Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION du Groupe Procycle Inc. à la demande no 1152955 produite par la DaimlerChrysler Corporation en vue de l'enregistrement de la marque de commerce

ROCKY MOUNTAIN

 

 

Le 23 septembre 2002, la DaimlerChrysler Corporation (la « Requérante ») a produit une demande d'enregistrement pour la marque de commerce ROCKY MOUNTAIN (la « Marque »), basée sur l'emploi projeté de la Marque au Canada en liaison avec les marchandises suivantes : « Véhicules automobiles et leurs pièces structurales et moteurs, y compris roues à l'exclusion des pneus, nommément voitures de tourisme, camionnettes, fourgonnettes, mini-fourgonnettes, véhicules sport utilitaires, et véhicules de plaisance, nommément autocaravanes. »

 

Cette demande a été publiée aux fins d'opposition dans le Journal des marques de commerce le 1er octobre 2003.

 

Le 1er mars 2004, le Groupe Procycle Inc. (l'« Opposant ») a produit une déclaration d'opposition à l'encontre de ladite demande. Les motifs de cette opposition peuvent se résumer comme suit :

 

  1. La Marque n'est pas enregistrable en raison de l'alinéa 12(1)d) de la Loi sur les marques de commerce (la « Loi ») parce qu'elle crée de la confusion avec les marques de commerce de l'Opposant ROCKY MOUNTAIN et ROCKY MOUNTAIN BICYCLES, enregistrées au Canada sous les numéros 565427 et 318010 en liaison avec des bicyclettes.
  2. La Requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque suivant l'alinéa 16(3)a) de la Loi, étant donné que, à la date de production de la demande, la Marque créait de la confusion avec les marques de commerce ROCKY MOUNTAIN et ROCKY MOUNTAIN BICYLES, que l'Opposant avait antérieurement employées au Canada en liaison avec des bicyclettes.
  3. La Marque n'est pas distinctive conformément au paragraphe 38(2) de la Loi en ce qu'elle ne distingue pas les Marchandises de la Requérante de celles de l'Opposant ni n'est adaptée à les distinguer.

 

Dans une contre-déclaration en date du 6 août 2004, la Requérante a nié chacune des allégations formulées dans la déclaration d'opposition.

 

L'Opposant a produit à l'appui de sa déclaration d'opposition un affidavit de Raymond Dutil, en date du 3 mars 2005, et une déclaration solennelle de Gina Petrone, en date du 7 mars 2005. M. Dutil a été contre-interrogé sur son affidavit, et la Requérante a produit une transcription de ce contre-interrogatoire. Cette transcription comprend les versions originales des questions (posées en anglais) et des réponses (données en français), ainsi que leurs traductions française ou anglaise selon le cas. La Requérante a produit à l'appui de sa demande des affidavits de Lynda Palmer, en date du 6 octobre 2005, de Donna L. Berry, en date du 4 octobre 2005, et de David Hakim, en date du 3 octobre 2005, ainsi que des copies certifiées conformes de la preuve et du plaidoyer écrit déposés par l'Opposant dans le cadre de la procédure d'opposition de Dr. Ing. H.C.F. Porsche AG à la demande no 557186 produite par l'Opposant en vue de l'enregistrement de la marque de commerce TARGA. Notre Commission a rendu sur cette opposition la décision intitulée Porsche c. Procycle, (1992) 45 C.P.R. (3d) 432, ci‑après désignée « décision Porsche ».

 

Chacune des parties a déposé un plaidoyer écrit et a été représentée à l’audience.

 

Résumé de la preuve des parties

 

La preuve de l'Opposant

 

L'affidavit de Raymond Dutil

M. Dutil déclare qu'il est le président de l'Opposant depuis 1978. Il affirme que la marque ROCKY MOUNTAIN est employée en liaison avec des bicyclettes depuis au moins août 1984, et en liaison avec des vêtements de cyclisme depuis au moins 1985. La marque ROCKY MOUNTAIN est l'une des marques vedettes de l'Opposant.

 

Il ressort de l'affidavit de M. Dutil, des documents publicitaires et catalogues y annexés et de son contre-interrogatoire que l'Opposant fabrique en liaison avec sa marque ROCKY MOUNTAIN des bicyclettes haut de gamme, notamment des bicyclettes possédant les caractéristiques de « vélos de montagne » et conçues pour le cyclisme de montagne (transcription du contre-interrogatoire de M. Dutil, Q. 291‑292, p. 109). Les bicyclettes de l'Opposant portant la marque ROCKY MOUNTAIN sont ainsi désignées d'après la chaîne des montagnes Rocheuses en Colombie-Britannique (transcription du contre-interrogatoire de M. Dutil, Q. 295‑296, p. 109‑110), région qui compte parmi celles du monde offrant les meilleures et/ou les plus rudes conditions pour le cyclisme de montagne (transcription du contre-interrogatoire de M. Dutil, Q. 314, p. 118‑119, et documents publicitaires et catalogues de l'Opposant).

 

M. Dutil a communiqué les chiffres de vente annuels de bicyclettes et vêtements de cyclisme ROCKY MOUNTAIN au Canada pour les années 2000 à 2004, lesquels varient approximativement entre 6,9 et 8,7 millions de dollars, et a joint à son affidavit quelques exemples de factures de telles marchandises pour les années 2002 et 2003. Il n'a cependant pas produit la ventilation de ces chiffres de vente annuels entre les bicyclettes et les vêtements de montagne. Le prix payé par d'utilisateur final au Canada pour les bicyclettes de l'Opposant s'inscrit approximativement entre 800 $ et 7 000 $ (transcription du contre-interrogatoire de M. Dutil, Q. 250‑251, p. 90). M. Dutil a aussi fourni les chiffres annuels des dépenses de promotion de la marque ROCKY MOUNTAIN à l'échelle mondiale pour les mêmes années, dépenses qui varient entre 1 et 1,5 million de dollars, et a joint à son affidavit des exemples de documents publicitaires et de catalogues pour les années 2000 à 2005. Il n'a toutefois pas produit la ventilation des dépenses de publicité entre le Canada et l'étranger.

 

M. Dutil déclare que l'Opposant détient de nombreux enregistrements de la marque ROCKY MOUNTAIN de par le monde et renvoie à la déclaration solennelle de Mme Petrone produite à ce sujet.

 

M. Dutil déclare qu'il ne faut absolument pas que la marque ROCKY MOUNTAIN de l'Opposant soit diluée sur le marché et estime que tout autre véhicule qui serait associé à cette marque bénéficierait indûment de la bonne réputation de l'Opposant en tant que fabricant. Je ne tiendrai pas compte de cette dernière déclaration dans l'affidavit de M. Dutil, celle-ci étant inadmissible puisqu'elle exprime une opinion personnelle et relève de l'argumentation.

 

La déclaration solennelle de Gina Petrone

Mme Petrone atteste qu'elle est employée comme assistante en matière de marques de commerce par le cabinet d'avocats qui représentait précédemment l'Opposant dans la présente procédure d'opposition.

 

Mme Petrone a produit en preuve des photocopies des enregistrements de la marque de commerce ROCKY MOUNTAIN obtenus par l'Opposant dans divers pays, dont son employeur assumait la charge au moment de la signature de son affidavit.

