Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2014 COMC 248

Date de la décision : 2014-11-18

TRADUCTION

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION produite par Breville Pty Limited à l'encontre de la demande no 1,572,706 pour la marque de commerce MYBREW au nom de Keuring Green Mountain, Inc.

 

Sommaire

[1]               En février 2012, Breville Pty Limited a commencé à employer les marques de commerce YOUBREW et BREW IQ sur des cafetières qui permettent aux utilisateurs de créer des profils de saveur individuels. Au cours des 18 mois suivants, elle a vendu environ 13 000 de ces cafetières au Canada. Elle a également obtenu les enregistrements pour les marques de commerce YOUBREW et BREW IQ. Breville Pty Limited s'est opposée à la demande d'enregistrement de la marque de commerce MYBREW par Keurig Green Mountain, Inc. pour des appareils d'infusion principalement sur la base que la marque de commerce MYBREW crée de la confusion avec ses marques de commerce YOUBREW et BREW IQ.

[2]               En l'espèce, le fait que les marques de commerce en cause sont hautement suggestives des produits de chaque partie et sont intrinsèquement faibles a un impact sur l'examen de la confusion. Lorsque des marques sont faibles, les consommateurs sont censés être davantage sur leurs gardes quant aux différences entre elles. Dans ces circonstances et dans les autres discutées ci-après, j'estime qu'il n'existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre les marques de commerce MYBREW et BREW IQ de l'Opposante et la marque de commerce YOUBREW. En conséquence, cette opposition est rejetée.

Dossier

[3]               Le 11 avril 2012, Keurig, Incorporated a produit une demande d'enregistrement de la marque de commerce MYBREW (la Marque) sur la base de son emploi projeté en liaison avec les marchandises énoncées ci-après (telles que modifiées) (les Marchandises). Keurig, Incorporated a, par la suite, assigné la demande à Keurig Green Mountain, Inc. (les deux entités collectivement appelées la Requérante).

[traduction]
(1) Appareils d'infusion électriques avec fonction d'identification par radiofréquence (RFID) pour la préparation d'aliments, nommément de soupes, de céréales de déjeuner, de gruau et de boissons chaudes, à usage domestique et commercial. Godets en plastique avec fonction d'identification par radiofréquence (RFID) contenant chacun un mélange de boisson chaude à infuser dans un appareil d'infusion.

[4]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 7 novembre 2012.

[5]               Le 21 décembre 2012, Breville Pty Limited (l'Opposante) a produit une déclaration d'opposition. Les motifs d'opposition, tels que modifiés par la décision interlocutoire du 23 avril 2012, sont résumés ci-après.

(a)    La demande n'est pas conforme à l'article 30a) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) puisque les Marchandises ne sont pas décrites dans les termes ordinaires du commerce.

(b)   La demande n'est pas conforme à l’article 30e) de la Loi. La Requérante n'avait pas l'intention d'employer la Marque au Canada, puisqu’elle savait, ou aurait dû savoir, que la Marque n'était pas disponible pour emploi, en raison d'un emploi et d'un enregistrement antérieurs des marques de commerce YOUBREW et BREW IQ dont la similitude est susceptible de créer de la confusion.

(c)    La demande n'est pas conforme à l’article 30i) de la Loi. La Requérante ne pouvait pas être convaincue d'avoir droit d'employer la Marque au Canada en raison des marques de l'Opposante dont la similitude est susceptible de créer de la confusion.

(d)   La Marque n'est pas enregistrable en vertu de l'article 12(1)d) de la Loi, puisqu'elle crée de la confusion avec les enregistrements suivants de l'Opposante :

No d'enregistrement

Marque de commerce

LMC834,119

YOUBREW

LMC820,151

BREW IQ

(e)    La Requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque en vertu de l'article 16(3)a) de la Loi puisque, à la date de la production, la Marque créait de la confusion avec les marques de commerce YOUBREW et BREW IQ déjà employées de l'Opposante.

(f)    La Marque ne possède pas de caractère distinctif en vertu de l'article 2 de la Loi, puisqu'elle ne distingue pas, et n’est pas apte à distinguer, les Marchandises des cafetières de l'Opposante vendues en liaison avec les marques de commerce YOUBREW et BREW IQ.

