Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION de Tri Tool Inc. à la demande no 1149121 produite par Cal‑Scan Services Ltd. pour la marque de commerce TRI TOOL

                                                       

 

Le 7 août 2002, Cal-Scan Services Ltd. (la « Requérante ») a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce TRI TOOL (la « Marque ») fondée sur l’emploi de la marque au Canada depuis aussi tôt que janvier 2002 en liaison avec les marchandises suivantes : capteurs de fond pour l’industrie pétrolière et gazière, nommément capteurs de pression et capteurs de température; et équipement d’enregistrement des données pour utilisation avec capteurs de fond, nommément enregistreurs de données et afficheurs. 

 

La demande a été publiée pour fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 29 octobre 2003.

 

Le 10 décembre 2003, Tri Tool Inc. (l’« Opposante ») a produit une déclaration d’opposition à la demande. La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle nie les allégations de l’Opposante.

 

À titre de preuve, l’Opposante a produit l’affidavit souscrit par William E. Sandford, qui occupe chez l’Opposante le poste de directeur technique et d’ingénieur de la conception de systèmes.

 

La preuve de la Requérante consiste en l’affidavit souscrit par son président, Ronald Lloyd Carefoot.

 

Les parties n’ont procédé à aucun contre-interrogatoire.

 

Les deux parties ont produit des plaidoyers écrits. J’ai fait abstraction des parties du plaidoyer écrit de la Requérante qui traitent de questions non présentées en preuve.

 

Chaque partie était représentée lors de l’audience tenue en l’espèce.

Motifs d’opposition

L’Opposante soulève trois motifs d’opposition, qui portent tous sur la probabilité de confusion entre la Marque de la Requérante et la marque de commerce TRI TOOL de l’Opposante ainsi que ses noms commerciaux Tri Tool et Tri Tool Inc. L’Opposante allègue que sa marque et ses noms commerciaux sont liés aux marchandises suivantes :

Systèmes portatifs de tronçonnage, de biseautage et d’usinage de tubes, comprenant des tours portatifs, des dispositifs à tronçonner comme machines-outils, des barreaux pour machines-outils, et des pièces connexes; outils pneumatiques, outils hydrauliques et outils électriques pour l’usinage du métal et du plastique, nommément machines à biseauter les tubes portatives, tours portatifs et outils de coupe de tuyaux et tubes, et pièces  de rechange connexes, nommément barreaux, mandrins, pinces de serrage, adaptateurs, têtes de coupe, outils de traçage et outils à saigner; et systèmes d’alimentation hydraulique pour outils, qui comprennent des pompes électriques pour fournir de l’énergie hydraulique; tours à tubes, barreaux pour tours à tubes, têtes de biseautage-usinage pour tours à tubes, têtes d’entraînement pour outils d’usinage de tubes et systèmes d’alimentation hydraulique; barreaux de machines-outils pour couper le métal et les matériaux non métalliques; machines-outils, nommément machines-outils portatives pour l’usinage et la réparation sur place des appareils et composants suivants : brides de tuyauterie, brides de tubes, raccords de tuyauterie, robinets, cuves, échangeurs de chaleur, collecteurs, surchauffeurs, économiseurs, pompes, bases pour pompes, bases pour cuves, bases pour échangeurs de chaleur, bases pour collecteurs, bases pour surchauffeurs, bases pour économiseurs, et pièces de robinets; et pièces de rechange connexes; outils à main, nommément clés, clés hexagonales en L, clés en T, clés polygonales et à fourche combinées, et clés à béquille.

 

Les motifs d’opposition soulevés en vertu de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la « Loi ») sont les suivants :

  1. au titre de l’alinéa 38(2)a) : la demande ne satisfait pas aux exigences de l’alinéa 30i), parce que la Requérante ne pouvait être convaincue, à la date de la demande, qu’elle avait le droit d’employer la Marque, compte tenu de l’emploi antérieur de la marque de commerce et des noms commerciaux de l’Opposante;
  2. au titre de l’alinéa 38(2)c) : la Requérante n’a pas droit à l’enregistrement, aux termes des alinéas 16(1)a) et c), en raison de la confusion avec la marque de commerce et le nom commercial de l’Opposante, dont l’emploi est antérieur;
  3. au titre de l’alinéa 38(2)d) : la Marque n’est pas distinctive, parce qu’elle ne distingue pas ni n’est adaptée à distinguer les marchandises de la Requérante des marchandises ou services d’autres personnes, notamment des marchandises de l’Opposante en liaison avec lesquelles celle-ci emploie ses marque de commerce et noms commerciaux.

