Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2011 COMC 159

Date de la décision : 2011-09-08

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Intime Solutions Inc. à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1345150 pour la marque de commerce OPTIME au nom d’Epic Systems Corporation

[1]               Le 26 avril 2007, Epic Systems Corporation (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce OPTIME en liaison avec des « programmes informatiques et manuels d’accompagnement vendus comme un tout pour un système de planification » (les Marchandises initiales) fondée sur l’emploi et l’enregistrement dans les États‑Unis d’Amérique sous le no 1532856.

[2]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 23 avril 2008.

[3]               Le 23 juin 2008, Intime Solutions Inc. (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition. Les motifs d’opposition se résument ainsi :

         Selon les alinéa 38(2)a) et 30a) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi), la demande d’enregistrement de la Marque ne contient pas un état, dressé dans les termes ordinaires du commerce, des Marchandises initiales puisque le libellé ne décrit pas clairement le domaine d’utilisation et d’application du logiciel, comme l’exige le Manuel des marchandises et des services de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC).

         Selon les alinéa 38(2)a) et 30i) de la Loi, la Requérante ne pouvait être convaincue qu’elle avait le droit d’employer la Marque au Canada parce que, à toutes les dates pertinentes, la Marque créait de la confusion avec les enregistrements canadiens de l’Opposante pour les marques de commerce INTIME VISUAL SCHEDULER (LMC546669) et INTIME (LMC458545) (les Marques de l’Opposante) et le nom commercial de l’Opposante, Intime Solutions Inc., qui avaient tous été antérieurement employés et révélés et dont aucun n’avait été abandonné à toutes les dates pertinentes.

         Selon les alinéas 38(2)b) et 12(1)d) de la Loi, la Marque n’est pas enregistrable parce qu’elle crée de la confusion avec les enregistrements des Marques de l’Opposante.

         Selon les alinéas 38(2)c) et 16(2)a) de la Loi, la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque parce que, à toutes les dates pertinentes, la Marque créait de la confusion avec les Marques de l’Opposante qui sont enregistrées et ont été antérieurement employées et révélées consécutivement au Canada par l’Opposante, sa prédécesseure en titre et/ou ses titulaires de licence, à toutes les dates pertinentes, en liaison avec des « logiciels servant à établir le calendrier du personnel pour utilisation dans le domaine des commerces dans les secteurs privé et public, des fonctionnaires, des associations et des organismes sans but lucratif » et des « logiciels » (les Marchandises de l’Opposante) et n’avaient pas été abandonnées.

         Selon les alinéas 38(2)c) et 16(2)c) de la Loi, la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque parce que, à la date de production de la demande d’enregistrement de la Marque, celle-ci créait de la confusion, et risque de créer de la confusion, avec le nom commercial Intime Solutions Inc. de l’Opposante, qui a été antérieurement employé et révélé au Canada par l’Opposante et qui n’avait pas été abandonné.

         Selon l’alinéa 38(2)d) et l’article 2 de la Loi, la Marque n’est pas distinctive, au sens de l’article 2 de la Loi, parce qu’elle ne distingue pas véritablement, ni n’est adaptée à distinguer, les Marchandises des marchandises et services d’autres propriétaires compte tenu de l’emploi et de l’enregistrement antérieurs par l’Opposante de ses marques et nom commercial.

[4]               La Requérante a signifié et produit une contre-déclaration dans laquelle elle nie les allégations de l’Opposante et exige que celle-ci en fasse la preuve stricte.

[5]               À l’appui de son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit de Donald Harrison Dollard, souscrit le 27 février 2009, accompagné des pièces A à F, et celui de Dulce Campos, souscrit le 3 mars 2009, accompagné des pièces A et B, de même qu’un second affidavit de Dulce Campos, souscrit le 29 juillet 2009, accompagné des pièces A à E, conformément à l’article 43 du Règlement sur les marques de commerce, DORS/96-195 (le Règlement). Aucun des déposants de l’Opposante n’a été contre-interrogé.

[6]               La Requérante a produit l’affidavit de Dane Penney, souscrit le 18 juin 2009, accompagné des pièces A à D, et celui de Peter Woods, souscrit le 23 juin 2009, accompagné de la pièce A. Aucun des déposants n’a été contre-interrogé.

[7]               Les deux parties ont produit des plaidoyers écrits et étaient représentées à l’audience.

Question préliminaire – Demande modifiée

[8]               La veille de l’audience, la Requérante a produit une demande modifiée dans laquelle les Marchandises initiales ont été modifiées pour se lire ainsi : [traduction] « programmes informatiques et manuels d’accompagnement vendus comme un tout pour un système de planification servant aux établissements de soins de santé et de santé publique » (les Marchandises).

[9]               Je signale que la demande modifiée n’a été portée à mon attention que vers le milieu de l’audience après que l’Opposante eut présenté de longues observations sur le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30a) en fonction des Marchandises initiales. L’Opposante s’est vu accorder la possibilité de formuler des observations sur la demande modifiée à l’audience.

[10]           La modification de la demande de la façon énoncée dans la demande modifiée de la Requérante datée du 18 juillet 2011 a été acceptée au nom du registraire des marques de commerce.

Preuve de l’Opposante

Affidavit de Donald Harrison Dollard

[11]           M. Dollard est un administrateur et dirigeant, à savoir le président, de « Solutions Inc. ». Je présume, compte tenu du reste de l’affidavit, que M. Dollard voulait dire « Intime Solutions Inc. », c’est-à-dire l’Opposante.

[12]           M. Dollard affirme que l’Opposante a été constituée en société en Colombie‑Britannique le 21 mai 1996 sous le no BC-0000520276. M. Dollard affirme que l’Opposante a son principal établissement en Colombie‑Britannique et des bureaux à Bellingham, Washington, États‑Unis (pièce A).

