Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2011 COMC 160

Date de la décision : 2011-09-08

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Sparitual, LLC à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1349723 pour la marque de commerce THE SPA RITUAL & Dessin au nom de Spa Ritual Corp.

[1]               Le 31 mai 2007, A Spa Ritual Corp. (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce THE SPA RITUAL & Dessin, reproduite ci‑après (la Marque) :

THE SPA RITUAL & Design

[2]               La demande, telle qu’elle a été modifiée le 17 juin 2009 et acceptée par le registraire le 21 juillet 2009, est fondée sur un emploi projeté de la Marque en liaison avec les services suivants (les Services) :

Exploitation d’un spa et d’un centre de mieux-être; services de soins de beauté et de soins de santé, nommément massothérapie, massages faciaux, aromathérapie, manucure, pédicure, soins du corps, réflexologie, yoga et Pilates, resurfaçage de la peau au laser, dermabrasions chimiques, micro-dermabrasion, photo-rajeunissement de la peau, application de myorelaxants topiques et injectables ainsi que produits antirides et agents de remplissage cosmétiques injectables, produits de coiffure, application de maquillage et de cosmétiques, manucure, application et enlèvement de vernis à ongles, traitements pour la peau, tonifiants pour la peau, application de masques et de revitalisants sur la peau, traitement des cors et durillons ainsi que traitements exfoliants; services éducatifs, nommément programmes et conférences de bonne condition physique et de mieux-être.

[3]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 12 décembre 2007.

[4]               Le 19 février 2008, Sparitual, LLC (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition. Le 13 octobre 2009, l’Opposante a obtenu l’autorisation de produire une déclaration d’opposition modifiée produite le 17 juillet 2009. Dans le cadre de ses motifs d’opposition, l’Opposante allègue qu’elle est propriétaire de la demande d’enregistrement no 1356895 pour la marque de commerce SPARITUAL produite sur la base d’un emploi au Canada depuis janvier 2005 en liaison avec des produits de soins des ongles et des produits de soins du corps, nommément lotions pour les mains, lotion pour le corps, crème pour les pieds, désincrustant pour la peau et parfums pour le corps, et de l’emploi et de la révélation antérieurs au Canada de ses marque commerce et nom commercial SPARITUAL. De façon générale, l’Opposante fait valoir que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque selon l’alinéa 16(3)a) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi), que la Marque n’est pas distinctive et que la demande ne satisfait pas aux exigences de l’alinéa 30i) de la Loi.

[5]               Le 6 juin 2008, la Requérante a produit une contre-déclaration dans laquelle elle nie essentiellement chacun des motifs d’opposition.

[6]               Les deux parties ont produit des éléments de preuve et des plaidoyers écrits et étaient représentées à l’audience.

Fardeau de preuve

[7]               La Requérante a le fardeau ultime d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que la demande satisfait aux exigences de la Loi. Il incombe toutefois à l’Opposante de s’acquitter du fardeau initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition [voir John Labatt Limitée c. Les Compagnies Molson Limitée (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.); Christian Dior S.A. c. Dion Neckwear Ltd. (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.)].

Examen de la preuve

[8]               Dans l’examen des éléments de preuve des parties qui suit, je n’ai pas tenu compte des arguments et avis ainsi que des renseignements ou documents que je considère non pertinents quant aux questions en litige.

Preuve de l’Opposante

[9]               Conformément à l’article 41 du Règlement sur les marques de commerce, DORS/96‑195 (le Règlement), l’Opposante a produit l’affidavit de Jeff Zev Pink, souscrit le 10 février 2009 (le premier affidavit Pink), et celui de Kellee Martin, souscrit le 13 février 2009. Le 28 juillet 2009, l’Opposante s’est vu accorder l’autorisation de produire un second affidavit de M. Pink, souscrit le 16 juillet 2009 (le second affidavit Pink), à titre de preuve additionnelle, en vertu du paragraphe 44(1) du Règlement. La Requérante n’a contre‑interrogé aucun des auteurs d’affidavit.