 

La preuve de la Requérante

 

L'affidavit de Donna L. Berry

Mme Berry atteste qu'elle est employée par la Requérante comme avocate spécialisée en marques de commerce. Elle occupe ce poste depuis 1997.

 

Mme Berry déclare qu’une licence d’emploi de la Marque de la Requérante a été octroyée pour le Canada à DaimlerChrysler Canada Inc. par la Requérante, ou avec son autorisation, en liaison avec les Marchandises. La Requérante occupe une place de premier plan dans l'industrie automobile canadienne depuis plus de 78 ans.

 

Plus précisément, les véhicules constituant les Marchandises de la Requérante sont vendus au Canada par l'intermédiaire d'un réseau qui compte approximativement 475 concessionnaires. Mme Berry ajoute que les utilisateurs finaux de ces véhicules au Canada appartiennent en général à toutes les conditions sociales. Les prix payés par les utilisateurs finaux au Canada pour les véhicules automobiles ROCKY MOUNTAIN s'inscrivent approximativement entre 28 000 $ et 42 000 $.

 

La Requérante fabrique les véhicules automobiles ROCKY MOUNTAIN aux États-Unis et les expédie ensuite aux concessionnaires canadiens pour la vente aux utilisateurs finaux. C'est en mars 2003 que la Requérante a vendu pour la première fois au Canada des véhicules automobiles ROCKY MOUNTAIN. Mme Berry déclare que les séries ROCKY MOUNTAIN de la JEEP LIBERTY et de la JEEP GRAND CHEROKEE de la Requérante ont été vendues à des acheteurs canadiens pour la première fois les 28 et 31 mars 2003 respectivement. La première vente au Canada de la série ROCKY MOUNTAIN de la JEEP TJ de la Requérante date du 15 avril 2003.

 

Mme Berry déclare que la Requérante a vendu approximativement 2 684 véhicules automobiles ROCKY MOUNTAIN au Canada en 2003 et environ 2 798 en 2004, et qu'elle y en avait écoulé quelque 1 750 en 2005 à la date de son affidavit.

 

Mme Berry a joint à son affidavit des photographies des véhicules automobiles ROCKY MOUNTAIN arborant la Marque de la Requérante. Elle y a aussi annexé des exemples des autocollants portant la Marque de la Requérante qui sont normalement apposés sur les véhicules automobiles ROCKY MOUNTAIN de cette dernière, ainsi que des copies conformes de factures représentatives attestant la vente de véhicules automobiles ROCKY MOUNTAIN à des concessionnaires canadiens.

 

Mme Berry affirme que les véhicules automobiles ROCKY MOUNTAIN ont fait l'objet d'une publicité considérable dans les journaux canadiens et elle joint à son affidavit des exemples d'annonces de cette nature publiées en 2003 et 2004. Il s’agit d’annonces parues notamment dans le Toronto Star, le Toronto Sun, le National Post, le Vancouver Sun, le Calgary Sun, le Calgary Herald, l'Edmonton Journal, le Leader Post [Regina (Saskatchewan)], et le Moncton Times, pour ne nommer que ceux-là. Bien que Mme Berry ne précise pas les tirages de ces journaux, je n'hésite pas à admettre d'office le fait que la majorité d'entre eux sont tirés à un bon nombre d'exemplaires au Canada [voir à ce sujet Northern Telecom Ltd. c. Nortel Communications Inc. (1987), 15 C.P.R. (3d) 540 (C.O.M.C.)].

 

Mme Berry déclare aussi que, entre mars 2003 et septembre 2004, le site Web de la Requérante (www.daimlerchrysler.ca) comportait une section consacrée aux véhicules automobiles ROCKY MOUNTAIN. Elle joint à son affidavit des imprimés tirés de cette section, qui a attiré environ 150 000 visiteurs Internet durant la période susdite. Mme Berry déclare par ailleurs que, afin de promouvoir les Marchandises de la Requérante au Canada, notamment les véhicules automobiles ROCKY MOUNTAIN, des représentants de celle‑ci y ont participé à plusieurs expositions commerciales chaque année depuis 2003, y compris à d'importants salons grand public de l'automobile. De plus, la Requérante diffuse au Canada divers prospectus et fiches signalétiques concernant les véhicules automobiles ROCKY MOUNTAIN, dont Mme Berry annexe des exemples représentatifs à son affidavit. En règle générale, ces prospectus et fiches sont communiqués sous forme électronique aux concessionnaires, qui les reproduisent et les diffusent à leur convenance. Selon Mme Berry, la Requérante, sa licenciée et ses concessionnaires ont dépensé depuis 2003 environ 2,6 millions de dollars pour promouvoir les véhicules automobiles ROCKY MOUNTAIN au Canada.

 

Mme Berry joint à son affidavit des extraits imprimés de divers sites Web, qui définissent le « mountain bike » [vélo de montagne ou vélo tout terrain] comme une bicyclette de type particulier souvent utilisée pour le cyclisme hors route. Une de ces définitions est rédigée comme suit : [TRADUCTION] « bicyclette à cadre robuste et à gros pneus, conçue à l'origine pour les terrains montagneux ». Elle annexe aussi à son affidavit des imprimés tirés du site Web de l'Opposant, où ce dernier utilise l'expression « vélo de montagne / mountain bike » pour désigner un type de bicyclette.

 

Mme Berry joint également à son affidavit des extraits imprimés de sites Web qui attestent selon elle l'emploi au Canada de diverses marques de commerce comprenant les chaînes de caractères « ROCK » et/ou « MOUNT » en liaison avec des marchandises se rapportant à des véhicules automobiles et/ou à des bicyclettes. Je ne suis pas disposée à accorder de poids à ces extraits, qui relèvent du ouï-dire et ne sont pas admissibles comme preuve de leur contenu. En tout état de cause, ils ne constituent pas une preuve d'emploi pour l'application de l'article 4 de la Loi.

 

Mme Berry examine ensuite l'adoption par l'Opposant de [TRADUCTION] « Marques auto » (c'est‑à‑dire de marques de commerce aussi employées en liaison avec des automobiles), se référant aux résultats de recherche dont il est rendu compte dans l'affidavit de M. Hakim, ainsi qu'à la preuve et au plaidoyer écrit produits par l'Opposant relativement à la décision Porsche. Je ne tiendrai pas compte de ces parties de l'affidavit de Mme Berry, qui relèvent de l'opinion personnelle et de l'argumentation.

 

Mme Berry conclut son affidavit en déclarant que, puisqu'elle est un des cadres supérieurs de l'équipe de protection des marques de commerce de la Requérante, on porte généralement à son attention les allégations de risque de confusion avec les marques de commerce de tiers, et qu’aucun cas de confusion, effective ou possible, entre les véhicules automobiles ROCKY MOUNTAIN et l'Opposant ou l'une quelconque de ses marchandises, n’a jamais été porté à sa connaissance même après qu’elle eut interrogé, précisément à ce sujet, des cadres supérieurs des services du contentieux, de la commercialisation et des relations avec les concessionnaires chez la licenciée de la Requérante.

 

L'affidavit de Lynda Palmer

Mme Palmer atteste qu'elle est recherchiste indépendante en marques de commerce et qu'elle effectue des recherches dans les dossiers du Bureau des marques de commerce. Elle déclare fournir des services de cette nature depuis 20 ans.