[13]           M. Dollard fait des déclarations au sujet de la marque de commerce VISUAL SCHEDULER. Compte tenu de l’ensemble de l’affidavit de M. Dollard, je suis convaincue qu’il s’agit en fait de la marque de commerce INTIME VISUAL SCHEDULER de l’Opposante. Plus précisément, M. Dollard affirme qu’au début de 1995, la prédécesseure de l’Opposante, MCS Micro Computer Services Ltd., a adopté la marque de commerce INTIME VISUAL SCHEDULER pour désigner ses logiciels de planification. M. Dollard affirme qu’au début de 1995, la prédécesseure de l’Opposante a donné instruction à son agent de produire une demande pour cette marque de commerce (demande no 775284, qui a donné lieu à un enregistrement le 31 mai 1996 sous le no LMC458545). M. Dollard joint à son affidavit une copie certifiée de l’enregistrement de la marque de commerce INTIME VISUAL SCHEDULER (pièce B). M. Dollard affirme que l’enregistrement no LMC458545 a été cédé à l’Opposante en juin 1996 puis inscrit à l’OPIC le 27 septembre 1996. Je signale qu’aucun des documents joints à l’affidavit de M. Dollard ne traite de l’emploi de la marque de commerce INTIME VISUAL SCHEDULER.

[14]           M. Dollard fait ensuite des déclarations au sujet d’une autre marque de commerce sans la nommer. Compte tenu de l’ensemble de l’affidavit de M. Dollard, je suis convaincue que celui‑ci parle en fait de l’autre marque de commerce de l’Opposante, INTIME. M. Dollard affirme qu’en août 1998, l’Opposante a donné instruction à son agent d’enregistrer la marque de commerce INTIME au Canada en liaison avec des « logiciels servant à établir le calendrier du personnel pour utilisation dans le domaine des commerces dans les secteurs privé et public, des fonctionnaires, des associations et des organismes sans but lucratif » sous la demande no 886611, qui a ensuite donné lieu à un enregistrement sous le no LMC546669 le 18 juin 2001. M. Dollard joint à son affidavit une copie certifiée de l’enregistrement no LMC546669 (pièce C).

[15]           M. Dollard affirme que l’Opposante emploie huit personnes à temps plein, dont deux d’entre elles se consacrent aux ventes et au marketing. M. Dollard affirme que l’Opposante [traduction] « occupe une partie d’un entrepôt de distribution et d’expédition à Bellingham, Washington ».

[16]           Le reste de l’affidavit de M. Dollard sera examiné plus loin dans le cadre de l’analyse des motifs d’opposition fondés sur la confusion.

Premier affidavit de Dulce Campos

[17]           Mme Campos travaille comme recherchiste en marques de commerce pour l’agent de l’Opposante.

[18]           Mme Campos affirme que, conformément aux instructions de l’agent de l’Opposante, elle a consulté la section « About Epic » du site Web www.epicsystems.com (le site Web de la Requérante) pour connaître l’endroit où se trouve la Requérante. Mme Campos joint à son affidavit un imprimé du site Web de la Requérante qui indique que la Requérante a des emplacements au Wisconsin et aux Pays-Bas (pièce A).

[19]           Mme Campos affirme que, conformément aux instructions de l’agent de l’Opposante, elle a effectué une recherche dans le Routledge Dutch Dictionary à l’égard du terme « OP ». Mme Campos joint à son affidavit des imprimés de ce site Web qui confirment que « OP » se traduit en anglais par « as, upon, at and in » (pièce B).

Preuve de la Requérante

Affidavit de Dane Penney

[20]           Mme Penney atteste qu’elle est une recherchiste employée par les agents de la Requérante.

[21]           Mme Penney affirme que les 18 et 19 juin 2009, à la demande de l’agent de la Requérante, elle a trouvé les documents suivants sur le site Web de l’USPTO :

         l’enregistrement de marque de commerce américain no 2619241 pour INTIME (pièce A);

         l’enregistrement de marque de commerce américain no 1532856 pour l’emploi d’OPTIME (pièce B);

         une copie de la réponse à un rapport du Bureau datée du 29 septembre 1999 que l’avocat de la Requérante a produite en liaison avec la demande d’enregistrement américaine pour INTIME (pièce C).

[22]           Mme Penney affirme que le 18 juin 2009, à la demande de l’agent de la Requérante, elle a trouvé les détails de 12 enregistrements de marques de commerce canadiennes, à savoir UP.TIME, SAMETIME, JUST-IN-TIME, UPTIME INTEGRITY MANAGEMENT & DESSIN, ON TIME EVERY TIME, SPIN TIME, GEOTIME, ACCU-TIME, QUICKTIME, PRO-TIME, ON TIME & DESSIN, BOOK IN TIME (pièce D), dans la base de données sur les marques de commerce de l’OPIC.

Affidavit de Peter Woods

[23]           M. Woods est un étudiant en droit employé par l’agent de la Requérante.

[24]           M. Woods affirme que le 23 juin 2009, il a consulté le site Web www.epicsystems.com et imprimé la page d’accueil ainsi que les pages intitulées « About », « Recognition », « Software », « Software : Specialties/Departments/Ancillaries and Services » (pièce A).

Contre-preuve de l’Opposante

Second Affidavit de Dulce Campos

[25]           Mme Campos a passé en revue la section des énoncés de pratique du site Web de l’OPIC. Mme Campos joint à son affidavit des imprimés tirés de l’énoncé de pratique « Conformité à l’alinéa 30a) – programmes – services de transmission de données » publié le 14 avril 1999 (pièce A).

[26]           Mme Campos a effectué une recherche dans le Manuel des marchandises et des services de l’OPIC à l’égard des marchandises comprenant des « logiciels » (pièce B) et des « systèmes » (pièce C).

[27]           Mme Campos a effectué une recherche en ligne dans le dictionnaire Merriam Webster sur le site http://www.merriam-webster.com/ à l’égard du mot « planification » (pièce D).