 

Fardeau de la preuve et dates pertinentes

Il incombe à la Requérante de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande d’enregistrement satisfait aux exigences de la Loi. Toutefois, l’Opposante a le fardeau initial de présenter une preuve admissible à partir de laquelle on puisse raisonnablement conclure à l’existence des faits allégués au soutien de chaque motif d’opposition. [John Labatt Ltée c. Les Compagnies Molson Ltée (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), à la page 298; Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior, S.A. et al. (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.)]

 

Les dates pertinentes pour l’appréciation de chaque motif d’opposition sont les suivantes :

1.      alinéa 30i) – la date de la production de la demande [voir Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C.), à la page 475];

2.      paragraphe 16(1) – la date du premier emploi par la Requérante;

3.      absence de caractère distinctif – la date de la production de l’opposition [voir Re Andres Wines Ltd. et E. & J. Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126, à la page 130 (C.A.F.) et Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 412, à la page 424 (C.A.F.)].

 

Motif d’opposition fondé sur l’article 16

Au regard du motif fondé sur le droit à l’enregistrement, l’Opposante doit établir qu’elle a employé sa marque de commerce ou ses noms commerciaux avant la date de premier emploi de la Requérante et qu’elle n’avait pas abandonné sa marque de commerce ou ses noms commerciaux à la date de l’annonce de la demande de la Requérante [article 16].

 

L’auteur de l’affidavit produit par l’Opposante déclare :

[traduction]

Les marchandises que l’Opposante vend au Canada portent la marque de l’Opposante sous forme d’autocollants et de plaques métalliques apposés sur les marchandises de l’Opposante, ou comme partie intégrante du moulage de ces marchandises […] La marque de l’Opposante figure aussi de façon bien visible sur les étiquettes d’expédition collées sur l’emballage extérieur (par exemple sur les boîtes et les conteneurs de transport) des marchandises de l’Opposante livrées à des clients canadiens.

[Paragraphes 12 et13, affidavit de M. Sandford, pièces B et C]

 

J’ai examiné les pièces présentées et il m’apparaît que l’inscription sur les autocollants, les plaques et les étiquettes de l’Opposante est le nom commercial Tri Tool Inc., non la marque de commerce TRI TOOL. Par conséquent, bien que je sois convaincue que l’Opposante a satisfait à son fardeau initial au titre de l’article 16 pour ce qui est du nom commercial Tri Tool Inc., je ne suis pas persuadée qu’elle y a satisfait relativement à sa marque de commerce TRI TOOL ou à son autre nom commercial, Tri Tool. À l’audience, l’agent de l’Opposante a soutenu que l’emploi de TRI TOOL INC. constitue aussi un emploi de TRI TOOL, tant à titre de marque de commerce que de nom commercial. Je ne crois pas utile de m’attarder davantage sur cet argument : si l’agent a raison, les motifs d’opposition fondés sur la marque de commerce et le nom commercial TRI TOOL connaîtront le même sort que les motifs fondés sur le nom commercial Tri Tool Inc.; s’il n’a pas raison, ces motifs devront être rejetés parce que l’Opposante n’a pas satisfait à son fardeau de preuve. 

 

Compte tenu des remarques qui précèdent, je m’attacherai à analyser si la Requérante a satisfait à son fardeau de preuve en ce qui concerne la probabilité de confusion entre sa Marque et le nom commercial Tri Tool Inc. employé antérieurement par l’Opposante.