Affidavits de Jeff Zev Pink

[10]           M. Pink est le président de l’Opposante. Comme le second affidavit Pink ne sert qu’à réitérer que Distribution France L’ecuyer Inc. [sic] est un distributeur canadien de l’Opposante, j’examinerai ci-après la preuve introduite par le premier affidavit Pink.

[11]           Selon les déclarations de M. Pink, l’Opposante, une division d’Orly International Inc., a été fondée en 2004 sous le régime des lois de l’État de Californie [par. 2 et 4]. Les produits liés à la marque de commerce SPARITUAL de l’Opposante sont vendus dans 66 pays dans le monde entier et ont généré des ventes annuelles totales moyennes de 5 millions de dollars, dont 65 % ont été réalisées au Canada, aux États-Unis et au Mexique [par. 5].

[12]           M. Pink produit une copie de l’accusé de réception émis par l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC) à l’égard de la demande d’enregistrement no 1356895 pour la marque de commerce SPARITUAL que l’Opposante a produite le 24 juillet 2007 [par. 8, pièce 4].

[13]           Selon les déclarations de M. Pink, une grande variété de produits de soins des ongles et du corps SPARITUAL, y compris mais non de façon limitative, des lotions pour les mains, des lotions pour le corps, des crèmes pour les pieds, des désincrustants pour les mains, le corps et les pieds, des parfums pour le corps, des limes à ongles, des laques pour les ongles, des sels pour le bain et des crèmes de massage, sont offerts au Canada depuis 2005 [par. 10]. L’Opposante vend directement ses produits SPARITUAL à des distributeurs canadiens, qui les vendent à leur tour à leurs clients, [traduction] « qui comprennent des spas et des salons ainsi que d’autres points de vente au détail et professionnels clés » [par. 11]. M. Pink énumère les noms et emplacements des cinq distributeurs canadiens de l’Opposante de la façon suivante : West Coast Beauty Supply en Colombie‑Britannique, Alternative Beauty Supply en Ontario, Distribution France Lécuyer au Québec, International Beauty en Alberta et Maritime Beauty Supply en Nouvelle‑Écosse [par. 12]. Il produit un rapport faisant état des chiffres d’affaires canadiens de chacun des distributeurs pour les années 2005 à 2008 [par. 13, pièce 5].

[14]           Selon la ventilation annuelle fournie au paragraphe 15 de l’affidavit, les ventes de produits SPARITUAL réalisées par l’Opposante au Canada ont totalisé environ 843 325 $US de 2005 à 2008. M. Pink produit des copies de factures se rapportant à des produits SPARITUAL vendus par l’Opposante au cours des années 2005 à 2008 [par. 16, pièce 6]. Je signale que SPARITUAL®figure bien en vue dans le coin supérieur gauche des factures adressées aux distributeurs de l’Opposante. M. Pink produit également un rapport [traduction] « donnant des détails » sur les produits SPARITUAL vendus au Canada par l’Opposante au cours des années 2005 à 2008 [par. 17, pièce 7].

[15]           M. Pink témoigne que les dépenses engagées par l’Opposante pour la promotion et la publicité de la gamme de produits SPARITUAL au Canada ont été de 25 000 $ à 40 000 $ annuellement pour les années 2005 à 2008 [par. 18]. Il produit des [traduction] « exemples de la publicité imprimée » faite par l’Opposante dans les catalogues de ses distributeurs canadiens [par. 19, pièce 8]. M. Pink affirme que les produits SPARITUAL ont été annoncés dans des magazines distribués au Canada en septembre, octobre et décembre 2008; il produit des photocopies de couvertures des magazines W, Instyle et Lucky [traduction] « qui contiennent les annonces […] insérées dans la couverture » [par. 20, pièce 9]. M. Pink produit également [traduction] « un échantillon des documents de promotion » fournis aux distributeurs de l’Opposante et à leurs clients [par. 21, pièce 10]. Je signale que les annonces et les documents de promotion produits par M. Pink montrent notamment la marque de commerce SPARITUAL sur des emballages, des produits ou des présentoirs de produits.

[16]           M. Pink a eu connaissance de la demande concernant la Marque en décembre 2007 lorsque l’Opposante a été informée par son avocat américain que celle-ci avait été citée par l’OPIC à l’encontre de sa demande no 1356895 [par. 22‑23, pièce 11].