[28]           Mme Campos a effectué une recherche dans la base de données sur les marques de commerce de l’OPIC pour passer en revue toutes les marques contenant le mot OPTIME. Mme Campos joint à son affidavit un imprimé des détails de la marque OPTIME enregistrée sous le no LMC677407 au nom de Cabot Safety Intermediate LLC (pièce E).

[29]           La Requérante a fait valoir que le second affidavit Campos ne constitue pas une contre‑preuve valable puisqu’il ne se limite pas aux matières servant de réponse, comme l’exige l’alinéa 43a) du Règlement [voir Coca-Cola Ltd. c. Compagnie Francaise De Commerce International Cofci, S.A. (1991), 35 C.P.R. (3d) 406 (C.O.M.C.)]. La preuve de la Requérante, qui comprend les enregistrements américains des parties, une preuve relative à l’état du registre à l’égard du mot « TIME » et des imprimés du site Web de la Requérante, n’a rien à voir avec l’alinéa 30a) de la Loi, ou avec le Manuel des marchandises et des services. Par conséquent, la seule partie du second affidavit Campos pouvant être considéré comme constituant une contre‑preuve valable est celle concernant les détails de l’enregistrement du tiers pour la marque OPTIME (LMC677407) jointe comme pièce E.

[30]           Compte tenu de ce qui précède, je ne tiendrai pas compte du contenu du second affidavit Campos, à l’exception de la pièce E, au motif qu’il ne constitue pas une contre‑preuve valable.

Fardeau de preuve et dates pertinentes

[31]           La Requérante a le fardeau ultime d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande satisfait aux exigences de la Loi. Il incombe toutefois à l’Opposante de s’acquitter du fardeau initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition [voir John Labatt Limitée c. Les Compagnies Molson Limitée (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), à la page 298].

[32]           Les dates pertinentes applicables aux motifs d’opposition sont les suivantes :

         al. 38(2)a)/30a) et i) – la date de production de la demande [voir Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469, à la page 475 (C.O.M.C.) et Tower Conference Management Co. c. Canadian Exhibition Management Inc. (1990), 28 C.P.R. (3d) 428, à la page 432 (C.O.M.C.)];

         al. 38(2)b)/12(1)d) - la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et Le registraire des marques de commerce (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)];

         al. 38(2)c)/16(2)a) et c) – la date de production de la demande [voir le par. 16(2) de la Loi];

         al. 38(2)d)/art. 2 – la date de production de l’opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F.)].

Motifs fondés sur l’article 30

Alinéa 30a)

[33]           Le fardeau de preuve initial qui incombe à l’Opposante en vertu de l’alinéa 30a) est léger. En fait, l’Opposante n’a qu’à présenter des arguments suffisants pour s’acquitter de son fardeau initial [voir McDonald’s Corporation and McDonald’s Restaurants of Canada Ltd. c. M.A. Comacho-Saldana International Trading Ltd. carrying on business as Macs International (1984), 1 C.P.R. (3d) 101, à la page 104 (C.O.M.C.)].

[34]           L’Opposante fait valoir que la demande d’enregistrement de la Marque ne satisfait pas aux exigences de l’alinéa 30a) de la Loi au motif que la demande ne contient pas un état, dressé dans les termes ordinaires du commerce, des Marchandises initiales puisque le libellé ne décrit pas clairement le domaine d’utilisation et d’application du logiciel, comme le prévoit le Manuel des marchandises et des services de l’OPIC.

[35]           Les observations de l’Opposante, tant dans son plaidoyer écrit qu’à l’audience, ont principalement porté sur le fait que l’Opposante était d’avis que les Marchandises initiales ne donnaient que la fonction du logiciel de la Requérante, mais non son domaine d’utilisation.

[36]           Je suis convaincue que la demande modifiée produite la veille de l’audience résout les objections soulevées par l’Opposante. L’ajout des mots « servant aux établissements de soins de santé et de santé publique » précise clairement le domaine d’utilisation du logiciel de la Requérante.

[37]           Je n’aborderai donc pas les longues observations que l’Opposante a faites à l’égard du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30a) puisque je ne les trouve pas convaincantes compte tenu de la demande modifiée. À l’audience, l’Opposante a dit vouloir maintenir son objection à la demande en vertu de l’alinéa 30a) au motif que les modifications n’étaient pas suffisantes pour résoudre l’objection initiale. Je ne suis pas d’accord. Je suis convaincue que les Marchandises sont maintenant décrites de façon précise et dans les termes ordinaires du commerce.

[38]           Compte tenu de ce qui précède, je rejette le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30a) de la Loi.

Alinéa 30i)

[39]           Lorsque le requérant a fourni la déclaration exigée par l’alinéa 30i), le motif fondé sur cette disposition ne devrait être retenu que dans des cas exceptionnels, comme lorsqu’il existe une preuve de mauvaise foi de la part du requérant [voir Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol-Myers Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.), à la page 155]. La Requérante a fourni la déclaration nécessaire et il ne s’agit pas d’un cas exceptionnel; le motif fondé sur l’alinéa 30i) est donc rejeté.

Motif d’opposition fondé sur la non-enregistrabilité – al. 12(1)d) de la Loi

[40]           L’Opposante a produit des copies certifiées des certificats d’enregistrement des marques de commerce enregistrées qu’elle invoque. J’ai exercé le pouvoir discrétionnaire conféré au registraire pour vérifier si les enregistrements des Marques de l’Opposante sont toujours en règle en date d’aujourd’hui. Mon examen du registre révèle que l’enregistrement no LMC458545 pour la marque de commerce INTIME VISUAL SCHEDULER a été radié. L’Opposante ne s’est donc pas acquittée de son fardeau de preuve à l’égard de cet enregistrement.