[6]               La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle a nié les allégations de l'Opposante. L'Opposante a produit comme preuve les affidavits de Tania Treciokas et Stephen Krauss et une copie certifiée de chaque enregistrement de marque de commerce nos 834,199 et LMC820,151. La Requérante a produit en preuve l'affidavit de Thelma Thibodeau. Aucune des parties n'a produit de plaidoyer écrit; aucune audience n'a été tenue.

Dates pertinentes et fardeau de preuve

[7]               Les dates pertinentes qui s'appliquent aux motifs d'opposition sont les suivantes :

         articles 38(2)a)/30 – la date de production de la demande d'enregistrement [voir Georgia-Pacific Corp c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC) à 475];

         articles 38(2)b)/12(1)d) – la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd et le Registraire des marques de commerce (1991), 37 CPR (3d) 413 à 422 (CAF)];

         articles 38(2)c)/16(3) – la date de production de la demande d'enregistrement [voir l'article 16(3)];

         articles 38(2)d)/2 – la date de production de la déclaration d'opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc (2004), 34 CPR (4th) 317 à 324 (CF)].

[8]                         Avant de me pencher sur les motifs d'opposition, il est nécessaire d'examiner certaines exigences techniques relatives i) au fardeau de preuve imposé à un opposant au soutien des allégations figurant dans la déclaration d'opposition et ii) au fardeau ultime imposé à un requérant pour établir sa preuve.

[9]                         En ce qui concerne le point i) susmentionné, il incombe à un opposant de démontrer les faits sur lesquels il appuie ses allégations formulées dans la déclaration d'opposition : John Labatt Limited c The Molson Companies Limited (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst), à 298. La présence d'un fardeau de preuve imposé à un opposant à l'égard d'une question donnée signifie que, pour que la question soit considérée, la preuve doit être suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l'existence des faits allégués à l'appui de ladite question. En ce qui concerne le point ii) susmentionné, c'est au requérant qu'incombe le fardeau ultime de démontrer que la demande d'enregistrement ne contrevient pas aux dispositions de la Loi invoquées par un opposant (pour les allégations pour lesquelles un opposant s'est acquitté du fardeau de preuve qui lui incombait). Le fait qu'un fardeau ultime incombe au requérant signifie que, s'il est impossible d'arriver à une conclusion déterminante une fois que toute la preuve a été présentée, la question doit être tranchée à l'encontre du requérant.

Motifs d'opposition

Motif d'opposition fondé sur l'article 30a)

[10]           L'Opposante allègue que la demande n'est pas conforme à l'article 30a) de la Loi, puisque :

         il n'est pas clair quels produits les Marchandises décrivent et si la limitation [traduction] « à usage domestique et commercial » s'applique à [traduction] « boissons chaudes » ou « appareils d'infusion »;

         l'emploi des [traduction] « appareils d'infusion » pour [traduction] « la préparation des soupes, de céréales de déjeuner ou de gruau » n'est pas clair.

[11]           Il y a deux questions à trancher en vertu d'un motif d'opposition fondé sur l'article 30a), soit, premièrement, celle de savoir si l’état déclaratif des marchandises ou des services est dressé dans les termes ordinaires du commerce et, deuxièmement, s’il désigne adéquatement les marchandises et services précis [Whirlpool SA c Eurotherm Holdings Ltd; 2010 CarswellNat 4282 (COMC) para 39].

[12]           L'affidavit de Tania Treciokas, une étudiante employée par l'agent de l'Opposante, comprend en pièces jointes des recherches faites dans le Manuel des marchandises et des services pour infuseurs pour produits alimentaires, appareils d'infusion pour produits alimentaires et appareils d'infusion. Aucune des recherches de Mme Treciokas n'a donné de résultats. Bien que cette preuve soit suffisante pour que l'Opposante s'acquitte de son fardeau, j'estime que la Requérante s'est également acquittée de son fardeau ultime pour les raisons suivantes :

[13]           L'affidavit de Thelma Thibodeau, une recherchiste en marques de commerce, suggère qu’appareils d'infusion est un terme ordinaire du commerce puisque des descriptions analogues apparaissent dans les demandes ou enregistrements de tiers résumés ci-dessous. Le fait que d'autres parties aient inclus des termes similaires dans leurs propres marques de commerce me permet de conclure qu’appareils d'infusion est un terme ordinaire du commerce.

