convaincue que la façon dont la marque de commerce est employée constitue un emploi de la marque de commerce de l'Opposante telle qu'elle est enregistrée [Canada (Registraire des marques de commerce) c Cie internationale pour l'informatique CII Honeywell Bull, SA (1985), 4 CPR (3d) 523 (CAF)].

[29]           Selon M. van Neerrijnen, le volume des ventes de Bières ESTRELLA DAMM de l'Opposante au Canada pour la période allant de 2009 à 2013 avoisine les 27 millions de litres [para 11]. M. van Neerrijnen affirme que depuis 2008, l'Opposante a engagé des dépenses d'au moins 500 000 $ pour commercialiser ses Bières ESTRELLA DAMM au Canada [para 12].

[30]           Au paragraphe 13, M. van Neerrijnen affirme que, depuis 2008, la publicité des Bières ESTRELLA DAMM de l'Opposante a pris de multiples formes, y compris des produits dérivés arborant sa marque, des dégustations privées, des foires commerciales, du matériel de marchandisage et des affiches sur les lieux de vente. Des exemples de ces différents types de publicités sont joints comme pièce H. Comme pièce I est jointe une copie d'extraits d'un document provenant du distributeur canadien de l'Opposante indiquant comment ce dernier s'y prenait pour commercialiser les Bières ESTRELLA DAMM de l'Opposante au Canada en 2011. M. van Neerrijnen fournit également des renseignements au sujet d'un concours que l'Opposante a organisé en 2011 et dont le grand prix consistait en un voyage à Barcelone pour un résident de l'Ontario et un résident de la Colombie-Britannique. Le concours a été annoncé en ligne sur des sites Web canadiens, dans les médias numériques, lors de foires commerciales, sur les caisses de bière et sur Facebook® [para 15 et 16; pièces K et L]. Il affirme que la publicité dont le concours a fait l'objet (à l'exclusion de celle sur Facebook®) a généré plus de 8,5 millions d'« impressions » et que 2,5 millions d'impressions supplémentaires ont été obtenues grâce à Facebook® [para 16]. Comme pièce L sont jointes des copies des statistiques concernant les taux d'impressions et de clics publicitaires générées par la campagne visant à promouvoir le concours en ligne de 2011.

[31]           Au paragraphe 14, M. van Neerrijnen affirme que certaines des Bières ESTRELLA DAMM de l'Opposante ont également été annoncées dans des publicités de la Régie des alcools de l'Ontario (LCBO). Des exemples de ces publicités sont joints comme pièce J.

[32]           Au paragraphe 17, M. van Neerrijnen affirme que l'Opposante profite également d'une visibilité internationale grâce à sa commandite du FC Barcelona [équipe de soccer de Barcelone], dont elle est la commanditaire exclusive dans la catégorie « bières » et avec lequel elle collabore depuis plus de 20 ans. Selon M. van Neerrijnen, des bannières publicitaires montrant la marque ESTRELLA DAMM bordent les gradins du stade qui héberge le FC Barcelona en Espagne et que les matchs du Club sont diffusés à l'échelle mondiale et peuvent être vus au Canada. Comme pièce M sont jointes des copies de deux publicités canadiennes annonçant un ballon de soccer de marque ESTRELLA DAMM et mettant en vedette le FC Barcelona et la marque ESTRELLA DAMM.

L'affidavit Summers

[33]           Mme Summers est une technicienne juridique à l'emploi de l'agent de l'Opposante [para 1]. Son affidavit semble avoir été produit pour étayer les déclarations que fait M. van Neerrijnen dans son affidavit au sujet de l'emploi de la marque de commerce de l'Opposante.

[34]           Au paragraphe 3, elle affirme avoir consulté un certain nombre de sites Web, dont ceux de Liquor Mart (Manitoba); de la Newfoundland Labrador Liquor Corporation; de la Société des alcools de la Nouvelle-Écosse; de la Régie des alcools de l'Ontario (LCBO); de la Société des Alcools du Québec; et de la Saskatchewan Liquor and Gaming Authority. Selon Mme Summers, ces sites Web fournissent des renseignements sur les produits ESTRELLA DAMM CELIAC, ESTRELLA DAMM INEDIT et/ou ESTRELLA DAMM LAGER ainsi que des photographies de ces produits qui sont présentés comme étant offerts en vente au Canada. Des imprimés de ces pages Web sont joints comme pièces A1 à A8. Comme pièce B est jointe à son affidavit une copie d'une liste de prix tirée du site Web de la Yukon Liquor Corporation dans laquelle figure le produit ESTRELLA DAMM INEDIT.