[41]           L’enregistrement no LMC546669, par contre, est toujours en règle; l’Opposante s’est donc acquittée de son fardeau de preuve à l’égard de cet enregistrement. Par conséquent, le reste du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) sera apprécié uniquement en fonction de l’enregistrement de la marque de commerce INTIME de l’Opposante.

[42]           L’Opposante s’étant acquittée de son fardeau de preuve initial à l’égard de ce motif d’opposition en ce qui concerne l’enregistrement de la marque INTIME (LMC546669), il incombe maintenant à la Requérante de convaincre le registraire, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce INTIME de l’Opposante.

[43]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du vague souvenir. Le paragraphe 6(2) de la Loi indique que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[44]           Lorsqu’il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles expressément énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle chacune des marques de commerce a été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Il n’est pas nécessaire d’attribuer un poids équivalent à chacun de ces facteurs. [Voir, de façon générale, Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.).]

Alinéa 6(5)a) – le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[45]           Les marques des parties comportent toutes les deux le suffixe « TIME » qui, compte tenu des fonctions planificatrices des marchandises des parties, évoque les marchandises des parties.

[46]           La Requérante soutient, et j’en conviens, que la marque de commerce INTIME, qui [traduction] « se compose des mots courants “IN” et “TIME”, ne possède pas un caractère distinctif inhérent élevé et n’a donc pas droit à une protection étendue ». J’estime en outre que les mots IN et TIME employés en liaison avec les Marchandises de l’Opposante évoquent fortement l’aspect planification des Marchandises de l’Opposante.

[47]           Dans son plaidoyer écrit, la Requérante soutient que la Marque :

[traduction] …est renforcée par un préfixe différent, « OP », qui, lorsqu’on l’associe au mot « TIME », forme un mot inventé ayant un lien ténu avec les [Marchandises]. Le préfixe « OP » peut revêtir plusieurs sens ou connotations, comme « opération », « opportunité » ou « productivité optimale ». La [Marque] est donc distinctive et devrait bénéficier d’une protection étendue.

 

Je suis d’accord avec les observations de la Requérante sur ce point.

[48]           L’Opposante soutient que l’existence de la marque de commerce OPTIME enregistrée par Cabot Safety Intermediate LLC (LMC677407) en liaison avec des « casques d’écoute de communication; protecteurs auriculaires, nommément bouche-oreilles, cache-oreilles, casques d’écoute de réduction du bruit et casques d’écoute de réduction active du bruit », affaiblit le caractère distinctif de la Marque. Je ne suis pas d’accord. Je ne suis pas disposée à conclure que l’existence d’une autre marque de commerce OPTIME enregistrée en liaison avec des marchandises totalement différentes des Marchandises, et à l’égard de laquelle aucune preuve d’emploi n’a été fournie, suffit à affaiblir le caractère distinctif de la Marque.

[49]           Étant donné qu’il est possible d’accroître la force d’une marque de commerce en la faisant connaître au Canada par la promotion ou l’usage, je vais maintenant examiner la mesure dans laquelle les marques de commerce sont devenues connues au Canada.

[50]           La Requérante n’a produit aucun élément de preuve ayant trait à l’emploi de la Marque après la production de la demande et il m’est donc impossible de tirer une conclusion quant à la mesure dans laquelle la Marque est devenue connue.

[51]           La marque INTIME visée par l’enregistrement no LMC546669 de l’Opposante a été enregistrée le 18 juin 2001 sur la base d’un emploi au Canada depuis au moins septembre 1995. Je ne souscris pas à l’observation erronée de l’Opposante selon laquelle [traduction] « […] si une marque de commerce figure sur le registre depuis plusieurs années, il est probable qu’elle ait été employée pendant une période comparable et ait acquis une réputation et un achalandage ». La simple existence d’un enregistrement établit tout au plus un emploi de minimis et ne saurait permettre de conclure à un emploi important et continu d’une marque de commerce [voir Entre Computer Centers, Inc. c. Global Upholstery Co. (1991), 40 C.P.R. (3d) 427 (C.O.M.C.)].

[52]           Quoi qu’il en soit, l’Opposante a produit l’affidavit de M. Dollard qui fournit une certaine preuve d’emploi et de réputation à l’égard de la marque de commerce INTIME de l’Opposante. M. Dollard affirme que la valeur contractuelle moyenne des marchandises et services de l’Opposante s’élève à 60 000 $ pour l’octroi de licences d’utilisation de logiciels et à 40 000 $ pour les services qui comprennent la mise en place, la configuration, l’installation, la formation et 1‑2 ans de soutien technique. M. Dollard affirme qu’au cours de l’année financière où il a souscrit son affidavit, l’Opposante prévoyait exécuter environ 13 de ces contrats. M. Dollard a affirmé qu’à la date où il a souscrit son affidavit, le contrat unique le plus important de l’Opposante était d’environ 500 000 $.

[53]           M. Dollard joint à son affidavit des échantillons représentatifs de factures pour les années 1998 à 2008 (pièce D).

[54]           M. Dollard affirme de plus que pour les années financières 1997 à 2007, les revenus totaux de l’Opposante se sont élevés à [traduction] « un peu plus de 10 millions de dollars, avec plus de 1200 clients en Amérique du Nord et dans 24 pays dans le monde entier ».

[55]           La Requérante fait valoir que l’Opposante a omis de préciser et d’établir quelle portion de ces revenus provenaient d’activités canadiennes. À l’audience, l’Opposante a attiré l’attention sur l’adresse du principal établissement de l’Opposante à Vancouver (C.‑B.) ainsi que sur les renseignements affichés sur le site Web de l’Opposante semblant indiquer le Canada (numéro de téléphone avec un indicatif régional de la C.‑B., directeur des ventes situé à Burnaby (C.‑B.), etc.) (pièce F de l’affidavit Dollard). L’Opposante a semblé sous‑entendre que ses ventes à des clients américains constituaient un emploi au Canada au sens du paragraphe 4(3) de la Loi (« [u]ne marque de commerce mise au Canada sur des marchandises ou sur les colis qui les contiennent est réputée, quand ces marchandises sont exportées du Canada, être employée dans ce pays en liaison avec ces marchandises »).