 

Mme Palmer joint à son affidavit une liste exhaustive des demandes et enregistrements inscrits au nom de l'Opposant. Elle y annexe aussi des renseignements détaillés sur, entre autres, les demandes et enregistrements relatifs à certaines « Marques auto » détenues par des fabricants tiers de véhicules automobiles, à des marques de commerce de l'Opposant qui sont aussi des « Marques auto », et à des marques de commerce de tiers liées à des bicyclettes et comprenant les chaînes de caractères ROCK ou MOUNT. Je reviendrai plus loin sur ces demandes et enregistrements.

 

L'affidavit de David Hakim

M. Hakim atteste qu'il est le portefeuilliste de Mopar Performance Parts, division de la Requérante, et qu'il travaille dans le domaine de l'automobile depuis plus de 20 ans.

 

M. Hakim joint à son affidavit la liste des demandes et enregistrements inscrits au nom de l'Opposant – existants, radiés ou abandonnés – qui se rapportent à des marques de commerce canadiennes. En examinant cette liste, déclare‑t‑il, il a immédiatement reconnu de nombreuses marques sous lesquelles des véhicules automobiles ont été – et, dans certains cas, sont toujours – commercialisés et vendus au Canada et/ou aux États-Unis. Plus particulièrement, il annexe une liste de plus de 20 « Marques auto » qui correspondent aux marques de bicyclettes de l'Opposant. Je reviendrai plus loin sur cette liste.

 

M. Hakim déclare que, souhaitant confirmer les renseignements contenus dans la liste susdite, il a effectué sur Internet des recherches supplémentaires, dont il joint les résultats – notamment sous forme de copies d'écran – à son affidavit. Je ne suis pas disposée à accorder de poids à ces extraits, qui relèvent du ouï-dire et ne sont pas admissibles comme preuve de leur contenu. En tout état de cause, ils ne constituent pas une preuve d'emploi pour l'application de l'article 4 de la Loi.

 

Le fardeau de preuve et les dates pertinentes

 

Il incombe ultimement à la Requérante d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Cependant, l'Opposant a le fardeau initial de produire une preuve suffisante pour établir la véracité des faits sur lesquels s’appuie chacun de ses motifs d'opposition [voir : John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.); et Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior, S.A. et al. (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.)].

 

Les dates pertinentes pour l'examen des circonstances afférentes à chacun des motifs d'opposition soulevés en l’espèce sont les suivantes :

 

  • Le motif fondé sur l'alinéa 12(1)d) de la Loi : la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corp. c. Wickers/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)];
  • Les motifs fondés sur le paragraphe 16(3) de la Loi : la date de production de la demande d'enregistrement;
  • Le motif fondé sur l'absence de caractère distinctif de la Marque : il est généralement reconnu que la date applicable est celle de la production de la déclaration d'opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F.)].

 

Chacun de ces trois motifs d'opposition invoqués par l'Opposant repose sur la thèse de la probabilité de confusion entre ses marques et celle de la Requérante. Comme la date pertinente relative au motif d'opposition fondé sur l'enregistrabilité est la plus tardive, j'examinerai ce motif en premier lieu.

 

Le motif d'opposition fondé sur l'alinéa 12(1)d)

 

L'Opposant a produit, en annexes à la déclaration solennelle de Mme Petrone, des photocopies des enregistrements nos 565427 et 318010, portant respectivement sur les marques de commerce ROCKY MOUNTAIN et ROCKY MOUNTAIN BICYCLES. J'ai exercé mon pouvoir discrétionnaire d'examiner le registre et de confirmer le détail de ces enregistrements. Comme ceux‑ci sont en règle, l'Opposant s'est acquitté de son fardeau initial relativement à ce motif d'opposition.

 

Vu cette preuve produite par l'Opposant, il incombe à la Requérante d'établir, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et les marques de l'Opposant.

 

Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Le paragraphe 6(2) de la Loi énonce que l'emploi d'une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l'emploi des deux marques dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

 

En appliquant le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris celles qui sont mentionnées au paragraphe 6(5) de la Loi : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent. Cette liste n'est pas exhaustive, et un poids différent sera accordé à différents facteurs suivant le contexte [voir Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.); et Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée (2006), 49 C.P.R. (4th) 401 (C.S.C.), [2006] 1 R.C.S. 824, pour une analyse exhaustive des principes généraux qui régissent le test en matière de confusion].

 

Comme la marque ROCKY MOUNTAIN de l'Opposant est identique à la Marque de la Requérante, je concentrerai mon analyse sur cette marque particulière de l'Opposant, sauf indication contraire.

 

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

 

La Marque de la Requérante et la marque de l'Opposant sont identiques : elles sont toutes deux constituées des mots ROCKY MOUNTAIN. La Requérante soutient que la marque de l'Opposant est dénuée de caractère distinctif inhérent, étant donné qu'elle est employée en liaison avec des « mountain bikes » [vélos de montagne] et qu'elle doit son nom à la chaîne des montagnes Rocheuses, qui est au Canada l'un des endroits les plus favorables au cyclisme de montagne. De plus, le prédécesseur en titre de l'Opposant avait son siège dans la banlieue de Vancouver, où l'Opposant continue de fabriquer des bicyclettes portant sa marque.

 

La Requérante prétend en outre que, en revanche, la Marque ne fait tout au plus qu’évoquer simplement ses propres Marchandises, en ce sens que ni ROCKY ni MOUNTAIN n'en désignent nettement une propriété ou une caractéristique.

 

Bien que je sois d’accord avec la Requérante pour dire que la marque de l'Opposant ne possède pas un caractère distinctif inhérent aussi prononcé que la sienne, je n'irais pas jusqu'à conclure que ladite marque de l'Opposant est dénuée de caractère distinctif inhérent. J'estime que les marques des deux parties possèdent dans une certaine mesure un caractère distinctif inhérent, mais la marque de l'Opposant à un moindre degré que l'autre, étant donné sa qualité plus suggestive.

 

La force d'une marque de commerce peut se trouver augmentée lorsqu'elle devient connue par la promotion ou l'emploi.

 

L'examen de l'affidavit de M. Dutil et des pièces y annexées (tel le catalogue de 2002), ainsi que de la transcription de son contre-interrogatoire, me convainc que la marque de l'Opposant est employée au Canada depuis au moins 1984. Je conviens avec la Requérante que l'Opposant n'a pas produit de chiffres de vente ou de commercialisation antérieurs à 2000, mais j'estime néanmoins raisonnable de conclure – à partir des chiffres annuels de vente au Canada de bicyclettes et de vêtements de cyclisme ROCKY MOUNTAIN pour les années 2000 à 2004 que M. Dutil a produits, ainsi que des renseignements généraux tirés des documents publicitaires et catalogues de l'Opposant et du témoignage de M. Dutil – que la marque de commerce ROCKY MOUNTAIN de l'Opposant jouit d'une réputation enviable chez les amateurs de cyclisme de montagne au Canada. Cependant, je pense comme la Requérante que cette preuve ne suffit pas à étayer la prétention de l'Opposant selon laquelle sa marque de commerce ROCKY MOUNTAIN serait devenue bien connue dans l'ensemble de la population canadienne.