[35]           Au paragraphe 5, Mme Summers affirme qu'elle a consulté le site Web du FC Barcelona et constaté que bon nombre des pages du site arborent la marque de commerce ESTRELLA DAMM de l'Opposante. Des imprimés et des captures d'écran tirés de ce site Web sont joints comme pièce C à son affidavit.

[36]           Au paragraphe 6 de son affidavit, Mme Summers présente les résultats d'une recherche Internet pour les mots « estrella damm » et « sponsor » employés conjointement. Des imprimés tirés de certains des sites Web qui figuraient parmi les résultats de sa recherche sont joints comme pièce D. Comme pièce E sont joints des imprimés et des captures d'écran tirés du site Web de l'Opposante dans lesquels figure la marque ESTRELLA DAMM.

[37]           Une copie certifiée de l'enregistrement de la marque de commerce ESTRELLA DAMM (no LMC818,413) de l'Opposante est jointe comme pièce F à l'affidavit de Mme Summers.

[38]           Je suis convaincue que l'Opposante emploie sa marque de commerce ESTRELLA DAMM au Canada depuis au moins 2008 et que cette dernière est devenue connue dans une certaine mesure. Dans l'ensemble, j'estime que ce facteur, qui concerne à la fois le caractère distinctif inhérent des marques et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues, favorise l'Opposante.

Article 6(5)b) – la période pendant laquelle chaque marque a été en usage

[39]           Ce facteur favorise également l'Opposante, car cette dernière a démontré que sa marque de commerce ESTRELLA DAMM est employée depuis au moins 2008; la demande pour la Marque, en revanche, est fondée sur l'emploi projeté et la Requérante n'a produit aucun élément de preuve établissant que l'emploi de la Marque a commencé au Canada.

Articles 6(5)c) et d) – le genre de produits, services ou entreprises, et la nature du commerce

[40]           S'agissant des facteurs énoncés aux articles 6(5)c) et d) de la Loi, l'appréciation de la probabilité de confusion aux termes de l'article 12(1)d) de la Loi repose sur la comparaison de l'état déclaratif des produits qui figure dans la demande pour la Marque avec l'état déclaratif des produits qui figure dans l'enregistrement de l'Opposante [Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF) et Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF)].

[41]           L'enregistrement de l'Opposante et la demande pour la Marque de la Requérante visent, l'un et l'autre, de la [Traduction] « bière ». Compte tenu du fait que les produits des parties sont identiques, et en l'absence d'une preuve contraire, j'estime raisonnable de conclure que les voies de commercialisation des produits seraient similaires, voire identiques.

Article 6(5)e) – le degré de ressemblance entre les marques de commerce

[42]           Dans Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc et al [supra], la Cour suprême du Canada a clairement indiqué que le facteur le plus important parmi ceux énoncés à l'article 6(5) de la Loi est souvent le degré de ressemblance entre les marques de commerce des parties [voir également Beverley Bedding & Upholstery Co c Regal Bedding & Upholstering Ltd (1980), 47 CPR (2d) 145 (CF), p 149, confirmée par (1982), 60 CPR (2d) 70 (CAF)]. Si les marques de commerce des parties ne se ressemblent pas, il est peu probable que l'analyse amène à conclure à la probabilité de confusion même si les autres facteurs tendent fortement à indiquer le contraire.

[43]           Dans Masterpiece, la Cour suprême a fait observer que, même si le premier mot est souvent l'élément le plus important pour établir le caractère distinctif d'une marque de commerce [Conde Nast Publications Inc c Union des éditions modernes (1979), 46 CPR (2d) 183 (CF 1re inst.)], il est préférable, lorsqu'il s'agit de comparer des marques entre elles, de se demander d'abord si l'un des aspects de la marque de commerce est particulièrement frappant ou unique.

[44]           La Requérante reconnaît que les marques de commerce des parties comprennent toutes deux l'élément ESTRELLA, mais soutient qu'en dehors de ce point commun, les marques de commerce des parties diffèrent complètement l'une de l'autre sur les plans visuel et phonétique parce que la marque de commerce de l'Opposante comprend le mot DAMM et la Marque le mot GALICIA, lesquels sont visuellement et phonétiquement différents. La Requérante fait observer que la Marque comprend des éléments textuels supplémentaires (quoiqu'en très petits caractères) et une partie graphique (y compris une étoile dans un cercle) qui prend la forme d'une écriture stylisée et d'une figure ovale dotée d'un arrière-plan foncé et d'un contour clair. La Requérante soutient que les éléments graphiques produisent une impression visuelle frappante qui rend la Marque complètement différente de la marque de commerce de l'Opposante.