 

Le test en matière de confusion

Le test applicable en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Le paragraphe 6(3) de la Loi prévoit que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec un nom commercial lorsque l’emploi des deux dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à cette marque et les marchandises liées à l’entreprise poursuivie sous ce nom sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à cette marque et les services liés à l’entreprise poursuivie sous ce nom sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale. En appliquant le test relatif à la confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles précisées au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent de la marque de commerce et du nom commercial et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; b) la période pendant laquelle la marque de commerce et le nom commercial ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre la marque de commerce et le nom commercial dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent. Il n’est pas nécessaire d’attribuer un poids équivalent à chacun de ces facteurs. [Voir, généralement, les arrêts Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc., [2006] 1 R.C.S. 772 et Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée et al., [2006] 1 R.C.S. 824.]

 

Alinéa 6(5)a) – le caractère distinctif inhérent de la marque de commerce et du nom commercial et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus

Bien que TRI TOOL présente un certain caractère distinctif inhérent, il ne s’agit pas en soi d’une marque ou d’un nom fort, puisqu’il suggère un outil comportant trois parties ou fonctions.

 

Cela dit, la force d’une marque ou d’un nom peut s’accroître si la marque ou le nom devient connu par suite de sa promotion ou de son emploi. Puisque la date applicable à l’examen de ce facteur est la date à laquelle la Requérante a commencé à employer sa Marque, il va de soi que la Marque de la Requérante n’avait pas été employée ni n’avait fait l’objet de promotion à la date pertinente.

 

En revanche, l’Opposante, une entreprise américaine exploitée depuis plus de trente ans, affirme vendre ses marchandises au Canada à tout le moins depuis 1972. Elle distribue ses marchandises à des sociétés canadiennes soit directement, soit par l’intermédiaire d’un distributeur canadien. Les ventes, au Canada, [traduction] « d’équipement d’usinage de tubes, notamment de machines-outils portatives de précision pour le biseautage, l’équarrissage et la coupe de tubes; de bennes preneuses pour la coupe en ligne; d’équipement pour dresser les brides et de machines puissantes pour oléoducs et gazoducs » (les « Marchandises de l’Opposante ») ont atteint environ 2,245 millions de dollars américains entre 1991 et 2001. Le nom commercial Tri Tool Inc. figure sur des brochures publicitaires distribuées par l’Opposante (pièce D). [traduction] « Chaque année, plus de 200 boîtes de ces brochures sont distribuées partout au Canada. » L’Opposante dépense annuellement des milliers de dollars pour promouvoir ses marchandises et services au Canada.

 

En conséquence, ce facteur favorise l’Opposante.

 

Alinéa 6(5)b) – la période pendant laquelle la marque de commerce et le nom commercial ont été en usage

Ce facteur favorise clairement l’Opposante.

 

Alinéas 6(5)c) et d) – le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce

M. Sandford pose l’affirmation non contestée que l’Opposante est le plus grand fabricant au monde d’équipement d’usinage de tubes, notamment de machines-outils portatives de précision pour le biseautage, l’équarrissage et la coupe de tubes; de bennes preneuses pour la coupe en ligne; d’équipement pour dresser les brides et de machines puissantes pour oléoducs et gazoducs. Elle offre aussi les services de conception sur mesure de machines, d’usinage sur place et de location d’équipement. L’Opposante vend ses marchandises et offre ses services dans plus de 30 pays. Au Canada, elle vend soit directement, soit par l’intermédiaire de distributeurs canadiens. [traduction] « Les utilisateurs types des marchandises et services de l’Opposante au Canada oeuvrent dans des secteurs d’activité fort variés, notamment la production d’énergie, la transformation des aliments, les produits pharmaceutiques, les télécommunications, l’industrie pétrolière et gazière ainsi que la construction. » Les clients canadiens de l’Opposante comprennent notamment Nortel, Babcock & Wilcox, Nova Chemical, Kiewit Offshore Services et Dominion Bridge.

 

[traduction] « Les marchandises de l’Opposante ont été et continuent d’être utilisées dans l’industrie pétrolière et gazière canadienne, par exemple par :

a)      Imperial Oil (Esso) dans le cadre de la construction, de la réparation et de l’entretien d’oléoducs et de gazoducs;

b)      Kiewit Offshore Services dans le cadre de la construction des plates-formes de forage pétrolier en mer Hibernia;

c)      des clients de Justram [un distributeur canadien], qui utilisent des couteaux de fond pour les tubages servant à la production de pétrole ».