 

Pour ce qui concerne l'emploi et la promotion de la Marque par la Requérante, l'affidavit de Mme Berry établit à mon sens que ladite Marque est employée en liaison avec des véhicules automobiles depuis mars 2003 et qu'elle fait l'objet de publicité d'un bout à l'autre du Canada, entre autres dans la presse écrite, depuis mai 2003. Cependant, comme il ressort de la preuve de la Requérante, ainsi que de son plaidoyer écrit et de ses conclusions présentées à l’audience, la marque ROCKY MOUNTAIN est toujours employée dans le voisinage immédiat des marques de commerce JEEP LIBERTY, JEEP CHEROKEE et/ou JEEP TJ de la Requérante. Étant donné que l'accent ou la mise en valeur porte le plus souvent sur ces dernières marques plutôt que sur la Marque ROCKY MOUNTAIN en soi, je n'irais pas jusqu'à souscrire à l'affirmation de la Requérante comme quoi la Marque aurait acquis un caractère notablement distinctif et serait devenue très connue parmi la population canadienne pertinente. Il se pourrait en effet que les efforts de publicité et de promotion de la Requérante aient fait connaître les autres marques susdites considérablement plus que la Marque.

 

En considération de ce qui précède et en guise de conclusion concernant ce facteur, je suis d’avis que les deux marques ont été employées dans une certaine mesure au Canada. Cependant, étant donné la qualité suggestive plus prononcée de la marque ROCKY MOUNTAIN de l'Opposant, l'examen d'ensemble du premier facteur fait pencher la balance en faveur de la Requérante.

 

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

 

Ce facteur joue en faveur de l'Opposant.

 

c) le genre de marchandises, services ou entreprises;  et d) la nature du commerce

 

Pour l'examen du genre de marchandises et de la nature du commerce, je dois comparer l'état déclaratif des marchandises de la Requérante à l'état déclaratif des marchandises qui figure dans l'enregistrement auquel renvoie l'Opposant [voir : Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c. Super Dragon Import Export Inc. (1986), 12 C.P.R. (3d) 110 (C.A.F.); et Mr. Submarine Ltd.  c. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3d) 3 (C.A.F.)].

 

Comme on l'a vu plus haut, l'enregistrement de l'Opposant porte sur des bicyclettes, tandis que la demande de la Requérante s'applique aux marchandises suivantes : [TRADUCTION] : « Véhicules automobiles et leurs pièces structurales et moteurs, y compris roues à l'exclusion des pneus, nommément voitures de tourisme, camionnettes, fourgonnettes, mini-fourgonnettes, véhicules sport utilitaires, et véhicules de plaisance, nommément autocaravanes. » La Requérante soutient que les marchandises et les voies de commercialisation des parties diffèrent et que ces facteurs lui confèrent un avantage décisif dans la présente espèce. L'Opposant fait valoir quant à lui que les marchandises et les voies de commercialisation des parties sont [TRADUCTION] « complémentaires ».

 

Ainsi que je le disais ci‑dessus, le prix payé par l'utilisateur final des Marchandises de la Requérante au Canada s'inscrit dans une fourchette approximative de 28 000 $ à 42 000 $, tandis que les bicyclettes ROCKY MOUNTAIN de l'Opposant se vendent à peu près entre 800 $ et 7 000 $. La Requérante fait valoir que l'Opposant lui-même reconnaît que l'acquisition d'un véhicule automobile représente « un gros achat », auquel le consommateur consacre une attention particulière (transcription du contre-interrogatoire de M. Dutil, Q. 304, p. 114). Je souscris à cette constatation. J'adhère également à l'observation de la Requérante comme quoi l'Opposant reconnaît lui-même que les acheteurs de bicyclettes portant la marque ROCKY MOUNTAIN de ce dernier effectuent les achats de cette nature avec soin (transcription du contre-interrogatoire de M. Dutil, Q. 298‑299 et 300, p. 111‑112). Je n'accorde pas un poids appréciable à la nuance qu'apporte M. Dutil selon laquelle la différence des fourchettes de prix des véhicules automobiles et des bicyclettes a beaucoup diminué au cours de la dernière décennie (transcription du contre-interrogatoire de M. Dutil, Q. 249, p. 88‑89).

 

La Requérante fait valoir que les Marchandises portant la Marque sont vendues au Canada par l'intermédiaire d'un réseau de concessionnaires, et que les utilisateurs finaux (plus précisément des particuliers appartenant à toutes les conditions sociales) achètent en général les marchandises de cette nature auprès de ces concessionnaires. Elle prétend également que l'Opposant n'a présenté aucun élément de preuve touchant les voies de commercialisation qu’empruntent les bicyclettes portant sa marque ROCKY MOUNTAIN; or, il reconnaît que ces voies sont différentes de celles qu’empruntent les Marchandises de la Requérante (transcription du contre-interrogatoire de M.  Dutil, Q. 247, p. 86). Je souscris à cette observation. J'ajouterai cependant que M. Dutil ne reconnaît cette différence que sous certaines réserves, auxquelles je reviendrai plus loin.

 

La Requérante soutient qu'un courant jurisprudentiel établi s'échelonnant entre 1978 et 1992 étaye sa thèse que les marchandises et les voies de commercialisation des parties examinées en l’espèce sont sensiblement différentes. Elle fait valoir que je n'ai aucune raison de m'écarter des conclusions tirées dans ces décisions. L'Opposant soutient quant à lui que les distinctions établies entre les moyens de transport en cause dans ces décisions ne tiennent plus aujourd'hui. Il fait valoir que, par suite de l'importance croissante de la conscience écologique aussi bien que de la pratique du cyclisme dans la population canadienne, bicyclettes et automobiles deviennent de plus en plus complémentaires et ne peuvent plus être [TRADUCTION] « compartimentées ». Cependant, comme le souligne la Requérante, les prétentions de l'Opposant ne sont étayées ni par des éléments de preuve ni par la jurisprudence. Même si j'admettais le fait que de plus en plus de Canadiens pratiquent le cyclisme et se préoccupent des questions environnementales, les prétentions de l'Opposant selon lesquelles bicyclettes et automobiles sont complémentaires resteraient exagérées. J'ajouterai que ce n'est pas parce que la Requérante a inclus une petite image représentant une bicyclette dans certaines des annonces qu'elle a publiées en 2003 et 2004 que bicyclettes et automobiles deviennent complémentaires. Comme le soulignait la Requérante, le titre de ces annonces était « Summer Sales Drive » [campagne de vente estivale], et l'on n'y trouvait rien de plus qu'une douzaine de petites images évoquant l'été : représentations d'enfants en train de jouer, d'amoureux, et de diverses activités de plein air telles que le kayak, la natation et le cyclisme.

 

L'Opposant fait en outre valoir qu'il arrive fréquemment que le fabricant d'automobiles qui prévoit d'utiliser une marque de commerce dont la similitude avec celle d'un fabricant de bicyclettes est susceptible de créer de la confusion demande une licence à ce dernier. L'Opposant ajoute qu'il est souvent arrivé qu'un fabricant d'automobiles produise ou vende aussi des bicyclettes, et ce, sous la même marque que ses automobiles. Cependant, comme le souligne la Requérante, ces prétentions de l'Opposant ne sont pas étayées d'éléments de preuve. Elles proviennent des passages suivants du témoignage de M. Dutil (p. 69‑73 et 88‑89) :

 

Q. 216 [TRADUCTION] Donc, vous n'êtes pas en train de nous dire que vous connaissez le milieu parce qu'il y aurait une concurrence quelconque entre votre entreprise et les fabricants d'automobiles?