[45]           Je reconnais qu'il y a des différences entre les marques de commerce des parties. Cependant, j'estime que, lorsqu'on les considère dans leur ensemble, les marques de commerce présentent tout de même une certaine ressemblance du fait de la présence du mot ESTRELLA. Ce mot, qui est plutôt distinctif par nature, occupe la première position dominante dans la marque de commerce de l'Opposante, et, à mon avis, c'est ce premier mot que les consommateurs retiendraient en voyant, en lisant ou en prononçant la Marque. J'estime, par conséquent, que sa présence dans les marques des parties produit une impression générale relativement similaire, en dépit des autres éléments que comprennent également les marques des parties.

Circonstances de l'espèce

État du registre

[46]           À titre de circonstance additionnelle de l'espèce, la Requérante invoque la preuve de l'état du registre qui a été produite par le truchement de l'affidavit Thibodeau. Mme Thibodeau a consulté la Base de données sur les marques de commerce canadiennes et fait imprimer les détails de 21 demandes et enregistrements de marque de commerce [para 2 et 3; pièce TT-1]. Les marques de commerce qui font l'objet de ces demandes et enregistrements sont énumérées au paragraphe 3 de son affidavit.

[47]           On ne sait pas très bien pourquoi elle a sélectionné ces marques de commerce en particulier. Parmi les marques repérées par Mme Thibodeau, trois comprennent le mot ESTRELLA’S (ou un équivalent phonétique de ce mot). Bon nombre des autres marques, mais pas toutes, semblent comprendre le mot STAR [étoile] ou une image d'étoile. D'après les observations présentées par les parties, je déduis que ces marques « étoile » ont été incluses parce que « estrella » signifie « étoile » en espagnol. Or, il n'y a au dossier aucun élément de preuve donnant à penser que le consommateur canadien moyen connaîtrait cette signification. Dans ce contexte, je ne considère pas que ces marques sont particulièrement pertinentes.

[48]           Bien que la preuve de l'état du registre puisse être utile pour apprécier le caractère commun ou le caractère distinctif d'une marque de commerce ou d'une partie d'une marque par rapport à l'ensemble des marques au registre, il a été statué qu'une telle preuve n'est pertinente que dans la mesure où elle permet de tirer des conclusions quant à l'état du marché, et de telles conclusions ne peuvent être tirées que si un nombre significatif d'enregistrements pertinents est repéré [Ports International Ltd c Dunlop Ltd (1992), 41 CPR (3d) 432 (COMC); Welch Foods Inc c Del Monte Corp (1992), 44 CPR (3d) 205 (CF 1re inst.); et Maximum Nutrition Ltd c Kellogg Salada Canada Inc (1992), 43 CPR (3d) 349 (CAF)].

[49]           Étant donné que Mme Thibodeau n'a repéré que trois marques de commerce comprenant le mot ESTRELLA’S (ou un équivalent phonétique de ce mot), je ne considère pas que cette preuve est très utile à la Requérante et je ne suis pas disposée à tirer de cette preuve quelque conclusion que ce soit quant à l'état du marché.

Coexistence/ procédures entre les parties dans d'autres juridictions

[50]           Dans le cadre de sa preuve, Mme Thibodeau a également fourni des imprimés tirés des registres de marques de commerce d'autres pays afin de démontrer que les mêmes marques de commerce des parties ou des marques de commerce similaires coexistent dans les registres d'autres juridictions [para 5 à 13; pièces TT-2 à TT-4]. Comme preuve en réponse, l'Opposante a produit le second affidavit van Neerrijnen dans le but de réfuter tout argument selon lequel les marques des parties coexistent de façon harmonieuse dans d'autres juridictions. Dans son second affidavit, M. van Neerijnen fait observer que la Requérante s'est en réalité opposée à la marque de commerce ESTRELLA DAMM de l'Opposante dans 20 pays et a intenté des procédures de radiation à son égard dans divers pays [para 4 à 6; pièces A à D].