[17]           Selon les déclarations de M. Pink, en mai 2008, l’International Spa Association (ISA) a envoyé un courriel à un employé de l’Opposante après avoir pris l’abonnement de la Requérante pour celui de l’Opposante [par. 24, pièces 12 et 13]. Le 9 juillet 2008, l’Opposante a reçu un courriel de l’ISA l’informant, par courtoisie, que [traduction] « un nouveau membre portant la dénomination sociale The Spa Ritual [avait] adhéré à l’association » [par. 25, pièce 14]. À la suite de ce courriel de l’ISA, l’avocat américain de l’Opposante a envoyé une lettre à l’avocat de la Requérante le 24 juillet 2008 [par. 26, pièce 15].

Affidavit de Kellee Martin

[18]           Mme Martin, qui atteste qu’elle est adjointe d’agent de marques de commerce, est une employée de la firme d’agents de marques de commerce qui représente l’Opposante.

[19]           Mme Martin présente des éléments de preuve concernant la distribution au Canada des magazines W et Instyle ainsi que des magazines Exceptionail et Salon. Je signale que des échantillons de la publicité faite dans ces deux derniers magazines se trouvent à la pièce 8 jointe au premier affidavit Pink. Mme Martin a obtenu les chiffres relatifs à la distribution de ces magazines en allant sur les sites Web des éditeurs et en les contactant directement, au besoin [par. 5‑9, pièces A à N]. Je conviens avec la Requérante qu’étant donné qu’ils reposent sur des données recueillies et obtenues d’un tiers, les chiffres fournis par Mme Martin constituent une preuve par ouï-dire inadmissible. De plus, on n’a pas expliqué pourquoi une personne ayant une connaissance directe n’aurait pas pu fournir ladite preuve [voir R. c. Khan [1990] 2 R.C.S. 531].

[20]           De plus, Mme Martin produit deux alertes Google du 10 février et du 12 février 2009 ainsi que des imprimés des articles signalés dans ces alertes qu’elle a reçus de Mme Shel Pink, la fondatrice de l’Opposante [par. 10-11, pièces P et Q]. Mme Martin affirme que l’article publié dans le Calgary Herald parle de la Requérante [pièce Q]. Elle ajoute que Mme Pink a [traduction] « inscrit “Sparitual” dans les “Alertes Google Actualités” pour être informée de toute publicité ou attention médiatique que son entreprise ou ses produits pourraient recevoir et dont elle ne pourrait autrement avoir connaissance » [par. 11]. Les éléments de preuve introduits par Mme Martin relativement à l’inscription de « Sparitual » dans Google et aux Alertes Google Actualités qui ont été reçus de Mme Pink constituent une preuve par ouï-dire inadmissible.

Preuve de la Requérante

[21]           Conformément à l’article 42 du Règlement, la Requérante a produit l’affidavit de Caroline D’Amours, souscrit le 5 juin 2009, et celui de Sandra Hood, souscrit le 15 juin 2009. L’Opposante n’a contre-interrogé aucune des auteures d’affidavit.

Affidavit de Caroline D’Amours

[22]           Mme D’Amours, qui atteste qu’elle est analyste de recherche de marques de commerce, est une employée de Thompson CompuMarque (CompuMarque), une firme de recherche en propriété intellectuelle.

[23]           Mme D’Amours joint à son affidavit comme pièce CD-1 les résultats d’une recherche CompuMark sur la dilution des marques de commerce (fréquence) qu’elle a effectuée en juin 2009 pour déterminer [traduction] « si les mots SPA RITUAL étaient des mots courants pour des “marchandises et services liés aux spas” au Canada » [par. 3]. Mme D’Amours a consulté diverses sources de common law canadiennes, les registres de noms commerciaux officiels canadiens, le registre canadien des marques de commerce (dans la base de données propre à CompuMarque) et les noms de domaine (dans la base de données propre à CompuMarque) [par. 4‑6].

[24]           Enfin, Mme D’Amours joint à son affidavit comme pièce CD-2 les résultats des [traduction] « enquêtes relatives à l’usage » menées à l’égard de dénominations sociales et noms de domaine choisis par l’agent de marques de commerce de la Requérante [par. 8].