[56]           Si je conviens que l’Opposante est une activité canadienne et qu’elle a réalisé des ventes au Canada, j’ai des réserves sur la preuve de l’Opposante, comme nous le verrons dans les paragraphes suivants. Plus particulièrement, je ne suis pas convaincue que les ventes à des clients américains mises en preuve satisfont aux exigences du paragraphe 4(3) de la Loi.

[57]           À l’audience, l’Opposante a affirmé ne conserver qu’une adresse de facturation/case postale à Washington, aux É.‑U., et que toutes ses ventes sont réalisées par le truchement de l’emplacement canadien. Cela est incompatible, cependant, avec la déclaration que M. Dollard a faite dans son affidavit voulant que l’Opposante ait des [traduction] « bureaux à Bellingham, Washington » (par. 3 de l’affidavit Dollard, pièce D) et avec le fait que les factures des clients américains comportent une adresse située à Bellingham, Washington, dans le coin supérieur gauche, sous le nom de l’Opposante, ce qui donne à penser que l’Opposante fait affaire avec ses clients américains à partir de ses bureaux américains. Étant donné que la preuve donne à penser que l’Opposante fait affaire avec ses clients américains à partir de ses bureaux américains, je ne suis pas convaincue que l’Opposante a établi qu’elle exporte ses marchandises du Canada vers des clients situés à l’extérieur du Canada, comme le prévoit le paragraphe 4(3) de la Loi.

[58]           Lorsque la preuve susmentionnée est combinée avec l’emploi par M. Dollard des mots [traduction] « en Amérique du Nord et dans 24 pays dans le monde entier », il devient difficile de déterminer quelle portion des ventes revendiquées de l’Opposante équivalent généralement à des ventes au Canada. Je signale de plus que seuls trois des échantillons de factures joints à l’affidavit de M. Dollard concernent des adresses canadiennes (pièce D). La Requérante soutient que trois factures ne suffisent pas à établir un emploi au Canada [voir Redsand Inc. c. Thrifty Riding and Sports Shop Ltd. (1995), 66 C.P.R. (3d) 250, aux pages 253‑254].

[59]           M. Dollard affirme qu’au cours de l’année financière 2008, les dépenses de l’Opposante en matière de ventes et de marketing, à l’exclusion des salaires et commissions, se sont élevées à un peu plus de 225 000 $. La Requérante soutient que l’Opposante a omis de produire une preuve établissant que les sommes dépensées ont été affectées aux ventes et au marketing au Canada. Bien que cela puisse être vrai, je suis disposée à inférer qu’une partie de ces dépenses se rapporterait au marché canadien.

[60]           M. Dollard joint à son affidavit des échantillons représentatifs des étiquettes et disques logiciels mêmes sur lesquels, affirme-t-il, les Marques de l’Opposante figurent bien en vue et que, affirme-t-il, l’Opposante utilise sur les emballages de ses produits (pièce E). À l’audience, la Requérante a prétendu que la preuve donnait à penser que l’Opposante employait simplement INTIME comme nom commercial sur ces étiquettes/emballages. Plus précisément, la Requérante a fait valoir que la présence des mots « ISE Scheduling Software » [logiciel de planification ISE] sur les étiquettes donnait à penser que la marque de commerce du logiciel lui‑même était ISE et que INTIME faisait simplement référence au nom commercial de l’Opposante. En réponse, l’Opposante a affirmé que INTIME était exploité comme [traduction] « marque maison » avec des marques de commerce exploitées comme [traduction] « sous-marques ». L’Opposante a soutenu, et j’en conviens, que la présence de la marque de commerce INTIME, suivie d’un ®, sur les étiquettes et disques logiciels est suffisante pour permettre de conclure que la marque de commerce INTIME est exploitée comme marque de commerce pour le logiciel de l’Opposante. Par conséquent, je ne souscris pas aux observations de la Requérante sur ce point. Je profite de l’occasion pour signaler que, malgré la déclaration de M. Dollard voulant que les Marques de l’Opposante figurent sur les emballages, ce qui donne à penser que la marque de commerce INTIME VISUAL SCHEDULER figure également sur les emballages, les échantillons d’étiquettes et de disques joints comme pièce E ne mentionnent pas la marque de commerce INTIME VISUAL SCHEDULER.

[61]           M. Dollard affirme qu’en 1998, l’Opposante a lancé un site Web très complet pour ses clients qui présente des listes détaillées, des photos, des descriptions et des exemples de ses produits. M. Dollard joint à son affidavit des imprimés d’extraits du site Web de l’Opposante (pièce F). La Requérante fait valoir que l’Opposante a omis de fournir une preuve établissant que le site Web a été visité par des Canadiens. Par conséquent, je ne suis pas disposée à considérer les imprimés de site Web comme une preuve de la véracité de leur contenu [voir Candrug Health Solutions Inc. c. Thorkelson (2007), 60 C.P.R. (4th) 35 (C.F. 1re inst.), infirmé par (2008), 64 C.P.R. (4th) 431 (C.A.F.)].

[62]           M. Dollard affirme que l’Opposante participe à des foires commerciales partout au Canada et aux États‑Unis, et ce depuis plus de 12 ans. Il affirme que le budget de l’Opposante pour les participations à des foires commerciales au cours de l’année financière où il a souscrit son affidavit était d’environ 113 000 $. M. Dollard a inclus dans son affidavit une liste des foires commerciales auxquelles l’Opposante a participé dans l’année où il a souscrit son affidavit ou pour lesquelles l’Opposante avait confirmé sa participation en 2009. La liste comprend un certain nombre de villes américaines ainsi que Montréal, Victoria, Sudbury et Charlottetown au Canada. La Requérante fait valoir que l’Opposante n’a fourni aucune preuve établissant que la marque de commerce INTIME a été employée au cours de quelque foire commerciale que ce soit.