[51]           Le simple fait que des marques coexistent dans des registres étrangers n'est pas pertinent quant à la question de la probabilité de confusion au Canada [Vivat Holdings Ltd c Levi Strauss & Co (2005), 2005 CF 707 (CanLII), 41 CPR (4th) 8 (CF)]. En outre, je ne considère pas non plus que les positions défendues par les parties dans d'autres juridictions sont pertinentes, car l'état du registre, l'état du marché et le droit applicable dans ces juridictions peuvent être très différents.

Conclusion

[52]           Aux fins de ma conclusion en l'espèce, je ne pourrais passer sous silence la décision qui a été rendue dans San Miguel Brewing International Limited c Molson Canada 2005, 2013 CF 156, infirmant 2012 COMC 65. Dans cette décision, la Cour a annulé la conclusion du registraire (agissant par l'entremise de la membre Bradbury) selon laquelle il y avait une probabilité raisonnable de confusion entre la marque de commerce RED HORSE & Dessin et la marque de commerce BLACK HORSE, qui étaient toutes deux essentiellement liées à de la [Traduction] « bière ». Ce faisant, la Cour a formulé les commentaires suivants [au para 40] :

[Traduction]
La Commission n’a pas considéré que ce qu’elle faisait consistait, en fait, à accorder à Molson le monopole d’une marque de commerce sur le mot HORSE de n’importe quelle couleur (verte, brune, bleue, etc.) en liaison avec de la bière. L’étendue de ce monopole est déraisonnable.

[53]           Dans San Miguel, la Cour a pris en considération le fait que le consommateur pertinent (c.-à-d. le buveur de bière) est sensible aux noms des bières et à ce qu'il connaît et apprécie, et que le test en matière de confusion est fondé sur ce consommateur – plutôt que sur une fiction juridique qui prendrait la forme d'un partenaire de vie ne buvant pas de bière à qui l'on demande d'aller en acheter [para 33]. La Cour a également cité la décision antérieure rendue dans Carling O’Keefe Breweries of Canada Ltd c Anheuser-Busch (1982) 68 CPR (2d) 1, para 20 et 21 (CF 1re inst.), dans laquelle le juge Walsh a fait observer que les buveurs de bière réguliers sont généralement fidèles à leur marque favorite. Dans San Miguel, la Cour a conclu qu'un coup d'œil aux étiquettes des parties suffisait pour dissiper toute idée de confusion entre la marque RED HORSE (comprenant seulement une tête de cheval) et la marque BLACK HORSE (comprenant un cheval de profil).

[54]           Fait notable, dans San Miguel, une preuve de l'état du registre avait été produite, de même qu'une preuve de l'état du marché (listes de produits offerts par une société des alcools provinciale et déclarations sous serment d'un déposant) se rapportant aux marques [Traduction] « cheval », dont certaines étaient constituées d'une couleur ou d'autres éléments descriptifs conjugués au mot [Traduction] « cheval », un peu à l'image des marques de commerce des parties.

[55]           Je tiens compte des commentaires formulés par la Cour dans San Miguel et je reconnais qu'il ne faut pas sous-estimer l'intelligence ou la connaissance des consommateurs, y compris les consommateurs de bière. Néanmoins, après examen de toutes les circonstances de la présente espèce, je conclus que la Requérante ne s'est pas acquittée du fardeau ultime qui lui incombait de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce de l'Opposante.

[56]           J'arrive à cette conclusion parce que, en dépit de leurs différences, les marques de commerce des parties présentent tout de même une certaine ressemblance du fait de la présence de l'élément ESTRELLA. Le mot ESTRELLA est représenté d'une façon ou dans une position plutôt dominante dans les marques des deux parties et est assez distinctif par nature (à la différence du mot HORSE [cheval] dans San Miguel). Il n'y a aucune preuve que d'autres commerçants emploient des marques de commerce comprenant le mot ESTRELLA sur le marché. Ainsi, bien que le consommateur de bière canadien moyen puisse effectivement être sensible aux noms des bières et à ce qu'il connaît et apprécie, il n'y a aucune preuve que ce consommateur a l'habitude de voir des marques de commerce qui comprennent le mot ESTRELLA et de distinguer ces marques entre elles, sans compter que seule l'Opposante a établi que sa marque avait fait l'objet d'un quelconque emploi ou avait acquis une quelconque notoriété au Canada.