R. Une automobile, malgré que dans le monde, je vais nuancer ma réponse : il faut savoir dans l'historique de Procycle, à une époque, nous avons été licenciés de la marque Peugeot, et la marque Peugeot était la propriété de la Peugeot automobile. Donc, toutes les marques primaires de l'automobile sont, comment je dirais ça, c'est les mêmes propriétaires qui sont les propriétaires des marques primaires de vélos. Donc, d'une certaine façon, je suis au courant de ce qui se passe dans l'automobile lorsqu'il y a une relation entre une marque primaire, vélo et l'automobile, exemple : c'est qu'il y a quelques années la compagnie Volkswagen […] a mis en marché une automobile, je crois que c'était Jetta, série Treck, o.k., et Treck est une marque de vélo, et une marque primaire de vélo. Et dans cette situation‑là, nous avons clairement, c'était clairement défini que Volkswagen avait reçu une licence de Treck lui permettant, pour cette série limitée là, et ils avaient fait un mixed marketing où lorsque vous achetiez cette série limitée là, il y avait un vélo Treck. Donc, chaque fois qu'il y a... donc, je suis toujours à l'affût de ce qui se passe dans le monde automobile, chaque fois qu'ils ont une marque primaire de vélo qui est utilisée dans le monde automobile. Exemple : Eaton au Canada a vendu des vélos Jeep, et nous avons rapidement découvert que c'était Jeep ou la compagnie mère de Jeep qui avait licencié le vendeur de vélos Jeep.

Donc, mon expérience entre les vélos et l'automobile a toujours été que les marques primaires d'automobiles ou de vélos étaient toujours à propriétaire unique.

[…] Je n'ai jamais, jamais vu au Canada de cas où les marques primaires auto ou vélo n'étaient pas le même propriétaire.

[…] Exemple, il y a Mercedes, vous pouviez trouver il y a encore deux ans dans un garage Mercedes, vous pouviez acheter des vélos Mercedes, et Peugeot, en France, qui a décidé de ne pas renouveler la licence Peugeot pour les bicyclettes, et lorsqu'il a fait ça, il s'est engagé à ne pas vendre des vélos Peugeot pour une période de temps, excepté s'il vendait des vélos Peugeot dans les garages d'automobiles.

 

M. Dutil peut dire qu'il est arrivé une fois que Peugeot Automobile concède une licence à l'Opposant, mais son témoignage reste vague et non étayé de preuves. Les affirmations de M. Dutil concernant les autres fabricants d'automobiles ne sont pas plus précises ni mieux étayées. Je ne suis pas disposée à donner aux simples déclarations, qu'aucune preuve ne vient soutenir, reproduites ci‑dessus une valeur quelconque.

 

Pour en revenir à la jurisprudence invoquée par la Requérante, je tiens à citer le passage qui suit tiré de l'exposé des motifs de la décision Porsche, dont, malgré sa longueur, la reproduction est nécessaire pour donner une idée complète du raisonnement tenu dans les décisions auxquelles renvoie la Requérante pour étayer sa thèse portant que les marchandises et les voies de commercialisation des parties examinées en l’espèce sont sensiblement différentes :

 

20     Toutefois, bien que les automobiles et les bicyclettes soient tous deux des moyens de transport routier, à mon avis, il n'y a pas de ressemblance entre ces marchandises. Dans l'affaire American Motors Corp. et American Mortors (Canada) Ltd. c. Canada Cycle & Motor Co. (1978), 42 C.P.R. (2d) 287, une opposition portant sur la marque de commerce REBEL en liaison avec des bicyclettes et la marque de commerce REBEL en liaison avec des automobiles, l'agent d'audience a déclaré ce qui suit en ce qui concerne la nature des marchandises et leurs réseaux de commercialisation respectifs (page 288) :

[TRADUCTION]

 

Me fondant sur la preuve et sur les faits qui peuvent être admis d'office, je souscris au passage suivant du plaidoyer écrit de la requérante :

 

L'acheteur d'une bicyclette ne s'attend pas à ce que celle‑ci soit fabriquée par un fabricant d'automobiles, sachant bien qu'aucun des grands producteurs nord-américains d'automobiles ne fabrique de bicyclettes. Compte tenu de la différence fondamentale entre les automobiles et les bicyclettes, de la connaissance bien établie qu'a le public des automobiles vendues par American Motors (Canada) Limited, des écarts considérables qui séparent les prix de ces deux catégories de marchandises et du soin que les consommateurs mettent à l'achat d'automobiles, nous soutenons qu'il n'y a aucune probabilité que l'emploi de la même marque de commerce en liaison avec des automobiles et avec des bicyclettes ferait conclure que ces automobiles et bicyclettes sont fabriquées par la même personne.


21     De plus, dans l'affaire Bombardier Ltd. c. CCM Inc. 73 C.P.R. (2d) 185 (C.O.M.C.), la Commission des oppositions s'est penchée sur la question du risque de confusion entre la marque de commerce CAN AM en liaison avec des bicyclettes et la marque de commerce CAN‑AM en liaison avec des motocyclettes. L'agent d'audience a déclaré ce qui suit (pages 195 à 197) :

[TRADUCTION]

 

Pour ce qui concerne la nature des marchandises respectives des parties, l'opposante a accordé une grande place dans son argumentation au fait qu'il ne serait pas rare selon elle que des fabricants de bicyclettes produisent des bicyclettes ayant l'apparence de motocyclettes [...] L'opposante, dans son plaidoyer écrit, s'est donné beaucoup de mal pour montrer les similitudes entre motocyclettes et bicyclettes. Étant donné le peu d'éléments de preuve chronologiquement pertinents concernant la nature des marchandises respectives des parties, j'ai dû examiner des procédures d'opposition antérieures afin d'y voir plus clair. Je retiens en particulier la décision Ford Motor Co. c. Engines Specialties Inc. (1974), 15 C.P.R. (2d) 83, rendue par l'ancien registraire des marques de commerce, M. Thurm, dans une affaire où la Ford Motor Company s’était opposée à la demande d'enregistrement de la marque de commerce BRONCCO & Dessin en liaison avec des motocyclettes, des minibicyclettes, des karts, des motoneiges et diverses pièces et accessoires de ces véhicules, au motif du risque de confusion avec sa propre marque BRONCO, enregistrée en liaison avec des camions automobiles. Le registraire a formulé les observations suivantes à l'appui de son rejet de l'opposition (à la page 86 de la décision publiée) :

 

[TRADUCTION]

Les marchandises de la requérante sont des motocyclettes, des minibicyclettes, des karts, des motoneiges et des pièces et accessoires de rechange de ces véhicules, ainsi qu'il est spécifié dans la demande, toutes marchandises que vendent au Canada depuis 1967 des distributeurs et des concessionnaires désignés par ladite requérante. Bien que les marchandises des deux parties soient utilisées pour le transport des personnes aussi bien sur route que hors route, les camions automobiles, d'une part, et les motocyclettes, les minibicyclettes, les karts et les motoneiges, d'autre part, forment deux catégories nettement différentes et sont utilisés à des fins différentes : il n'a pas été démontré qu'un fabricant ou un concessionnaire de camions automobiles soit aussi un fabricant ou un concessionnaire de motocyclettes, de minibicyclettes, de karts ou de motoneiges.