Affidavit de Sandra Hood

[25]           Mme Hood, une agente de marques de commerce chez O’Brien TM Services Inc., produit en preuve les résultats des recherches en ligne qu’elle a effectuées le 12 juin 2009 à la suite de directives reçues de l’agent de marques de commerce de la Requérante.

[26]           Plus particulièrement, Mme Hood énumère les adresses de huit sites Web qu’elle a trouvés [traduction] « à l’aide du moteur de recherche Google Canada, pour la combinaison de mots “spa ritual” » [par. 2]. Après avoir examiné les pages Web, elle a imprimé les [traduction] « pages pertinentes » ainsi que la page d’accueil ou page principale [par. 3, pièce A].

[27]           De plus, Mme Hood a effectué une recherche dans l’Internet Archive ou la WayBack Machine [traduction] « pour trouver des versions archivées des pages Web [qu’elle] avait examinées qui dataient d’avant le 19 février 2008 et contenaient la combinaison de mots “spa ritual” » [par. 4]. Elle produit des pages tirées des versions archivées du site Web www.whiteoakresort.com datées du 8 juillet au 30 octobre 2007 [pièce B].

Analyse des motifs d’opposition

[28]           Je rejette d’emblée le motif d’opposition fondé sur la non‑conformité à l’alinéa 30i) de la Loi puisqu’il ne constitue pas, tel qu’il est invoqué, un motif d’opposition valable. L’alinéa 30i) de la Loi exige seulement que le requérant se déclare convaincu d’avoir le droit d’employer la marque visée par la demande. Cette déclaration est comprise dans la demande d’enregistrement de la Marque. De plus, la simple connaissance des droits de l’opposant, à la date de production de la demande, ne suffit pas pour avoir gain de cause au titre d’un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i). L’alinéa 30i) de la Loi peut servir de fondement à un motif d’opposition dans des cas précis, comme lorsqu’une fraude de la part du requérant est alléguée et établie ou que des dispositions législatives précises font obstacle à l’enregistrement de la marque visée par la demande [voir Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol-Myers Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.) et Canada Post Corporation c. Registraire des marques de commerce (1991), 40 C.P.R. (3d) 221 (C.F. 1re inst.)].

Absence de droit à l’enregistrement selon l’alinéa 16(3)a) de la Loi

[29]           À l’appui du motif d’opposition invoqué en vertu de l’alinéa 16(3)a) de la Loi, l’Opposante soutient que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque en ce que, à la date de production de la demande, la Marque [traduction] « créait de la confusion avec la marque de commerce SPARITUAL de l’[O]pposante qui avait fait l’objet d’un emploi et d’une révélation antérieurs au Canada comme l’indique » la déclaration d’opposition.

[30]           Une simple lecture de l’argument de l’Opposante mène à la conclusion que le motif d’opposition fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement se fonde uniquement sur l’emploi et la révélation antérieurs de SPARITUAL comme marque de commerce. En d’autre termes, l’Opposante n’a pas invoqué l’emploi ou la révélation antérieurs de SPARITUAL comme nom commercial à l’appui d’un motif d’opposition fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement.

[31]           Bien que le fardeau de la preuve repose sur la Requérante, l’Opposante a le fardeau initial de prouver que sa marque de commerce alléguée était employée ou avait été révélée au Canada avant la date de production de la demande d’enregistrement de la Marque et n’avait pas été abandonnée à la date de l’annonce de ladite demande [par. 16(5) de la Loi].

[32]           Je suis convaincue que l’Opposante s’est acquittée du fardeau qui lui incombait de prouver l’emploi antérieur et le non‑abandon de sa marque de commerce SPARITUAL au Canada en liaison avec des produits de soins des ongles et du corps. Il incombe donc à la Requérante de convaincre le registraire, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existait aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce SPARITUAL en date du 31 mai 2007.