No

Marque de commerce

Description
[traduction]

1,582,046

EXTREME BREW

Infuseurs à café électriques

LMC764,657

BREWLOGIC

... équipement pour l’infusion de boissons; ...

LMC644,777

BREW MATIC & Design

Infuseurs à café électriques, distributrices de café moulu automatiques électriques;...

LMC777,638

BREW BETTER, NOT BITTER

Appareils électriques pour l'infusion de boissons chaudes, nommément infuseurs pour l'infusion de café, de thé et d'autres boissons, à usage domestique et commercial, ainsi que composants connexes...

De plus, j'estime que les marchandises décrites comme [traduction] « appareils d'infusion électriques avec fonction d'identification par radiofréquence (RFID) pour la préparation d'aliments, nommément de soupes, de céréales de déjeuner, de gruau et de boissons chaudes, à usage domestique et commercial » sont suffisamment précises puisque la fonction (appareils d'infusion électriques avec fonction d'identification par radiofréquence (RFID) et le domaine d'emploi sont relativement étroits (la préparation d'aliments/de boissons) [voir, par exemple, l'article 2.4.3 du Manuel des marchandises et des services qui indique que le terme « équipement » peut être accepté si la fonction ou le domaine d'emploi peuvent être raisonnablement compris comme étant très proches.

[14]           En ce qui concerne les marchandises décrites comme [traduction] « godets en plastique avec fonction d'identification par radiofréquence (RFID) contenant chacun un mélange de boisson chaude à infuser dans un appareil d'infusion », cette description est dans les termes ordinaires du commerce puisque le contenu des godets de même que le domaine d'emploi sont compris. Je remarque que le Manuel des marchandises et des services énumère les descriptions analogues suivantes comme acceptables : cartouches d'encre pour imprimante et cartouches pour stylo [voir Johnson & Johnson c Integra Lifesciences Corp (2011), 98 CPR (4th) 429 au para 29 (COMC) qui m'autorise à consulter le Manuel des marchandises et des services].

[15]           Par conséquent, j'estime que l'état déclaratif des marchandises est conforme à l'article 30a) de la Loi, puisque les marchandises précises en question sont décrites dans les termes ordinaires du commerce. En conséquence, ce motif d'opposition est rejeté.

Motif d'opposition fondé sur l'article 30e)

[16]           Le motif d'opposition fondé sur l'article 30e) allègue que la Requérante n'avait pas l'intention d'employer la Marque au Canada avec les Marchandises, puisqu’elle savait, ou aurait dû savoir, que la Marque n'était pas disponible pour emploi au Canada, en raison d'un emploi et d'un enregistrement antérieurs des marques de commerce YOUBREW et BREW IQ de l'Opposante. Il n'y a aucune preuve à l'appui de l'allégation de l'Opposante, par conséquent, ce motif d'opposition est rejeté.

Motif d'opposition fondé sur l'article 30i)

[17]           Le motif d'opposition fondé sur l'article 30i) allègue que la Requérante ne pouvait pas avoir été convaincue qu'elle avait le droit d'employer la Marque, parce qu'elle créait de la confusion avec les marques de commerce de l'Opposante. Lorsqu'un requérant présente la déclaration requise en vertu de l'article 30i), ce motif ne doit être accepté que dans des situations exceptionnelles, comme lorsqu'il y a preuve de mauvaise foi [voir Sapodilla Co Ltd c Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC) à 155] ou autre situation exceptionnelle. Comme cette demande comprend la déclaration requise et qu'il n'y a ni allégation ou preuve de mauvaise foi ni autre situation exceptionnelle, le motif d'opposition fondé sur l'article 30i) est rejeté.

Motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d)

[18]           J'ai exercé mon pouvoir discrétionnaire et consulté le registre pour confirmer que les enregistrements nos LMC834,119 de YOUBREW et LMC820,151 de BREW IQ couvrant tous les deux des cafetières sont en vigueur [Quaker Oats Co of Canada c Menu Foods Ltd (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC)]. Par conséquent, l'Opposante s'est acquittée de son fardeau de preuve initial en ce qui concerne ce motif d'opposition.

Quand les marques de commerce créent-elles de la confusion?