 

L'opposante soutient que les motocyclettes ne sont rien de plus que des bicyclettes munies d'un moteur. Cependant, étant donné la conclusion formulée par le registraire dans l'affaire BRONCCO, je ne puis accepter la thèse de l'opposante que les motocyclettes sont simplement des bicyclettes à moteur davantage que n’a accepté le registraire dans l'affaire BRONCCO l'idée que les camions sont des motocyclettes à quatre roues ou de gros karts. En fait, une bicyclette à moteur d'une certaine cylindrée ne serait pas désignée par le terme « motocyclette », mais bien par le terme « vélomoteur ». À l'étape suivante de sophistication des véhicules automobiles à deux roues, on trouve le scooter plutôt que la motocyclette. Nous proposons ci‑dessous une échelle des véhicules graduée selon le degré de motorisation pour clarifier la situation dans la présente espèce :

 

1. Bicyclettes

2. Vélomoteurs

3. Scooters

4. Motocyclettes

5. Divers véhicules automobiles à trois roues tels que les véhicules tout-terrain, les trois-roues motorisés et les tricycles

6. Voitures de tourisme et camions.

 

On peut voir d'après ce qui précède que, malgré certaines similitudes, la nature des bicyclettes n'est pas plus étroitement liée à celle des motocyclettes que la nature des motocyclettes ne l'est à celle des camions.

 

En outre, j'ai tenu compte du fait que les marchandises respectives des parties ne sont pas de celles qu'on achète à la hâte ou avant mûre réflexion, contrairement à des marchandises moins chères. Selon mes calculs, fondés sur les chiffres de l'affidavit de M. Leboeuf, la valeur unitaire moyenne au détail des motocyclettes Can‑Am de l'opposante est d'environ 1 700 $. Rien dans le preuve n’établit la valeur des marchandises de la requérante, mais il semble qu'on aurait beaucoup de mal à trouver ne serait‑ce qu'une bicyclette pour enfant du type le plus élémentaire qui coûterait moins de 75 $. Par conséquent, on n'achète pas une bicyclette sans réflexion, et encore moins une des motocyclettes Can‑Am de l'opposante. Les conclusions qui précèdent viennent encore réduire la protection qui peut être accordée aux enregistrements de la marque CAN‑AM de l'opposante obtenus en liaison avec des motocyclettes.

 

Pour ce qui concerne la nature des commerces respectifs des parties [...] j'ai conclu (comme je l'expliquais plus haut) que les points de vente « établis » par l'opposante constituent plus vraisemblablement un réseau de concessionnaires. Il se peut que l'on vende parfois des bicyclettes par l'intermédiaire d'un réseau de concessionnaires, mais il n'a pas été produit d'éléments qui tendraient à démontrer ce fait. En outre, pas plus que dans l'affaire BRONCCO, n'a-t-il été prouvé en la présente espèce qu'un fabricant ou un concessionnaire de motocyclettes soit aussi un fabricant ou un concessionnaire de bicyclettes. Je n'oublie pas, en formulant cette conclusion, que c'est à la requérante qu'il incombe de prouver l'absence de probabilité raisonnable de confusion et que ce n’est pas à l’opposante que revient le fardeau d'établir la nature des commerces respectifs des parties. Cependant, force m'est de conclure, sur le fondement de la preuve produite, que ces commerces sont de nature différente.


22     L'opposant a tâché d'établir un lien entre les bicyclettes et les automobiles en se fondant sur la pièce « A » annexée à l'affidavit de Mme Nonnenkamp, une publication d'Audi AG qui fait l'historique de l'entreprise « Audi » de 1873 à 1986. L'affidavit de Mme Nonnenkamp est ambigu en ce qui concerne le nombre de ces publications diffusées au Canada et il n'y a aucune preuve de leur diffusion au Canada avant la date de production de la demande de la requérante. Tout au plus, la publication, qui a plus de 130 pages, permettrait plutôt de conclure qu'aujourd'hui le consommateur moyen verrait un lien entre les motocyclettes et les automobiles plutôt qu'entre les bicyclettes et les automobiles.


23     Même si, dans la preuve qu'il a présentée, l'opposant démontre qu'il existe un lien entre les motocyclettes et les automobiles, j'estime que cela ne permet pas de conclure que le consommateur moyen verrait un lien quelconque entre les bicyclettes et les automobiles.

 

[Non souligné dans l'original.]

 

Dans l'ensemble, l'examen de ces troisième et quatrième facteurs fait donc pencher la balance en faveur de la Requérante.

 

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent

 

Comme les marques de commerce en cause sont identiques, ce facteur joue en faveur de l'Opposant. Cela dit, les idées que suggèrent les marques, si l’on considère les marques en liaison avec lesquelles elles sont employées, diffèrent quelque peu du fait de la qualité suggestive plus prononcée de la marque ROCKY MOUNTAIN de l'Opposant.

 

Les circonstances additionnelles de l'espèce

 

L'adoption de « Marques auto » par l'Opposant

La Requérante soutient que l'Opposant a reconnu lui-même qu'il n'y a pas de probabilité de confusion lorsque la même marque de commerce est employée en liaison avec des bicyclettes et des véhicules automobiles.

 

Plus précisément, la Requérante fait valoir que l'Opposant ou son (ses) prédécesseur(s) ont adopté et/ou conservé plus de 20 « Marques auto » et que, dans la plupart des cas, la marque en question a été adoptée après la mise sur le marché de l'automobile du même nom.

 

On se fera une meilleure idée de cette thèse de la Requérante en consultant le tableau reproduit ci‑dessous à partir de son plaidoyer écrit, tableau qui se fonde sur les affidavits de Mme Palmer et de M. Hakim et sur la transcription du contre-interrogatoire de M. Dutil. Ce tableau met en rapport certaines demandes d'enregistrement et certains enregistrements canadiens inscrits au nom de l'Opposant avec les demandes ou enregistrements canadiens des « Marques auto » correspondantes :


 

Marque de commerce de l'Opposant

No de l'enregistrement de l'Opposant

Marque auto

Fabricant d'automobiles

No de l'enregistrement de la Marque auto

Transcription du contre-interrogatoire de M. Dutil

BOBCAT

215378

BOBCAT

Ford

236129

 

CAN AM

306197

CAN AM

GM

239067

 

CAVALIER

296420

CAVALIER

GM

269094

Q. 45-48

CITATION

269375

CITATION

GM

439259*

Q. 49

COBRA

202028

COBRA

Ford

175568

Q. 52-54

ECHO

607672

ECHO

Toyota

544018

Q. 55 et 116

ELEMENT

513330

ELEMENT

Honda

595712

Q. 57-59

ESCAPADE

271410

ESCAPADE

Suzuki

751895*

 

EXCURSION

557740

EXCURSION

Ford

550401

Q. 61

FALCON

UCA4451

FALCON

Ford

117047

Q. 61-65

FOX

307995

FOX

Audi

196418

 

MARAUDER

202035

MARAUDER

Ford

284254

 

MATRIX

1072657*

MATRIX

Toyota

530731*

Q. 72

METRO

368718

METRO

GM

402009

 