[Paragraphe 7 de l’affidavit de M. Sandford]

 

La Requérante, une société canadienne, fabrique, vend et loue des capteurs de pression et des capteurs de température de fond pour champs de pétrole, et fournit des services parmi lesquels la prestation de rapports spécifiques et le calibrage de capteurs de fond. Ses produits sont utilisés dans le monde entier. Le produit visé par la présente demande est un capteur de fond capable de mesurer la pression et la température de fond d’un puits de pétrole ou de gaz. Selon les factures présentées en preuve, ce capteur se loue approximativement 75 $ et se vend plus ou moins entre 4 000 $ et 6 000 $.

 

[traduction] « Les utilisateurs finals types [des produits de la Requérante] sont des sociétés pétrolières et des sociétés d’entretien de puits. Les produits de Cal-Scan ont été et continuent d’être utilisés dans l’industrie pétrolière et gazière canadienne par des entreprises de services de premier plan pour l’analyse des réservoirs. Au nombre de ces utilisateurs, on trouve : 

            WeatherFord Canada;

            Precision Wireline;

            Integrated Production Services Ltd. (IPS);

            Competition Wireline Services. »

            [Paragraphe 11 de l’affidavit de M. Carefoot]

 

La Requérante annonce ses produits dans des revues spécialisées comme The Roughneck et fait la promotion de ses produits et services chaque année au salon professionnel GO-Expo ou à celui de Global Petroleum, à Calgary.

 

M.  Carefoot affirme, au paragraphe 17 : 

[traduction]

Les produits de Cal-Scan qui portent la marque Tri Tool ne sont en aucune façon employés en rapport avec le tronçonnage de tubes, les tours de biseautage de tubes, les dispositifs à tronçonner, l’usinage de tubes ni aucune des marchandises décrites dans la demande de marque de commerce de l’Opposante. Les capteurs Tri Tool sont des instruments scientifiques utilisés dans l’industrie pétrolière et gazière pour les essais de puits de pétrole et de gaz, qui fournissent des données relatives à la pression et à la température utiles à l’analyse des réservoirs de ces puits.

 

À l’audience, l’agent de la Requérante a présenté diverses observations sur la nature de l’industrie pétrolière et gazière, faisant essentiellement valoir que les marchandises des parties visent des sous-secteurs nettement différents de cette industrie. Toutefois, aucune preuve au dossier ne porte sur la nature de l’industrie pétrolière et gazière, et il ne s’agit pas d’éléments que je peux admettre d’office.

 

L’agent de la Requérante a aussi fait remarquer que l’Opposante n’a pas ventilé le résultat de ses ventes par secteur d’activité, de sorte qu’il est possible que l’industrie pétrolière et gazière ne représente qu’une petite partie des affaires de cette dernière. Or, la Requérante ne s’est pas prévalue de la possibilité de contre-interroger M. Sandford pour vérifier la justesse de cette hypothèse. Quoi qu’il en soit, l’affirmation de M. Sandford selon laquelle [traduction] « l’Opposante est le plus grand fabricant au monde d’équipement d’usinage de tubes, notamment de machines-outils portatives de précision pour le biseautage, l’équarrissage et la coupe de tubes; de bennes preneuses pour la coupe en ligne; d’équipement pour dresser les brides et de machines puissantes pour oléoducs et gazoducs » (non souligné dans l’original) donne à penser que le secteur pétrolier et gazier constitue en réalité une partie importante de la clientèle de l’Opposante. 

 

Alinéa 6(5)e) –- le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

Les marques et noms commerciaux des parties sont essentiellement identiques.

 

Autres circonstances de l’espèce

M. Carefoot déclare qu’au meilleur de sa connaissance, la Requérante n’a connaissance d’aucun incident de confusion.

 

Naturellement, je peux conclure que la confusion est probable sans que l’Opposante prouve qu’il y a eu confusion. Néanmoins, l’absence de confusion pendant une période appréciable en dépit d’un chevauchement des marchandises et des voies de commercialisation peut justifier une inférence négative quant à la probabilité de confusion [voir Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc., précité, et Monsport Inc. c. Vêtements de Sport Bonnie (1978) Ltée (1988), 22 C.P.R. (3d) 356 (C.F. 1re inst.)].