[19]           Les marques de commerce créent de la confusion lorsqu’il existe une probabilité raisonnable de confusion au sens de l'article 6(2) de la Loi sur les marques de commerce :

 L'emploi d'une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce, lorsque l'emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises ou les services liés à ces marques de commerce sont fabriqués. . . ou exécutés par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[20]           Ainsi, la question de la confusion ne concerne pas la confusion entre les marques elles-mêmes, mais la confusion susceptible de faire croire que des biens et services provenant d’une source proviennent d’une autre source. En l'espèce, la question posée par l'article 6(2) est de savoir si les acheteurs des Marchandises, vendues en liaison avec la marque de commerce MYBREW, croiraient que ces articles sont fabriqués ou autorisés ou licenciés par l'Opposante.

[21]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Les facteurs à prendre en considération pour déterminer si deux marques créent de la confusion sont « toutes les circonstances de l’espèce, y compris » celles expressément énoncées à l'article 6(5) de la Loi, à savoir, le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle chaque marque a été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Ces critères ne forment pas une liste exhaustive et le poids qu'il convient d'accorder à chacun d'eux varie en fonction du contexte propre à chaque affaire [Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, [2006] 1 SCR 772 (CSC), para 54]. Je m'appuie également sur l'affirmation de la Cour suprême du Canada dans Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC), au para 49, selon laquelle le critère énoncé à l'article 6(5)e), la ressemblance entre les marques, est souvent celui qui revêt le plus d'importance dans l'analyse relative à la confusion.

Caractère distinctif inhérent des marques de commerce

[22]           Les marques de commerce YOUBREW et MYBREW ne possèdent pas un caractère distinctif inhérent. La marque de commerce YOUBREW de l'Opposante est hautement suggestive des marchandises de l'Opposante, c'est-à-dire des cafetières qui permettent aux utilisateurs de personnaliser et d'adapter leurs préférences en matière d’intensité d'infusion et de profil de saveur (para 16 de l'affidavit de Stephen Krauss). De même, la Marque est hautement suggestive des Marchandises, qui permettent aux utilisateurs de préparer des aliments et des boissons selon leurs préférences individuelles. Le fait que MYBREW et YOUBREW sont des mots inventés est insuffisant pour augmenter de façon importante le caractère distinctif inhérent de ces marques compte tenu de leurs connotations descriptives.

[23]           La marque de commerce BREW IQ de l'Opposante possède un caractère distinctif plus important parce que les appareils ne sont pas normalement considérés comme ayant un QI (IQ).

Période d'emploi et mesure dans laquelle les marques sont devenues connues

[24]           L'étendue de la protection accordée à une marque augmente si la marque a acquis un caractère distinctif. Le déposant de l'Opposante, Stephen Krauss, directeur général d'une compagnie affiliée de l'Opposante, Anglo-Canadian Housewares LP, fournit les renseignements suivants :

    Anglo-Canadian Housewares LP est le distributeur licencié exclusif au Canada des produits de marque Breville, y compris des cafetières YOUBREW et BREW IQ (para 7,9).

    La marque de commerce YOUBREW occupe une place importante en gros caractères sur la boîte de cafetières de l'Opposante (pièce SK-1) et également sur des étiquettes volantes sur les modèles de présentation (pièce SK-2). La marque de commerce BREW IQ apparaît sur la boîte en plus petits caractères (pièce SK1).

    Les ventes des cafetières YOUBREW ont commencé au Canada en février 2012 et entre cette date et le 9 septembre 2013, l'Opposante a vendu environ 13 000 unités (para 19).

    Les cafetières YOUBREW sont vendues à plusieurs détaillants, dont Future Shop, Best Buy, Bed Bath & Beyond, Paderno Factory Store, La Baie, Home Outfitters et I Drink Coffee (para 21; pièces SK-3-4). Les cafetières YOUBREW ont été annoncées dans les dépliants et brochures de plusieurs détaillants, dont Future Shop, Home Outfitters, et La Baie (para 23; pièce SK-4).

    Les cafetières YOUBREW ont également été annoncées et présentées dans les magazines suivants et dans des émissions de télévision, dont HomeStyle, Real Style Network, CH Morning Live et CityLine (para 24, pièce SK-5).

[25]           La marque de commerce MYBREW visée par la demande est fondée sur un emploi projeté et il n'y a aucune preuve de caractère distinctif acquis. Les deux premiers facteurs énoncés à l'article 6(5) favorisent donc l'Opposante.