MONZA

236456

MONZA

GM

1032112*

Q. 75

MUSTANG

563834

MUSTANG

Ford

403183

Q. 77-82

NAVIGATOR

488122

NAVIGATOR

Ford

489122

Q. 83

PHANTOM

237274

PHANTOM

BMW

UCA11503

Q. 88

PURSUIT

202034

PURSUIT

GM

519767

 

RAIDER

306736

RAIDER

Mitsubshi

1214649*

 

SEVILLE

245113

SEVILLE

GM

390418

Q. 92

SPYDER

169618

SPYDER

Super Seven

546800*

 

STYLUS

588831

STYLUS

Isuzu

373973

 

SUPRA

288026

SUPRA

Toyota

250435

 

TARGA

414296

TARGA

Porsche

296031

Q. 99-101

*Numéro de demande

Ainsi que l'explique la Requérante dans son plaidoyer écrit, les mentions de la colonne d'extrême droite du tableau ci‑dessus indiquent où, dans la transcription de son contre-interrogatoire, M. Dutil admet avoir connaissance de l'emploi de la « Marque auto » correspondante, encore que, dans certains cas, il conteste l'identité du fabricant d'automobiles en question. En d’autres termes, la Requérante fait valoir que l'Opposant, quand il a adopté les marques de commerce CAVALIER, CITATION, COBRA, ECHO, ELEMENT, EXCURSION, FALCON, MATRIX, MUSTANG, NAVIGATOR, PHANTOM, SEVILLE et TARGA, avait connaissance de l'emploi antérieur de ces marques par des fabricants d'automobiles en liaison avec des véhicules automobiles.

 

À l'audience, l'Opposant n'a pas contesté les renseignements factuels réunis dans le tableau ci‑dessus, sauf pour signaler que certaines des marques de commerce y énumérées pourraient avoir été abandonnées. Cependant, l'Opposant fait valoir une distinction entre ces faits et ceux de la présente espèce. Il soutient que la situation de l’espèce est différente, étant donné que la Marque de la Requérante examinée en l’espèce correspond à la marque primaire de l'Opposant, tandis que toutes les « Marques auto » et marques de bicyclettes énumérées dans le tableau ci‑dessus seraient des marques secondaires, plutôt que des marques primaires. Plus précisément, l'Opposant pose qu'une marque primaire est une marque qui jouit d'une grande notoriété (transcription du contre-interrogatoire de M. Dutil, Q. 209, p. 67), tandis qu'une marque secondaire est une marque de modèle (transcription du contre-interrogatoire de M. Dutil, Q. 220, p. 73). Selon l'Opposant, les fabricants de bicyclettes sont libres d'employer les marques de commerce secondaires de n'importe quel fabricant d'automobiles, et inversement. Voici un extrait de la transcription du contre-interrogatoire de M. Dutil qui explique de manière plus détaillée ces affirmations de l'Opposant :

 

R.  Je n'ai jamais, jamais vu au Canada de cas où les marques primaires auto et vélo n'étaient pas le même propriétaire.

Q. 219 [TRADUCTION] Comme Mustang, par exemple?

R. Mustang n'est pas une marque primaire, c'était un Ford Mustang. Ford était une marque primaire.

Q. 220 [TRADUCTION] Pourquoi établissez-vous une distinction entre marque primaire et marque secondaire?

R.  C'est la... Je pense que ça peut se définir, c'est la Cavalier, c'est un Chevrolet Cavalier; Volkswagen Jetta, c'est un Volkswagen; un Ford Mustang, c'est un Ford Mustang; un Navigator, c'est un Lincoln Navigator. Comment je pourrais vous dire ça? C'est la marque, c'est la marque des véhicules, puis il y a des marques de modèles.

Q. 221 [TRADUCTION] Donc, vous voulez dire que vous êtes libre d'employer les marques de commerce secondaires de n'importe quel fabricant d'automobiles? Vous ai‑je bien compris?

R.  C'est la... Je crois que oui, et c'est la même chose pour les fabricants d'automobiles qui utilisent des marques de modèles de vélos et vice-versa, et on a des exemples frappants, c'est que ça fait quinze (15) ans et plus qu'on est propriétaire de la marque Element, et Honda utilise Element et, pour nous, il n'y a pas de confusion à avoir, parce que c'est des marques de modèles dans les deux cas.

Q. 222 [TRADUCTION] Et avez-vous de nombreuses marques de commerce semblables à des marques de commerce de voitures? Êtes-vous d'accord avec moi là-dessus? Les mêmes (same as), devrais-je dire.

R.  Same marques des marques de modèles d'automobile.

Q. 223 [TRADUCTION] Vous êtes donc d'accord avec moi?

R.  Je suis d'accord qu'il y a beaucoup de marques de modèles qui sont de part et d'autre.

Q. 224 [TRADUCTION] Bien. Donc, la question était que vous, Procycle, détenez de nombreuses marques de commerce qui sont les mêmes que des marques de commerce de voitures.

R.  Mêmes marques que les marques de modèles d'automobile.

Q. 225 [TRADUCTION] Bien. Alors, vous êtes d'accord avec moi jusque‑là?

R.  J'accepte ce que j'ai dit, pas ce que vous avez dit.

Q. 226 [TRADUCTION] Quelle est la différence?

R.  Je mentionne la notion modèle.

 

Les affirmations de l'Opposant ne me convainquent pas. Comme la Requérante l'a souligné, la Loi sur les marques de commerce n'établit pas une telle distinction entre marques primaires et marques secondaires. De plus, rien n'empêche l’achalandage d'une marque secondaire ou d'une marque de modèle d'équivaloir à celle d'une marque primaire.

 

Pour conclure touchant cette circonstance de l'espèce, je constate comme la Requérante que l'Opposant reconnaît lui-même qu'une même marque de commerce peut être employée en liaison avec des bicyclettes et avec des véhicules automobiles. Cette question dépend toutefois des circonstances de chaque espèce. La présente opposition est un cas d’espèce qui est fonction de la preuve produite.

 

La décision Porsche

La Requérante rappelle que la preuve produite par l'opposant dans l'affaire Porsche contenait les affirmations suivantes (paragraphes 7 et 8 de l'affidavit de George Milo produit dans l'affaire Porsche) : [TRADUCTION] « Les bicyclettes et les automobiles sont des produits entièrement différents, qui ne s'inscrivent pas dans les mêmes fourchettes de prix et ne se vendent pas par les mêmes voies de commercialisation. En outre, les automobiles et les bicyclettes diffèrent considérablement par le soin apporté à leur achat. » (Ce passage est partiellement cité au paragraphe 25 de la décision.) Selon la Requérante, les moyens que l'Opposant fait valoir dans la présente espèce sont radicalement réfutés par la position qu'il a adoptée dans l'affaire Porsche, qui, comme la présente opposition, concernait l'emploi de la même marque de commerce en liaison avec des automobiles et des bicyclettes.

 

L'Opposant répond que les faits et le contexte de la présente espèce diffèrent de ceux de l'affaire Porsche. Il affirme que rien ne l’empêche d’invoquer qu’il y a probabilité de confusion entre les marques en cause dans la présente espèce.