[57]           La question à se poser en l'espèce est celle de savoir si le consommateur de bière ordinaire plutôt pressé qui voit ou entend la Marque ESTRELLA GALICIA (& Dessin) alors qu'il n'a qu'un vague souvenir de la marque de commerce ESTRELLA DAMM de l'Opposante et ne s'arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, serait porté à croire, sous le coup de la première impression, que la bière liée à la Marque a la même origine que la bière de l'Opposante [Veuve Clicquot Ponsardin, supra]. À la lumière de la preuve dont je dispose et après avoir examiné l'ensemble des circonstances pertinentes en l'espèce, je considère que le consommateur serait porté à le croire.

[58]           En conséquence, le motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d) est accueilli.

Absence de caractère distinctif – article 2

[59]           L'Opposante alléguait initialement que la Marque n'est pas distinctive [Traduction] « parce qu'elle n'est pas propre à distinguer les marchandises de la Requérante des marchandises et services de tiers, en particulier les bières vendues par l'Opposante sous la marque de commerce ESTRELLA DAMM, pas plus qu'elle n'est adaptée à les distinguer ». Or, le passage [Traduction] « les marchandises et services de tiers » a été radié suivant une décision interlocutoire en date du 19 décembre 2013.

[60]           Si la Requérante a le fardeau ultime de démontrer que la Marque est adaptée à distinguer ou distingue véritablement ses produits de ceux de tiers partout au Canada, l'Opposante, quant à elle, doit s'acquitter du fardeau de preuve initial d'établir les faits invoqués à l'appui de son motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif [voir Muffin Houses Incorporated c The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 CPR (3d) 272 (COMC)].

[61]           Pour s'acquitter de son fardeau de preuve, l'Opposante a l'obligation de démontrer que, à la date de production de la déclaration d'opposition, sa marque de commerce était devenue suffisamment connue pour faire perdre à la Marque son caractère distinctif [voir Bojangles’ International, LLC c Bojangles Café Ltd 2006 CF 657 (CanLII), 48 CPR (4th) 427 (CF)].

[62]           Comme je l'ai expliqué plus en détail dans mon analyse du motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d), l'Opposante a établi que sa marque de commerce ESTRELLA DAMM était devenue suffisamment connue à la date de production de la déclaration d'opposition. L'Opposante s'est donc acquittée du fardeau de preuve initial qui lui incombait à l'égard de ce motif d'opposition.

[63]           La différence entre les dates pertinentes n'a pas d'incidence et, pour les raisons exposées ci-dessus dans mon analyse du motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d), je ne suis pas convaincue que la Requérante s'est acquittée de son fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre les marques de commerce des parties.

[64]           En conséquence, le motif fondé sur l'absence de caractère distinctif est également accueilli.

Absence de droit à l'enregistrement – article 16(3)a)

[65]           L'Opposante allègue que la Requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque parce que, à la date de production de la demande, la Marque créait de la confusion avec sa marque de commerce ESTRELLA DAMM, qu'elle avait antérieurement employée ou révélée au Canada en liaison avec de la [Traduction] « bière ».

[66]           La preuve de l'Opposante, que j'ai décrite ci-dessus dans mon analyse du motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d), est suffisante pour permettre à l'Opposante de s'acquitter du fardeau qui lui incombe de démontrer que sa marque de commerce était en usage au Canada à la date de production de la demande pour la Marque et qu'elle n'avait pas été abandonnée à la date d'annonce de la demande (article 16(5) de la Loi).

[67]           La différence entre les dates pertinentes n'a pas d'incidence et, pour les raisons exposées ci-dessus dans mon analyse du motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d), je ne suis pas convaincue que la Requérante s'est acquittée de son fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre les marques de commerce des parties.

[68]           En conséquence, le motif d’opposition fondé sur l’absence de droit à l'enregistrement est également accueilli.

Décision

[69]           Compte tenu de ce qui précède, dans l'exercice des pouvoirs qui m'ont été délégués en vertu des dispositions de l'article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d'enregistrement conformément aux dispositions de l'article 38(8) de la Loi.

______________________________

Lisa Reynolds

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Judith Lemire, trad.

COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS AU DOSSIER

___________________________________________________

 

 

DATE DE L'AUDIENCE : 2015-08-06

 

COMPARUTIONS

 

Bruce M. Green                                                                                   Pour l'Opposante

 

Stella Syrianos                                                                                     Pour la Requérante

 

AGENT(S) AU DOSSIER

 

Oyen Wiggs Green & Mutala LLP                                                      Pour l'Opposante

 

Robic, LLP                                                                                          Pour la Requérante

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.