Genre de marchandises, services ou entreprises; nature du commerce

[26]           Ce facteur favorise de façon importante l'Opposante puisque le genre des marchandises se recoupe, et probablement également les voies de commercialisation.

Degré de ressemblance

[27]           Examinant le degré de ressemblance, la Cour suprême du Canada écrit, dans l’arrêt Masterpiece, précité, que la ressemblance est définie en tant que rapport entre des objets de même espèce présentant des éléments identiques ou similaires (para 62) et que, pour mesurer le degré de ressemblance, il est préférable de se demander d’abord si l’un des aspects d’une marque de commerce est particulièrement frappant ou unique (para 64). En l’espèce, il n’y a rien de frappant ou d’unique dans le mot BREW considérant que les marchandises de chaque partie sont liées aux appareils d'infusion et aux produits avec lesquels ils sont employés [voir, par exemple, Molson Companies Ltd c John Labatt Ltd (1994), 58 CPR (3d) 527 (CAF)]. De même, le préfixe des marques des parties (un pronom personnel) n'est pas particulièrement frappant ou unique étant donné que les consommateurs utilisent souvent des appareils d'infusion pour se préparer des boissons pour eux-mêmes.

[28]           Les marques de commerce des parties se ressemblent donc dans une certaine mesure dans la présentation et le son puisqu'elles partagent le suffixe BREW. Tandis que les marques de commerce des parties YOUBREW et MYBREW suggèrent la même idée, un infuseur qui permet de personnaliser des produits infusés, il ne peut y avoir de monopole dans ce genre d'idée [American Assn of Retired Persons c Canadian Assn. of Retired Persons/Assoc Canadienne des Individus Retraités (1998), 84 CPR (3d) 198 para 34 (CF 1re inst)].

[29]           Je n'estime pas que la Marque et la marque de commerce BREW IQ se ressemblent. Même si la Marque et BREW IQ contiennent toutes deux l'élément BREW, j'estime que les marques de commerce dans leur ensemble ont une présentation et un son très différents. De plus, les marques de commerce des parties ne suggèrent pas la même idée. La marque de commerce BREW IQ suggère un appareil d'infusion intelligent ou technologiquement développé. Par contre, la Marque n'a pas cette connotation.

Circonstance de l'espèce : État du registre

[30]           La déposante de la Requérante, Mme Thibodeau, joint les détails de plus de quinze demandes accueillies et enregistrements pour des marchandises semblables appartenant à des tiers où le mot BREW est un élément dominant, y compris les suivants :

Marque de commerce

(Enregistrement no)

Propriétaire

Marchandises
[traduction]

BREW I
LMC318,729

Fountain Netherlands Holding B.V.

Distributrices de boissons

BREWWISE
LMC617,911

Bunn-O-Matic Corporation

Appareils pour la préparation du café et pour la préparation du thé...

EZE BREW
LMC173,802

EZE Brew Coffee Service Ltd.

...Filtres et équipement de fabrication de boissons servant à la préparation et à la distribution de café, thé, chocolat chaud et soupe...

INTELLIBREW
Demande accueillie 1,583,924

Kraft Foods Schweiz Holding GmbH

...cafetières électriques ... cafetières non électriques...

SMARTBREW
LMC549,557

Applica Consumer Products, Inc

Cafetières électriques pour emploi domestique

TECHNI-BREW
LMC350,532

Boyd Coffee Company

Équipement électrique d'infusion de boissons chaudes et récipients de service...

[31]           Le fait que le mot BREW est un élément commun dominant de marques de commerce couvrant des appareils d'infusion et des articles connexes influencera le degré avec lequel les consommateurs porteront attention au premier élément de la marque de commerce de chaque partie, ce qui, en retour, réduit la probabilité de confusion [Old Spaghetti Factory Canada Ltd c Spaghetti House Restaurants Ltd (1999), 2 CPR (4th) 398 à 404; Players Company Inc c Edward Roundpoint 2013 COMC 149, para 43-47]. Compte tenu de l'état du registre, je suis disposée à conclure que BREW est couramment employé comme élément dominant d'une marque de commerce dans le champ d'intérêt des parties et les consommateurs sont habitués à voir cet élément.