[33]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du vague souvenir. Le paragraphe 6(2) de la Loi indique que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[34]           Lorsqu’il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles expressément énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Il n’est pas nécessaire d’attribuer un poids équivalent à chacun de ces facteurs [voir Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.); Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée et al. (2006), 49 C.P.R. (4th) 401 (C.S.C.); et Masterpiece Inc. c. Alavida Lifestyles Inc. 2011 CSC 27 pour une analyse complète des principes généraux qui régissent le test en matière de confusion].

[35]           À titre préliminaire, compte tenu des observations que la Requérante a faites dans son plaidoyer écrit, je tiens à souligner que dans mon appréciation des circonstances de l’espèce, je n’accorde aucune importance au fait que la Marque a été indexée par l’OPIC sous « [t]ourbillons, mouvements rotatifs, tornade ».

Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[36]           Dans son plaidoyer écrit, la Requérante soutient que l’examen du caractère distinctif inhérent joue en sa faveur. Cependant, comme l’a à juste titre fait remarquer l’Opposante à l’audience, la Requérante semble avoir reconnu que « spa ritual » est descriptif des Services, comme en témoigne l’extrait suivant tiré de son plaidoyer écrit :

[traduction] 57. […] Le mot « RITUAL » [rituel] est un nom qui signifie [traduction] « une procédure régulièrement suivie » (le dictionnaire Canadian Oxford de poche, 2000). La combinaison de mots « spa ritual » serait donc interprétée par le grand public comme évoquant une procédure qui se produit dans un environnement de spa. […]

[37]           Bien que l’argument susmentionné ait été invoqué par la Requérante à l’appui de sa prétention ayant trait au faible caractère distinctif de la marque de l’Opposante, il s’applique manifestement aussi à la Marque, voire même plus si l’on considère les Services. Cela dit, compte tenu de son élément graphique, la Marque possède un certain caractère distinctif inhérent.

[38]           Lorsqu’on l’examine en liaison avec des produits de soins des ongles et du corps, j’estime raisonnable de conclure que la marque de l’Opposante serait perçue comme une combinaison des mots « spa » et « ritual » [rituel]. Même si on ne saurait dire que la marque de l’Opposante décrit les marchandises de celle-ci, elle fait penser à des produits utilisés dans un environnement de spa, et la marque de l’Opposante possède donc un caractère distinctif inhérent limité.

[39]           Il est possible d’accroître la force d’une marque de commerce en la faisant connaître par la promotion ou l’usage. En l’espèce, seule l’Opposante a fourni une preuve de la mesure dans laquelle sa marque est devenue connue au Canada. Après examen de la preuve de l’Opposante, y compris les ventes canadiennes et dépenses de publicité annuelles fournies dans le premier affidavit Pink, je conviens que la marque de commerce SPARITUAL était devenue connue dans une certaine mesure au Canada à la date pertinente.

[40]           Compte tenu de ce qui précède, l’examen global du caractère distinctif inhérent des marques des parties et de la mesure dans laquelle elles sont devenues connues joue en faveur de l’Opposante.

La période pendant laquelle chacune des marques de commerce a été en usage

[41]           Étant donné que la demande d’enregistrement de la Marque a été produite sur la base d’un emploi projeté, ce facteur joue clairement en faveur de l’Opposante, dont la preuve établit l’emploi de sa marque SPARITUAL au Canada depuis janvier 2005.

Le genre de marchandises, services ou entreprises et la nature du commerce

[42]           C’est l’état déclaratif des services figurant dans la demande qui doit être pris en compte lorsqu’il s’agit d’apprécier les facteurs énoncés aux alinéas 6(5)c) et d) de la Loi.

[43]           Dans son plaidoyer écrit, la Requérante a résumé les Services comme étant l’exploitation de spas et de centres de mieux-être et la fourniture de services normalement offerts dans de tels établissements et des services éducatifs connexes. Par conséquent, en l’absence de preuve contraire, et aux fins de l’appréciation de la confusion, j’estime raisonnable de conclure que les « services de soins de beauté et de soins de santé, nommément massothérapie, massages faciaux, aromathérapie, manucure, pédicure, soins du corps, réflexologie, yoga et Pilates, resurfaçage de la peau au laser, dermabrasions chimiques, micro-dermabrasion, photo-rajeunissement de la peau, application de myorelaxants topiques et injectables ainsi que produits antirides et agents de remplissage cosmétiques injectables, produits de coiffure, application de maquillage et de cosmétiques, manucure, application et enlèvement de vernis à ongles, traitements pour la peau, tonifiants pour la peau, application de masques et de revitalisants sur la peau, traitement des cors et durillons ainsi que traitements exfoliants; services éducatifs, nommément programmes et conférences de bonne condition physique et de mieux-être » mentionnés dans la demande se rapportent aux services d’« exploitation d’un spa et d’un centre de mieux-être » également mentionnés dans la demande.