[63]           M. Dollard dit être d’avis que la promotion et la vente de marchandises par l’Opposante en liaison avec les Marques de l’Opposante depuis 1995 ont fait en sorte que les Marques de l’Opposante ont acquis une solide réputation.

[64]           Malgré les lacunes évidentes de l’affidavit Dollard, comme l’a souligné la Requérante, je suis disposée à reconnaître que la marque de commerce INTIME de l’Opposante a acquis une certaine réputation au Canada.

Alinéa 6(5)b) – la période pendant laquelle chacune des marques de commerce a été en usage

[65]           La Marque a fait l’objet d’une demande d’enregistrement, le 26 avril 2007, sur la base d’un emploi et d’un enregistrement aux États‑Unis. La Requérante n’a produit aucun élément de preuve ayant trait à l’emploi de la Marque après la production de la demande.

[66]           Comme nous l’avons vu dans le cadre de l’analyse du facteur énoncé à l’alinéa 6(5)a), l’Opposante a établi que sa marque de commerce INTIME est employée depuis 2005 environ (la date de la première facture adressée à un client canadien).

Alinéas 6(5)c) et d) – la nature des marchandises, du commerce et des entreprises

[67]           C’est la comparaison de l’état déclaratif des marchandises figurant dans la demande de la Requérante avec les marchandises enregistrées de l’Opposante qui guide mon appréciation de ce facteur [voir Esprit International c. Alcohol Countermeasure Systems Corp. (1997), 84 C.P.R. (3d) 89 (C.O.M.C.)].

[68]           Les Marchandises comprennent des programmes informatiques et manuels [traduction] « vendus comme un tout pour un système de planification servant aux établissements de soins de santé et de santé publique »; les marchandises de l’Opposante comprennent des logiciels « servant à établir le calendrier du personnel pour utilisation dans le domaine des commerces dans les secteurs privé et public, des fonctionnaires, des associations et des organismes sans but lucratif ».

[69]           Les marchandises des parties sont donc semblables, car elles comprennent toutes les deux des logiciels dotés d’une fonction planificatrice. Même si les parties ont précisé la nature de leurs logiciels en indiquant les domaines d’utilisation, je considère que les domaines d’utilisation de l’Opposante sont très larges et pourraient englober les établissements de soins de santé et de santé publique. J’estime donc que les voies de commercialisation associées à la Marque et à la marque INTIME de l’Opposante pourraient aussi se recouper.

Alinéa 6(5)(e) – le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[70]           Dans la plupart des cas, le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent, est le facteur décisif, les autres facteurs jouant un rôle secondaire [voir Beverly Bedding & Upholstery Co. c. Regal Bedding & Upholstery Ltd. (1980), 47 C.P.R. (2) 145, conf. par 60 C.P.R. (2d) 70 (C.F. 1re inst.)]. Je réfère également à l’arrêt Masterpiece Inc. c. Alavida Lifestyles Inc. (2011), 96 C.P.R. (4th) 361 (C.S.C.), par. 49 [Masterpiece], où la Cour suprême du Canada a affirmé que l’alinéa 6(5)e), qui s’attache à la ressemblance entre les marques, est souvent le facteur ayant le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion.

[71]           L’Opposante tente d’invoquer une définition tirée d’un dictionnaire néerlandais‑anglais qui précise que « OP » se traduit en anglais par « on, upon; at; in » [voir la pièce B jointe au premier affidavit Campos]. L’Opposante prétend que cela permet de conclure que le préfixe « OP » se traduit directement du néerlandais à l’anglais par « IN » de sorte que les marques des parties ont le même préfixe. L’Opposante soutient donc que la Marque est essentiellement identique à la marque de commerce INTIME de l’Opposante.

[72]           La Requérante fait valoir que l’Opposante n’a fourni aucune preuve permettant de conclure que le consommateur canadien ordinaire des Marchandises connaîtrait le néerlandais et que, par conséquent, aucun poids ne devrait être accordé à la preuve et aux observations de l’Opposante concernant la traduction du néerlandais vers l’anglais [voir Registraire des marques de commerce c. Coles Book Stores Ltd. (1972), 4 C.P.R. (2d) 1 (C.S.C.)]. Je suis d’accord avec les observations de la Requérante et je n’accorderai donc aucun poids aux observations de l’Opposante concernant le sens du préfixe « OP ».

[73]           L’Opposante prétend également que les marques des parties présentent les similitudes suivantes:

         elles se composent toutes les deux d’un seul mot;

         elles comportent toutes les deux le même nombre de lettres;

         les deux préfixes contiennent deux lettres;

         elles comportent toutes les deux le même suffixe.

[74]           La Requérante, par contre, prétend que les marques des parties ne se ressemblent pas dans la présentation ou le son, ni dans les idées qu’elles suggèrent. Plus précisément, la Requérante fait valoir que la Marque commence par les lettres OP, qui sont très différentes, tant visuellement qu’oralement, du mot IN contenu dans la marque de l’Opposante. La Requérante soutient que lorsque des marques ont des préfixes différents, il y a moins de probabilité de confusion [voir Tonka Corp. c. Toronto Sun Publishing Corp. (1990), 34 (3d) 310, à la page 319 (C.F. 1re inst.); Sum-Spec Canada Ltd. c. Imasco Retail Inc. (1990), 30 C.P.R. (3d) 7, à la page 13 (C.F. 1re inst.); Molson Canada c. Labatt Brewing Co. (2003), 33 C.P.R. (4th) 359, à la page 364 (C.O.M.C.)].