 

Au moment où M. Carefoot a souscrit son affidavit, la Marque de la Requérante était employée depuis moins de deux ans [voir mon analyse de l’emploi de la Marque par la Requérante, ci-après, relativement au motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif], et j’estime que l’absence de preuve de confusion ne constitue pas un facteur significatif dans le cas qui nous occupe. 

 

La Requérante souligne que l'élément TRI est communément employé dans des marques de commerce se rapportant à une grande variété de marchandises, notamment des outils. Cependant, aucun élément de preuve n’étaye cet énoncé. 

 

Conclusion sur la probabilité de confusion

Compte tenu de la très grande ressemblance entre TRI TOOL et Tri Tool Inc., du chevauchement dans les secteurs d’activité que visent les parties et du fait que seule l’Opposante avait acquis une réputation au regard de son nom commercial à la date pertinente, je conclus que la Requérante n’a pas satisfait au fardeau qui lui incombait. Ce faisant, je reconnais qu’il existe des différences entre les marchandises respectives des parties et que les utilisateurs de ces marchandises peuvent être des personnes averties. Néanmoins, les observations suivantes de la Cour fédérale, dans la décision Conde Nast Publications Inc. c. Union des Editions Modernes (1979), 46 C.P.R. (2d) 183, à la page 188, s’appliquent dans une large mesure au cas présent : 

Elle a utilisé la totalité de la marque de commerce de l’appelante […] Il est évident que le premier mot ou la première syllabe d’une marque de commerce est celui ou celle qui sert le plus à établir son caractère distinctif. En l’espèce, le premier mot et l’élément le plus important de la marque dont l’intimée veut obtenir l’enregistrement est identique à la marque que l’appelante a fait enregistrer.

Si l’on craint que l’enregistrement d’une marque de commerce puisse créer la confusion entre elle et une marque plus ancienne, cette dernière doit tirer le bénéfice de ce doute.

 

Comme l’a fait remarquer l’agent de l’Opposante, la Requérante aurait pu choisir n’importe quel nom pour ses marchandises, mais elle a arrêté son choix sur une marque qui correspond au nom d’une société qui, depuis des décennies, fournit des services au secteur même de l’industrie que vise la Requérante.

 

Pour ces motifs, il est fait droit au motif d’opposition fondé sur le paragraphe 16(1), étant donné l’emploi antérieur du nom commercial Tri Tool Inc. par l’Opposante.

 

Motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif

Pour avoir gain de cause relativement à son motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif, l’Opposante doit établir que, à la date de production de l’opposition, sa marque ou ses noms étaient devenus suffisamment connus pour faire échec au caractère distinctif de la Marque [Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 44, à la page 58 (C.F. 1re inst.); Re Andres Wines Ltd. et E. & J. Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126, à la page 130 (C.A.F.); Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 412, à la page 424 (C.A.F.)]. Je considère qu’elle a satisfait à ce fardeau relativement à son nom commercial Tri Tool Inc.

 

La plus grande partie de l’analyse des circonstances de l’espèce au titre du motif d’opposition fondé sur l’article 16 s’applique également au motif d’opposition concernant le caractère distinctif. Toutefois, puisque la date pertinente pour l’examen de cette question, le 10 décembre 2003, est plus récente, il existe, au regard de ce motif, une preuve d’emploi et de promotion de la marque de la Requérante dont il convient aussi de tenir compte. 

 

Au paragraphe 5, M. Carefoot déclare : [traduction] « En 2002, Cal-Scan a lancé des outils connus sous le nom de « Badger Tri Tool » et de « Mole Tri Tool ». Des brochures faisant la promotion de ces outils ont été d’abord publiées vers les mois de juin 2002 et décembre 2002 respectivement. Je constate que dans ces documents promotionnels, TRI TOOL figure parfois seul, parfois comme partie intégrante des marques BADGER TRI TOOL et MOLE TRI TOOL [pièces C, D et F de l’affidavit de M. Carefoot]. M. Carefoot affirme que la Requérante [traduction] « poinçonne le nom Tri Tool sur le tubage en acier du capteur Tri Tool ». [Paragraphe 9, pièce E].