[44]           Comme la marque de l’Opposante est liée à des produits de soins des ongles et du corps, je ne suis pas d’accord avec les observations de celle-ci voulant que le genre des marchandises et services des parties et la nature du commerce des parties soient identiques. De plus, le dossier ne contient aucune preuve étayant l’observation de l’Opposante selon laquelle « il arrive en fait fréquemment que les spas vendent leur propre gamme de produits de beauté ». Cependant, la preuve de l’Opposante établit que ses distributeurs canadiens vendent les produits SPARITUAL à des spas. En fait, les Services comprennent la fourniture de services de soins des ongles et du corps. La Requérante a aussi finalement reconnu, à l’audience, que des produits de beauté, comme des produits de soins des ongles, sont utilisés par les spas.

[45]           En définitive, compte tenu de la preuve au dossier, je conclus à un recoupement entre les Services et les marchandises de l’Opposante et la nature du commerce des parties.


Le degré de ressemblance entre les marques dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[46]           Comme l’a récemment réitéré la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Masterpiece, il arrive souvent que ce facteur « soit le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion ». Il est bien établi en droit que lorsqu’il s’agit d’apprécier le degré de ressemblance entre deux marques, il faut les examiner comme un tout et non les disséquer [voir British Drug Houses Ltd. c. Battle Pharmaceuticals (1944), 4 C.P.R. 48, à la page 56 (C. de l’Éch. Can.), confirmé par (1946), 5 C.P.R. 71 (C.S.C.)].

[47]           Dans son plaidoyer écrit, la Requérante prétend que l’examen de ce facteur joue en sa faveur. La Requérante n’a cependant pas développé sa prétention dans son plaidoyer écrit. Dans sa plaidoirie, la Requérante a attiré l’attention sur la grande dimension du mot « ritual » et le cercle concentrique que l’on retrouve dans la Marque, semblant vouloir dire par là que ces éléments suffisent à distinguer la Marque de la marque de l’Opposante. Si je conviens qu’il existe des différences entre les marques de commerce en litige dans la présentation, j’estime qu’il existe un degré de ressemblance assez élevé entre elles lorsqu’on les examine comme un tout. De plus, comme l’article « the » [le] n’est pas distinctif, les marques présentent une ressemblance frappante dans le son et suggèrent la même idée.

Autres circonstances de l’espèce

[48]           Les éléments de preuve et les observations des parties proposent l’état du marché canadien et la confusion réelle comme autres circonstances de l’espèce.

État du marché canadien

[49]           La Requérante soutient que sa preuve établit l’emploi courant de la combinaison de mots « spa ritual » par des tiers en liaison avec des noms commerciaux et des marques de commerce liés à des services de spa, étayant ainsi une conclusion d’absence de confusion entre les marques de commerce en cause dans la présente instance.

[50]           Indépendamment du fait que les deux auteures d’affidavit ont effectué leurs recherches en juin 2009, soit plus de deux ans après la date pertinente, j’estime que la preuve est loin d’établir l’emploi courant de la combinaison de mots « spa ritual » au Canada en liaison avec les marchandises et services en litige.

[51]           La recherche que Mme D’Amours a effectuée dans le registre des marques de commerce à l’égard de la combinaison de mots « spa ritual » n’a révélé que la demande d’enregistrement de la Marque et la demande d’enregistrement de la marque de l’Opposante.