[75]           Il est bien établi que la première partie d’une marque de commerce est l’élément le plus pertinent au regard du caractère distinctif [voir Conde Nast Publications Inc. c. Union des éditions modernes (1979), 46 C.P.R. (2d) 183 (C.F. 1re inst.), à la page 188]. En l’espèce, les premières parties des marques des parties sont complètement différentes.

[76]           Les marques des parties comportent toutes les deux le mot « time ». Cependant, le mot « time » est un mot courant du dictionnaire qui, comme nous le verrons plus loin dans le cadre de l’analyse de la preuve de l’état du registre, peut être considéré comme courant dans le commerce des logiciels, ce qui enlève de l’importance au fait que les marques des parties partagent cet élément.

[77]           Comme il a été mentionné dans United Artists Corp. c. Pink Panther Beauty Corp. (1998), 80 C.P.R. (3d) 247, à la page 263 (C.A.F.) :

Même s’il faut examiner la marque [en cause] comme un tout (et non la disséquer pour en faire un examen détaillé), il est tout de même possible d’en faire ressortir des caractéristiques particulières susceptibles de jouer un rôle déterminant dans la perception du public.

[78]           Compte tenu du faible caractère distinctif inhérent du mot « time », les éléments OP et IN des marques des parties sont plus susceptibles de jouer un rôle déterminant dans la perception du public à l’égard des marques.

[79]           Il n’y a aucune similitude entre l’élément OP de la Marque et l’élément IN de la marque de commerce INTIME de l’Opposante.

[80]           La confusion est peu probable dans les cas où les marques possèdent des caractéristiques communes mais présentent également des différences dominantes [voir Foodcorp Ltd. c. Chalet Bar B Q (Canada) Inc. (1982), 66 C.P.R. (2d) 56, à la page 73 (C.A.F.)].

[81]           La Requérante prétend que les marques des parties sont différentes dans les idées qu’elles suggèrent. Plus précisément, la Requérante fait valoir que la Marque peut suggérer plusieurs sens, tandis que la marque de commerce INTIME de l’Opposante est hautement suggestive des marchandises de l’Opposante, à savoir l’établissement du calendrier du personnel pour arriver à temps. J’estime qu’à part l’inclusion du mot courant « time », il n’y a aucune similitude dans les idées que suggèrent la Marque et la marque de commerce INTIME de l’Opposante.

[82]           Je réfère encore une fois aux récents commentaires de la Cour suprême sur l’importance du facteur énoncé à l’alinéa 6(5)e) dans l’analyse relative à la confusion. Plus précisément, le juge Rothstein a affirmé ceci dans l’arrêt Masterpiece :

…si les marques ou les noms ne se ressemblent pas, il est peu probable que l’analyse amène à conclure à la probabilité de confusion même si les autres facteurs tendent fortement à indiquer le contraire. En effet, ces autres facteurs ne deviennent importants que si les marques sont jugées identiques ou très similaires…

[83]           Le fait que les marques des parties présentent très peu de similitudes dans le son ou la présentation, ou dans les idées qu’elles suggèrent, est donc particulièrement important et étaye la position de la Requérante voulant que les marques ne créent pas de confusion.

Autre circonstance de l’espèce – « Coexistence » aux États-Unis

[84]           La Requérante a produit les détails de l’enregistrement de la marque de commerce INTIME de l’Opposante aux États-Unis ainsi que l’enregistrement américain de la Marque de la Requérante (voir les pièces A et B, respectivement, jointes à l’affidavit de Dane Penney). La Requérante s’appuie sur cette preuve pour affirmer que les marques des parties sont enregistrées et coexistent aux États‑Unis. La Requérante prétend que l’affidavit de M. Penney permet de conclure que la Marque est employée aux États‑Unis depuis septembre 1986 et la marque INTIME de l’Opposante depuis 1995 ou 1996 sans le moindre indice de confusion.

[85]           Je signale que la Requérante n’a fourni aucune preuve de l’emploi de la Marque aux États‑Unis, s’étant contentée de produire les imprimés du site Web de l’USPTO. En l’absence d’une preuve établissant l’emploi de la Marque aux États‑Unis, aucune conclusion ne peut être tirée quant à l’existence ou à l’absence de confusion sur le marché.

[86]           Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas convaincue qu’il s’agit d’une circonstance de l’espèce qui étaye la position de la Requérante.

Autre circonstance de l’espèce – État du registre

[87]           La Requérante a produit, dans le cadre de l’affidavit Penney, des copies des détails de douze enregistrements de marques de commerces comportant le mot « TIME » enregistrées pour un emploi en liaison avec des marchandises comprenant des « logiciels ».

[88]           Lorsqu’il s’agit d’analyser la pertinence de la preuve relative à l’état du registre, il convient de souligner qu’une telle preuve n’est pertinente que dans la mesure où il est possible d’en tirer des conclusions sur l’état du marché. Or, on ne peut tirer des conclusions sur l’état du marché que dans les cas où il existe un grand nombre d’enregistrements pertinents [voir Ports International Ltd. c. Dunlop Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 432; Del Monte Corporation c. Welch Foods Inc. (1992), 44 C.P.R. (3d) 205 (C.F. 1re inst.); Kellogg Salada Canada Inc. c. Maximum Nutrition Ltd. (1992), 43 C.P.R. (3d) 349 (C.A.F.)].

[89]           L’Opposante a soutenu, tant dans son plaidoyer écrit qu’à l’audience, que le fait que les enregistrements répertoriés dans l’affidavit Penney visent des logiciels en général, plutôt que des « logiciels de planification » en particulier, enlève toute pertinence à la preuve relative à l’état du registre. Je ne suis pas d’accord.