 

Je convient avec l'Opposant que rien ne l’empêche d’adopter le point de vue qu’il défend en la présente espèce, étant donné que chaque cas est un cas d’espèce qui est fonction de la preuve produite. Toutefois, l'Opposant ne m'a pas convaincue que la preuve au dossier justifie qu'il avance dans la présente opposition une thèse diamétralement opposée à celle qu'il défendait dans l'affaire Porsche. Pour conclure touchant cette circonstance de l'espèce, je me contenterai de considérer la position adoptée par l'Opposant dans l'affaire Porsche comme un précédent qui concorde avec le courant jurisprudentiel examiné ci‑dessus.

 

L'état du registre

La Requérante fait valoir dans son plaidoyer écrit qu'il y a 22 enregistrements canadiens existants de marques de commerce liées à des bicyclettes où l'on trouve la chaîne de caractères ROCK ou son équivalent phonétique, et qu'au moins huit de ces enregistrements sont actuellement en usage au Canada. La Requérante fonde ces prétentions sur les recherches dont il est rendu compte dans les affidavits de Mmes Palmer et Berry. Elle fait valoir que M. Dutil est personnellement informé de l'emploi au Canada des marques de commerce ROCK SHOX, HARDROCK et ROCKHOPPER en liaison avec des bicyclettes. (Voir la transcription du contre-interrogatoire de M. Dutil, Q. 338‑342, Q. 344-347 et Q. 348‑350. Il est à noter que manque au dossier la page 124 de la transcription du contre-interrogatoire de M. Dutil, qui correspond aux questions 333 à 338. Une juste lecture de la page 125 permet cependant de conclure que M. Dutil a reconnu l'emploi au Canada de la marque de commerce ROCK SHOX.)

 

La Requérante fait en outre valoir qu'il y a sept enregistrements canadiens existants de marques de commerce liées à des bicyclettes qui comprennent la chaîne de caractères MOUNT et que M. Dutil a personnellement connaissance de l'emploi au Canada des marques de commerce MOUNTAINER, MOUNTAIN EQUIPMENT CO‑OP et MOUNTAIN TOUR en liaison avec des bicyclettes (transcription du contre-interrogatoire de M. Dutil, Q. 354, Q. 358 et Q. 383).

 

L'Opposant avance de son côté que la preuve susdite relative à l'état du registre n'est pas substantielle et que, exception faite de la marque ROCKY MOUNTAIN enregistrée au nom de la Kelly‑Springfield Tire Company en liaison avec des pneus, on ne trouve pas au registre de marque de commerce combinant les mots « ROCKY » et « MOUNTAIN ».

 

La preuve relative à l'état du registre n'est pertinente que dans la mesure où l'on peut en tirer des conclusions sur l'état du marché, et il n'est permis d'en tirer de telles conclusions que dans les cas où un grand nombre d'enregistrements pertinents sont repérés [voir : Ports International Ltd. c. Dunlop Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 432 (C.O.M.C.); Welch Foods Inc. c. Del Monte Corp. (1992), 44 C.P.R. (3d) 205 (C.F. 1re inst.); et Maximum Nutrition Ltd.  c. Kellogg Salada Canada Inc. (1992), 43 C.P.R. (3d) 349 (C.A.F.)].

 

Je rejette la prétention de la Requérante selon laquelle l'affidavit de Mme Palmer établirait qu'elle a trouvé 22 enregistrements canadiens existants de marques de commerce liées à des bicyclettes qui comprennent la chaîne de caractères ROCK ou des équivalents phonétiques de celle‑ci, mais je conclus néanmoins que cet affidavit établit que son auteur a trouvé dix enregistrements pertinents liés à des bicyclettes, soit ROCK MACHINE, ROCK SHOX, ROCKWAY, ROCKLINE, HARDROCK, SPORTROCK, ROCKER DESIGN, ROCKHOUND, ROCKIN’ et ROCKHOOPER, ce qui est un nombre suffisamment élevé pour tirer des conclusions sur le marché. En conséquence, j'estime pouvoir conclure, comme m'y invite la Requérante, que les consommateurs ont l'habitude de voir l'élément « rock » dans les marques de bicyclettes, fait qui tend à réduire le caractère distinctif de la marque de l'Opposante.

 

Pour ce qui concerne les enregistrements liés à des bicyclettes où l'on trouve l'élément MOUNT, j'arrive aussi à un nombre différent de celui qu'avance la Requérante. À mon sens, les enregistrements pertinents à cet égard sont MOUNTAIN TOUR, MOUNTAIN TECHNIUM, MOUNTAIN EQUIPMENT CO-OP, MOUNTAIN GOAT et MOUNTAINEER. Or, cinq enregistrements ne suffisent pas pour tirer des conclusions sur l'état du marché.

 

L'absence de confusion effective en dépit de la coexistence

Je conviens avec la Requérante que la coexistence des marques des parties en l’absence de preuve établissant une confusion effective entre elles (paragraphe 26 de l'affidavit de Mme Berry) constitue une autre circonstance de l'espèce qui joue en sa faveur, encore que je n'estime pas cette circonstance importante ou déterminante.

 

L'emploi de la Marque pour désigner une série spéciale de la JEEP

La Requérante fait valoir que [TRADUCTION] « la probabilité déjà faible de confusion entre les [m]arques de l'Opposant et la Marque [...] se trouve encore réduite par le fait que cette Marque est toujours employée dans le voisinage immédiat de la célèbre marque de commerce JEEP de la Requérante ». Ce fait a influé sur le raisonnement qui m'a conduit à la conclusion formulée ci‑dessus touchant le degré de caractère distinctif acquis par la Marque de la Requérante en soi, mais il n'a pas d'autre pertinence pour mon analyse. La démarche adoptée par la Requérante à cet égard aurait sa place dans une action pour commercialisation trompeuse, mais ne convient pas à la présente procédure. Rien n'empêche la Requérante d'employer la Marque isolément.

 

Conclusion touchant la probabilité de confusion

 

En appliquant le test en matière de confusion, j’ai considéré qu’il s’agissait d’une question de première impression et de souvenir imparfait. Compte tenu de mes conclusions ci-dessus, particulièrement des différences constatées entre les marchandises et les voies de commercialisation des parties et du caractère distinctif relativement faible de la marque ROCKY MOUNTAIN de l'Opposant, je conclus que la Requérante a établi, selon la prépondérance des probabilités, que le consommateur moyen ayant un souvenir imparfait de la marque ROCKY MOUNTAIN de l'Opposant ne confondrait vraisemblablement pas la source des Marchandises en voyant la Marque. En conséquence, le motif d'opposition fondé sur l'alinéa 12(1)d) est rejeté.

 

Les motifs d'opposition fondés sur l'absence de droit à l'enregistrement et l'absence de caractère distinctif

 

Comme on l'a vu plus haut, ces deuxième et troisième motifs d'opposition concernent le risque de confusion à la date de production de la demande d'enregistrement et à la date de production de la déclaration d'opposition. La plupart de mes conclusions touchant le premier motif d'opposition s'appliquent aussi à ces deuxième et troisième motifs. Comme j'ai conclu que la Marque de la Requérante ne crée pas de confusion avec la marque ROCKY MOUNTAIN de l'Opposant, je dois aussi rejeter ces deux motifs.

 

Décision

 

Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués par le registraire des marques de commerce en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l'opposition conformément aux dispositions du paragraphe 38(8).

 

FAIT À MONTRÉAL (QUÉBEC), LE 17 NOVEMBRE 2008.

 

Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Linda Brisebois, LL.B.

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