[52]           La plupart des entrées révélées par les recherches que Mme D’Amours a effectuées dans les sources de common law et noms commerciaux officiels canadiens concernent des dénominations sociales comportant le mot « spa » combiné avec d’autres mots que le mot « ritual ». On ne peut pas dire que cela est surprenant vu la connotation descriptive que revêt le mot « spa ». Cela dit, dans la plupart des cas, les recherches ne disent pas en liaison avec quoi les dénominations sociales sont employées.

[53]           Les résultats des recherches effectuées dans les sources de common law et noms commerciaux officiels canadiens révèlent toutefois un certain nombre d’entrées contenant une combinaison des mots « spa » et « ritual ». Cependant, dans certains cas, le nom figure plus d’une fois dans les résultats. De plus, comme l’a fait remarquer l’Opposante, les mots « spa » et « ritual » ne se suivent pas dans tous les cas. En fait, il me semble que les noms SPA RITUALS, SPA-RITUAL-SALON, SPA RITUAL LIMITED PARTNERSHIP et SPARITUAL (sous Distribution France Lécuyer Inc.) sont les seules entrées où les mots « spa » et « ritual » se suivent. Comme ces quatre entrées ont été répertoriées sous [traduction] « enquêtes relatives à l’usage », je vais passer aux résultats de ces enquêtes.

[54]           Outre les problèmes de ouï-dire que posent les résultats de ces enquêtes, les rapports concernant SPA RITUALS et SPA-RITUAL-SALON indiquent tous les deux ce qui suit : [traduction] « Nous n’avons pas été en mesure de déterminer si la dénomination sociale […] est en usage ». L’enquête concernant SPA RITUAL LIMITED PARTNERSHIP s’est limitée à la remise d’un rapport produit par l’Alberta Corporate Registration System, qui ne constitue pas en soi une preuve d’emploi de ce nom. Fait intéressant, le rapport d’enquête relatif à SPARITUAL fait état d’une conversation téléphonique avec une personne de chez Distribution France Lécuyer Inc., que l’Opposante a reconnue comme étant l’un de ses distributeurs canadiens. Si le rapport d’enquête ne constitue pas une preuve valable de l’emploi de la marque SPARITUAL, il n’en corrobore pas moins la preuve introduite par M. Pink en ce qui a trait aux ventes de produits SPARITUAL par ce distributeur canadien.

[55]           En plus des quatre noms dont il a été question précédemment, j’ai relevé quatre noms comportant les mots « spa » et « ritual » ‑ même s’ils ne se suivent pas – où il est indiqué que leurs activités commerciales seraient des [traduction] « salons de beauté », des [traduction] « stations santé » et autres activités semblables. Toutefois, rien n’indique que l’une quelconque de ces quatre entreprises était en activité à la date pertinente, ni à quelque moment que ce soit d’ailleurs. En outre, la constitution ou l’enregistrement d’une société sous un nom donné ne constitue pas en soi un emploi de ce nom comme marque de commerce ou nom commercial.

[56]           Quant à la recherche dans les noms de domaine, elle révèle un nombre relativement élevé d’entrées contenant les mots « spa » et « ritual » l’un à côté de l’autre ou séparés l’un de l’autre. Cependant, la recherche ne dit pas en liaison avec quoi ces noms de domaine sont employés. Même s’il semble raisonnable de conclure que certains de ces noms se rapportent à une entreprise de spa, rien n’indique que l’un quelconque de ces noms a été employé activement au Canada. Dans la mesure où des [traduction] « enquêtes relatives à l’usage » ont été menées à l’égard des noms de domaine SPARITUALSKINCARE.CA, SPARITUAL.CA, THESPARITUAL.CA et SPARITUALS.CA, je signale que chaque rapport d’enquête dit ceci : [traduction] « Nous n’avons pas été en mesure de déterminer si le nom de domaine […] est en usage ».

[57]           Pour ce qui est de l’affidavit Hood, il suffit de dire qu’il introduit un élément de preuve postérieur à la date pertinente. La pièce A établit tout au plus que les sites Web existaient à la date à laquelle ils ont été visités par l’auteure de l’affidavit, à savoir le 12 juin 2009, tandis que la pièce B établit tout au plus que les pages Web existaient le 8 juillet et le 30 octobre 2007, respectivement.