[90]           Tant dans son plaidoyer écrit qu’à l’audience, l’Opposante a invoqué la décision Quebec Maple Products Inc. c. Stafford Foods Ltd. (1988), 20 C.P.R. (3d) 404 (C.O.M.C.) à l’appui de son observation portant que, s’il est vrai que la preuve relative à l’état du registre fait état de marques de commerce appartenant à des tiers en liaison avec des logiciels, seule l’Opposante a des enregistrements ayant trait à des logiciels de planification en particulier, ce qui diminue la valeur de la preuve relative à l’état du registre. Je ne suis pas convaincue que la preuve relative à l’état du registre doive viser exactement les marchandises en cause, à savoir des logiciels de planification, pour être pertinente.

[91]           J’estime que l’existence de douze enregistrements, appartenant à douze propriétaires différents et visant tous des « logiciels », me permet de conclure que certaines des marques citées sont en usage sur le marché canadien, malgré le fait qu’on ne m’ait pas fourni de preuve de leur emploi [voir Old Spaghetti Factory Canada Ltd. c. Spaghetti House Restaurants Ltd. (1999), 2 C.P.R. (4th) 398, à la page 407]. Dans les circonstances, j’estime être en mesure de présumer que les consommateurs ont pris l’habitude de voir de telles marques et que le mot « TIME » est devenu courant dans le commerce des logiciels.

[92]           J’estime donc qu’il s’agit d’une circonstance de l’espèce pertinente qui étaye la position de la Requérante. Par conséquent, je conclus que les légères différences qui existent entre les marques des parties permettront ainsi de les distinguer.

Conclusion concernant l’alinéa 12(1)d) de la Loi

[93]           Compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce, et plus particulièrement des différences entre les marques des parties dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent, et de la preuve relative à l’état du registre étayant la conclusion que le mot TIME (le seul point commun entre les marques des parties) est un mot courant dans le commerce, je suis convaincue que la Requérante s’est acquittée de son fardeau d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre les marques des parties.

[94]           Compte tenu de ce qui précède, je rejette le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) de la Loi.

Motifs fondés sur l’absence de droit à l’enregistrement

Alinéas 16(2)a) et c) de la Loi

[95]           Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(3)a) repose sur l’emploi et la révélation antérieurs au Canada par l’Opposante de ses marques et nom commercial (Intime Solutions Inc.).

[96]           Bien qu’il incombe à la Requérante d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et les marques de commerce et nom commercial de l’Opposante, celle-ci a le fardeau initial de prouver que les marques de commerce et nom commercial invoqués à l’appui de son motif d’opposition fondé sur les alinéas 16(2)a) et c) de la Loi étaient employés ou avaient été révélés au Canada avant la date de production de la demande de la Requérante (le 26 avril 2007) et n’avaient pas été abandonnés à la date de l’annonce de la demande d’enregistrement de la Marque (le 23 avril 2008) [paragraphe 16(5) de la Loi].

[97]           Comme nous l’avons vu dans le cadre de l’analyse de la preuve de l’Opposante, j’estime que l’Opposante n’a fourni aucune preuve de l’emploi de la marque de commerce INTIME VISUAL SCHEDULER et je rejette donc le motif d’opposition reposant sur cette marque de commerce au motif que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve. Il en va de même des allégations de l’Opposante ayant trait à la révélation des marque de commerce et nom commercial INTIME. L’Opposante n’a fourni aucune preuve de leur révélation, et les motifs d’opposition fondés sur la révélation sont rejetés au motif que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve. Cependant, j’estime que l’Opposante a réussi à établir qu’elle employait les marque de commerce et nom commercial INTIME au 26 avril 2007 et ne les avait pas abandonnés au 23 avril 2008.

[98]           La différence entre les dates pertinentes n’a pas d’importance et mes conclusions quant au motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) de la Loi s’appliquent donc également ici. Par conséquent, j’estime que la Requérante s’est acquittée de son fardeau d’établir qu’il n’existe aucune probabilité de confusion entre la Marque et les marque de commerce et nom commercial INTIME, et les motifs d’opposition fondés sur l’absence de droit à l’enregistrement sont donc rejetés.

Motif fondé sur l’absence de caractère distinctif – alinéa 38(2)d) de la Loi

[99]           Bien que la Requérante ait le fardeau ultime de démontrer que la Marque est adaptée à distinguer ou distingue véritablement ses Marchandises de celles d’autres propriétaires partout au Canada [voir Muffin Houses Incorporated c. The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 C.P.R. (3d) 272 (C.O.M.C.)], il incombe d’abord à l’Opposante d’établir les faits invoqués à l’appui du motif fondé sur l’absence de caractère distinctif.

[100]       Pour s’acquitter de son fardeau de preuve, l’Opposante doit démontrer qu’à la date de production de la déclaration d’opposition, un ou plusieurs de ses marques de commerce ou nom commercial étaient devenus suffisamment connus pour annuler le caractère distinctif de la Marque [voir Bojangles’ International, LLC c. Bojangles Café Ltd. (2004), 40 C.P.R. (4th) 553, conf. par (2006), 48 C.P.R. (4th) 427 (C.F.)].

[101]       Comme nous l’avons vu dans le cadre de l’analyse de la preuve de l’Opposante, j’estime que l’Opposante n’a fourni aucune preuve de l’acquisition d’une réputation pour la marque de commerce INTIME VISUAL SCHEDULER, et le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif est donc rejeté à l’égard de cette marque de commerce. Par contre, l’Opposante a réussi à établir que les marque de commerce et nom commercial INTIME étaient devenus connus au Canada avant le 23 juin 2008.

[102]       La différence entre les dates pertinentes n’a pas d’importance et mes conclusions quant au motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) de la Loi s’appliquent donc également ici. Par conséquent, j’estime que la Requérante s’est acquittée de son fardeau d’établir qu’il n’existe aucune probabilité de confusion entre la Marque et les marque de commerce et nom commercial INTIME de l’Opposante.

Décision

[103]       Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition à la Marque conformément aux dispositions du paragraphe 38(8) de la Loi.

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Andrea Flewelling

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

Diane Provencher, trad. a.

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