Autre circonstance : Jurisprudence relative aux marques de commerce faibles

[32]           La jurisprudence relative aux marques de commerce faibles appuie la position de la Requérante. Il est bien établi que des différences relativement petites suffiront à distinguer des marques faibles [Boston Pizza International Inc c Boston Chicken Inc (2001), 15 CPR (4th) 345 (CF 1re inst) para 66]. Dans l'affaire Provigo Distribution Inc c Max Mara Fashion Group SRL (2005), 46 CPR (4th) 112, para 31 (CF 1re inst), le juge Montigny a expliqué que :

[traduction]
Les deux marques étant intrinsèquement faibles, il est juste de dire que même de petites différences suffiront à les distinguer. S'il en était autrement, on permettrait au premier utilisateur des mots d'usage courant de monopoliser injustement ces mots. Un autre motif invoqué par les tribunaux pour en arriver à cette conclusion est que le public est censé être davantage sur ses gardes lorsque de tels faibles noms commerciaux sont employés …

 

Il a été établi qu'une partie qui adopte une marque de commerce faible accepte un certain risque de confusion [General Motors c Bellows (1949), 10 CPR 101, p 115-116 (CSC)]. S'il est possible d'accroître le caractère distinctif d'une marque de commerce faible par un emploi à grande échelle [Sarah Coventry Inc c Abrahamian (1984), 1 CPR (3d) 238, para 6 (CF 1re inst)], l'Opposante n'a pas réussi à démontrer un tel emploi à grande échelle puisque sa marque de commerce YOUBREW n'est employée que depuis février 2012 et qu'il n'y a eu qu'environ 13 000 cafetières YOUBREW vendues.

Autre circonstance : Vente par l'Opposante d'autres produits de la Requérante

[33]           Le déposant de l'Opposante, M Krauss, déclare qu'un autre produit de marque maison BREVILLE distribué par Anglo-Canadian Housewares LP est le « Gourmet Single Cup Brewer » qui présente le système d'infusion une tasse à la fois munie de la technologie K-Cup® (para 26). De plus, Anglo-Canadian Housewares LP est un partenaire de ventes et de traitement des commandes des produits de marque KEURIG, dont toutes les cafetières (para 27). Je n'estime pas cela comme étant une circonstance pertinente de l'espèce puisque le test en matière de confusion concerne le consommateur final [Canadian Schenley Distilleries Ltd c Canadas Manitoba Distillery Ltd (1975), 25 CPR (2d) 1 (CF 1re inst) à 5]. La preuve ne démontre pas qu'un tel consommateur serait au courant qu'Anglo-Canadian Housewares LP est un partenaire de ventes et de traitement des commandes de la Requérante.

[34]           Même si j'avais pris cette preuve en considération, cela n'aurait pas eu d'incidence sur ma décision finale puisque j'avais déjà estimé que le genre des marchandises et la nature du commerce se recoupaient.

Conclusion

[35]           Compte tenu des facteurs énoncés à l'article 6(5), et étant donné que la marque de commerce YOUBREW de l'Opposante est une marque faible et que la preuve est insuffisante pour lui donner droit à une protection plus grande, je conclus que la prépondérance des probabilités d'une conclusion qu'il n'existe pas de probabilité raisonnable de confusion et d'une conclusion qu'il existe une probabilité raisonnable de confusion favorise légèrement la Requérante. En ce qui concerne la marque de commerce BREW IQ, je conclus que, selon la prépondérance des probabilités, il n'existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre la marque de commerce de l'Opposante et la Marque compte tenu des différences entre les marques des parties. En conséquence, le motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d) est rejeté.

Autres motifs d'opposition

[36]           Les autres motifs d'opposition portent également sur la décision relative à la question de confusion entre la Marque et les marques de commerce YOUBREW et BREW IQ de l'Opposante. À mon avis, les différences entre les dates pertinentes n'ont pas d'incidence importante sur la décision relative à la question de confusion. Si l'Opposante s'est acquittée de son fardeau initial, la Requérante s'est également acquittée de son fardeau de démontrer qu'il n'existe pas de probabilité de confusion pour les raisons énoncées lors de la discussion du motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d).

Décision

[37]           Conformément aux pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu de l'article 63(3) de la Loi, je rejette l'opposition au titre de l'article 38(8) de la Loi.

__________________

Natalie de Paulsen
Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada


Traduction certifiée conforme
Nathalie Tremblay, trad.

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