[58]           Compte tenu de ce qui précède, l’état du marché canadien n’est pas une circonstance de l’espèce pertinente dans la présente instance.

Confusion réelle

[59]           Dans son plaidoyer écrit, l’Opposante a fait valoir que le courriel de mai 2008 de l’ISA, où l’abonnement de la Requérante a été pris pour celui de l’Opposante, établit l’existence d’une confusion réelle sur le marché. Dans sa plaidoirie, la Requérante a fait observer qu’à part de démontrer un cas de confusion s’étant produit à l’extérieur du Canada et après la date pertinente, le courriel démontre un cas de confusion entre les noms commerciaux des parties, et non entre leurs marques de commerce. J’estime qu’il est inutile d’analyser le bien-fondé des observations des parties, car j’estime qu’il n’est pas nécessaire d’aborder cette autre circonstance de l’espèce pour donner gain de cause à l’Opposante.

Conclusion quant à la probabilité de confusion

[60]           En appliquant le test en matière de confusion, j’ai considéré qu’il s’agissait d’une question de première impression et de vague souvenir. Compte tenu de ce qui précède, j’arrive à la conclusion que la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque ne créait pas de confusion avec la marque de commerce SPARITUAL de l’Opposante à la date de production de la demande.

[61]           Compte tenu de ce qui précède, le motif d’opposition fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement selon l’alinéa 16(3)a) de la Loi est retenu.

Absence de caractère distinctif

[62]           L’Opposante a fait valoir que la Marque ne distingue pas véritablement les Services, ni n’est adaptée à les distinguer ainsi. Quant à savoir si cet argument était valable compte tenu de la preuve et de la déclaration d’opposition [voir Novopharm Ltd. c. Astrazeneca et al. (2002), 21 C.P.R. (4th) 289 (C.A.F.)], j’estime qu’il pouvait au moins être inféré que l’Opposante alléguait que la Marque n’est pas distinctive parce qu’elle crée de la confusion avec la marque de commerce SPARITUAL de l’Opposante.

[63]           Pour s’acquitter de son fardeau de preuve initial à l’égard de ce motif d’opposition, l’Opposante doit démontrer que sa marque de commerce SPARITUAL était devenue suffisamment connue à la date de production de la déclaration d’opposition pour annuler le caractère distinctif de la Marque [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F.); Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 44 (C.F. 1re inst.); Bojangles’ International, LLC and Bojangles Restaurants, Inc. c. Bojangles Café Ltd. (2006), 48 C.P.R. (4th) 427 (C.F.)].

[64]           Je suis convaincue que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve au titre de ce motif d’opposition. Il incombe donc à la Requérante de convaincre le registraire, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existait aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce SPARITUAL en date du 19 février 2008.

[65]           La date pertinente au titre de ce motif d’opposition n’a pas vraiment d’incidence sur mon analyse antérieure de chacun des facteurs énoncés au paragraphe 6(5). En fait, lorsque l’on examine la mesure dans laquelle sa marque est devenue connue et la période pendant laquelle elle a été en usage, la preuve de l’Opposante est peut-être même plus solide par rapport à ce motif d’opposition. Aussi, alors que les pages imprimées à partir des versions du 8 juillet et du 30 octobre 2007 du site Web www.whiteoakresort.com sont pertinentes, elles ne sont toujours pas utiles à la Requérante. Il suffit de dire que ces pages Web introduites en preuve par Mme Hood ne constituent pas une preuve valable de l’emploi de la combinaison de mots « spa ritual » comme marque de commerce ou nom commercial par le propriétaire du site Web. J’ajouterais que j’estime que l’Opposante n’a pas tout à fait tort d’affirmer qu’elles établissent l’emploi de « spa ritual » dans un sens descriptif.

[66]           Compte tenu de ce qui précède, j’estime que la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque ne créait pas de confusion avec la marque de commerce SPARITUAL de l’Opposante en date du 19 février 2008. Le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif est donc retenu.

Décision

[67]           Compte tenu de ce qui précède, et dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande conformément aux dispositions du paragraphe 38(8) de la Loi.

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Céline Tremblay

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canda

 

 

Traduction certifiée conforme

Diane Provencher, trad. a.

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