 

Des publicités annonçant les produits de la Requérante ont paru dans les numéros de décembre 2002, janvier 2003 et mars 2003 du magazine The Roughneck. Toutefois, la preuve n’indique pas le nombre d’exemplaires de ce magazine en circulation.

 

La Requérante a dépensé quelque 5 000 $ en 2002 et autant en 2003 pour participer à un salon professionnel à Calgary, mais elle n’a fourni aucune donnée qui permettre d’évaluer dans quelle mesure cette participation a contribué à faire connaître sa marque.

 

[traduction] « Les revenus annuels approximatifs tirés par Cal-Scan de la vente et de la location de sa ligne de produits Tri Tool et des produits et services connexes de Tri Tool à des clients au Canada et aux États-Unis sont les suivants :

            Année              Revenus

2002                    128 624 $

2003                    285 308 $ […] »

[Paragraphe 12 de l’affidavit de M. Carefoot]

 

Je ne peux cependant attribuer à TRI TOOL employé seul toute la preuve de la Requérante concernant l’emploi et la promotion, par opposition à BADGER TRI TOOL ou à MOLE TRI TOOL. Comme l’a signalé l’Opposante, même les factures de la Requérante désignent parfois ses marchandises sous le nom de BADGER TRI TOOL ou de MOLE TRI TOOL [voir la pièce F].

 

L’Opposante a fait remarquer que l’auteur de l’affidavit produit par la Requérante a présenté en bloc le montant des ventes canadiennes et américaines et que plus de la moitié des factures soumises par M. Carefoot comme pièce H concernent des ventes faites aux États-Unis. Si je conviens que la vente de produits aux États-Unis ne contribuent peut-être pas à asseoir une réputation en liaison avec la Marque au Canada, en revanche les ventes effectuées depuis le Canada aux États-Unis constituent un emploi de la Marque au Canada aux termes du paragraphe 4(3) de la Loi.

 

L’Opposante a aussi relevé que la majorité des factures de la Requérante ont trait à la location des marchandises de la Requérante plutôt qu’à la vente de ces marchandises. À cet égard, je suis d’accord avec les commentaires formulés dans les paragraphes 7 et 8 de la décision J.H. Lock & Sons c. Joseph Lewis Sciamanna d.b.a. Sound Systems (1989), 26 C.P.R. (3d) 478 :

[traduction]

7     Encore une fois, je ne peux souscrire à la prétention selon laquelle l’offre en location constitue seulement un service au sens de la Loi. La notion de marque de commerce est définie comme suit, à l’article 2 :

« marque de commerce » Selon le cas :

a) marque employée par une personne pour distinguer, ou de façon à distinguer, les marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou les services loués ou exécutés, par elle, des marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou des services loués ou exécutés, par d’autres; […]

(non souligné dans l’original)

8   L’intention présidant à cette disposition est précisée par le recours, au paragraphe 4(1), au libellé : « si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de […] »

 

Après avoir soigneusement examiné toutes les circonstances de l’espèce, je conclus que la Requérante n’a pas satisfait au fardeau qui lui incombait relativement au motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif. Je fais donc droit également à ce motif d’opposition sur la base du nom commercial Tri Tool Inc. de l’Opposante.

 

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i)

Ce motif d’opposition ne peut être retenu, pour deux raisons : i) l’Opposante n’a ni allégué ni démontré que la Requérante était au courant des droits antérieurs de l’Opposante lorsqu’elle a produit sa demande; ii) lorsqu’un requérant fournit la déclaration prescrite par l’alinéa 30i), une opposition fondée sur cette disposition ne devrait être accueillie que dans des cas exceptionnels, par exemple lorsque la preuve indique l’existence de mauvaise foi de la part du requérant. [Voir Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol-Myers Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.), à la page 155.]

 

Décision

En vertu du pouvoir qui m’a été délégué par le registraire des marques de commerce aux termes du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette la demande conformément au paragraphe 38(8). 

 

FAIT À TORONTO (ONTARIO), LE 18 JANVIER 2008

 

 

 

Jill W. Bradbury

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

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